Alors qu’il déménageait de la rue des Italiens à la rue Falguière (du 9e au 15e arrondissement de Paris), le journal Le Monde ne pouvait pas quitter l’immeuble qu’il avait occupé pendant quarante-cinq ans sans en garder quelques souvenirs. Plutôt que de commander un reportage photo, il a confié ce soin à un illustrateur. Nicolas Guilbert a arpenté les locaux vides — du bureau du directeur à la salle des rotatives — et a saisi d’un mince trait d’encre, sans ombres, les traces laissées par leurs occupants.
Dans cette ambiance un peu fantomatique, la place de chaque objet est soigneusement délimitée. Piles de dossiers et documents divers, classeurs suspendus par milliers à la documentation, agendas laissés ouverts, tirages photo épinglés aux murs… le papier est partout. Le matériel — téléphones à cadran, ordinateurs (encore peu nombreux), fax, tubes pneumatiques pour la circulation de la copie… — accuse son âge. Nombre de bureaux sont si encombrés (la palme revenant à celui de la critique littéraire Nicole Zand) que j’avoue m’être demandé comment on a pu y travailler.
Dans le bureau des correcteurs, au fond, une armoire métallique Douville, bien garnie de dictionnaires. Le Larousse et le Dictionnaire des synonymes des « Usuels du Robert » y figurent en bonne place, avec Le Trombinoscope (annuaire du monde politique français), un Catalogue général classique du magazine Diapason et des dictionnaires bilingues de Larousse (reconnaissables à leur logo en forme de S). On y aperçoit aussi Le Grand Robert (1971) et même le vieuxLarousse du xxe siècle (1928-1933), tous deux en six volumes. Le dos marqué « Leconte » résiste à mon identification. Je ne connais pas de lexicographe de ce nom1.
Sur le bureau lui-même, un plan incliné, à la hauteur réglable, où sont restés un stylo, un trombone et trois épreuves en cours de relecture. Détail intéressant : les épreuves sont imprimées en placard, c’est-à-dire sans mise en page, sous forme de longue colonne, à gauche de la grande feuille, ce qui laisse un vaste espace libre pour les annotations.
On peut remercier Nicolas Guilbert pour son sens de l’observation et la précision de son trait !
Bertrand Poirot-Delpech et Nicolas Guilbert (dessins), Rue des Italiens. Album souvenir, Le Monde/La Découverte, 1990, p. 36. Le texte de ce livre a été republié par Le Monde en 2019, cette fois illustré de photos d’archive, pour les 75 ans du journal.
On me suggère Leconte (Jacques) et Cibois (Philippe), Que vive l’orthographe !, Le Seuil, Paris, 1989. ↩︎
1924 est une date importante pour les correcteurs. Quelqu’un, enfin, leur consacrait un ouvrage complet et sérieux. Il fallait sans doute que ce fût un des nôtres. Ancien correcteur devenu imprimeur, Louis Emmanuel Brossard publie cette année-là (à Tours, chez Ernest Arrault1) Le Correcteur Typographe : essai historique, documentaire et technique. D’après lui, « le fond de ce travail » résulte de « notes […] réunies depuis 1888, au hasard des circonstances et des lectures », que « des loisirs forcés [… l’]ont incité à développer »2.
Brossard déclare avoir « cherché à condenser […] les connaissances indispensables au correcteur, ce travailleur intellectuel dont nous nous honorons d’avoir si longtemps porté le titre ». Dans cette synthèse de 587 pages, on trouve, dans l’ordre : la définition du correcteur (chapitre premier) et son histoire (II), son instruction (III), ses devoirs (IV), la préparation du manuscrit (V), le code typographique (VI) et les signes de correction (VII), la lecture en premières (VIII), en « bon » (IX) et la tierce (X), la correction des journaux (XI) et, pour finir, la situation morale et matérielle du correcteur (XII).
Le manuscrit a été relu par J. Lemoine, correcteur à l’Imprimerie nationale3.
Comme Brossard rend hommage, avec modestie, à ses nombreux devanciers (auteurs de manuels typographiques, historiens, littérateurs et autres), je dois reconnaître que sans cet épais volume, mon blog n’existerait peut-être pas ou qu’il serait bien plus difficile à écrire.
Brossard mérite “la reconnaissance des typographes présents et futurs”
Le second tome, Les Règles typographiques, paraît dix ans plus tard (produit par l’imprimerie que dirige désormais l’auteur, celle du Petit Écho de la mode, à Châtelaudren, dans les Côtes-du-Nord4). Ce travail fut d’abord « publié, par fractions, dans la Circulaire des Protes5, au cours des années 1925 et suivantes, et servit de base aux travaux de la Commission du Code typographique6 » — lequel paraîtra en 19287.
Ce nouvel ouvrage est bien accueilli par la profession8 :
Tous nos collègues connaissent le grand savoir de notre ami Louis Brossard. Chacun sait la somme de matériaux qu’il a patiemment accumulés, se rapportant à l’exercice de notre chère typographie. Il vient de les coordonner et de les éditer dans ce gros volume de plus de 1.000 pages divisées en trente-quatre chapitres. C’est assez dire l’importance du travail dont nous annonçons la parution. […] Il nous est impossible d’analyser un aussi important travail dans une courte notice. Qu’il nous suffise de dire que Louis Brossard, en le faisant paraître, a droit à la reconnaissance des typographes présents et futurs, pour avoir réuni dans cet ouvrage des règles qu’il y a le plus grand intérêt à ne pas permettre qu’elles tombent dans l’oubli. Le second volume du Correcteur typographe a sa place marquée dans toutes les bibliothèques techniques, comme dans toutes les écoles et cours professionnels du Livre9.
“Un des premiers artisans du ‘Code typographique’”
Mais qui est cette « personnalité injustement oubliée », comme l’écrit Luce Dermigny dans le Dictionnaire encyclopédique du livre (I, p. 554), dont l’« ouvrage fondamental [… ] fit prendre conscience, dans une perspective historique du problème, des enjeux de la correction des textes » ?
« Né le 16 octobre 1870 [à Chemillé-sur-Dême, Indre-et-Loire], Louis Brossard [… fut] [e]mbauché en décembre 1888 à l’imprimerie Deslis10, à Tours, en qualité de correcteur, il devint chef d’atelier [prote] en 1902. Plus tard, il s’établit imprimeur en 1908 [il s’associe avec Eugène-Edmond Ménard dans l’Imprimerie du Centre, située 21, rue du Hallebardier, à Tours11 ; Ménard lui cédera ses droits sociaux en 191312] ; il devient ensuite directeur de l’imprimerie de Châtelaudren en 192313. »
Le 20 octobre 1893, il épouse Jeanne Tailbois14, sans profession, originaire de Saint-Cyr15, qui lui donnera trois enfants, Emmanuel16, Jeanne17 et André18. (Le premier tome du Correcteur Typographe est dédié « à la mémoire de mon fils André ».)
