L’avènement de la PAO a provoqué un changement d’époque pour le métier de correcteur. L’article « Correction » de l’Encyclopédie de la chose imprimée du papier à l’écran1 explique bien ce basculement.
Composition : la double saisie
À l’époque du plomb comme lors de l’arrivée de la photocomposition, les matériels utilisés pour la composition étaient d’une utilisation réservée à des personnels longuement et spécialement formés car ces matériels étaient chers, rares, encombrants et d’emploi compliqué.
La « saisie » était donc confiée à des professionnels (typographes, linotypistes, clavistes) qui composaient les textes manuscrits confiés par l’auteur… La tâche du correcteur consistait à comparer scrupuleusement la copie originale et l’épreuve pour éviter les bourdons et les doublons, à corriger les fautes d’inattention (coquilles), à contrôler l’observation des règles typographiques (espacements, lézardes…) et la qualité du matériel de composition (lettres abîmées, mélangées, mastics…).
Les corrections étaient notées dans les marges de l’épreuve puis exécutées par le même personnel qui avait composé le texte (corrigeage).
PAO : la saisie directe
L’arrivée de la micro-informatique a permis, à partir de 1980, de confier directement aux auteurs, aux écrivains, aux journalistes ou à des dactylographes un matériel de saisie léger, économique, d’utilisation extrêmement simplifiée (comparable à une machine à écrire) et qui produit un fichier informatique directement utilisable pour la mise en page et l’impression.
Le correcteur est souvent lui-même équipé d’un micro-ordinateur. Sa tâche de comparaison avec un texte original est supprimée2, mais d’autres sujétions ont été ajoutées à sa tâche.
La première, c’est que le professionnel d’imprimerie connaissait bien et appliquait lors de la composition les règles traditionnelles de l’utilisation des italiques, des gras, des lettres supérieures, des espaces spéciales, savait placer les capitales, composer les abréviations, etc., toutes compétences qui ne ressortissent pas de l’éducation du public moyen.
Les règles délicates de la langue (accords des participes passés par exemple, emploi des pluriels, traits d’union…) n’échappaient pas non plus à l’opérateur de saisie.
L’utilisation d’un micro-ordinateur comme d’une machine à écrire, par un profane sans formation spécialisée, amène également à devoir corriger une bonne partie des signes nécessaires à un français correct (e dans o, c cédille majuscule, capitales accentuées, ligatures, guillemets, puces, tirets…).
C’est le correcteur, premier professionnel de la chaîne de fabrication à intervenir après l’auteur, qui est chargé du « nettoyage » du texte, directement lors de la lecture à l’écran, et simultanément de son corrigeage3.
Sens et cohérence du texte
Cette rupture sur le plan technique a cependant laissé intacte la partie la plus intéressante du métier :
[…] la fonction la plus noble de la correction, toutes époques confondues, demeure : vérifier que le texte a du sens ! Une légende placée sous la mauvaise photo, une note absente à l’appel, un nombre erroné, un pavé de texte masqué par un dessin, un chapô ajouté en dernière minute sur la page montée et non relu préalablement… et c’est l’article entier qui perd son sens, quelquefois l’ouvrage entier qui perd tout crédit !
Dans la jungle des fautes humaines, informatiques, mécaniques, le dernier maillon de la chaîne du « prépresse », lors de cet ultime contrôle avant bon à tirer, c’est encore le correcteur (qui prend alors le nom de « réviseur »).
☞ Lire aussi Corriger au temps de Gutenberg.
- Sous la dir. de Marc Combier et Yvette Pesez, Paris, éd. Retz, 1999, p. 63-64.
- La copie et l’épreuve ne font qu’un (NdA).
- Une tâche supplémentaire, dont se serait volontiers passé « le bon correcteur, attentif et omniscient » ! (André Jouette, Dictionnaire d’orthographe et d’expression écrite, Paris, Le Robert, 1997) – NdA.