Un poème fête la naissance du “Code typographique”, 1928

En mai 19281, le Code typo­gra­phique tant atten­du a enfin paru, sur les bords de la Garonne, à Bor­deaux. Émile Ver­let, pré­sident (depuis février 1925) de la com­mis­sion char­gée de sa rédac­tion, peut souf­fler… et se féli­ci­ter de cette nais­sance dif­fi­cile en publiant un poème (pour nos confrères, tout était pré­texte à rimer). Comme le rap­pelle en intro­duc­tion Eugène Gre­net, pré­sident de la Socié­té ami­cale des protes et cor­rec­teurs de France, dans la Cir­cu­laire des protes (no 336, août 1928) où paraît ce texte, « le pre­mier essai de réa­li­sa­tion du Code typo­gra­phique fut entre­pris par l’Ami­cale, ain­si qu’en avait déci­dé le Congrès de […] Nantes en 1908. […] ». Par suite de polé­miques, « cette œuvre ne put alors être menée à sa fin ». Cela explique le pre­mier vers du poème ci-dessous.

Annonce de la parution du "Code typographique", mai 1928
Pre­mière annonce de la paru­tion du Code typo­gra­phique, Cir­cu­laire des protes, mai 1928.

LE CODE TYPOGRAPHIQUE

Amis, il a bientôt vingt ans,
Sa carrière commence
Et c’est fou quand on pense
À ce qu’il a fallu de temps
Pour défaire et refaire
Ce qu’on voulait parfaire.

On a cherché quinze ans son nom :
« Méminto [sic] » ou bien « Code »,
« Marche à suivre »… la mode…
Toujours les typos disent : « Non ! »
Pourtant, quinze ans, ça lasse
Et « Code », à la fin, passe.

Puis intervint la Commission,
Travaillant en silence,
Usant son éloquence
Pour obtenir la permission
De quitter sa famille
Avant sa camomille.

On rentrait tard… après minuit,
En portant bas l’oreille :
L’épouse est là qui veille
Pour voir si l’on s’est mal conduit,
Et son œil italique
Interdit la réplique !

Après l’aride abréviation,
Ce fut la capitale
— La faute capitale —
Puis notes, nombres, division,
Parsemés d’italique :
C’en était fantastique !

Oui, trois ans nous avons lutté
De façon exemplaire,
Toujours pour satisfaire
Notre femme et la Faculté.
Oyez notre misère,
Voyez notre calvaire !

Toulouse2, avec tes troubadours,
Veux-tu mettre à la mode
Ce petit, petit Code
En le parant de tes atours ?
Fais que sur la Garonne
Bientôt l’olifant tonne !

Que chacun vibre à ses échos :
Réalisons ce rêve
De proclamer la trêve
Entre correcteurs et typos !
Et vous, frondeurs du Livre,
Aidez le Code à vivre !

E. VERLET.

☞ Voir aus­si Qui crée les codes typographiques ?


À la recherche du code typo perdu 

Un article de la BnF consa­cré à l’his­toire de la typo­gra­phie (signé Danièle Mer­met, non daté) écrit : 

« Un autre fils de Fran­çois [Didot], Pierre Fran­çois [1731-1795, dit le jeune], crée un des pre­miers codes typo­gra­phiques à l’u­sage des cor­rec­teurs. »

Les Didot forment une dynas­tie d’imprimeurs qui, jus­qu’au xixe siècle, appor­te­ront « de nom­breuses inno­va­tions tech­niques à l’in­dus­trie pape­tière, à l’im­pri­me­rie et à la typographie ».

L’Ency­clo­pé­die Larousse reprend cette infor­ma­tion, avec des ita­liques : « Il créa éga­le­ment le pre­mier Code des cor­rec­tions typo­gra­phiques », mais en l’at­tri­buant à l’un des petits-fils de Fran­çois Didot, Pierre (1761-1853).

Un code typo­gra­phique au xviiie siècle ? Voi­là qui bous­cule mes connais­sances, le pre­mier « code typo » pro­pre­ment dit datant, pour moi, de 1926 — après une série de « manuels typo­gra­phiques » au xixe siècle. ☞ Voir Qui crée les codes typographiques ?

Silence des catalogues 

« Sou­cieux d’apporter le plus grand soin aux ouvrages qu’il impri­mait, Pierre Fran­çois Didot com­po­sa et publia un petit ouvrage à l’adresse des cor­rec­teurs d’épreuves : Pro­to­cole des cor­rec­tions typo­gra­phiques », écrit, pour sa part, Jean-Claude Fau­douas, dans son Dic­tion­naire des grands noms de la chose impri­mée (Retz, 1991, p. 45).

Déci­dé­ment ! Je fouille, bien sûr, le cata­logue de la BnF et celui du musée de l’Imprimerie de Lyon, à la recherche de cette pièce his­to­rique. Sans succès. 

Je ne trouve rien non plus sur Pierre-Fran­çois1 Didot dans la vaste Somme typo­gra­phique (1947-1951) de Mau­rice Audin, numé­ri­sée par le musée de l’Imprimerie de Lyon. Pas plus que dans Ortho­ty­po­gra­phie : recherches biblio­gra­phiques (Paris, Conven­tion typo­gra­phique, 2002), le gros tra­vail de Jean Méron (voir son site).

L’objet identifié

Alors je m’adresse au ser­vice d’aide SINDBAD de la BnF, qui m’oriente vers « L’Art de l’im­pri­me­rie (Paris, Dic­tion­naire des arts et métiers, 1773) », cité par Alan Mar­shall dans « Manuels typo­gra­phiques conser­vés au musée de l’Imprimerie de Lyon » (Cahiers GUTen­berg, no 6, juillet 1990, p. 40).

Ce docu­ment existe bien à la BnF, sous forme de réim­pres­sion moderne : « L’art de l’im­pri­me­rie, Tho­ri­gny-sur-Marne : impr. de E. Morin, 1913, 39 p., in-8, coll. Docu­ments typographique[s], I ». 

Il a été « attri­bué à Didot le jeune par E. Morin2 », comme l’écrit encore Alan Mar­shall (art. cit.), car le texte n’est pas signé.

Il s’agit pré­ci­sé­ment de l’ar­ticle « IMPRIMERIE (L’art de l’) » (p. 480-512), extrait du tome 2 du Dic­tion­naire rai­son­né uni­ver­sel des arts et métiers… de Phi­lippe Mac­quer (1720-1770), revu par l’ab­bé Jau­bert, impri­mé en 1773 par Pierre-Fran­çois Didot. 

Je le retrouve alors men­tion­né chez Louis-Emma­nuel Bros­sard (Le Cor­rec­teur Typo­graphe, 1924, p. 287), où il tient sur une page, que voici. 

Le pro­to­cole des signes de cor­rec­tion de Pierre-Fran­çois Didot, repro­duit par Louis-Emma­nuel Bros­sard (1924).

Cette planche, numé­ro­tée II dans l’ar­ticle de Didot le jeune, y est intro­duite par les mots sui­vants : « Lorsque la forme est entié­re­ment fer­rée, il [le com­po­si­teur] […] la porte à la presse aux épreuves pour en tirer une pre­mière épreuve, que le prote lit, & sur la marge de laquelle il marque les mots pas­sés [bour­dons] ou dou­blés, les lettres mises les unes pour les autres que l’on nomme coquilles, &c. Voyez Pl. II » (p. 497-498). 

