Un poème fête la naissance du “Code typographique”, 1928

En mai 19281, le Code typo­gra­phique tant atten­du a enfin paru, sur les bords de la Garonne, à Bor­deaux. Émile Ver­let, pré­sident (depuis février 1925) de la com­mis­sion char­gée de sa rédac­tion, peut souf­fler… et se féli­ci­ter de cette nais­sance dif­fi­cile en publiant un poème (pour nos confrères, tout était pré­texte à rimer). Comme le rap­pelle en intro­duc­tion Eugène Gre­net, pré­sident de la Socié­té ami­cale des protes et cor­rec­teurs de France, dans la Cir­cu­laire des protes (no 336, août 1928) où paraît ce texte, « le pre­mier essai de réa­li­sa­tion du Code typo­gra­phique fut entre­pris par l’Ami­cale, ain­si qu’en avait déci­dé le Congrès de […] Nantes en 1908. […] ». Par suite de polé­miques, « cette œuvre ne put alors être menée à sa fin ». Cela explique le pre­mier vers du poème ci-dessous.

Annonce de la parution du "Code typographique", mai 1928
Pre­mière annonce de la paru­tion du Code typo­gra­phique, Cir­cu­laire des protes, mai 1928.

LE CODE TYPOGRAPHIQUE

Amis, il a bientôt vingt ans,
Sa carrière commence
Et c’est fou quand on pense
À ce qu’il a fallu de temps
Pour défaire et refaire
Ce qu’on voulait parfaire.

On a cherché quinze ans son nom :
« Méminto [sic] » ou bien « Code »,
« Marche à suivre »… la mode…
Toujours les typos disent : « Non ! »
Pourtant, quinze ans, ça lasse
Et « Code », à la fin, passe.

Puis intervint la Commission,
Travaillant en silence,
Usant son éloquence
Pour obtenir la permission
De quitter sa famille
Avant sa camomille.

On rentrait tard… après minuit,
En portant bas l’oreille :
L’épouse est là qui veille
Pour voir si l’on s’est mal conduit,
Et son œil italique
Interdit la réplique !

Après l’aride abréviation,
Ce fut la capitale
— La faute capitale —
Puis notes, nombres, division,
Parsemés d’italique :
C’en était fantastique !

Oui, trois ans nous avons lutté
De façon exemplaire,
Toujours pour satisfaire
Notre femme et la Faculté.
Oyez notre misère,
Voyez notre calvaire !

Toulouse2, avec tes troubadours,
Veux-tu mettre à la mode
Ce petit, petit Code
En le parant de tes atours ?
Fais que sur la Garonne
Bientôt l’olifant tonne !

Que chacun vibre à ses échos :
Réalisons ce rêve
De proclamer la trêve
Entre correcteurs et typos !
Et vous, frondeurs du Livre,
Aidez le Code à vivre !

E. VERLET.

☞ Voir aus­si Qui crée les codes typographiques ?


  1. La date de juillet 1926, don­née par Pierre Lecerf dans son « Aver­tis­se­ment » à la 9e édi­tion (1968) du Code typo­gra­phique, et citée par Jean Méron, dans « Le code typo : Pour qui ? Pour quoi faire ? », Gra­phê, 6 mai 1999, est donc fausse.
  2. Le Code a été bap­ti­sé, cette année-là, au congrès de Toulouse.