Usages anciens de l’esperluette et de l’abréviation “etc.”

Aujourd’hui, les codes typo­gra­phiques réservent l’emploi de l’esper­luette à l’é­cri­ture des rai­sons sociales (Dupont & fils) et à leurs déri­vés (noms com­mer­ciaux, enseignes1), d’où l’autre nom de ce signe : « et com­mer­cial ». Cepen­dant, sa forme séduit les gra­phistes, qui en font un usage plus large.

Les manuels pros­crivent aus­si la répé­ti­tion d’etc. à l’écrit, qua­li­fiée d’i­nu­tile, alors qu’on la pra­tique cou­ram­ment à l’o­ral, au point que « dans les pro­pos attri­bués à un per­son­nage, un seul etc. semble[rait] aujourd’­hui incon­gru, inso­lite » (Jean-Pierre Coli­gnon, Un point, c’est tout !, 2018, p. 113). 

Ces règles n’ont pas tou­jours été en vigueur. 

esperluette et abréviations "&c." sur la couverture d'un livre de 1783
Esper­luette et abré­via­tions &c. sur la cou­ver­ture du livre Des­crip­tion his­to­rique et géo­gra­phique de la ville de Mes­sine…, 1783.

Ain­si, sur la cou­ver­ture de ce livre de 1783, on compte une esper­luette employée comme conjonc­tion de coor­di­na­tion (à l’a­vant-der­nière ligne) et pas moins de cinq abré­via­tions &c. — abré­via­tion d’abréviation, donc, puisque etc. abrège déjà et cæte­ra (ou et cete­ra). On note­ra au pas­sage qu’elles ne sont pas sépa­rées par des vir­gules. Cette abré­via­tion a aujourd’­hui dis­pa­ru — de même que les s longs (ſ et non f) qu’on peut voir dans le mot désastre du titre. 

Rap­pe­lons que l’esperluette, liga­ture des lettres et, remonte à l’Antiquité et était très employée par les moines copistes au Moyen Âge pour gagner du temps. 

répétition d'etc. dans le "Journal officiel" du 1er mai 1874
Répé­ti­tions d’etc. dans le Jour­nal offi­ciel de la Répu­blique fran­çaise, 1er mai 1874.

Une siècle plus tard, on trouve encore aisé­ment des répé­ti­tions d’etc. dans les jour­naux les plus sérieux, y com­pris dans le Jour­nal offi­ciel (pho­to ci-des­sus).

Autre inter­dic­tion des codes typo­gra­phiques actuels : faire suivre etc. de points de sus­pen­sion, « car cela consti­tue un pléo­nasme qu’on ne sau­rait rache­ter ni au nom de l’“expression lit­té­raire”, ni au nom d’un illu­soire “ren­for­ce­ment de l’i­dée”… qui échap­pe­ra au lec­teur » (Coli­gnon, op. cit., p. 112). Mais cela res­tait cou­rant dans les jour­naux du xixe siècle et du début du xxe siècle.

Série d'etc. suivis de points de suspension, dans "Le Carnet de la semaine", 1er mai 1931.
Série d’etc. sui­vis de points de sus­pen­sion, dans Le Car­net de la semaine, 1er mai 1931.

Il arrive même qu’on trouve dans des jour­naux ou livres anciens plus de trois points de sus­pen­sion, ce qui est encore une inter­dic­tion actuelle.

Cinq points de sus­pen­sion dans Illu­sions per­dues, de Bal­zac, Vve A. Hous­siaux, 1874.

La typo­gra­phie s’est assagie.

Article mis à jour le 6 novembre 2023.


  1. Sur les dif­fé­rences entre ces termes, voir L-expert-comptable.com. ↩︎