Le para­graphe qui suit, inti­tu­lé « De la cor­rec­tion », ne traite, en fait, que du cor­ri­geage (la cor­rec­tion sur plomb). Il n’é­voque jamais le cor­rec­teur lui-même, sauf dans les pre­miers mots : « Quand le com­po­si­teur a reçu du Prote, ou de tout autre Cor­rec­teur, l’é­preuve où les fautes sont indi­quées sur les marges, il faut qu’il la cor­rige […]. » Le mot pro­to­cole n’y appa­raît pas non plus.

Un précurseur

Sauf erreur, les titres don­nés par Larousse et Fau­douas sont donc fan­tai­sistes. Le texte de Didot le jeune ne s’a­dresse pas nom­mé­ment aux cor­rec­teurs. Il ne s’agit pas non plus d’un code typo­gra­phique, dont je rap­pelle la défi­ni­tion : « Ouvrage de réfé­rence décri­vant les règles de com­po­si­tion des textes impri­més ain­si que la façon d’abréger cer­tains termes, la manière d’écrire les nombres et toutes les règles de typo­gra­phie régis­sant l’usage des dif­fé­rents types de carac­tères : capi­tales, bas de casse, ita­lique, etc. » — Wiki­pé­dia.

Signes de correction dans "Orthotypographia", 1608
Signes de cor­rec­tion dans Ortho­ty­po­gra­phia de Jérôme Horn­schuch, 1608.

Il s’a­git seule­ment d’un pro­to­cole des signes de cor­rec­tion. Le pre­mier, à ma connais­sance, depuis l’embryon pro­po­sé par Jérôme Horn­schuch en 1608 (☞ Voir Ortho­ty­po­gra­phia, manuel du cor­rec­teur, 1608). Les trai­tés de Marie-Domi­nique Fer­tel (1723) et de Pierre-Simon Four­nier (1764-1766) ne sont pas des­ti­nés au cor­rec­teur. Ber­trand-Quin­quet (1798) men­tionne les « signes usi­tés dans l’Im­pri­me­rie, et qui lui sont par­ti­cu­liers », mais ne les donne pas. C’est géné­ra­le­ment à Mar­cel­lin-Aimé Brun (Manuel pra­tique et abré­gé de la typo­gra­phie fran­çaise, 1825) qu’on attri­bue le pre­mier tableau des signes de cor­rec­tion3

C’est ce chan­ge­ment d’un demi-siècle dans la chro­no­lo­gie qui fait l’intérêt prin­ci­pal du pré­sent article. 


Coupures “malsonnantes”, décence et conséquences

Avez-vous déjà enten­du par­ler du CONCUVIT1 (ou CONCUBITE2) ? Il s’agit d’une règle connue des pro­fes­sion­nels de l’imprimerie et de l’édition, en par­ti­cu­lier des cor­rec­teurs, qui doivent veiller à son appli­ca­tion. Règle de bien­séance plu­tôt que de typo­gra­phie, si bien que les auteurs des codes typo­gra­phiques ne la men­tionnent pas tous et que, par­mi eux, seuls Lacroux et Gué­ry osent don­ner son nom familier. 

Cette règle recom­mande d’éviter les cou­pures (appe­lées aus­si divi­sions) de mots en fin ou, plus rare­ment, en début de ligne géné­ra­le­ment qua­li­fiées de « mal­son­nantes » dans les codes typo.

Ain­si, Coli­gnon écrit (à l’en­trée « Cou­pures en fin de ligne ») :

« On évite, même si les mœurs ont évo­lué, les cou­pures “mal­hon­nêtes”, cho­quantes, mal­son­nantes, qui peuvent entraî­ner des signi­fi­ca­tions péjo­ra­tives… :

« … alors qu’arrivait le grand cul/
tiva­teur

« Ce met­teur en scène pro­pose ici une pièce très cul/
turelle

« Le chef de l’État voit en chaque Fran­çais un con/
tri­buable à pres­ser comme un citron
. »

De même, le Ramat-Mul­ler signale : 

« J’ai mal occu/
pé ma jeu­nesse
 »

Et Gué­ry déconseille :

« Le géné­ral s’était fait pré­sen­ter les cons/
crits qui arri­vaient à la caserne.
 
« Il était angois­sé à l’idée d’une mort su/
bite qui lui appa­rais­sait…
 »

Lais­ser une telle cou­pure était encore plus ris­qué à l’époque de la com­po­si­tion au plomb, où la seconde ligne pou­vait dis­pa­raître pour une rai­son quelconque. 

Un procès et un licenciement

Mau­rice Rajs­fus, que j’ai déjà cité (voir Deux belles blagues faites au cor­rec­teur par le typo­graphe), raconte (p. 74-75) : 

« Une fois, dans un potin mon­dain, il était ques­tion d’une célèbre dan­seuse étoile qui devait par­ti­ci­per à une fête de cha­ri­té en aban­don­nant son cachet. Cette infor­ma­tion brève, banale à la limite, était ain­si conçue :

« … Made­moi­selle X. prê­te­ra son gra­cieux con
cour
s.

« Durant le mon­tage, la seconde ligne dis­pa­rut. Ce bour­don se ter­mi­na par un pro­cès bien pari­sien, et le licen­cie­ment du jour­na­liste res­pon­sable de la rubrique. »

Qu’on soit ou non « bégueule », comme le dit Lacroux, il vaut mieux évi­ter ces cou­pures, ne serait-ce que pour se pré­ser­ver de telles conséquences. 

Pour les réfé­rences des auteurs cités, voir Qui crée les codes typographiques ?


Orthotypographie, un terme mal défini

Au plomb comme sur ordi­na­teur, la typo­gra­phie, c’est tout un art. Qui dit art qui règles.
© Libra­ry of Congress. Source : Mashable.

Si vous êtes cor­rec­teur ou si vous lisez ce qu’ils publient, vous connais­sez le mot ortho­ty­po­gra­phie ou, du moins, vous l’avez croi­sé. Il règne un cer­tain flou autour de sa défi­ni­tion, de ce qui relève ou non de cette notion. Cer­tains pro­fes­sion­nels, lors­qu’ils parlent de cor­rec­tion ortho­ty­po­gra­phique, y incluent la gram­maire1, voire, quand elle est « appro­fon­die », la cohé­rence du récit et la réécri­ture2 !

Le terme ortho­ty­po­gra­phie ne figure pas dans les dic­tion­naires de réfé­rence (Larousse, Robert, Aca­dé­mie, TLF). Pour Cor­dial, c’est le « domaine cou­vrant l’en­semble des cor­rec­tions de fautes, par l’as­so­cia­tion de l’or­tho­graphe et de la typographie ».

