Ponctuation et italique : aux sources de la règle

La ques­tion esthé­tique du mélange de signes de ponc­tua­tion romains et ita­liques n’est pas à réser­ver à « l’homme de goût » (Dau­pe­ley-Gou­ver­neur) ou à « quelques lec­teurs vétilleux » (Lacroux)… Il suf­fit de s’y inté­res­ser un peu. Com­pa­rons deux polices, Gara­mond et Cambria :

Polices Gara­mond (en haut) et Cam­bria (en bas). 

On constate aisé­ment que la rup­ture de style que consti­tue le point-vir­gule romain entre deux mots en ita­lique est plus nette dans une police très cur­sive comme le Garamond. 

On note aus­si que le point ita­lique en Cam­bria est bien des­si­né en oblique, contrai­re­ment au point romain (ce n’est donc pas tou­jours « kif-kif »).

De plus, le point ita­lique est pla­cé légè­re­ment plus près du t que le point romain (voir l’exemple en Gara­mond ci-contre).

Je pen­sais confu­sé­ment que l’exception dont fait sou­vent l’objet la vir­gule (ain­si que le point et les points de sus­pen­sion, mais ils se remarquent moins) tenait au fait qu’elle est col­lée au mot pré­cé­dent et « accom­pagne » son mou­ve­ment, en quelque sorte. Mais je n’ai pas trou­vé confir­ma­tion de cette hypo­thèse. D’a­bord, parce que les typo­graphes ont long­temps mis de l’es­pace avant la vir­gule (lire Espa­ce­ment de la ponc­tua­tion en fran­çais) ; ensuite, parce que l’usage dif­fé­rait selon les impri­meurs (voire selon leurs dif­fé­rents com­po­si­teurs ?) ou par­fois même à l’in­té­rieur d’un ouvrage.

Quelques exemples

Dans le manuel de A. Frey (18351), la ponc­tua­tion, qu’elle soit haute ou basse, reste en romain après des mots en italique :

Pre­mière ligne : le point-vir­gule après cur­sive est en romain. Troi­sième, qua­trième et sixième lignes : la vir­gule sui­vant un mot en ita­lique est en romain.

Chez Jules Claye (18742), la ponc­tua­tion est oblique quand le texte qui pré­cède est oblique.

Toutes les vir­gules sui­vant de l’i­ta­lique sont com­po­sées dans le même caractère.

À la même époque, on trouve à la fois des vir­gules romaines chez Littré : 

Dic­tion­naire de la langue fran­çaise, 1873-1874.

et des signes de ponc­tua­tion ita­liques (ici, un point-vir­gule) chez Flaubert : 

Madame Bova­ry, 2e par­tie, ch. X, [1857], 2e éd., 1878.

Une règle, enfin

C’est chez G. Dau­pe­ley-Gou­ver­neur (18803) que j’ai trou­vé une pre­mière men­tion de la règle encore men­tion­née dans notre vieux Code typo­gra­phique4 : « La ponc­tua­tion, quelle qu’elle soit, doit être romaine après le romain, ita­lique après l’italique. »

Lui-même admet déjà répondre en pre­mier lieu à un objec­tif esthé­tique. « La règle qui nous occupe est, dit-il, une de celles qui ont pour objet la satis­fac­tion du coup d’œil ; mais elle ne s’accorde pas tou­jours avec la rai­son […] », et il est « for­cé d’ad­mettre une excep­tion en faveur des textes trai­tant spé­cia­le­ment de lin­guis­tique […] dans les­quels l’italique vise presque tou­jours uni­que­ment les mots à l’exclusion de la ponctuation ». 

Mal­gré tout, il sou­hai­te­rait voir sa règle una­ni­me­ment appliquée : 

En ce qui concerne l’emploi des vir­gules ita­liques, il règne mal­heu­reu­se­ment, dans la plu­part des impri­me­ries, pour ne pas dire dans toutes, une trop grande indif­fé­rence de la part du com­po­si­teur. L’expérience nous prouve tous les jours com­bien il est dif­fi­cile d’atteindre ici la per­fec­tion. Le mélange des vir­gules ita­liques et des vir­gules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minu­tieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera tou­jours la déso­la­tion de l’homme de goût. L’observation de la règle sur ce point a pour nous une réelle impor­tance, parce que l’écueil est à chaque pas, parce qu’il ne se pré­sente que deux che­mins éga­le­ment faciles à suivre, l’un bon, l’autre mau­vais, et que le choix de l’un ou de l’autre est trop sou­vent sou­mis aux caprices du hasard, source d’un désordre perpétuel.

Un remède oublié

Grâce à lui, j’ai décou­vert qu’une solu­tion ori­gi­nale – et per­due depuis – a été ima­gi­née à son époque :

C’est la dif­fi­cul­té d’obvier à ce mélange qui a fait adop­ter depuis quelque temps, dans cer­taines fontes, un genre de vir­gules mixtes, dont l’œil n’est ni tout à fait romain, ni tout à fait ita­lique. Nous approu­vons fort ce sys­tème, qui, n’ayant rien de cho­quant en lui-même, a l’immense avan­tage de parer à l’inconvénient que nous signalons.