En 1938, « la croix de chevalier de la Légion d’honneur19 [vient] récompenser une œuvre considérable accomplie sans bruit20 ». À cette occasion, la Circulaire des Protes écrit :
Travailleur infatigable autant que modeste et silencieux, dirigeant dans un coin de Bretagne une importante imprimerie dont il a été, croyons-nous, autant l’architecte que l’animateur technique21, notre ami Louis Brossard est peut-être assez peu connu des jeunes de l’Amicale. Mais tous ceux qui ont vécu l’âge héroïque de notre groupement connaissent sa valeur et son savoir, et ils reconnaîtront avec nous que la distinction qu’il vient de recevoir ne pouvait être mieux placée. Qu’il nous soit permis de rappeler à cette occasion que Louis Brossard fut un des premiers artisans du Code typographique et que la documentation qu’il avait établie à ce sujet a servi de base aux travaux de la commission chargée de son élaboration.
Une mort tragique
Hélas, Louis Brossard meurt le 8 juin 1939, avec six sapeurs-pompiers, intoxiqué par des vapeurs d’acide nitrique lors d’un incendie dans son imprimerie.
La Circulaire des Protes fait un récit détaillé du drame :
Un incendie bénin, dont les causes précises demeurent encore inconnues à l’heure actuelle, éclate le soir, vers 20 heures, dans un magasin à papier qui servait aussi de réserve de matières et d’ingrédients. La fumée sortant d’un vantail le signale au passant. On alerte le directeur et bientôt, dans le canton breton, toute la foule se précipite vers l’imprimerie, qui est la seule grande industrie du pays… Le foyer trouvé, des lances sont mises en action. Dans l’affolement qui existe toujours un peu en ces cas-là, des bonbonnes d’acides sont cassées, et notamment toute une réserve d’acide nitrique entreposée pour la photogravure, que la fumée empêchait de voir et qui est bousculée par un extincteur de 100 litres monté sur chariot. Les sauveteurs ne prennent pas garde à l’acide qui s’écoule, ils continuent à noyer l’incendie et à déverser la mousse des extincteurs. Le feu est éteint après une heure d’efforts et sans trop de dégâts… On rentre chez soi, heureux d’avoir été assez vite maître du fléau. Brossard quitte un des derniers le lieu du sinistre. Et voici qu’un peu plus tard, plusieurs de ceux qui ont combattu l’incendie ressentent quelques malaises, qui prennent bientôt un caractère de gravité telle qu’en quelques heures il y avait huit morts22 et vingt-six intoxiqués graves23.
Employés dans l’imprimerie et intoxiqués eux aussi, Emmanuel et Jeanne, ses enfants, lui survivront.
Le Correcteur Typographe est disponible sur Gallica (t. I, t. II) et sur Wikisource. Bien évidemment, je vous le recommande.
« Pour être admis au grade de chevalier, il faut justifier de services publics ou d’activités professionnelles d’une durée minimum de vingt années, assortis dans l’un et l’autre cas de mérites éminents » — Wikipédia. ↩︎
Rien de tel que la littérature pour vous plonger dans un milieu que vous n’avez pas connu. Ainsi, dans un roman de 1979, on partage la vie d’un grand quotidien, Paris-Matin, après la guerre d’Algérie. Il est surtout question de sa distribution, car le héros du livre, Maxime Ferral, ancien soldat de métier et mercenaire, est, à cette période de sa vie, inspecteur des ventes du quotidien. Mais voici des extraits où l’on perçoit « l’ambiance enfiévrée de l’atelier », un « bruit de ruche au travail », « des odeurs indéfinissables et subtiles ».
Toutes les linotypes crépitaient en même temps, hachant les mots fugitifs comme des mitrailleuses. Sous les doigts des opérateurs, les lignes de caractères tombaient de la fondeuse et s’alignaient sur les plateaux. Les typos, devant les casses, composaient des titres, un œil sur la maquette. Sur les marbres, les protes disposaient rapidement la composition dans les formes, séparant les colonnes d’interlignes et de filets lestement coupés, à la dimension, dans les lamelles de plomb souple et luisant.
Si le métier de correcteur est mentionné plus loin — le journal est le résultat du « travail obscur et concerté de plusieurs centaines de professionnels, de l’envoyé spécial au correcteur […] » —, c’est apparemment le seul secrétaire de rédaction qui, dans ce journal, vérifie les morasses.
Plus loin, on encrait des reliefs qui seraient des pages et, sous la feuille blanche, à coups de maillet, la morasse surgissait, première et grossière épure que le secrétaire de rédaction haussait avidement à hauteur d’un regard critique, pour la soupeser, voir son « œil », estimer sa fidélité au modèle. La page était « bonne ». Le secrétaire de rédaction posait un doigt sur un bouton et, dans tout l’atelier, des voyants rouges sur les tableaux signalaient que la 7 passait à la prise d’empreinte. Décrassées d’un coup de chiffon imbibé d’essence, les formes, habillées de feutre et de carton mou, glissaient sous la presse de l’Hydrotyp. Et le flan surgissait, fouillis de creux et de bosses menus que le clicheur, dans la salle voisine, allait prendre en compte et transformer en métal.
Un autre soir, le journal approchant du bouclage, « l’atelier [est] à demi déserté, encore vibrant d’une fièvre à peine retombée » :
À la composition, on faisait la pause. Une linotype qui achevait des corrections crépitait toute seule dans son coin. Deux gars s’engueulaient à voix basse à propos d’une inversion de légendes. Amédée remettait de l’ordre dans ses casses. Max […] repoussait du pied des épreuves maculées que les balayeurs, au matin, pourchasseraient jusqu’aux poubelles. À la clicherie, les rognures de métal, tombées des clichés brossés, crissaient sous le pas et s’incrustaient dans la semelle. Les ampoules nues, au bout de leur fil, et les rampes de néon arrachaient des lueurs grises au marbre lisse où Albert réclamait à tue-tête ses corrections pour pouvoir serrer la forme des dernières nouvelles. Dans le vestiaire, on entendait des robinets couler et des rires.
Philippe Ragueneau, Un homme à vendre, Albin Michel, 1979, p. 95, 96 et 108.
Dans le roman Du vent (Belfond, 2016), de l’écrivain et traducteur belge Xavier Hanotte, le protagoniste, Jérôme Walque, ancien étudiant en philologie et romancier à ses heures perdues, a choisi de gagner sa vie comme correcteur. Il est employé « dans une maison d’édition juridique de la capitale » (ce fut aussi le cas, à Paris, d’Eugène Ionesco1). C’est, pour l’auteur, l’occasion de brosser un tableau sinistre des locaux où les correcteurs officient. Un de plus2.
L’établissement lui-même – un vénérable hôtel de maître aux escaliers pompeux et grinçants, suant la médiocrité capitonnée des culs-de-sac intellectuels – semblait un îlot du dix-neuvième siècle oublié en chemin par les explorateurs de la modernité. On y composait encore certains annuaires à la monotype et, à la fin du mois, chacun des loyaux serviteurs de la maison recevait une enveloppe en papier kraft où tintaient, au centime près, les pièces de son salaire entre deux billets neufs. C’était peu dire que le travail, pour exigeant qu’il fût, lui laissait l’âme en paix et l’imagination libre de vagabonder, pendant comme après les heures de service.
Plus loin, l’auteur détaille « le bureau des correcteurs », dont le « charme discutable […] l’apparentait, dans l’esprit de ses occupants, au greffe poussiéreux d’une prison vue par Piranèse » (savoureuse référence).