Le Wik­tion­naire est plus pré­cis et en pro­pose deux acceptions :

  1. « (Typo­gra­phie) Ensemble des règles qui per­mettent d’écrire de façon cor­recte qui recoupe l’orthographe et les règles typo­gra­phiques (uti­li­sa­tion des majus­cules et des minus­cules, des espa­ce­ments, de la ponc­tua­tion, de l’italique, etc.).
  2. Dis­ci­pline ayant pour objet l’étude de cet ensemble, de son évo­lu­tion, des ouvrages tels que codes, marches, manuels de bon usage, des pra­tiques de la cor­rec­tion et de la révi­sion des textes et de celles et ceux qui en font profession. »

Mais la lec­ture de l’ar­ticle de Wiki­pé­dia consa­cré à cette notion, au-delà du pre­mier para­graphe, montre que les choses sont plus complexes. 

Couverture du livre "Orthotypo & Co" d'Annick Valade
Ortho­ty­po & Co d’An­nick Valade (Cor­nées Laliat).

La typo­gra­phie « au sens large » est, rap­pe­lons-le, la « mise en forme de l’écrit3 ». Selon ses racines grecques, l’orthotypographie serait donc la typo­gra­phie cor­recte. C’est dans ce sens que Jérôme Horn­schuch a créé le terme ortho­ty­po­gra­phia (en latin) en 1608, dans ce qui est consi­dé­ré comme le pre­mier manuel du cor­rec­teur – lire mon article

Plus près de nous, la lin­guiste et his­to­rienne de l’orthographe fran­çaise Nina Catach (1923-1997) a repris le terme, en l’identifiant à une « ortho­graphe typo­gra­phique4 », incluant la ponc­tua­tion et l’« aspect tout exté­rieur » du texte, c’est-à-dire sa mise en page5.

Pour le cor­rec­teur et typo­graphe Jean-Pierre Lacroux, ortho­ty­po­gra­phie est plu­tôt un mot-valise (à l’instar d’auto-école) :

Cou­ver­ture du volume II d’Ortho­ty­po­gra­phie de Jean-Pierre Lacroux en PDF.

« “Ortho­ty­po­gra­phie” est un beau néo­lo­gisme. Sa for­ma­tion, fort dif­fé­rente de celle d’ortho­ty­po­gra­phia […], ne doit rien à la pré­fixa­tion. C’est un mot-valise sub­til : ortho[graphe] + typo­gra­phie. Il est par­fait pour dési­gner l’armada des pres­crip­tions à la fois ortho­gra­phiques et typo­gra­phiques, par exemple celles qui concernent l’écriture des titres d’œuvres6. »

« De fait, écrit Wiki­pé­dia, le terme cor­res­pond à une inter­sec­tion (néces­sai­re­ment) floue entre ortho­graphe et typo­gra­phie », mais « reste […] en attente d’une défi­ni­tion précise ».

Je n’entre pas davan­tage dans les sub­ti­li­tés défi­ni­tion­nelles du terme et je ren­voie à l’article com­plet le lec­teur qui sou­hai­te­rait en savoir davan­tage. J’en retien­drai seule­ment ce paragraphe : 

« L’orthotypographie se dis­tingue […] du simple res­pect de la norme ortho­gra­phique et gram­ma­ti­cale com­mun à l’ensemble des pro­duc­tions écrites (y com­pris les pro­duc­tions cou­rantes). Son but est d’appliquer des normes ortho- et typo-gra­phiques appli­cables à l’édition “com­po­sée” qui par­ti­cipent à la com­pré­hen­sion visuelle d’un texte struc­tu­ré, qu’il s’agisse d’impression sur papier ou de mise en ligne. »

Autre­ment dit, l’orthotypographie, ce seraient les règles à suivre pour qu’un texte impri­mé ou numé­rique soit conforme à un cer­tain « bon usage », qui, selon Lacroux (ibid.), « n’est pas celui des écri­vains mais celui des livres (de toute nature). […] il ne s’agit ici ni de la syn­taxe ni de l’orthographe, mais de bali­vernes, telles que la ponc­tua­tion ou l’emploi des majus­cules, que la plu­part des auteurs ont tou­jours négli­gées et aban­don­nées avec empres­se­ment au bas peuple des ate­liers. » 

« En somme, tout ce qui entoure le mot7. »

L’orthotypographie, un besoin actuel pour tous

Bien que ses contours res­tent à pré­ci­ser, l’or­tho­ty­po­gra­phie est pra­ti­quée chaque jour, aus­si bien par les pro­fes­sion­nels de l’é­di­tion que par les particuliers.

Mains d'un typographe corrigeant un texte composé au plomb
Quand « la typo­gra­phie était l’affaire exclu­sive des typo­graphes ».
DR. Source : Pin­te­rest.

À l’époque de l’imprimerie tra­di­tion­nelle, explique le pro­fes­seur Jacques Poi­tou (ibid.), « la typo­gra­phie était l’affaire exclu­sive des typo­graphes ». Avec l’ar­ri­vée de la dac­ty­lo­gra­phie (« dans les bureaux vers la fin du xixe siècle, dans le cou­rant du xxe siècle chez les par­ti­cu­liers »), les pos­si­bi­li­tés d’enrichissement du texte étaient limi­tées. Mais avec l’arrivée de la PAO, « le pos­ses­seur d’un ordi­na­teur, d’un logi­ciel de trai­te­ment de texte et d’une impri­mante a les moyens tech­niques de pro­duire des docu­ments de qua­li­té. Il a même à sa dis­po­si­tion bien plus de moyens (notam­ment de polices) que les impri­meurs auraient pu en rêver. » Or, « la mise en forme et la mise en page du texte ne sont géné­ra­le­ment pas objet d’enseignement ». Pour­tant, bien publier s’apprend.

« Depuis que la “typo­gra­phie” est morte8, écrit encore Lacroux (ibid.), les codes typo­gra­phiques sont deve­nus indis­pen­sables. » Avec les auto­mo­biles, « quand tout le monde cir­cule vite, il vaut mieux prendre des pré­cau­tions » (à savoir créer le Code de la route). De même, « quand n’importe qui imprime », il faut des règles com­munes.

"Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale"

Le « suc­cès public9 » d’un ouvrage comme le Lexique des règles typo­gra­phiques en usage à l’Imprimerie natio­nale montre que des par­ti­cu­liers et des pro­fes­sion­nels hors du domaine de l’édition ont encore le sou­ci de pro­duire des docu­ments – impri­més ou numé­riques – de qua­li­té et que, selon la jolie for­mule de Lacroux, « la cha­leur du plomb n’a pas fini d’irradier la langue écrite ».

☞ Lire aus­si, notam­ment, Qui crée les codes typo­gra­phiques ? et Ce que la PAO a chan­gé au métier de cor­rec­teur.


Employer le signe moins : quand et comment ?

Je n’ai jamais cor­ri­gé d’ouvrages de mathé­ma­tiques ni de phy­sique-chi­mie, mais, bien sûr, il arrive que les textes qu’on me confie com­portent des for­mules chi­miques ou des expres­sions algé­briques, dont je dois garan­tir la lisi­bi­li­té. Il y a là une source d’erreur qui peut avoir des consé­quences fâcheuses. 

J’ai notam­ment vu trans­for­mer des sym­boles minus­cules en majus­cules, ce qui en change radi­ca­le­ment le sens. Le kilo (k) en Kel­vin (K), le gramme (g) en giga (G). À un édi­teur qui avait choi­si de pas­ser tous les titres en capi­tales, j’ai dû signa­ler que cela ne l’autorisait pas à trans­for­mer le cobalt (Co) en oxyde de car­bone (CO).