Dans une note, il affirme : « La sep­tième édi­tion du Dic­tion­naire de l’Académie (1877) [sic, 1878] a été com­po­sée entiè­re­ment avec des vir­gules mixtes. »  Cela a piqué ma curio­si­té, qui s’est trou­vée en par­tie déçue, car dès la défi­ni­tion du mot vir­gule j’ai trou­vé un mélange de styles :

Vir­gule romaine (ou « mixte » ?) après vir­gule ; vir­gule ita­lique après « saillie ». La belle ambi­tion de cohé­rence semble avoir été trom­pée par le tra­vail des compositeurs…

Pour ma part, afin d’é­vi­ter les « caprices du hasard » et le « désordre per­pé­tuel », je recom­mande, contrai­re­ment à Dau­pe­ley-Gou­ver­neur, de lais­ser la ponc­tua­tion dans le style du texte prin­ci­pal. La « satis­fac­tion de l’œil », en soi déjà dis­cu­table (car si une vir­gule ita­lique est en cohé­rence avec le texte ita­lique qui pré­cède, elle est inco­hé­rente avec le romain qui suit), me paraît ici moins impor­tante que la rigueur du sens com­mu­ni­qué par la typographie.

☞ Lire aus­si l’ar­ticle prin­ci­pal sur ce sujet : La vir­gule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?


La virgule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?

« Le mélange des vir­gules ita­liques et des vir­gules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minu­tieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera tou­jours la déso­la­tion de l’homme de goût. » — G. Dau­pe­ley-Gou­ver­neur (18801)

Com­ment le cor­rec­teur doit-il agir quand une vir­gule suit un texte en ita­lique ou en gras (ou les deux à la fois) ? Celle-ci doit-elle se confor­mer au style du texte en question ?

Une règle simple se trouve dans Le Ramat euro­péen de la typo­gra­phie, adap­té par Romain Mul­ler (p. 88, « Faces de la ponctuation ») :

La ponc­tua­tion se met dans la face2 de la phrase ou par­tie de phrase à laquelle elle appartient.

➠ La cen­tième par­tie de l’euro est le cen­time ; la cen­tième par­tie de la livre est le pen­ny.
Le point-vir­gule et le point sont en romain.
➠ Le titre du livre est le sui­vant : Le théâtre aujourd’hui ; son rôle dans la socié­té.
Le deux-points est en romain, le point-vir­gule est en ita­lique, le point est en romain. 

Pour la plu­part des gens, pro­fes­sion­nels ou non, « un point romain et un point ita­lique, ça doit être kif-kif », comme le dit quel­qu’un dans le forum Typo­gra­phie… Mais pour­sui­vons notre lec­ture de Ramat-Muller : 

Fau­tif : Il convient d’être très atten­tif, car c’est un tra­vail de pré­ci­sion. 
Cor­rect :  Il convient d’être très atten­tif, car… 
Fau­tif :  c’est un tra­vail de pré­ci­sion. Il faut être très atten­tif !
Cor­rect :  c’est un tra­vail de pré­ci­sion. Il faut être très attentif !

Cette règle est celle que j’applique dans les tra­vaux où j’ai le contrôle com­plet de la typo­gra­phie. Elle a l’a­van­tage de ne souf­frir ni excep­tion ni ambi­guï­té. « C’est la façon de faire la plus nor­male et celle qu’on devrait pré­fé­rer », écrit aus­si la Vitrine lin­guis­tique3.

C’est éga­le­ment le choix de Jean-Pierre Lacroux (s.v. Ponc­tua­tion) :

Après une por­tion de phrase com­po­sée en ita­lique (mots étran­gers, titres, etc.), la ponc­tua­tion sera com­po­sée en romain si elle n’appartient pas à l’élément ain­si mis en évi­dence : « Quel est le deuxième lied du cycle Die schöne Mül­le­rin ? — Il me semble que c’est Wohin ? »

De même pour Charles Gou­riou (§ 41, p. 13), qui ne men­tionne, lui, que la ponc­tua­tion haute (; : ! ?).

Avis divergents

Cepen­dant, notre vieux Code typo­gra­phique4 pres­cri­vait l’in­verse dans un nota (§ 105, p. 108) : 

Il est d’u­sage d’employer les signes de ponc­tua­tion du même œil que le mot qui les pré­cède, sur­tout quand il s’a­git d’i­ta­lique ou de carac­tères gras :
➠ Fal­lait-il écrire la loca­tion ou l’al­lo­ca­tion ?
➠ On dis­cu­ta long­temps sur Tar­tuffe ; d’autre part, on tom­ba d’ac­cord sur…

D’autres font une excep­tion pour la seule vir­gule ou pour toute la « ponc­tua­tion basse » (vir­gule, point, points de sus­pen­sion). « Peut-être pour des rai­sons de com­mo­di­té » (Vitrine lin­guis­tique), le plus sou­vent avec des argu­ments esthé­tiques5.  

Aurel Ramat lui-même, dans son manuel (l’é­di­tion qué­bé­coise, donc), écrit (p. 192) : « La ponc­tua­tion basse reste tou­jours dans la même face que le mot qui la pré­cède, qu’elle appar­tienne au mot ou au reste de la phrase. »

« Tou­te­fois, objecte le Bureau de la tra­duc­tion6 (Cana­da), si l’on applique à la lettre cette règle de typo­gra­phie, on devrait écrire :
➠ Vous avez le choix d’utiliser les styles de police sui­vants : gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.
Il semble plus logique dans un cas comme celui-là de mettre les signes de ponc­tua­tion en carac­tères ordinaires. »

Laquelle des options ci-des­sous est la meilleure ? 
gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.
gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.