Complète depuis la Révolution belge, la collection du journal officiel capitonnait les murs du sol au plafond, manteau de cheminée compris. […] Profitant de l’unique fenêtre, un soleil aussi patient qu’économe avait jauni tous les fascicules, dont de nombreuses pages partaient en lambeaux sous l’effet de l’acidité. Dans la pièce, haute comme le salon qu’elle avait jadis été, stagnait un parfum composite de pipe froide […] et de vieux papier. Le défilé des typographes y ajoutait une odeur tenace d’encre grasse. […].
Il évoque aussi l’arrivée de l’informatique, ce qui me conduit à situer l’action au tout début des années 1980. Né en 1960, Hanotte a travaillé « un temps dans une maison d’édition juridique de la capitale [peut-être bien comme correcteur3] pour ensuite s’orienter vers la gestion de bases de données informatiques4 ».
Dans ce tableau de genre, les taches claires et géométriques des ordinateurs constituaient presque une faute de goût. Car au même moment, trois étages plus bas, l’imprimerie prolongeait la vie d’outils à peine postérieurs au père Gutenberg. […] « Néanmoins, le triumvirat au pouvoir dans la maison s’était lassé de passer, dans le landerneau éditorial, pour le musée vivant de la corporation et avait récemment lancé l’entreprise dans un prudent défrichement des voies de la modernité. En commençant par l’administration. « Comptables, libraires et correcteurs avaient donc vu, sous forme d’écrans monochromes, s’ouvrir devant eux quelques fenêtres sur le monde impitoyable de l’économie de marché. […]
Ces passages mis à part, il s’agit davantage d’un (bon) roman sur le travail de l’écrivain et sur la place de la littérature5.
Xavier Hanotte, Du vent, Belfond, 2016, p. 89-90 et 149-151.
« Correcteur d’imprimerie lors de son service militaire, c’est tout naturellement que Xavier Hanotte s’est dirigé vers ce métier dans la vie active. » Article « Xavier Hanotte : Un observateur du monde et de ses tourments », CathoBel, 13 mai 2024. ↩︎
Il y va fort, Léon Richard. Lui-même typographe à Lyon, il « estim[e] qu’il est préférable pour les imprimeurs de […] prendre [les correcteurs] parmi leurs typographes ». En effet, « le compositeur devenu typographe est flatté de cette marque de confiance, son amour-propre est satisfait. Cela l’engage à faire tout ce qui est en son pouvoir pour livrer un travail aussi parfait que possible ». Tandis que le correcteur lettré… je vous laisse découvrir en quels termes choisis il en parle.
Correcteurs, Corrections
Les correcteurs pris en dehors de la typographie sont trop souvent des déclassés1, assez prétentieux, mécontents de leur situation sociale, croyant tout connaître et n’avant aucune notion pratique de la composition.
Leurs grandes capacités leur font laisser sans sanction les incorrections techniques, les coquilles, les caractères mélangés, les petites fautes d’orthographe, etc… Ces correcteurs s’attachent à vouloir corriger les auteurs dans leur style et dans leur doctrine parfois ; ils ne parlent que syntaxe et étymologie…
Cependant, nous devons à la vérité de dire que quelques-uns, et ils sont rares, se familiarisent bénévolement avec la typographie, qu’ils s’assimilent assez pratiquement après un stage fait à la casse pendant quelques mois ; mais, la plus grande partie des correcteurs, pris en dehors de la typographie, a souvent plus de prétentions que de capacités comme correcteur : aussi la fonction de correcteur n’est-elle pour eux qu’une position d’attente, un pis-aller…
[…] Le lettré qui échoue comme correcteur subit plutôt sa profession qu’il ne l’adopte, il cherche toujours après une situation plus digne de sa science. Parfois, ne trouvant pas dans la fonction de correcteur les ressources nécessaires à ses besoins, il finit par s’aigrir et en vient alors à négliger complètement sa lecture.
[…] Malheureusement, le correcteur est bien souvent le pelé, le galeux2 de nos imprimeries, et on ne lui rend guère justice de la responsabilité qui lui incombe. On feint de ne voir en lui qu’un mangeur de bénéfices, un frais-généraux3, ne produisant rien : quand, au contraire, il évite bien des malfaçons. La fonction de correcteur est l’une des plus ingrates de l’imprimerie. On lui tient rigueur de quelques erreurs peu importantes, cependant bien excusable, étant donné la quantité d’épreuves qu’il a à lire, et on ne lui sait aucun gré des nombreux bouillons qu’il prévient. Parfois, le prote lui fait la vie dure et le traite en ennemi. Cela lui rend le caractère ombrageux…
[…] Nous terminons cet article en répétant qu’il y a tout intérêt pour les imprimeurs à former comme correcteurs des compositeurs capables et intelligents plutôt que de prendre des bacheliers ou autres licenciés besogneux, ayant parfois commis des erreurs qui leur ferment d’autres carrières. Il sera difficile à ceux-ci de faire de bons correcteurs, notamment en ce qui concerne la bonne exécution typographique des travaux, leur compétence dans les questions professionnelles étant nulle. Ces savants peuvent trouver ailleurs des situations plus en rapport avec la science qu’ils possèdent et les besoins matériels qu’elle réclame. La rémunération des correcteurs étant souvent inférieure au salaire de bien des typographes.
Léon Richard.
Le Courrier du livre (organe spécial du Syndicat des industries du livre), [revue mensuelle, 1899-1940], no 137, 1er décembre 1904.
En mai 19281, le Code typographique tant attendu a enfin paru, sur les bords de la Garonne, à Bordeaux. Émile Verlet, président (depuis février 1925) de la commission chargée de sa rédaction, peut souffler… et se féliciter de cette naissance difficile en publiant un poème (pour nos confrères, tout était prétexte à rimer). Comme le rappelle en introduction Eugène Grenet, président de la Société amicale des protes et correcteurs de France, dans la Circulaire des protes (no 336, août 1928) où paraît ce texte, « le premier essai de réalisation du Code typographique fut entrepris par l’Amicale, ainsi qu’en avait décidé le Congrès de […] Nantes en 1908. […] ». Par suite de polémiques, « cette œuvre ne put alors être menée à sa fin ». Cela explique le premier vers du poème ci-dessous.
LE CODE TYPOGRAPHIQUE
Amis, il a bientôt vingt ans,
Sa carrière commence
Et c’est fou quand on pense
À ce qu’il a fallu de temps
Pour défaire et refaire
Ce qu’on voulait parfaire.
On a cherché quinze ans son nom :
« Méminto [sic] » ou bien « Code »,
« Marche à suivre »… la mode…
Toujours les typos disent : « Non ! »
Pourtant, quinze ans, ça lasse
Et « Code », à la fin, passe.
Puis intervint la Commission,
Travaillant en silence,
Usant son éloquence
Pour obtenir la permission
De quitter sa famille
Avant sa camomille.
On rentrait tard… après minuit,
En portant bas l’oreille :
L’épouse est là qui veille
Pour voir si l’on s’est mal conduit,
Et son œil italique
Interdit la réplique !