Il y a quelques jours, je racon­tais la dis­pa­ri­tion du trait d’union au nom de la sim­pli­fi­ca­tion dac­ty­lo­gra­phique. Le « tiret du 6 » a, en effet, fusion­né trait d’union et signe moins. C’est ce der­nier que je vais main­te­nant évo­quer, car sa qua­si-dis­pa­ri­tion est plus pro­blé­ma­tique que celle de son « cousin ». 

Le site com­mu­nau­taire 24 jours du Web, déjà men­tion­né dans mon pré­cé­dent article, en par­lait, bien sûr : 

« Le signe moins […] n’est pas direc­te­ment acces­sible sur nos cla­viers. Même les cla­viers éten­dus qui pro­posent un pavé numé­rique n’offrent qu’une dupli­ca­tion du “trait d’union et signe moins”.
Ce sym­bole mathé­ma­tique est pour­tant dif­fé­rent gra­phi­que­ment et séman­ti­que­ment des autres.
Sa hau­teur lui per­met d’être par­fai­te­ment ali­gné avec son opé­ra­teur oppo­sé, le + ; et sa lar­geur est proche du tiers de cadra­tin. Sa lar­geur est éga­le­ment iden­tique aux signes plus et égal, afin d’offrir de meilleurs ali­gne­ments ver­ti­caux
 […] »

Alignement parfait des signes moins, plus et égal
Les signes moins, plus et égal sont faits pour s’a­li­gner par­fai­te­ment. © 24 jours du Web.

On ne sau­rait mieux dire. 

J’ajouterai une autre com­pa­rai­son (en police Bodo­ni), très parlante : 

trait d'union, tiret demi-cadratin, signe moins et signe plus en Bodoni
De gauche à droite, trait d’u­nion, tiret demi-cadra­tin, signe moins et signe plus en Bodo­ni. Le signe moins est dif­fé­rent en lar­geur, en épais­seur et sur­tout en hauteur. 

Autre pro­blème, jamais men­tion­né : dans cer­taines polices, le trait d’union n’a rien d’un tiret rec­ti­ligne. Exemples ci-des­sous en Jen­son et en Nova­rese (police avec laquelle j’ai long­temps travaillé). 

trait d'union en Jenson et et Novarese
Trait d’u­nion dans les polices Jen­son (à gauche) et Novarese.

Quel scien­ti­fique accep­te­rait d’exprimer la néga­ti­vi­té avec une sorte de tilde, lequel a une autre signi­fi­ca­tion dans sa discipline ? 

Enfin, dans le signe « plus ou moins » (±), les deux signes asso­ciés ne sont-ils pas de même lar­geur ?  Il y a donc là une incohérence. 

Typographie soignée 

Sur un blog, qu’il est inutile de nom­mer, j’ai lu : « En bonne typo­gra­phie, c’est ce signe [le trait d’union] qui est employé comme “signe moins” dans la trans­crip­tion mathé­ma­tique. » Peut-on vrai­ment par­ler de « bonne typographie » ? 

Il ne faut pas confondre les contraintes pra­tiques et la théorie.

Pour moi, le cor­rec­teur doit mettre en œuvre la meilleure typo­gra­phie pos­sible ou, du moins, être capable de le faire sur demande. Il faut pour cela la connaître. C’est à cela que ser­vi­ra ce billet. 

Les codes et manuels typo­gra­phiques décrivent les usages dif­fé­ren­ciés du trait d’union et des tirets (cadra­tin et demi-cadra­tin). La plu­part oublient de men­tion­ner quel signe il faut employer pour écrire un nombre néga­tif ! Ce n’est sou­vent qu’en tom­bant sur un exemple qu’on en déduit le choix de l’auteur. Et on trouve de tout : ain­si, chez Gou­riou (p. 80), un tiret cadra­tin sui­vi d’une espace (sous — 20 degrés).

Autre source d’étonnement : la nette dis­tinc­tion qu’ils font entre com­po­si­tion mathé­ma­tique (par exemple, Impri­me­rie natio­nale, p. 115) et com­po­si­tion ordi­naire. Peut-on, sans risque, les sépa­rer aus­si net­te­ment ? Comme je l’ai déjà dit plus haut, les textes cou­rants peuvent com­por­ter des for­mules algé­briques, qui doivent être relues avec atten­tion par le cor­rec­teur professionnel. 

Or, inver­ser la valeur d’un nombre n’a rien d’anodin. Peut-on accep­ter si faci­le­ment de repré­sen­ter cette opé­ra­tion par un signe étri­qué, de moi­tié moins large qu’un chiffre ? 

S’en émou­voir, ce n’est pas être puriste. C’est avoir le sou­ci de la lisi­bi­li­té. C’est aus­si cher­cher à main­te­nir vivant l’art de la typographie. 

Même Jean-Pierre Coli­gnon parle du signe moins au pas­sé : « […] le vrai “moins” était un signe inter­mé­diaire entre le tiret et le trait d’union, fai­sant les deux tiers ou les trois quarts du vrai tiret. Ce rôle est joué aujourd’hui par le trait d’union […]1 »

Un cor­rec­teur digne de ce nom ne confon­drait pas la lettre minus­cule x et la croix de mul­ti­pli­ca­tion (×), ni le prime (a′) et l’apostrophe (a’). Pour­quoi devrait-il confondre trait d’union (ou tiret) et signe moins, en lais­sant libre cours à une pré­ten­due « norme » ? 

Aspect pratique 

Bref, quand les codes typo parlent de l’é­cri­ture des nombres néga­tifs, ils recom­mandent géné­ra­le­ment le trait d’union. Voir Coli­gnon (déjà cité) ou Ramat-Mul­ler (p. 83). Pour ma part, je le trouve trop petit et je lui pré­fère le tiret demi-cadra­tin, à l’instar du typo­graphe Bru­no Ber­nard2.

L’emploi du signe moins, qui reste recom­man­dable en typo­gra­phie soi­gnée, pré­sente trois difficultés :

1) Il n’est pas acces­sible au cla­vier direc­te­ment. Il faut soit taper son Uni­code (U-2212), soit aller le cher­cher dans les glyphes, par­mi les signes mathématiques. 

2) Il n’existe pas dans cer­taines polices, comme la Gara­mond de mon Mac. 

signe moins inexistant en Garamond
Le signe moins ne s’af­fiche pas dans la Gara­mond de mon ordinateur.

3) Consé­quence du 2 : si on tra­vaille sur un texte qui aura plu­sieurs des­ti­na­tions, par exemple une publi­ca­tion impri­mée et une en ligne, on ne peut prendre le risque d’employer un signe qui, poten­tiel­le­ment, dis­pa­raî­tra du texte. Il faut au moins véri­fier que cela est sans danger.

Ces res­tric­tions mises à part, le signe moins reste disponible.

Et l’espacement ? 