C’est une ques­tion d’appréciation per­son­nelle. Je choi­sis la seconde.

Je ne pra­tique qu’une excep­tion, pour les intro­duc­teurs en gras, car je consi­dère que le deux-points qui les suit leur appar­tient. Choix vali­dé par le Bureau de la traduction : 

On met géné­ra­le­ment en gras le deux-points qui suit un mot ou une expres­sion en gras en début de phrase :
Remarque : Ce terme est consi­dé­ré comme vieilli.

Pour être exhaus­tif, il faut aus­si noter, tou­jours sous la plume du Bureau de la traduction :

Par sou­ci de sim­pli­fi­ca­tion et d’économie de temps, on admet […] de mettre les vir­gules en ita­lique après chaque nom d’une énu­mé­ra­tion : 
➠ Les noms qui riment avec le son -on, comme jam­bon, lar­don, pois­son, carillon, bou­ton, etc., ne peuvent pas être uti­li­sés dans l’exercice. 

J’avoue me lais­ser aller à ce genre de faci­li­té… ce qu’admet aus­si Lacroux, dans une dis­cus­sion7 : 

[…] dans une énu­mé­ra­tion de termes com­po­sés en ita­lique, pour­quoi se fati­guer à réin­tro­duire du romain à chaque vir­gule alors que l’ital coule de source et que sa bizar­re­rie « séman­tique » n’apparaîtra qu’à quelques lec­teurs vétilleux […]

Je donne ici une règle qui a l’a­van­tage d’être facile à appli­quer, mais je ne suis pas pour autant insen­sible à l’as­pect esthé­tique de la ques­tion. J’y reviens donc dans un billet plus his­to­rique, Ponc­tua­tion et ita­lique : aux sources de la règle.

☞ Pour faire le tour com­plet de la ques­tion, lire aus­si Les paren­thèses enca­drant de l’i­ta­lique doivent-elles être en italique ?


☞ Pour les réfé­rences des auteurs cités ne figu­rant pas dans les notes ci-des­sous, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Illus­tra­tion du haut emprun­tée au site Estan­darte.

Deux typographes parlent des codes typo

Que reste-t-il du monde des typo­graphes ? Laure Ber­nard a recueilli le témoi­gnage de deux d’entre eux, Fré­dé­ric Tachot et Jean-Paul Des­champs, der­niers héri­tiers de ce monde res­té qua­si­ment inchan­gé pen­dant cinq siècles et qui a dis­pa­ru en une géné­ra­tion. À tra­vers le récit de leur par­cours, de leur expé­rience dans une His­toire qui se ter­mine, ce sont les arcanes de ce métier qui se des­sinent : un uni­vers où se mêlent for­ma­tion et filia­tion, où le savoir-faire implique un cer­tain rap­port au savoir lui-même, où le geste est lié au mot, et où l’appartenance à une cor­po­ra­tion, avec ses diverses nuances, se tra­duit aus­si par un lan­gage, et par un esprit, vifs et tru­cu­lents. (Pré­sen­ta­tion de l’é­di­teur.) Extraits. 

Frédéric Tachot transmet son expérience de typographe.
Fré­dé­ric Tachot trans­met son expé­rience de typographe.

Chez les Tachot, on est typos depuis sept géné­ra­tions… Ain­si, la vie se passe en trois temps : un temps où l’on apprend, un deuxième temps où l’on se sert de ce qu’on a appris pour vivre et un troi­sième temps où l’on doit res­ti­tuer. J’en suis au troi­sième stade là, au stade de la res­ti­tu­tion. Mais qu’est-ce que je peux trans­mettre, et à qui ? Toute la ques­tion est là. La tra­di­tion typo­gra­phique, l’esprit du métier, ne sont plus trans­mis­sibles puisque le monde qui leur était rat­ta­ché est mort.

Correcteurs et corrigeurs

Une fois la pre­mière com­po­si­tion ter­mi­née, on tire une « épreuve » du texte. Le pro­ces­sus est un peu dif­fé­rent entre le Labeur et la Presse mais dans les deux cas, l’é­preuve per­met de faire les cor­rec­tions, Il y a les cor­rec­teurs qui cor­rigent le texte, qui l’an­notent en fonc­tion des modi­fi­ca­tions à faire ; par­fois il y a les cor­ri­geurs, des typo­graphes qui retouchent concrè­te­ment le texte, la forme typo­gra­phique selon les indi­ca­tions du cor­rec­teur. Bien sûr, en fonc­tion des boîtes ces tâches étaient faites par plus ou moins de per­sonnes dif­fé­rentes, le pro­to­cole n’é­tait pas tout à fait le même. (p. 82)

Codes typographiques

Des­champs : Éta­blir des règles com­munes, c’est aus­si le prin­cipe du Code typo­gra­phique. Mais il faut bien dire que ces codes de com­po­si­tion, ces codes typo­gra­phiques, il y en a un à chaque époque, chaque auteur a vou­lu en faire un, et il n’y en a pas deux qui disent la même chose, c’est assez extra­or­di­naire ! Il y a le Lexique des règles typo­gra­phiques de l’Im­pri­me­rie natio­nale ; le Code typo­gra­phique, édi­té par la Chambre typo­gra­phique ; le Guide du typo­graphe des Suisses romands ; les règles de l’Ins­ti­tut belge de nor­ma­li­sa­tion… autant de codes, sou­vent contra­dic­toires.
Et pour­tant, dans le pur esprit typo­gra­phique, il faut sou­li­gner qu’à une époque, quand on avait à faire un simple tableau admi­nis­tra­tif, qu’on le fasse à Lille, à Mar­seille, à Brest ou à Stras­bourg, il était fait rigou­reu­se­ment de la même manière. Chose qu’on ne fait plus maintenant.