Après l’aride abréviation,
Ce fut la capitale
— La faute capitale —
Puis notes, nombres, division,
Parsemés d’italique :
C’en était fantastique !
Oui, trois ans nous avons lutté
De façon exemplaire,
Toujours pour satisfaire
Notre femme et la Faculté.
Oyez notre misère,
Voyez notre calvaire !
Toulouse2, avec tes troubadours,
Veux-tu mettre à la mode
Ce petit, petit Code
En le parant de tes atours ?
Fais que sur la Garonne
Bientôt l’olifant tonne !
Que chacun vibre à ses échos :
Réalisons ce rêve
De proclamer la trêve
Entre correcteurs et typos !
Et vous, frondeurs du Livre,
Aidez le Code à vivre !
E. VERLET.
Voici une coupure de presse que j’ai trouvée collée dans un exemplaire du tome II du Correcteur typographe de Louis-Emmanuel Brossard, consacré aux règles typographiques (Imprimerie de Chatelaudren, 1934), appartenant à la bibliothèque patrimoniale de l’école Estienne, à Paris. Grâce à Gallica, j’en ai retracé l’origine : elle est tirée d’un numéro, daté du 1er janvier 1904, de La Sorte, « organe typographique incolore et mensuel : satirique, antilittéraire, peu artistique et quelquefois illustré… », édité à Marseille. L’article est signé d’un pseudonyme aisément déchiffrable (D. Léatur, soit deleatur, le signe conventionnel de suppression d’un signe ou d’un mot).On peut d’ailleurs imaginer qu’un correcteur se cache sous ce pseudonyme.J’ai respecté la ponctuation d’origine, aussi surprenante soit-elle par endroits.
« Le correcteur, en voilà un type à… observer ! Quelquefois, c’est, véritablement, un savant, un ancien professeur ; le plus souvent, un typo en rupture de casse. Son travail n’est pas commode, allez ! car le pauvre homme ne peut avoir la moindre distraction pendant qu’il se livre à son ingrate besogne. Malheur à lui si une bourde s’étale sur le journal qu’il est chargé de lire. Le lendemain, à peine installé sur sa chaise, arrive, furieux, le corps du délit à la main, l’auteur de l’article, qui ne peut comprendre que, ayant « écrit » lui, calotte, on ait laissé imprimer culotte3 ; il ne se l’explique pas ; le correcteur, qui n’en revient pas, non plus, tâche de s’excuser, vire, tourne, et, par ses explications s’embourbe davantage. Après l’auteur, c’est au tour du secrétaire de la rédaction. Encore un qui n’est pas commode ! Même fureur… mêmes explications ! Enfin, des fois, le directeur daigne se déranger et rendre une visite au malheureux virgulier qui, devant cette autorité, est muet comme carpe. Que de monde en mouvement pour une méchante coquille ! Et que de fois, dans l’année, cette petite scène se renouvelle ! Car, ami — complice typo (ou opérateur, maintenant) — la malencontreuse coquille n’est pas rare, excepté au Times, paraît-il, car ce journal donne une prime de mille francs à tout lecteur qui en découvre une4 !!! Il serait peut-être bon de s’abonner au grand journal de la cité !…
« Mais, s’il a des ennuis, le correcteur trouve aussi des jouissances à son métier, messieurs les rédacteurs, les reporters particulièrement, plus pressés de donner leur copie, négligent parfois leur style et ne ponctuent pas du tout, pour le plus grand bonheur du correcteur ; car il n’est pas de joie plus immense pour lui que d’étaler dans la marge de l’épreuve une belle virgule. À ce moment, il est transfiguré ; de renfrogné qu’il était tantôt, le voilà rayonnant, heureux… il a trouvé l’occasion de placer sa virgule !… Son attention est tellement portée à cette ponctuation, que bien souvent il ne voit pas, à côté, la coquille qui lui attirera une s[e]monce. Que voulez-vous ? Esaü aimait les lentilles ; Roméo adorait Juliette ; le correcteur est passionné pour la virgule5. Des goûts et des couleurs…
Pensée vagabonde
« Au demeurant, le correcteur est bon enfant, ce qui ne l’empêche d’être la bête noire des typos ou opérateurs, ceux-ci trouvant toujours qu’il marque trop de corrections. Ce n’est pas l’avis du patron, qui, lui, se plaint qu’il laisse trop de bourdes. Et pourtant, pour être correcteur on n’en a pas moins un cœur !… Si les distractions sont permises (hum !) au typo, ne peut-on pas les admettre pour le malheureux virgulier. Quand il a son épreuve devant lui, croyez-vous que sa pensée est toujours là ? Eh ! non, elle vagabonde, tout comme la vôtre, et alors que la copie lui annonce la chute du ministère, il désire, lui, celle de la brune Cunégonde, qu’il poursuit de ses assiduités depuis plus de six mois : mais, hélas ! la coquette n’a pas l’air d’en être troublée outre mesure. Oui, le correcteur est un homme comme les autres — parfaitement ? et, comme tel, sujet à l’erreur. (Cela se dit aussi en latin).
« Le virgulier a encore un ennemi : le fonctionnaire. — Le fonctionnaire ? — Oui, le fonctionnaire. Oh ! il ne s’agit pas ici du préfet ou du trésorier-payeur, non : mais de ces individus créés depuis l’apparition des linotypes6. Ah ! celui-là, par ex[e]mple, a le don d’horripiler notre brave correcteur. Les épreuves qu’il présente sont toujours mauvaises : ou trop pâles ou trop chargées d’encre ; le papier est trop sec ; ou trop mouillé ; il y en a même un qui le trempe au lavabo, dans l’eau savonneuse. Allez donc marquer une virgule sur ce papier-là ? Plaignez, plaignez le pauvre correcteur !!! »
Chaque fois (ou presque) que je publie un document ancien montrant des correcteurs au travail, je reçois un commentaire s’exclamant qu’il n’y a « pas beaucoup de femmes ». J’ai donc fini par promettre un article sur la question. Le voici.
Raconter la féminisation du métier de correcteur, c’est avant tout replonger dans l’histoire de l’éducation des filles et dans l’histoire du travail des femmes. Le cas particulier des correctrices ne peut venir que dans un second temps. N’étant pas historien de formation (mais correcteur, faut-il le rappeler ?), je me contenterai de fournir ici des jalons. Je vais rassembler un faisceau d’indices1 plutôt que de rédiger un récit séquentiel. On trouvera donc ci-dessous beaucoup de liens et de notes en bas de page. Chacun pourra y puiser à son gré. Je vous prie de considérer ce texte comme un travail en cours. Il pourrait aussi encourager d’anciennes correctrices à m’apporter leur précieux témoignage. D’avance, bienvenue !
Un monde largement méconnu
Rappelons, pour commencer, que nous ignorons combien nous sommes, nous les correcteurs. Nous ne l’avons jamais su. D’abord, parce la Statistique générale de la France, future Insee (1946), est une invention récente (1840). Ensuite, parce que la correction a toujours eu sa part d’amateurs, de bénévoles2, d’employés transitoires (étudiants3) ou de personnes cherchant un complément de revenus (enseignants, notamment). Aujourd’hui encore, la diversité des statuts des correcteurs (salarié, travailleur à domicile, entrepreneur individuel…) empêche de les comptabiliser.