Pour faire le tour com­plet de la ques­tion, je donne les règles d’es­pa­ce­ment du signe moins (dif­fi­ciles à trou­ver), évi­dem­ment valables si vous uti­li­sez à sa place le trait d’u­nion ou le tiret : 

« Un nombre néga­tif est écrit sans espace sépa­ra­teur après le signe moins » — Wiki­pé­dia3. Inver­se­ment, toutes les opé­ra­tions algé­briques s’é­crivent avec une espace avant et après le signe. En effet, en mathé­ma­tiques, on dis­tingue le cas où le signe moins est un opé­ra­teur unaire (–1) et celui où il est un opé­ra­teur binaire (3 – 1). Pour plus d’in­for­ma­tion, lire le PDF Règles fran­çaises de typo­gra­phie mathé­ma­tique d’A­lexandre André.

Même s’il n’en a pas l’u­sage au quo­ti­dien, le cor­rec­teur doit au moins connaître l’existence du signe moins et ses pro­prié­tés, pour l’employer quand cela est néces­saire. Cela ne me paraît pas fol­le­ment réac­tion­naire, sim­ple­ment rigoureux. 

Pour les réfé­rences des auteurs cités, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

NB – N’é­tant pas mathé­ma­ti­cien, j’ai pu man­quer de pré­ci­sion dans mes expli­ca­tions. Si c’est le cas, n’hé­si­tez pas à me le signaler. 


Le “calendrier de l’avent”, une tradition majuscule

Calen­drier de l’avent « Céleste » de Ladu­rée.

1er décembre, pre­mier jour de l’avent et, bien sûr, défilent, sur les réseaux sociaux et ailleurs, billets et articles sur­fant sur le « calen­drier de l’avent » ou, plus sou­vent, « de l’Avent ». Pour­quoi cette hési­ta­tion graphique ? 

Ancien­ne­ment advent (vers 1119), avent vient du latin chré­tien adven­tus (« arri­vée, avè­ne­ment ») et désigne la « période de l’année litur­gique de quatre semaines qui pré­cède et pré­pare la fête de Noël » (Larousse).

Un calen­drier de l’avent est une boîte « com­pre­nant vingt-quatre volets à ouvrir chaque jour, du 1er décembre à Noël, pour décou­vrir une frian­dise, une sur­prise » (Robert).

Dans un cas comme dans l’autre, la minus­cule s’impose. 

Le logi­ciel Anti­dote pré­cise :
« Comme c’est toute une période qui est dési­gnée par le mot avent et non pas un jour de fête unique, il est recom­man­dé de l’écrire avec une minus­cule, comme pour le nom du carême ou du rama­dan. La gra­phie Avent, avec une majus­cule, est déconseillée. »

On peut le véri­fier dans les dic­tion­naires sui­vants : Robert, Jouette, Giro­det, Dour­non, Lit­tré ; dans les ency­clo­pé­dies Uni­ver­sa­lis et Wiki­pé­dia, ain­si que dans la Vitrine lin­guis­tique (Qué­bec).

Seul Larousse (et le TLFI) main­tient la majus­cule. Est-ce pour « bien dis­tin­guer l’Avent, temps de la litur­gie catho­lique qui pré­cède Noël, de la pré­po­si­tion avant » ? L’argument me paraît mince. 

Même le dic­tion­naire de la si conser­va­trice Aca­dé­mie a aban­don­né la majus­cule depuis son édi­tion de 1835.

Pour­tant, cette tra­di­tion – de la majus­cule – a la vie dure.

Avent dans calen­drier de l’avent serait-il per­çu comme le « nom spé­ci­fique », sur le modèle de minis­tère de l’Économie ? S’agit-il de l’expression d’une défé­rence à l’égard de la reli­gion ? Ou encore d’un exemple de la « majus­cu­lite » commerciale ?

J’avoue que l’explication m’échappe. Les hypo­thèses sont les bienvenues. 

NB – La plu­part des sources men­tion­nées ici figurent dans La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Les parenthèses encadrant de l’italique doivent-elles être en italique ?

Comme nous allons le voir, les res­sources à la dis­po­si­tion du cor­rec­teur sont contra­dic­toires sur cette ques­tion, ain­si qu’au sujet des cro­chets et des guillemets. 

En ce qui concerne le style des paren­thèses, la règle que j’ai apprise à mes débuts et que j’ai vu lar­ge­ment pra­ti­quer – notam­ment dans la presse et dans les pièces de théâtre – est celle don­née par Louis Gué­ry1 : 

Lorsque tous les mots à l’intérieur de la paren­thèse sont en ita­lique dans un texte en romain, les paren­thèses se com­posent en ita­lique, l’inverse étant vrai : 
➠ Il rou­la sa busse (sic) jusqu’à l’entrée de la cave. 
➠ C’est ce que l’on attend main­te­nant (à suivre).

Lorsque, à l’intérieur de la paren­thèse, des mots sont com­po­sés en romain et d’autres en ita­lique, on com­po­se­ra les deux paren­thèses dans le carac­tère domi­nant :
➠  … (qui devien­dra au fil des ans un sacré rifi­fi).

En aucun cas, on ne com­po­se­ra une paren­thèse en romain et l’autre en italique.

De même, dans le vieux Code typo­gra­phique2, on trou­vait (§§ 54, 55 et 99) les exemples suivants : 

M. Valois — Je suis sur­pris. (Bruit.)
Il attei­gnit enfin le troi­sième étage. (À suivre.)
Nous nous rat­trap­pe­rons (sic).
Quelle hor­reur !… (Elle recule épou­van­tée.)

L’ou­vrage expli­quait cette appa­rente inco­hé­rence comme suit (§ 99, p. 105) : 

Les paren­thèses ren­fer­mant une phrase ou une par­tie de phrase entiè­re­ment en ita­lique peuvent être en ita­lique ou en romain, mais, si le mot ini­tial ou final est en romain, les deux paren­thèses seront obli­ga­toi­re­ment en romain3.

L’é­di­tion de 1997 ajoute, dans une rédac­tion moder­ni­sée (§ 150, p. 137) : « Cette règle est la même pour tout carac­tère d’une famille ou d’un style dif­fé­rent de celui du texte. » On peut en déduire que cela est valable pour le gras, usage que j’ob­serve très rare­ment, mais que recom­mande le Qué­bé­cois Guy Connol­ly sur son site4.

Chez Charles Gou­riou, on peut lire pareille­ment (§ 206, p. 96) :

Les paren­thèses qui encadrent un texte en ita­lique ou en carac­tères gras devraient nor­ma­le­ment5 se com­po­ser dans le même corps6 : 
➠ Par­bleu ! (Il sou­rit.) Regardez. 

Il prend la peine de pré­ci­ser : « Cepen­dant, si cet usage a été régu­liè­re­ment omis, on ne le réta­bli­ra pas à la cor­rec­tion.»

Avis divergents

En effet, cer­tains édi­teurs font un autre choix, celui que pré­co­nise notam­ment la Vitrine lin­guis­tique (Cana­da)7 :

[…] les paren­thèses sont de pré­fé­rence dans la même face8 que la phrase prin­ci­pale et non des mots mis entre paren­thèses. Ain­si, dans les indi­ca­tions aux lec­teurs, les des­crip­tions scé­no­gra­phiques et les jeux de scène, les paren­thèses se com­posent en romain, alors que le reste est en ita­lique. Dans les ren­vois à d’autres sec­tions d’un ouvrage, seul le titre ou mot fai­sant l’objet du ren­voi est en ita­lique ; le reste est en romain, y com­pris les paren­thèses. Quant aux cro­chets, ils res­tent géné­ra­le­ment en romain, que le texte soit en romain ou en ita­lique (notons tou­te­fois que les conven­tions typo­gra­phiques sur les cro­chets ne sont pas uni­formes d’un ouvrage à l’autre).