Tachot : Si on vou­lait faire un ouvrage d’é­di­tion cou­rante, où que ce soit, il était fait de la même façon. À condi­tion que le for­mat papier soit le même. Il y avait la moi­tié du blanc avant le point-vir­gule, le point d’ex­cla­ma­tion, le point d’in­ter­ro­ga­tion, pas de cou­pure de syl­labe muette… Dans tous les pays fran­co­phones, que ce soit chez les Belges ou chez les Suisses, les mêmes règles étaient uti­li­sées. Les Anglais et les Amé­ri­cains en avaient d’autres, bien que les Anglais se rap­prochent aujourd’­hui de plus en plus des Amé­ri­cains. En France, d’ailleurs, le Code typo­gra­phique dépend des syn­di­cats de l’im­pri­me­rie ou de l’Imprimerie natio­nale ; tan­dis qu’en Angle­terre, il dépend d’Ox­ford. Ce sont les gram­mai­riens qui s’oc­cupent de la typo­gra­phie de leur langue, ce qui est tout à fait logique puisque ça touche aux règles de gram­maire et de com­pré­hen­sion d’un texte.

D : Quand l’é­tais appren­ti, mon patron pou­vait refu­ser un tra­vail à des clients dont les demandes ne cor­res­pon­daient pas aux règles typo­gra­phiques. Il nous disait : « Je ne le fais pas. Ce n’est pas typo­gra­phique ! ». Et le client se fai­sait dire la même chose par un autre. Main­te­nant, alors on s’en fout totalement.

T : Les impri­meurs sont deve­nus des pres­ta­taires de ser­vices, ils ne peuvent plus lut­ter contre les impri­mantes laser. Ils sont contraints de s’as­seoir sur toutes les valeurs qui ont construit le métier pen­dant cinq siècles. Et ça, ça nous désole un peu. (p. 98-99)

Laure Ber­nard, Les Typo­graphes. Fré­dé­ric Tachot, Jean-Paul Des­champs, éd. Pac­coud, 2013.

Ate­lier typo­gra­phique, Saran (Loi­ret) : visi­ter le site.

Face à la casse à l'Atelier typographique de Saran
Face à la casse, à l’A­te­lier typo­gra­phique de Saran. Source : Ville de Saran.

Quels noms de marque doivent garder leur majuscule ?

Les cor­rec­teurs s’interrogent sou­vent sur la néces­si­té de conser­ver la capi­tale ini­tiale aux noms de marque dépo­sée. Tel mot est-il « une marque de fabrique, choi­sie par l’inventeur ou le fabri­cant et léga­le­ment dépo­sée » ou appar­tient-il aux noms de marque « si répan­dus qu’ils sont deve­nus de véri­tables noms communs » ?

Le pre­mier « reste inva­riable, sera com­po­sé en romain avec une capi­tale ini­tiale (des fer­me­tures Éclair, cinq Fri­gi­daire) », tan­dis que les seconds, « on les com­pose natu­rel­le­ment en romain, en bas de casse et éven­tuel­le­ment avec la marque du plu­riel (trois die­sels, quatre jeeps, du nylon, six pou­belles) » (Impri­me­rie natio­nale1).

Or cer­tains noms dépo­sés sont « ten­dan­ciel­le­ment noms propres au regard de leur usage tech­nique, ten­dan­ciel­le­ment noms com­muns dans l’u­sage cou­rant2 », sur­tout quand ils viennent « com­bler un vide lexi­cal3 ».

Au rang des noms désor­mais com­muns, Gre­visse4 cite aspi­rine, klaxon et… fri­gi­daire, aujourd’­hui lexi­ca­li­sé (et même abré­gé en fri­go) et par­tout cité. Péda­lo a per­du toute valeur et Durit est deve­nu durite5. Le Guide du typo­graphe (romand) leur adjoint brow­ning, colt, inter­net, kalach­ni­kov, laval­lière, lino­type, mas­si­cot, mini­tel, natel, net, pou­belle, stet­son, web et zep­pe­lin6. Le guide d’Antidote nomme moby­lette – « tou­te­fois décon­seillé dans un registre sur­veillé, où l’on pré­fè­re­ra le syno­nyme qui convient ». Outre fri­gi­daire, Wiki­pé­dia énu­mère klee­nex, scotch, zodiac, kar­cher, sta­bi­lo, bic ou encore walk­man. Comme nous allons le voir, cette der­nière liste est audacieuse. 

Pousser un caddie dans un roman

S’il se pose dans tous les textes, le pro­blème du res­pect des noms de marque est par­ti­cu­liè­re­ment pré­oc­cu­pant en lit­té­ra­ture. Dans un roman, quand un per­son­nage dit cad­die ou coton-tige, c’est pour lui un nom com­mun ; il ne pense pas Cad­die® ni Coton-Tige®, pas plus que cha­riot de super­mar­ché ni bâton­net oua­té

Entre autres exemples de cet usage lit­té­raire, on peut citer Annie Ernaux7 : 

Le cad­die que j’ai pris à l’entrée du niveau 2 roule mal. Je m’aperçois qu’il est enfon­cé sur un côté, la chaîne qui sert à l’attacher à un autre cad­die a été arra­chée. C’est un cad­die qui a dû voya­ger hors du par­king, ser­vir à démé­na­ger ou jouer aux autos tam­pon­neuses, etc. C’est fou tout ce qu’on peut faire sans doute avec un cad­die. Je ne com­prends pas pour­quoi on ne les emprunte pas plus, pour un euro c’est une affaire.