L’organisation syndicale des correcteurs est récente aussi (1881) et le nombre d’adhérents n’est pas représentatif de la population générale4.
De plus, peu de temps sépare les débuts de l’histoire du travail féminin (années 19605) des débuts de l’histoire des ateliers d’imprimerie (années 19706).
« […] les correcteurs n’ont jamais été précisément recensés en France » (ACLF). Nous n’en connaissons donc ni le nombre, ni les divers profils. Les infos les plus récentes dont nous disposons viennent d’une enquête menée par l’ACLF en mars-juin 2022. Des 490 réponses reçues, il ressort que 83 % des correcteurs sont des femmes, plutôt urbaines (65 %), très diplômées (48 % ont bac+5), exerçant sous le statut d’indépendante (67 %). On lira à profit le rapport complet.
Mais un fait nous éclaire aisément sur la chronologie à venir : la célèbre école Estienne, qui forme aux métiers du livre à Paris, a ouvert ses classes aux garçons en 1889, mais n’a accepté les jeunes filles qu’à partir de 1972.
Pour que les femmes puissent devenir correctrices, il fallait trois conditions :
qu’elles reçoivent l’éducation nécessaire, au moins jusqu’à 16 ans7 ;
Il fallait aussi que les femmes soient libres de leurs choix en matière de vie conjugale et de maternité, sans oublier l’allègement de la vie domestique par l’électroménager.
1. L’éducation des filles
À la veille de la Révolution, les femmes étaient analphabètes à 73 %, contre 53 % des hommes (HistoLivre).
Avant la révolution industrielle, la France est un pays très majoritairement rural, et l’éducation des enfants, filles ou garçons, n’est pas la priorité des parents9.
Le principe d’égal accès à l’éducation pour tous n’est établi qu’à la fin du xixe siècle… mais la teneur de l’éducation, elle, reste inégale.
« Si la loi Camille Sée crée en 1880 un système d’enseignement secondaire public destiné aux jeunes filles, il reste dans l’esprit de ses initiateurs un enseignement typiquement féminin au contenu adapté, plus court que l’enseignement masculin et ne donnant pas accès au baccalauréat » (Gallica10).
L’objectif politique de l’éducation des filles n’est, d’ailleurs, pas de permettre aux femmes de travailler.
Le programme de Camille Sée est on ne peut plus clair : « Il faut choisir ce qui peut leur être le plus utile, insister sur ce qui convient le mieux à la nature de leur esprit et à leur future condition de mère de famille, et les dispenser de certaines études pour faire place aux travaux et aux occupations de leur sexe. Les langues mortes sont exclues [alors que le latin est encore très demandé dans les imprimeries] ; le cours de philosophie est réduit au cours de morale ; et l’enseignement scientifique est rendu plus élémentaire » (Wikipédia).
Pour Jules Ferry, « l’école primaire peut et doit faire aux exercices du corps une part suffisante pour préparer et prédisposer […] les filles aux soins du ménage et aux ouvrages de femme ». Quant au travail manuel, il a pour objectif « de leur faire acquérir les qualités sérieuses de la femme de ménage et de les mettre en garde contre les goûts frivoles ou dangereux » (Wikipédia).
De plus, le changement ne s’opère pas du jour au lendemain. 1) « […] les filles sont la plupart du temps instruites par les congrégations ou les couvents ; » 2) « entre la promulgation de la loi et sa mise en œuvre, il existe aussi parfois des délais assez longs » : par exemple, une ville comme Angers n’a ouvert son premier collège pour filles qu’en 1913 (Wikipédia).
Les premières institutrices étaient parfois mal considérées, voire maltraitées11.
En 1924, le programme scolaire pour les filles dans le secondaire rejoint celui des garçons et le baccalauréat (condition d’accès à l’université) leur est accessible.
La mixité des établissements scolaires ne se développe qu’à partir des années 1960 (Wikipédia).
2. Le travail des femmes
« Depuis six mille ans qu’il y a des femmes et qui travaillent12… », on pourrait penser qu’il y a des correctrices dans les imprimeries depuis longtemps.
On sait aujourd’hui que le travail féminin était très présent dans la société médiévale13, mais c’est justement à la Renaissance, période où naît l’imprimerie en Europe, que les femmes perdent nombre de métiers qu’elles exerçaient au Moyen Âge. « Exclues des droits de succession, elles le sont aussi de nombreuses corporations. […] Rejetées des ateliers, elles se replient sur le travail à domicile qui va proliférer jusqu’au xixe siècle » (Maruani, 1985, p. 14). On verra plus loin que ce mouvement reste actuel.
« La seconde moitié du xxe siècle a été porteuse, dans l’ensemble des pays développés et tout particulièrement en France, de transformations sociales majeures pour les femmes : liberté de l’avortement et de la contraception, droit de vote et parité, croissance spectaculaire de la scolarité et de l’activité professionnelle » (M. Maruani, 2005).
Sans détailler l’histoire du travail des femmes, je vais donner quelques dates (d’après Hello Work (6 mars 2023) — sauf autre mention —, auquel je renvoie pour l’explication détaillée).
1907 droit pour les femmes mariées à disposer de leur salaire
1909 adoption du congé maternité
1920 « La loi autorise les femmes à adhérer à un syndicat sans l’autorisation maritale » (HistoLivre, p. 5).
1946 fin du salaire féminin
1965 autonomie financière et liberté de travailler
1975 interdiction de la discrimination à l’embauche
1983 l’égalité professionnelle comme principe
1986 féminisation des noms de métiers (que l’Académie admet en 201914 !).
« La part des femmes dans la population active n’a cessé d’augmenter au cours du xxe siècle. Entre 1968 et 1990, le pourcentage de femmes actives en France augmente fortement passant de 31 à 43 %. Cela est principalement dû aux Trente Glorieuses et à l’arrivée de la société de consommation, mais également au développement de l’instruction des femmes » (Météojob).
3. L’embauche de femmes dans les imprimeries
Mais à l’imprimerie ce n’était pas gagné.
S’il y a toujours eu des femmes dans les imprimeries, c’était dans l’ombre de leur mari ou de leur père15.
L’histoire a retenu de belles exceptions au xvie siècle : Charlotte Guillard, « deux fois veuve d’imprimeurs, qui dirigea une imprimerie de 1537 à 155716 », ou les filles de Christophe Plantin, qui « ont appris à lire et à écrire dès leur plus jeune âge. À cinq ans déjà, elles aidaient à corriger les épreuves à l’atelier17. » « Madeleine, la quatrième, était la plus habile : elle lisait les textes hébreux, syriaques et grecs18. »
Noter aussi, au printemps 1793, le cas de Mme de Bastide ouvrant, à Paris, une école typographique pour les femmes, qui accueille 60 jeunes femmes. Mais « on n’a plus de nouvelles de l’établissement après avril 1795 sous le Directoire » (HistoLivre, p. 5-6).
1849 Légalisée après dix ans d’existence, la Société de secours mutuels typographique parisienne adopte « un règlement précis prévoyant notamment (art. 116) l’exclusion des femmes, pourtant peu nombreuses dans la profession » (Jarrige, p. 211). Une commission reviendra sur cette décision en 1867 (ibid., p. 213).