Pour Jacques Drillon, c’est le seul choix de bon sens (p. 277, § 28) : 

[…] si le début de la paren­thèse est en romain, et la fin en ita­lique, il est impos­sible d’adopter un sys­tème cohé­rent… Tan­dis que si l’on observe la règle qui veut qu’un signe de paren­thèse soit impri­mé dans le corps du texte géné­ral, la dif­fi­cul­té tombe d’elle-même. C’est l’opinion de Jean-Pierre Coli­gnon9 et de nom­breux autres correcteurs […]

Concer­nant l’usage très répan­du dans les jour­naux de mettre les cita­tions en ita­lique, y com­pris les guille­mets qui les encadrent, Drillon a un avis tout aus­si tran­ché (p. 325, § 25) : 

C’est une cou­tume illo­gique, puisque les guille­mets appar­tiennent au dis­cours géné­ral de l’auteur, non à la par­tie entre guillemets. 

J’ai eu un client qui sui­vait l’a­vis de Drillon, mais c’est peu courant. 

Quand le cor­rec­teur est déci­sion­naire de ces choix typo­gra­phiques, il est sans doute plus simple pour lui de lais­ser tous les signes de ponc­tua­tion dans le style prin­ci­pal du texte, qu’il s’agisse des signes iso­lés comme la vir­gule ou des signes allant par paire. Cela évite bien des hésitations. 

Dans les faits, il doit le plus sou­vent se confor­mer à la marche de chaque éditeur. 

J’a­jou­te­rai, cepen­dant, qu’il est pour moi sur­pre­nant qu’au­cune des sources que j’ai consul­tées ne men­tionne la dif­fi­cul­té pra­tique que peut repré­sen­ter, avec cer­taines polices, l’as­so­cia­tion d’un texte en ita­lique et de paren­thèses en romain. Le pro­blème est par­ti­cu­liè­re­ment appa­rent avec le Garamond : 

En Gara­mond, par défaut, la paren­thèse romaine fer­mante entre en conflit avec le texte ita­lique. La paren­thèse ita­lique le touche, ce qu’il vaut mieux cor­ri­ger également.

Il faut alors « jeter un peu de blanc » avant la paren­thèse fer­mante, comme le recom­mande Lacroux (s.v. Paren­thèses).

Dans le logi­ciel InDe­si­gn, avant la paren­thèse ita­lique, j’ai ajou­té 90 d’ap­proche, alors qu’a­vec la paren­thèse romaine, j’ai dû ajou­ter 270, et cela crée un fâcheux espace au pied du f.

Mais, à l’ère de la PAO, rares sont les pro­fes­sion­nels de l’é­di­tion qui se donnent encore la peine de tels réglages manuels…

☞ Lire aus­si La vir­gule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?


Pour les réfé­rences qui ne sont pas don­nées dans les notes ci-des­sous, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Ponctuation et italique : aux sources de la règle

La ques­tion esthé­tique du mélange de signes de ponc­tua­tion romains et ita­liques n’est pas à réser­ver à « l’homme de goût » (Dau­pe­ley-Gou­ver­neur) ou à « quelques lec­teurs vétilleux » (Lacroux)… Il suf­fit de s’y inté­res­ser un peu. Com­pa­rons deux polices, Gara­mond et Cambria :

Polices Gara­mond (en haut) et Cam­bria (en bas). 

On constate aisé­ment que la rup­ture de style que consti­tue le point-vir­gule romain entre deux mots en ita­lique est plus nette dans une police très cur­sive comme le Garamond. 

On note aus­si que le point ita­lique en Cam­bria est bien des­si­né en oblique, contrai­re­ment au point romain (ce n’est donc pas tou­jours « kif-kif »).

De plus, le point ita­lique est pla­cé légè­re­ment plus près du t que le point romain (voir l’exemple en Gara­mond ci-contre).

Je pen­sais confu­sé­ment que l’exception dont fait sou­vent l’objet la vir­gule (ain­si que le point et les points de sus­pen­sion, mais ils se remarquent moins) tenait au fait qu’elle est col­lée au mot pré­cé­dent et « accom­pagne » son mou­ve­ment, en quelque sorte. Mais je n’ai pas trou­vé confir­ma­tion de cette hypo­thèse. D’a­bord, parce que les typo­graphes ont long­temps mis de l’es­pace avant la vir­gule (lire Espa­ce­ment de la ponc­tua­tion en fran­çais) ; ensuite, parce que l’usage dif­fé­rait selon les impri­meurs (voire selon leurs dif­fé­rents com­po­si­teurs ?) ou par­fois même à l’in­té­rieur d’un ouvrage.

Quelques exemples

Dans le manuel de A. Frey (18351), la ponc­tua­tion, qu’elle soit haute ou basse, reste en romain après des mots en italique :

Pre­mière ligne : le point-vir­gule après cur­sive est en romain. Troi­sième, qua­trième et sixième lignes : la vir­gule sui­vant un mot en ita­lique est en romain.

Chez Jules Claye (18742), la ponc­tua­tion est oblique quand le texte qui pré­cède est oblique.

Toutes les vir­gules sui­vant de l’i­ta­lique sont com­po­sées dans le même caractère.

À la même époque, on trouve à la fois des vir­gules romaines chez Littré : 

Dic­tion­naire de la langue fran­çaise, 1873-1874.

et des signes de ponc­tua­tion ita­liques (ici, un point-vir­gule) chez Flaubert : 

Madame Bova­ry, 2e par­tie, ch. X, [1857], 2e éd., 1878.

Une règle, enfin

C’est chez G. Dau­pe­ley-Gou­ver­neur (18803) que j’ai trou­vé une pre­mière men­tion de la règle encore men­tion­née dans notre vieux Code typo­gra­phique4 : « La ponc­tua­tion, quelle qu’elle soit, doit être romaine après le romain, ita­lique après l’italique. »

Lui-même admet déjà répondre en pre­mier lieu à un objec­tif esthé­tique. « La règle qui nous occupe est, dit-il, une de celles qui ont pour objet la satis­fac­tion du coup d’œil ; mais elle ne s’accorde pas tou­jours avec la rai­son […] », et il est « for­cé d’ad­mettre une excep­tion en faveur des textes trai­tant spé­cia­le­ment de lin­guis­tique […] dans les­quels l’italique vise presque tou­jours uni­que­ment les mots à l’exclusion de la ponctuation ». 

Mal­gré tout, il sou­hai­te­rait voir sa règle una­ni­me­ment appliquée : 

En ce qui concerne l’emploi des vir­gules ita­liques, il règne mal­heu­reu­se­ment, dans la plu­part des impri­me­ries, pour ne pas dire dans toutes, une trop grande indif­fé­rence de la part du com­po­si­teur. L’expérience nous prouve tous les jours com­bien il est dif­fi­cile d’atteindre ici la per­fec­tion. Le mélange des vir­gules ita­liques et des vir­gules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minu­tieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera tou­jours la déso­la­tion de l’homme de goût. L’observation de la règle sur ce point a pour nous une réelle impor­tance, parce que l’écueil est à chaque pas, parce qu’il ne se pré­sente que deux che­mins éga­le­ment faciles à suivre, l’un bon, l’autre mau­vais, et que le choix de l’un ou de l’autre est trop sou­vent sou­mis aux caprices du hasard, source d’un désordre perpétuel.