L’auteur ou le cor­rec­teur peut-il pour autant refu­ser leur majus­cule à toutes les marques pas­sées dans le voca­bu­laire cou­rant ? Les entre­prises voient-elles dans la perte de leur majus­cule une consé­cra­tion, une « source de péren­ni­sa­tion lexi­cale8 » ? Non, cer­taines refusent l’antonomase et « se battent pour défendre leur marque, jus­qu’aux limites du rai­son­nable9 ».

Risque de déchéance de la marque

En la matière, l’exemple de Cad­die, pré­ci­té, est assez connu10. De même, ceux des marques Bic et Mec­ca­no11. Des confrères m’ont racon­té avoir été témoins de pres­sions de la part des marques Post-It, Scotch (y com­pris contre les déri­vés scot­cher et scot­chant) et For­mule 1 (auto­mo­bile). Pour­quoi tant d’insistance ? 

« En France, selon l’article L. 714-6 du Code de la pro­prié­té intel­lec­tuelle [CPI], le titu­laire d’une marque encourt la déchéance de ses droits sur cette marque deve­nue de son fait l’ex­pres­sion usuelle dans le com­merce des pro­duits et ser­vices cou­verts par cette marque. C’est à ce titre que les pro­prié­taires de cer­taines de ces marques refusent toute uti­li­sa­tion géné­rique de ces mots. » […]
Il n’y a pas à pro­pre­ment par­ler de faute à l’u­sage de ces noms, et le choix est lais­sé à l’au­teur selon le niveau lin­guis­tique de son écrit, sauf quand le pro­prié­taire de la marque s’est clai­re­ment oppo­sé à cet usage12.

Prudence face à des marques combatives

La pru­dence s’im­pose donc, « par­ti­cu­liè­re­ment dans les textes de nature com­mer­ciale13 » et les « écrits nor­més et tech­niques14 ». Voi­là qui est contrai­gnant, car il serait inté­res­sant de pou­voir « s’ajuster au contexte et pré­ci­ser l’intention ».

Que veut-on dire exac­te­ment et à qui se des­tine le pro­pos ?
Par exemple :
–  les moteurs Die­sel (avec majus­cule) per­met de mettre l’accent sur le fabri­cant ;
– mais les moteurs die­sel (sans majus­cule) semble tout à fait rece­vable dès lors que l’attention se porte sur le car­bu­rant uti­li­sé […] ;
la fibre nylon, voire la fibre en nylon, semble éga­le­ment tout à fait rece­vable dès lors que l’attention se porte sur la nature de la fibre plu­tôt que sur la marque Nylon pro­pre­ment dite ou le dépôt du bre­vet15.

Pour la plu­part des tra­vaux, notam­ment jour­na­lis­tiques et lit­té­raires, je déce­vrai donc ici mon lec­teur en ne four­nis­sant pas de réponse claire. Mais un chan­ge­ment récent dans la légis­la­tion doit être por­té à sa connaissance : 

[…] le CPI dis­pose désor­mais, en ver­tu de l’ordonnance du 13 novembre 2019 ren­trée déjà en vigueur, que « lorsque la repro­duc­tion d’une marque dans un dic­tion­naire, une ency­clo­pé­die ou un ouvrage de réfé­rence simi­laire, sous forme impri­mée ou élec­tro­nique, donne l’im­pres­sion qu’elle consti­tue le terme géné­rique dési­gnant les pro­duits ou les ser­vices pour les­quels elle est enre­gis­trée et que le titu­laire de la marque en fait la demande, l’é­di­teur indique sans délai et au plus tard lors de l’é­di­tion sui­vante si l’ou­vrage est impri­mé qu’il s’a­git d’une marque enre­gis­trée ».
[…] Autant dire qu’il vaut mieux pré­ve­nir que gué­rir et s’inquiéter de cela par anti­ci­pa­tion lors de la pré­pa­ra­tion du texte16


N. B. – Pour l’u­ti­li­sa­tion des signes ® et ™, voir l’ar­ticle de Wiki­pé­dia sur le droit des marques : « […] dans les pays de droit civil (tels que la France ou la Bel­gique), ils n’ont aucune valeur légale, tout comme le sym­bole de copy­right © pour les œuvres, bien qu’il soit cou­ram­ment employé pour indi­quer que celle-ci est sou­mise au droit d’au­teur. » Seul le pro­prié­taire a « inté­rêt à indi­quer au public le sta­tut de sa marque au moyen d’un tel sym­bole, qui sert aus­si de mise en garde aux éven­tuels concur­rents qui vou­draient adop­ter une marque iden­tique » (guide d’An­ti­dote, « ®, © et sym­boles appa­ren­tés »).


Ne pas abuser des abréviations

[…] pour­quoi est-ce qu’il faut aimer les gens qui doutent et pas les cons qui ne changent pas d’avis ? Parce que les 1ers ont une forme de fra­gi­li­té, parce qu’ils affichent leurs errances ? Alors que les 2nd s’entêtent, s’obstinent, aveuglément ?