1855 Primé à l’Exposition internationale de Paris, le pianotype, une des premières machines à composer, est présenté « comme pouvant être serv[i] par du personnel féminin » (Wikipédia). « Dans La Réforme […], Étienne Arago explique sans détour que “l’avantage que cette invention pourrait offrir aujourd’hui, ce serait de pouvoir remplacer les hommes par des femmes [payées moitié moins que les hommes] et des enfants” » (Jarrige, p. 205).
La même année, « on assiste pour la première fois à l’introduction des femmes dans une imprimerie parisienne » (Jarrige, p. 213).
1877 « […] dans l’atelier de l’agence Havas […] les cinq machines à composer sont conduites par des femmes (Jarrige, p. 214).
1881 Une disposition statutaire de la jeune Fédération du livre recommande de « s’opposer par tous les moyens légaux au travail des femmes dans les imprimeries »19.
En 1897 apparaît La Fronde (de Marguerite Durand), « premier journal français entièrement conçu et dirigé par des femmes ». Il sera « un outil majeur du développement du féminisme en France durant six ans » (HistoLivre, p. 10-11).
1901 Affaire Berger-Levrault : face à une grève de 90 ouvriers dans son imprimerie, à Nancy, la direction installe 15 femmes typographes aux postes vacants. Les hommes les considéreront comme des « sarrasines » ou briseuses de grève, et l’affaire restera longtemps dans les mémoires20.
1912 Affaire Emma Couriau : bien qu’elle soit typographe depuis dix-sept ans et payée à l’égal d’un homme, son admission à la section lyonnaise de la Fédération du Livre est refusée. De plus, son mari est radié du syndicat21.
« Les femmes ne seront admises qu’en 1919 dans les rangs de la composition, mais au cinquième des effectifs. […] Après la guerre […] on ne pouvait plus ignorer leur capacité de faire le travail des hommes mobilisés, ni priver de ressources celles dont le mari avait été tué » (Dédame, p. 235).
« Les événements de 1936 marquent une évolution dans l’attitude des ouvriers du Livre à la syndicalisation des femmes, particulièrement dans les sections parisiennes : les adhésions des femmes sont nombreuses et elles sont soutenues par les dirigeants syndicaux » (HistoLivre, p. 2).
Comme on le voit, le milieu très « macho22 » de l’imprimerie a fortement résisté à l’arrivée des femmes en son sein.
« Jusqu’au milieu du xxe siècle, le personnel féminin du livre n’était admis qu’aux tâches jugées subalternes dont faisaient partie le brochage (les premiers livres brochés datent de 1841) et la finition. Pourtant, les femmes déployaient une incomparable dextérité dans : le comptage des feuilles, la pliure des cahiers, leur encartage l’un dans l’autre (ou, au contraire, leur désencartage), leur collationnement, leur assemblage, la couture des dos, leur collure ainsi que, dans les ateliers de presse, le pliage et la mise sous bande adressée (à la vitesse de cinq journaux à la minute) pour les abonnés ! » (Dédame, p. 226)
Mais dans la seconde moitié du xixe siècle, la plupart de ces tâches seront mécanisées, et « le recours au savoir-faire des femmes étant plus réduit… la profession tendit à se masculiniser » (ibid.).
Même l’arrivée de la Linotype ne parvient pas à casser le monopole masculin (Jarrige, p. 220).
« Dans les années 1910, pourtant, près de 18 % des ouvriers du Livre sont des ouvrières » (HistoLivre, p. 4). D’après Frédéric Barbier23, elles étaient 6,7 % en 1847.
C’est, en fait, l’arrivée de la photocomposition et de l’informatique, dans les années 1970, qui sera déterminante. Je vais y revenir plus bas.
Et les correctrices, alors ?
1840 Un journaliste fait état de l’existence d’un atelier d’imprimerie entièrement féminin, correction comprise, entre Paris et Fontainebleau24.
1869 Pour Pierre Larousse (Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, t. 5), en matière de typographie, le correcteur («employé chargé de lire les épreuves et de marquer les fautes commises soit par le compositeur, soit par l’auteur lui-même ») n’a pas de pendant féminin.
1884 Premières annonces d’emploi de correctrice, selon mes propres recherches.
1884, toujours : un journaliste du Gil Blas écrit, à propos de l’école primaire supérieure de jeunes filles de la rue de Jouy (Paris 4e) que ses élèves « sont aptes […] à être correctrices d’imprimerie. Voir mon article :
1904 Quand elles se marient, les correctrices commencent à déclarer leur profession dans les avis publiés dans les journaux, là aussi selon mes propres recherches.
La position de certains correcteurs n’est pas plus favorable que celle des typographes. Voir la lettre d’Armand Dauby dans mon article :
Le correcteur Eugène Boutmy a précédemment écrit, en 187425 (en seconde position derrière le « correcteur amateur » !) :
« Le correcteur femme existe aussi ; mais cette espèce, du reste très rare, n’apparaît jamais dans l’atelier typographique ; on ne l’entrevoit qu’au bureau du patron ou du prote. Nous n’en parlerons pas… par galanterie » (p. 48).
« […] nous sommes de l’avis de MM. les typographes qui, plus moraux que les moralistes, trouvent que la place de leurs femmes et de leurs filles est plutôt au foyer domestique qu’à l’atelier de composition, où le mélange des deux sexes entraîne ses suites ordinaires. […] L’admission des femmes dans la typographie a eu un autre résultat fâcheux : elle a fait dégénérer l’art en métier. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les ouvrages sortis des imprimeries où les femmes sont à peu près exclusivement employées » (p. 75-76).
Même Louis-Emmanuel Brossard, en 192426, citant pourtant les exemples de Charlotte Guillard et des filles de Plantin, et estimant « par trop vif et trop radical l’arrêt rendu par Boutmy », termine son paragraphe sur la question (3 pages sur 587) ainsi :
« Il faut éviter le « correcteur femme », la chose est entendue, mais, quand le mal existe, il n’est pas nécessaire de l’exaspérer par une lutte ouverte ou par le mépris déclaré […] (p. 131).
On peut voir là un mince progrès…
L’honneur est sauvé par une voix discordante, lors de l’affaire Emma Couriau (voir plus haut), en 1913 :
« Dans La Bataille syndicaliste, Alfred Rosmer, correcteur et chroniqueur, écrit : “Il serait temps que les camarades abandonnent la mentalité antédiluvienne que leur donne une si étrange conception des rapports qui doivent exister entre l’homme et la femme. Est-il si difficile d’admettre que la femme peut agir par elle-même et qu’elle a voix au chapitre quand il s’agit de régler sa vie et sa destinée”. » (HistoLivre, p. 5).
Dans les années 1970, la photocomposition et l’informatique marquent une révolution. C’est un bouleversement pour les typographes (c’est la fin du plomb), mais aussi pour les correcteurs, comme l’a raconté Claire Clouzot en 1981 dans un film, L’Homme fragile, alors que chez François Truffaut, deux ans plus tôt (L’Amour en fuite), la cage de verre enfermait toujours deux hommes au cœur de l’imprimerie.