Un remède oublié

Grâce à lui, j’ai décou­vert qu’une solu­tion ori­gi­nale – et per­due depuis – a été ima­gi­née à son époque :

C’est la dif­fi­cul­té d’obvier à ce mélange qui a fait adop­ter depuis quelque temps, dans cer­taines fontes, un genre de vir­gules mixtes, dont l’œil n’est ni tout à fait romain, ni tout à fait ita­lique. Nous approu­vons fort ce sys­tème, qui, n’ayant rien de cho­quant en lui-même, a l’immense avan­tage de parer à l’inconvénient que nous signalons.

Dans une note, il affirme : « La sep­tième édi­tion du Dic­tion­naire de l’Académie (1877) [sic, 1878] a été com­po­sée entiè­re­ment avec des vir­gules mixtes. »  Cela a piqué ma curio­si­té, qui s’est trou­vée en par­tie déçue, car dès la défi­ni­tion du mot vir­gule j’ai trou­vé un mélange de styles :

Vir­gule romaine (ou « mixte » ?) après vir­gule ; vir­gule ita­lique après « saillie ». La belle ambi­tion de cohé­rence semble avoir été trom­pée par le tra­vail des compositeurs…

Pour ma part, afin d’é­vi­ter les « caprices du hasard » et le « désordre per­pé­tuel », je recom­mande, contrai­re­ment à Dau­pe­ley-Gou­ver­neur, de lais­ser la ponc­tua­tion dans le style du texte prin­ci­pal. La « satis­fac­tion de l’œil », en soi déjà dis­cu­table (car si une vir­gule ita­lique est en cohé­rence avec le texte ita­lique qui pré­cède, elle est inco­hé­rente avec le romain qui suit), me paraît ici moins impor­tante que la rigueur du sens com­mu­ni­qué par la typographie.

☞ Lire aus­si l’ar­ticle prin­ci­pal sur ce sujet : La vir­gule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?


La virgule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?

« Le mélange des vir­gules ita­liques et des vir­gules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minu­tieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera tou­jours la déso­la­tion de l’homme de goût. » — G. Dau­pe­ley-Gou­ver­neur (18801)

Com­ment le cor­rec­teur doit-il agir quand une vir­gule suit un texte en ita­lique ou en gras (ou les deux à la fois) ? Celle-ci doit-elle se confor­mer au style du texte en question ?

Une règle simple se trouve dans Le Ramat euro­péen de la typo­gra­phie, adap­té par Romain Mul­ler (p. 88, « Faces de la ponctuation ») :

La ponc­tua­tion se met dans la face2 de la phrase ou par­tie de phrase à laquelle elle appartient.

➠ La cen­tième par­tie de l’euro est le cen­time ; la cen­tième par­tie de la livre est le pen­ny.
Le point-vir­gule et le point sont en romain.
➠ Le titre du livre est le sui­vant : Le théâtre aujourd’hui ; son rôle dans la socié­té.
Le deux-points est en romain, le point-vir­gule est en ita­lique, le point est en romain. 

Pour la plu­part des gens, pro­fes­sion­nels ou non, « un point romain et un point ita­lique, ça doit être kif-kif », comme le dit quel­qu’un dans le forum Typo­gra­phie… Mais pour­sui­vons notre lec­ture de Ramat-Muller : 

Fau­tif : Il convient d’être très atten­tif, car c’est un tra­vail de pré­ci­sion. 
Cor­rect :  Il convient d’être très atten­tif, car… 
Fau­tif :  c’est un tra­vail de pré­ci­sion. Il faut être très atten­tif !
Cor­rect :  c’est un tra­vail de pré­ci­sion. Il faut être très attentif !

Cette règle est celle que j’applique dans les tra­vaux où j’ai le contrôle com­plet de la typo­gra­phie. Elle a l’a­van­tage de ne souf­frir ni excep­tion ni ambi­guï­té. « C’est la façon de faire la plus nor­male et celle qu’on devrait pré­fé­rer », écrit aus­si la Vitrine lin­guis­tique3.

C’est éga­le­ment le choix de Jean-Pierre Lacroux (s.v. Ponc­tua­tion) :

Après une por­tion de phrase com­po­sée en ita­lique (mots étran­gers, titres, etc.), la ponc­tua­tion sera com­po­sée en romain si elle n’appartient pas à l’élément ain­si mis en évi­dence : « Quel est le deuxième lied du cycle Die schöne Mül­le­rin ? — Il me semble que c’est Wohin ? »

De même pour Charles Gou­riou (§ 41, p. 13), qui ne men­tionne, lui, que la ponc­tua­tion haute (; : ! ?).

Avis divergents

Cepen­dant, notre vieux Code typo­gra­phique4 pres­cri­vait l’in­verse dans un nota (§ 105, p. 108) : 

Il est d’u­sage d’employer les signes de ponc­tua­tion du même œil que le mot qui les pré­cède, sur­tout quand il s’a­git d’i­ta­lique ou de carac­tères gras :
➠ Fal­lait-il écrire la loca­tion ou l’al­lo­ca­tion ?
➠ On dis­cu­ta long­temps sur Tar­tuffe ; d’autre part, on tom­ba d’ac­cord sur…

D’autres font une excep­tion pour la seule vir­gule ou pour toute la « ponc­tua­tion basse » (vir­gule, point, points de sus­pen­sion). « Peut-être pour des rai­sons de com­mo­di­té » (Vitrine lin­guis­tique), le plus sou­vent avec des argu­ments esthé­tiques5.  

Aurel Ramat lui-même, dans son manuel (l’é­di­tion qué­bé­coise, donc), écrit (p. 192) : « La ponc­tua­tion basse reste tou­jours dans la même face que le mot qui la pré­cède, qu’elle appar­tienne au mot ou au reste de la phrase. »

« Tou­te­fois, objecte le Bureau de la tra­duc­tion6 (Cana­da), si l’on applique à la lettre cette règle de typo­gra­phie, on devrait écrire :
➠ Vous avez le choix d’utiliser les styles de police sui­vants : gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.
Il semble plus logique dans un cas comme celui-là de mettre les signes de ponc­tua­tion en carac­tères ordinaires. »

Laquelle des options ci-des­sous est la meilleure ? 
gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.
gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.

C’est une ques­tion d’appréciation per­son­nelle. Je choi­sis la seconde.

Je ne pra­tique qu’une excep­tion, pour les intro­duc­teurs en gras, car je consi­dère que le deux-points qui les suit leur appar­tient. Choix vali­dé par le Bureau de la traduction : 

On met géné­ra­le­ment en gras le deux-points qui suit un mot ou une expres­sion en gras en début de phrase :
Remarque : Ce terme est consi­dé­ré comme vieilli.