Ce vilain exemple tiré d’un article de France Culture est l’oc­ca­sion de rap­pe­ler que l’exis­tence d’une abré­via­tion conven­tion­nelle n’au­to­rise pas à l’u­ti­li­ser en toute circonstance.

« On évi­te­ra les abré­via­tions dans le cours du texte des tra­vaux lit­té­raires et des tra­vaux cou­rants non spé­cia­li­sés » (Impri­me­rie natio­nale, p. 5). « Il ne faut pas user des abré­via­tions quand leur uti­li­té n’est pas démon­trée » (Guide du typo­graphe, 2000, p. 61). « L’abstention [de mise en œuvre des abré­via­tions] est non seule­ment tolé­rable mais sou­hai­table » (Lacroux, art. abré­via­tion, 2. Emploi).

De plus, « l’abréviation *2nd (pour second), cal­quée sur l’anglais, est fau­tive » (Anti­dote). « […] second et seconde s’abrègent en 2d et 2de » (Aca­dé­mie).

Ici, l’A­ca­dé­mie se montre à la page, car, si abré­ger second(e) est aujourd’­hui fré­quent, ni l’Im­pri­me­rie natio­nale, ni nos confrères romands ne donnent d’a­bré­via­tion conventionnelle.

O tem­po­ra, o mores ! s’ex­cla­me­ront les puristes.

Le gras, grand oublié des codes typographiques

Il est tou­jours agréable de trou­ver for­mu­lée dans un livre une réflexion qu’on s’était déjà faite, plus ou moins clai­re­ment. Ain­si, dans l’His­toire de l’écriture typo­gra­phique1 de Jacques André, je trouve : 

Assez curieu­se­ment, les marches typo­gra­phiques sont fort peu disertes sur le gras. Par « marches typo­gra­phiques », nous enten­dons les « codes typo­gra­phiques », dont le Code typo­gra­phique, le Lexique des règles en usage à l’Imprimerie natio­nale, le Ramat de la typo­gra­phie, le Guide du typo­graphe romand, etc. […] Alors qu’elles consacrent toutes de nom­breuses pages aux usages de l’italique ou des petites capi­tales, aucune ne parle de ceux du gras. À croire qu’il est mal aimé, mau­dit ou ban­ni ! Pour­tant, toutes ces marches sont elles-mêmes com­po­sées avec du gras, pour la « titraille » (grands titres mais aus­si les titres de sec­tion, sous-sec­tion, etc., mar­quant la struc­ture du texte) bien sûr et, depuis le quart du xixe siècle, dans le texte courant.

Les carac­tères gras « sont l’une des grandes inven­tions typo­gra­phiques du début du xixe siècle », nous dit J. André. Il en donne quelques exemples dans les titres et dans le texte cou­rant, notam­ment pour les entrées de dic­tion­naires, les listes (annuaires, horaires, notam­ment des che­mins de fer), les manuels de lec­ture. « Le plus ancien dic­tion­naire que nous ayons trou­vé qui ait uti­li­sé du gras pour ses entrées date de 1832 : le Dic­tion­naire de la conver­sa­tion et de la lec­ture de Duckett. » 

Les entrées du Dic­tion­naire de la conver­sa­tion et de la lec­ture, de William Duckett (1832), sont com­po­sées en carac­tères gras

Jacques André pour­suit avec des consi­dé­ra­tions sur les « conno­ta­tions du gras », notam­ment par rap­port à l’italique :

Des exemples pré­cé­dents, on peut dire que le prin­ci­pal usage du gras est la mise en évi­dence. Tschi­chold2 n’aimait pas le gras au point de dire qu’il « pré­fère ne pas par­ler des carac­tères […] gras, sinon pour mettre ins­tam­ment en garde contre leur emploi dans un livre ». Mais il ajoute : « sauf pour les lexiques et réper­toires, etc. et en tout cas pour les titres. Leur fonc­tion est de cap­ter le regard, non de dif­fé­ren­cier. » De son côté, Gérard Blan­chard3 signa­lait que « le gras rem­place effi­ca­ce­ment l’italique [pour la valeur de contraste ordi­nai­re­ment accor­dée à l’italique] » et donne une « fonc­tion de dif­fé­ren­cia­tion ren­for­cée ». Gou­riou4 est l’un des rares auteurs à avoir bien ana­ly­sé les fonc­tions de l’italique (au xxe siècle), fonc­tions qu’il classe en deux grands caté­go­ries : l’insistance (que d’autres appellent l’emphase) et la dis­jonc­tion (ou différentiation […]). 

Cette dis­jonc­tion est uti­li­sée dès le milieu du xvie siècle pour « dif­fé­ren­cier » les mots de langue étran­gère […], les chan­ge­ments d’interlocuteurs, etc. L’insistance se met aus­si en ita­lique […]. L’italique n’a cepen­dant pas la pro­prié­té d’accrocher l’œil au niveau de la page (comme c’est le cas pour le gras) mais seule­ment au niveau de la ligne. Il nous semble que les édi­teurs-impri­meurs d’avant 1800 aient alors uti­li­sé des petites capi­tales, non pas pour leur graisse, mais du fait que celles-ci étaient alors tou­jours com­po­sées très espa­cées, les blancs don­nant alors un effet d’accroche plus impor­tant que l’italique mais sans tou­cher au gris de la page.