C’est la sociologie qui nous enseigne le plus sur cet épisode. Dans un livre de 1985 (aujourd’hui épuisé), Margaret Maruani raconte, sur 16 pages, « l’histoire du Clavier Enchaîné », nom qu’elle a donné à un quotidien régional sur lequel elle a enquêté pendant quinze ans. Une succession de péripéties difficile à résumer en quelques lignes…
Dans cette rédaction, l’entrée de l’ordinateur, en 1969, a été accompagnée de l’embauche d’une douzaine de dactylos (que l’informatique a rebaptisées clavistes), qui travaillaient plus vite que les correcteurs en place tout en étant payées un tiers de moins. « Une profession féminine, dévalorisée, déqualifiée et sous-payée s’est créée à côté et en marge des métiers masculins. » Au fil des années, entre grève des ouvriers du livre en 1969 (pour obtenir la garantie de leur emploi et le monopole sur la justification et la correction des textes) et grève des clavistes en 1983 (pour obtenir égalité de salaire et de conditions de travail), les deux camps se sont progressivement rejoints. Deux mondes qu’au départ tout séparait, même un mur… Tout le monde a fini sur le même clavier, dans la même convention collective (celle des ouvriers du livre) ; les clavistes, après une courte formation, sont devenues correctrices. Pour les hommes, c’était la peur de la concurrence et la « fin du métier » ; pour les femmes, un sentiment de différence et d’exclusion.
L’histoire du Clavier Enchaîné (par laquelle Margaret Maruani illustre la construction sociale des différences hommes/femmes dans le monde du travail) s’arrête là. Ce qui suit, dans la presse, parisienne en particulier, ce sont les plans de départ pour la famille des « typos » (linotypistes, typographes et correcteurs), peu à peu remplacée par une population majoritairement féminine, moins avantagée et moins bien payée.
Cependant, la prédominance masculine chez les correcteurs a peut-être duré plus longtemps qu’on l’imagine, à en croire les quelques indices suivants :
« Quand je suis arrivée en presse (en 1979), il y avait très peu de femmes. Les quelques correctrices de l’imprimerie avaient un succès fou », raconte Annick Béjean (dans Repiton et Cassen). Lire la partie de son témoignage que j’ai déjà publiée.
Mais il faut lire aussi les pages de son récit, teinté de nostalgie, qui restituent un monde disparu, celui des typos et de leur militantisme vigoureux (dont l’épisode le plus marquant est la grève du Parisien libéré, qui dura vingt-huit27 à trente mois28, de 1975 à 1977).
En 1983, entrant comme jeune typographe à France-Soir, Isabelle Monthier découvre :
« Troisième étage. Un grand atelier. Des hommes, des hommes partout. […] « Le cassetin (le carré ou l’atelier) des correcteurs. […] Trois femmes environ pour une vingtaine d’hommes » (Repiton et Cassen, p. 136).
En mars 1994, l’ARCI (Association romande des correctrices et correcteurs d’imprimerie, Lausanne) déclare encore qu’elle « manque de collègues féminines » et lance un appel dans un journal féministe29.
Étapes récentes
Jusqu’en 1978 (création de l’école COFORMA par le Syndicat des correcteurs30), le métier s’apprenait exclusivement auprès de ses pairs31. Or, comment se former à un métier dont l’accès vous est interdit ou difficile ?
Quand elle raconte son entrée à La Croix, chez Bayard Presse (qu’elle appelle Le Crucifix et Lancelot), à la fin des années 1970, Vanina (pseudonyme) écrit :
« […] le choix de recruter en priorité des femmes pour saisir et corriger les textes n’existe nulle part ailleurs dans la PQN (la presse quotidienne dite nationale, et en fait parisienne). […] Les femmes y sont depuis entrées en masse – jusqu’à former au moins la moitié des effectifs dans les cassetins de correction […] » (p. 24).
La saisie des textes sur micro-ordinateur (milieu des années 1980) par les auteurs eux-mêmes32 ayant fait disparaître, à leur tour, les clavistes, elles ont dû se reconvertir. Certaines ont choisi la correction, comme l’avaient déjà fait certaines « typotes ».
Parallèlement, correcteurs et correctrices sont poussés hors des murs des maisons d’édition :
Correctrice travaillant chez elle. Illustration créée avec Midjourney.
« […] au début des années 1980 […] le prix toujours plus élevé du mètre carré parisien [entre autres raisons] incite […] beaucoup d’éditeurs à supprimer leur service de relecture interne afin de réaliser des économies. Ils décident de payer désormais à la pige, et à un tarif bien sûr inférieur, la préparation de copie. Ils chassent donc de leurs murs les lecteurs-correcteurs ; et, confrontés à la menace du chômage, certains de ceux-ci acceptent d’être licenciés puis réembauchés avec la sous-qualification de correcteur à domicile. « Les correcteurs déjà pigistes se voient quant à eux proposer d’effectuer également la préparation de copie – selon les modes de rémunération les plus divers, mais tous illégaux puisque ce boulot n’est pas prévu par la convention comme pouvant se faire à la maison. […] » (Vanina, p. 53).
« Des transformations structurelles propres au domaine du livre et de la presse expliqueraient que les correctrices soient de moins en moins intégrées dans les entreprises : recompositions éditoriales ; choix budgétaires ciblés ; associations de maisons en grandes entités ou rachats ; fusion de certains corps de métier ; abondance et surcharge de la production éditoriale… « De plus, les évolutions liées à l’informatisation des métiers sont très certainement à prendre en compte, notamment l’apparition de la publication assistée par ordinateur (PAO), qui a décloisonné des métiers auparavant très distincts et hautement spécialisés, et le perfectionnement des logiciels de correction » (ACLF, p. 8).
Cela pousse certaines correctrices à se demander si le métier est précaire parce que féminin, ou féminin parce que précaire…
Voilà, d’après mes lectures et recherches à ce jour, les facteurs expliquant que le métier de correcteur, quasi exclusivement masculin durant cinq siècles, présente aujourd’hui — notamment sur les réseaux sociaux — un visage très largement féminin.
Il y aurait, dans cette histoire, d’autres aspects à traiter, notamment la question de l’hygiène dans les ateliers, plus sensible encore pour les femmes que pour les hommes, mais je ne peux pas étendre ce texte déjà trop long. Cela fera peut-être l’objet d’un prochain article…
PS — On me suggère d’ajouter que, dans la presse, les secrétaires de rédaction, métier où les femmes sont aussi nombreuses, tend à remplacer les correcteurs. J’ai déjà consacré un article au métier de « SR ».
Je ne compte plus les heures que j’ai passées à chercher des photos de correcteurs au travail (les heures consacrées à ce blog, en général, non plus !). Aussi, quand j’en trouve une de plus, c’est avec une joie difficilement communicable. Chacun ses obsessions…
Les iconographes le savent : les images ne sont pas toujours bien référencées. Il faut donc souvent lancer un large filet dans l’espoir de récolter quelques poissons. Dans le cas présent, ce sont les mots-clés « atelier » et « imprimerie » qui m’ont porté chance.
De cette image, je ne sais que ceci : « Atelier de l’imprimerie Simart (Paris, France), imprimant L’Écho de Paris, photographie de presse, agence Rol [1904-1937], novembre 19311. »
Mais regardons en détail.