Pour être exhaus­tif, il faut aus­si noter, tou­jours sous la plume du Bureau de la traduction :

Par sou­ci de sim­pli­fi­ca­tion et d’économie de temps, on admet […] de mettre les vir­gules en ita­lique après chaque nom d’une énu­mé­ra­tion : 
➠ Les noms qui riment avec le son -on, comme jam­bon, lar­don, pois­son, carillon, bou­ton, etc., ne peuvent pas être uti­li­sés dans l’exercice. 

J’avoue me lais­ser aller à ce genre de faci­li­té… ce qu’admet aus­si Lacroux, dans une dis­cus­sion7 : 

[…] dans une énu­mé­ra­tion de termes com­po­sés en ita­lique, pour­quoi se fati­guer à réin­tro­duire du romain à chaque vir­gule alors que l’ital coule de source et que sa bizar­re­rie « séman­tique » n’apparaîtra qu’à quelques lec­teurs vétilleux […]

Je donne ici une règle qui a l’a­van­tage d’être facile à appli­quer, mais je ne suis pas pour autant insen­sible à l’as­pect esthé­tique de la ques­tion. J’y reviens donc dans un billet plus his­to­rique, Ponc­tua­tion et ita­lique : aux sources de la règle.

☞ Pour faire le tour com­plet de la ques­tion, lire aus­si Les paren­thèses enca­drant de l’i­ta­lique doivent-elles être en italique ?


☞ Pour les réfé­rences des auteurs cités ne figu­rant pas dans les notes ci-des­sous, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Illus­tra­tion du haut emprun­tée au site Estan­darte.

Deux typographes parlent des codes typo

Que reste-t-il du monde des typo­graphes ? Laure Ber­nard a recueilli le témoi­gnage de deux d’entre eux, Fré­dé­ric Tachot et Jean-Paul Des­champs, der­niers héri­tiers de ce monde res­té qua­si­ment inchan­gé pen­dant cinq siècles et qui a dis­pa­ru en une géné­ra­tion. À tra­vers le récit de leur par­cours, de leur expé­rience dans une His­toire qui se ter­mine, ce sont les arcanes de ce métier qui se des­sinent : un uni­vers où se mêlent for­ma­tion et filia­tion, où le savoir-faire implique un cer­tain rap­port au savoir lui-même, où le geste est lié au mot, et où l’appartenance à une cor­po­ra­tion, avec ses diverses nuances, se tra­duit aus­si par un lan­gage, et par un esprit, vifs et tru­cu­lents. (Pré­sen­ta­tion de l’é­di­teur.) Extraits. 

Frédéric Tachot transmet son expérience de typographe.
Fré­dé­ric Tachot trans­met son expé­rience de typographe.

Chez les Tachot, on est typos depuis sept géné­ra­tions… Ain­si, la vie se passe en trois temps : un temps où l’on apprend, un deuxième temps où l’on se sert de ce qu’on a appris pour vivre et un troi­sième temps où l’on doit res­ti­tuer. J’en suis au troi­sième stade là, au stade de la res­ti­tu­tion. Mais qu’est-ce que je peux trans­mettre, et à qui ? Toute la ques­tion est là. La tra­di­tion typo­gra­phique, l’esprit du métier, ne sont plus trans­mis­sibles puisque le monde qui leur était rat­ta­ché est mort.

Correcteurs et corrigeurs

Une fois la pre­mière com­po­si­tion ter­mi­née, on tire une « épreuve » du texte. Le pro­ces­sus est un peu dif­fé­rent entre le Labeur et la Presse mais dans les deux cas, l’é­preuve per­met de faire les cor­rec­tions, Il y a les cor­rec­teurs qui cor­rigent le texte, qui l’an­notent en fonc­tion des modi­fi­ca­tions à faire ; par­fois il y a les cor­ri­geurs, des typo­graphes qui retouchent concrè­te­ment le texte, la forme typo­gra­phique selon les indi­ca­tions du cor­rec­teur. Bien sûr, en fonc­tion des boîtes ces tâches étaient faites par plus ou moins de per­sonnes dif­fé­rentes, le pro­to­cole n’é­tait pas tout à fait le même. (p. 82)

Codes typographiques

Des­champs : Éta­blir des règles com­munes, c’est aus­si le prin­cipe du Code typo­gra­phique. Mais il faut bien dire que ces codes de com­po­si­tion, ces codes typo­gra­phiques, il y en a un à chaque époque, chaque auteur a vou­lu en faire un, et il n’y en a pas deux qui disent la même chose, c’est assez extra­or­di­naire ! Il y a le Lexique des règles typo­gra­phiques de l’Im­pri­me­rie natio­nale ; le Code typo­gra­phique, édi­té par la Chambre typo­gra­phique ; le Guide du typo­graphe des Suisses romands ; les règles de l’Ins­ti­tut belge de nor­ma­li­sa­tion… autant de codes, sou­vent contra­dic­toires.
Et pour­tant, dans le pur esprit typo­gra­phique, il faut sou­li­gner qu’à une époque, quand on avait à faire un simple tableau admi­nis­tra­tif, qu’on le fasse à Lille, à Mar­seille, à Brest ou à Stras­bourg, il était fait rigou­reu­se­ment de la même manière. Chose qu’on ne fait plus maintenant.

Tachot : Si on vou­lait faire un ouvrage d’é­di­tion cou­rante, où que ce soit, il était fait de la même façon. À condi­tion que le for­mat papier soit le même. Il y avait la moi­tié du blanc avant le point-vir­gule, le point d’ex­cla­ma­tion, le point d’in­ter­ro­ga­tion, pas de cou­pure de syl­labe muette… Dans tous les pays fran­co­phones, que ce soit chez les Belges ou chez les Suisses, les mêmes règles étaient uti­li­sées. Les Anglais et les Amé­ri­cains en avaient d’autres, bien que les Anglais se rap­prochent aujourd’­hui de plus en plus des Amé­ri­cains. En France, d’ailleurs, le Code typo­gra­phique dépend des syn­di­cats de l’im­pri­me­rie ou de l’Imprimerie natio­nale ; tan­dis qu’en Angle­terre, il dépend d’Ox­ford. Ce sont les gram­mai­riens qui s’oc­cupent de la typo­gra­phie de leur langue, ce qui est tout à fait logique puisque ça touche aux règles de gram­maire et de com­pré­hen­sion d’un texte.

D : Quand l’é­tais appren­ti, mon patron pou­vait refu­ser un tra­vail à des clients dont les demandes ne cor­res­pon­daient pas aux règles typo­gra­phiques. Il nous disait : « Je ne le fais pas. Ce n’est pas typo­gra­phique ! ». Et le client se fai­sait dire la même chose par un autre. Main­te­nant, alors on s’en fout totalement.

T : Les impri­meurs sont deve­nus des pres­ta­taires de ser­vices, ils ne peuvent plus lut­ter contre les impri­mantes laser. Ils sont contraints de s’as­seoir sur toutes les valeurs qui ont construit le métier pen­dant cinq siècles. Et ça, ça nous désole un peu. (p. 98-99)

Laure Ber­nard, Les Typo­graphes. Fré­dé­ric Tachot, Jean-Paul Des­champs, éd. Pac­coud, 2013.

Ate­lier typo­gra­phique, Saran (Loi­ret) : visi­ter le site.

Face à la casse à l'Atelier typographique de Saran
Face à la casse, à l’A­te­lier typo­gra­phique de Saran. Source : Ville de Saran.