Mais l’usage du gras aujourd’hui (parais­sant plus noir, un peu comme les gothiques uti­li­sées par les Anglais) accen­tue cet effet d’accroche. […] 


Pho­to : Gal­li­ca, BNF.

Tiret long : amour et haine

Une gué­guerre oppose, d’un côté, feu Richard Her­lin et Jean-Pierre Lacroux, de l’autre, Jean-Pierre Coli­gnon, à pro­pos du tiret long, éga­le­ment appe­lé « tiret [sur] cadratin ». 

Richard Her­lin, ancien cor­rec­teur au Monde1 , dans ses Règles typo­gra­phiques2, défend le tiret cadratin.

— Et le tiret long, alors, s’enquit Zazie ? — Eh bien, le voi­ci, le « tiret sur cadra­tin », qui sert notam­ment à mettre en forme un dia­logue. Dans la pré­sen­ta­tion moderne des échanges entre per­son­nages, le tiret long s’impose sou­vent seul, aban­don­nant les guille­mets qui l’accompagnaient encore naguère (quoiqu’on les trouve encore). Selon les mai­sons ou les auteurs, il aura droit ou non à un ali­néa à chaque chan­ge­ment d’interlocuteur, l’essentiel étant pour le confort du lec­teur, pour la lisi­bi­li­té, qu’on sache qui parle. […]
— Mais tu n’as rien dit du tiret sur demi-cadra­tin ! s’impatientait Zazie.
— Écoute ce qu’en disait le typo­graphe Jean-Pierre Lacroux3, lui répon­dit Gabriel.

J. André — Alors qu’on uti­li­sait autre­fois le tiret sur cadra­tin pour les incises, etc., on a ten­dance aujourd’hui à n’utiliser que le demi-cadra­tin (c’est ce que fait l’I.N. par exemple).
J.-P. Lacroux — L’Hyène a bien tort […] C’est une mode funeste ! qui ne se jus­ti­fie que dans les jus­ti­fi­ca­tions très étroites… donc, sur­tout dans la presse. […] Pour résu­mer, le tiret sur demi-cadra­tin porte un nom un peu trom­peur. C’est en « prin­cipe » (his­toire d’en pla­cer un) un trait d’union faible… et excep­tion­nel­le­ment un ersatz rabou­gri du vrai tiret. Cela dit, cela ne me gêne nul­le­ment qu’ici ou là on lui attri­bue tous les rôles ima­gi­nables… Pour être com­plet, ça ne me gêne­rait pas énor­mé­ment si l’on ne l’employait jamais, on a vécu sans lui pas mal de temps… mais je trou­ve­rais quand même idiot de se pri­ver d’un signe qui peut avoir une uti­li­té (même limi­tée). S’agit sim­ple­ment de pas lui en deman­der trop…

Pour sa part, Jean-Pierre Coli­gnon, dans son Dic­tion­naire d’orthotypographie moderne4, ne men­tionne que « le tiret », jusqu’à la fin de l’article, où il assène :

Il faut reje­ter l’emploi des tirets hideux, affreux, parce que sur­di­men­sion­nés, que cer­tains adoptent aujourd’hui, notam­ment pour les dia­logues. On dirait presque qu’il s’agit de « couillards », des petits filets qui séparent les notes du corps du texte !

Deux écoles, donc. Je n’ai pas de pré­fé­rence aus­si mar­quée. Et vous ? 

Dans leur blog, les cor­rec­teurs du Monde recom­mandent de choi­sir l’un des deux tirets dans le même ouvrage : 

Comme il s’agit rigou­reu­se­ment du même signe, on emploie d’ordinaire l’un ou l’autre, mais pas les deux ensemble. [Ce serait] un peu comme si l’on trou­vait dans un livre deux des­sins dif­fé­rents pour le point d’interrogation, par exemple.

L’alternance des tirets cadra­tin et demi-cadra­tin est cepen­dant cou­rante dans l’é­di­tion contem­po­raine, notam­ment dans la col­lec­tion « Folio » de Gallimard. 


Illus­tra­tions : 24 Jours de web et Romane Rose.

Prénoms multiples : juxtaposés ou avec des traits d’union ?

Auto­por­trait à vingt-quatre ans de Jean Auguste Domi­nique Ingres (1804)

Aujourd’­hui, en his­toire de l’art, on écrit : « Jean Auguste Domi­nique Ingres », et non « Jean-Auguste-Domi­nique Ingres ». La dis­cus­sion sur le sujet est assez com­plexe, comme le résume Wiki­pé­dia : 

« Une tra­di­tion typo­gra­phique, encore recom­man­dée par le Lexique de l’Imprimerie natio­nale ou le Dic­tion­naire des règles typo­gra­phiques de Louis Gué­ry, impo­sait l’usage des traits d’union entre pré­noms, l’italique ser­vant à dis­tin­guer l’appellation usuelle, par exemple « Louis-Charles-Alfred de Mus­set ». Gou­riou indique que cette règle, en dépit de sa sim­pli­ci­té et d’être répan­due, n’a jamais fait l’unanimité et que la ten­dance moderne est de suivre les usages de l’état civil. Jean-Pierre Lacroux décon­seille de la res­pec­ter, au motif qu’elle engen­dre­rait des ambi­guï­tés. Dans les cas où deux vocables sont usuels, forment-ils un pré­nom com­po­sé ou sont-ils deux pré­noms, par exemple Jean-Pierre Lacroux a-t-il un pré­nom com­po­sé ou deux pré­noms ? Pour Aurel Ramat et Romain Mul­ler, le trait d’union est uti­li­sé dans les pré­noms com­po­sés mais pas entre les pré­noms dis­tincts. Clé­ment indique que les pré­noms com­po­sés, qu’ils soient écrits en toutes lettres ou abré­gés, doivent être reliés entre eux par un trait d’union ; mais que les pré­noms mul­tiples pro­pre­ment dits ne sont jamais sépa­rés ni par un trait d’union, ni par une vir­gule mais par une espace. »