Ces trois hommes sont assis à côté du « marbre » d’une imprimerie parisienne — il s’agit en fait d’une « table métallique (autrefois en marbre ou en pierre) sur laquelle on place les pages pour l’imposition ou les corrections » (TLF). Des feuilles blanches ont été étalées sur la table pour éviter qu’ils ne salissent les manches de leur costume.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
C’est, bien sûr, le crayon dans la main droite du personnage principal qui a tout d’abord attiré mon attention. À quoi ressemble un correcteur au travail, sinon à quelqu’un qui lit avec un crayon ou un stylo à la main ? C’est la difficulté de ma recherche. Il me semble voir entre ses mains les feuillets A5 d’une copie manuscrite. Je devine plutôt un secrétaire de rédaction qu’un correcteur. En tout cas, il écrit au crayon malgré la présence d’un encrier à sa gauche, ce qui est plutôt la marque d’une relecture. La cigarette roulée qui s’éteint dans sa main gauche attend qu’il ait terminé.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Le personnage de droite, lui, est visiblement en train de relire une épreuve en placard2 (je crois voir une colonne de texte au centre de la longue feuille qu’il tient de la main gauche). À sa gauche, les quatre feuillets de la copie, dont trois sont déjà retournés. Un crayon est disponible sur la table, à sa droite. Est-il correcteur ou secrétaire de rédaction ? Nous ne le saurons pas. Les deux métiers sont proches.
Le troisième homme lit le journal imprimé. Je ne peux rien en dire de particulier.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Dernier détail, et non des moindres : à l’arrière-plan, la fameuse cage de verre, qui permettait aux correcteurs de s’isoler du bruit des machines. On la voit beaucoup mieux dans le film L’Amour en fuite (1979) de François Truffaut (voir mon article). Georges Simenon en a fait le titre d’un de ses romans (voir mon article).
En tout cas, c’est une belle image d’hommes au travail. La BnF offre la possibilité d’en acheter une reproduction ; il n’est pas exclu que je cède à la tentation.
Pour la petite histoire de ce blog, j’avais déniché cette image avant la belle trouvaille de vendredi, mais je n’avais pas encore décidé comment l’exploiter. J’ai finalement estimé qu’elle méritait un article, plutôt que d’attendre l’occasion de l’utiliser comme simple illustration.
Crayons bleu de Prusse et vermillon Mitsubishi. Source : Pencil Talk.
Lorsqu’il débute dans la correction de presse, en juillet 1945, Claude Jamet écrit dans son journal1 :
« Et il faut bien que je m’avoue, de moi à moi, que j’ignore en effet l’A B C du métier : je ne me rappelle plus tous les signes conventionnels ; je n’ai même pas de crayon bleu… »
Et, plus loin, le 11 septembre :
« Huit bouches à nourrir, et je n’ai que mes deux bras, que dis-je ? Je n’ai que cette main, qui tient le crayon bleu, à encre2, du correcteur… »
En matière de correction, tout un chacun pense aussitôt au stylo rouge, symbole même du métier. Alors pourquoi donc cette insistance sur le crayon bleu ?
L’alternance de rouge et de bleu, je l’ai rencontrée très récemment. Dans son récit d’une séance de correction avec Baudelaire (voir mon article), Léon Cladel raconte : « […] le sévère correcteur soulignait au crayon rouge, au crayon bleu, les phrases qui, selon lui, manquaient de force ou d’exactitude, et ne s’adaptaient pas à l’idée, ainsi que les gants de peau. »
Voici deux autres mentions du crayon bleu :
Dans un article sur « Le vrai Renan », en 19023, on peut lire : « […] à un certain endroit, le correcteur avait tracé de grandes croix au crayon bleu. — Que veut dire ceci ? remarqua Renan. — Que ce passage est absolument inintelligible pour moi. »
Et, la même année, dans un article expliquant la fabrication d’un journal4 : « La copie est relue, prête à passer à l’atelier. Avant de l’y envoyer, il faut indiquer au crayon bleu, en tête de chaque article, en quels caractères cet article doit être composé. »
Après enquête, il apparaît que divers usages de cette couleur ont coexisté dans l’imprimerie : suppressions, annotations, indications typographiques ou autres.
Le Guichet du savoir (Bibliothèque municipale de Lyon) cite un blog en anglais, aujourd’hui disparu, qui expliquait :
« Un code couleur s’est instauré entre éditeurs et auteurs. Le rouge (utilisé également par les enseignants dans les corrections de copies d’élèves) est une couleur qui ressort du texte et se remarque. Elle indique à l’auteur les paragraphes à réécrire complètement. Tandis que le bleu, plus discret, sera utilisé pour la mise en forme à destination des imprimeurs. »
À tel point que les fabricants ont inventé le crayon bicolore, « d’un côté vermillon, de l’autre bleu de Prusse », que l’on trouve encore de nos jours.
Crayon rouge et bleu Duo Giant de Lyra.
Le Guichet du savoir écrit encore : « […] ce crayon daterait du xixe siècle. L’ouvrage intitulé L’Art d’écrire un livre, de l’imprimer, et de le publier d’Eugène Mouton (1896) indique [p. 163] : “Le crayon bleu et rouge est précieux parce qu’il sert à la fois à faire des remarques en sens opposé, comme par exemple : rouge, à revoir ; bleu, à supprimer ; rouge et bleu, à modifier, etc.” »
Le blog Pencil Talk (en anglais) consacre de belles pages, richement illustrées, à ces crayons bicolores à travers le monde. Ils sont aussi appelés « crayons télévision », sans doute parce qu’ils servent dans les plannings d’organisation du travail (Wikipédia).
Pour les correcteurs, d’après les indices que je trouve, le crayon bleu était surtout employé pour des annotations (à distinguer des corrections) ou pour des suppressions.
Deuxième feuillet du NAF 28124 (5), préparation de copie pour l’édition Charpentier de L’Insurgé de Jules Vallès. Gallica (BnF).
Usage qui n’avait apparemment rien de systématique, puisque, dans son essai Le Correcteur Typographe (1924), L.-E. Brossard, quand il mentionne le crayon bleu (p. 316-317), ne l’oppose pas au rouge : les indications doivent être faites, écrit-il, « au crayon bleu, à l’encre rouge ou de toute autre manière ».
Cela me fait penser au « crayon bleu de la censure », expression née vers 1860 et qu’on rencontre encore parfois jusqu’à nos jours — Sciences Po l’a employée il y a peu5 —, et à laquelle je reviendrai peut-être dans un prochain billet. Elle existe aussi en anglais, où to blue-pencil, littéralement « passer au crayon bleu », c’est « corriger » ou « censurer » (Larousse anglais-français).
« L’usage du crayon bleu [dans l’édition et la presse] se raréfie ; la publication assistée par ordinateur permet un système de gestion de versions sans passer par l’imprimé », précise Wikipédia.
PS — Une consœur suisse m’informe que dans le Guide du typographe (romand, 7e éd., 2015), « les signes de préparation, de couleur bleue » (p. 15) sont toujours opposés au « rouge pour la correction des épreuves (p. 18). Merci Catherine.