L’é­tat civil, lui, veut des vir­gules depuis 1999 : 

« Les pré­noms doivent tou­jours être indi­qués dans l’ordre où ils sont ins­crits à l’é­tat civil. Les pré­noms simples sont sépa­rés par une vir­gule, les pré­noms com­po­sés com­portent un trait d’u­nion. Les pré­noms pré­cèdent tou­jours le nom patronymique. »

Cela n’a pas tou­jours été le cas, comme le pré­cise la cir­cu­laire du 28 octobre 2011 :

« Pen­dant long­temps, l’usage était, en matière d’inscription sur l’acte de nais­sance, de sépa­rer les dif­fé­rents pré­noms par un simple espace, le pré­nom com­po­sé se dif­fé­ren­ciant en prin­cipe par l’apposition d’un tiret entre les deux pré­noms le com­po­sant, sans tou­te­fois qu’une règle n’impose cette différenciation. »


Pho­to : Jean Auguste Domi­nique Ingres, Auto­por­trait à vingt-quatre ans, 1804-1851, musée Condé, Chantilly.

Pas de point à la fin des titres.

L’u­sage de ne pas mettre de point à la fin des titres s’ap­prend quand on com­mence à tra­vailler dans la presse ou l’é­di­tion. Il est men­tion­né dans la plu­part des ouvrages de réfé­rence. (Je l’ai véri­fié dans Lexique des règles typo­gra­phiques en usage à l’Im­pri­me­rie natio­naleLe Ramat euro­péen de la typo­gra­phie et Mémen­to typo­gra­phique de Charles Gouriou.) 

Dans son récent Dic­tion­naire ortho­ty­po­gra­phique moderne (à l’en­trée Point), Jean-Pierre Coli­gnon, ancien chef cor­rec­teur du Monde et ensei­gnant dans les écoles de jour­na­lisme et de cor­rec­tion, précise :

Dans les titres, sur­titres, sous-titres, inter­titres cen­trés, l’u­sage, géné­ra­le­ment, est de ne pas mettre de point final, même quand ils sont consti­tués d’une phrase com­plète. Mais il s’a­git d’un usage, non d’une règle, et cha­cun peut faire comme il l’en­tend, à condi­tion de s’en tenir constam­ment à une même “marche de travail”.

Enfin, Jacques Drillon, dans son Trai­té de la ponc­tua­tion fran­çaise, écrit (p. 140-141) :

On ne met pas de point après un titre de livre, de jour­nal, de film, etc. 
Cette règle est récente. Jus­qu’au début du xxe siècle, on fai­sait suivre d’un point le titre de l’ou­vrage, mais aus­si le nom de l’au­teur et de l’im­pri­meur, la date et le lieu d’im­pres­sion, le titre cou­rant, le quan­tième des cha­pitres, etc. Aujourd’­hui, si l’on regarde la “une” du Monde, on constate que ne portent aucune ponc­tua­tion finale le titre (même lors­qu’il forme une phrase com­plète), l’a­dresse, les dates, le nom des fon­da­teur et direc­teur, le numé­ro d’é­di­tion, les titres, les sur­titres, le som­maire non plus que le numé­ro des pages aux­quelles il ren­voie. Une phrase comme :
Le som­maire com­plet se trouve page 22
… n’est sui­vie d’au­cune ponc­tua­tion ; en revanche, on lisait, récem­ment encore, à la fin d’un article :
DOMINIQUE GALLOIS.
(Lire la suite page 19.)

On note­ra cepen­dant que :

  • « les titres sont sui­vis des signes exi­gés par le sens de l’énoncé, comme le point d’interrogation et le point d’exclamation1 » ;
  • « si un titre fait plus d’une ligne et com­porte déjà une ponc­tua­tion forte (point, point d’interrogation, point d’exclamation), il faut un point final2 ».

Illus­tra­tion : Libé­ra­tion.

Comment abréger “post-scriptum”

L’a­bré­via­tion clas­sique est P.-S., mais on note une évo­lu­tion dans les écrits récents (presse, mes­sages électroniques). 

« Selon la ten­dance actuelle, les abré­via­tions de copie conforme, pièces jointes, post­scrip­tum [gra­phie rec­ti­fiée] et nota bene s’é­crivent en majus­cules, sans espace et sans points abré­via­tifs. Elles sont sui­vies d’un deux-points ou, mieux, d’un tiret. Le texte qui suit com­mence par une majus­cule. PS – Mer­ci encore pour votre…» (Ramat-Mul­ler, p. 48.)

Selon le logi­ciel Anti­dote, PS appa­raît dans son cor­pus à 79 %, P-S à 18 %, P.-S. seule­ment à 1 %.

Gre­visse (§ 112) fait, lui, la dis­tinc­tion entre l’a­bré­via­tion P. S., pour la men­tion mise au bas d’une lettre, et P.-S., pour le nom (un post-scrip­tum).