Faut-il écrire “films culte” ou “films cultes” ?

Le site La Langue fran­çaise revient sur un cas inté­res­sant où l’usage s’oppose à la logique : celui du mot culte appo­sé à un autre nom — films culte(s), par exemple.

Selon l’Aca­dé­mie, on ne peut accor­der culte en nombre parce qu’« il est évident que les films ne sont pas des cultes, mais qu’ils font l’objet d’un culte ».

« Tou­te­fois, écrit La Langue fran­çaise, on note aujourd’hui que les prin­ci­paux dic­tion­naires acceptent les deux ver­sions avec ou sans accord : “des répliques culte” ou “des répliques cultes”, consi­dé­rant le mot “culte” comme un adjec­tif qua­li­fi­ca­tif (qui s’accorde en genre [sic] et en nombre). »

On pré­ci­se­ra cepen­dant que le Wik­tion­naire, sou­vent cité par La Langue fran­çaise, suit l’a­vis de l’A­ca­dé­mie : « sin­gu­lier et plu­riel iden­tiques ».

« Si on ana­lyse la fré­quence d’usage de l’accord ou non du mot “culte”, on remarque que l’accord au plu­riel (“films cultes”) pré­do­mine, à l’encontre des pré­co­ni­sa­tions de l’Académie », ajoute l’ar­ticle de La Langue fran­çaise, gra­phique à l’ap­pui.

C’est si vrai que culte est même employé comme adjec­tif attri­but : Cer­taines répliques de ce film sont deve­nues cultes, voire C’est culte. Usage que l’Aca­dé­mie qua­li­fie de « bar­ba­risme ».

Quand Hachette écrit « scènes cultes » et les Édi­tions Le Robert, « répliques cultes » (voir pho­tos), il est dif­fi­cile d’imposer l’invariabilité. Je note, d’ailleurs, qu’Antidote vient de me sug­gé­rer d’accorder culte avec répliques.

Pourquoi ? Parce que ! (et non “car”)

Un pas­sage d’un article de Libé­ra­tion, daté d’hier, me donne l’oc­ca­sion d’un point de grammaire.

Alors pour­quoi main­te­nant ? Pour­quoi ici ? Est-ce car le Nou­veau Front popu­laire y orga­ni­sait un apé­ro quelques heures plus tôt ? Est-ce car les artistes du soir ont réuni un public jeune et mar­qué à gauche ? »

Il s’agit là d’une construc­tion abu­sive (Gre­visse et Goosse, § 1090), mais de plus en plus fréquente.

La Vitrine lin­guis­tique explique : 

La plu­part du temps, car et parce que ne sont pas inter­chan­geables. En effet, car a géné­ra­le­ment une valeur plus sub­jec­tive que parce que : elle per­met d’énoncer une jus­ti­fi­ca­tion plu­tôt qu’une cause logique ou réelle.

Suzy est cer­tai­ne­ment bien rému­né­rée, car elle vient de s’acheter une mai­son et une voi­ture neuve. […]

Pierre a sur­vé­cu à l’incendie parce qu’il est sor­ti à temps de l’édifice. […]

Dans le pre­mier exemple, il ne peut s’agir que d’une jus­ti­fi­ca­tion, d’où l’emploi de car ; en effet, le fait de s’acheter une mai­son et une voi­ture neuve n’est pas la cause d’une bonne rému­né­ra­tion, mais bien sa consé­quence. Dans le deuxième exemple, parce que intro­duit bien la cause réelle.

Autre exemple, don­né par Hanse et Blam­pain (car) :

On dis­tingue : Le chat miaule parce qu’il a faim (cause) et Le chat a faim, car il miaule (on dit pour­quoi on est auto­ri­sé à décla­rer que le chat a faim ; on donne la preuve de ce qui est énon­cé, on n’exprime évi­dem­ment pas la cause : Le chat a faim).

Sur cette ques­tion, on peut lire aus­si le long article du blog Par­ler fran­çais.

NB — L’hé­si­ta­tion entre car et parce que n’est par nou­velle : Robert Le Bidois trai­tait déjà de cette ques­tion dans Le Monde en 1966.

Tou­jours dans la Vitrine lin­guis­tique, voir aus­si la dif­fé­rence entre parce que et puisque.

Les réfé­rences des ouvrages de Gre­visse et Goosse et de Hanse et Blam­pain sont don­nées dans La biblio­thèque du cor­rec­teur.

L’amour en majuscule, l’histoire en majuscule…

L’amour en majus­cule (Amour), au sin­gu­lier, ne doit pas être confon­du avec l’amour en majus­cules (AMOUR), au pluriel. 

On met la pre­mière lettre du mot amour en majus­cule, c’est-à-dire en carac­tère majus­cule (en typo­gra­phie) ou en écri­ture majus­cule (quand on écrit à la main). En lan­gage cou­rant, on le dit aus­si d’un mot entier, au sin­gu­lier ou au plu­riel, comme on dit en ita­lique1, même s’il fau­drait dire en (lettres) capi­tales2. (Le terme écri­ture capi­tale existe aus­si, mais est employé plus rare­ment3.) 

L’amour en majus­cule (par­fois écrit l’A­mour en majus­cule) est une expres­sion que l’on ren­contre occa­sion­nel­le­ment. Même Syl­vie Var­tan l’a chanté : 

Pour moi tu es l’a­mour au mas­cu­lin sin­gu­lier 
L’a­mour en majus­cule, au futur, au pas­sé4 

C’est l’é­qui­valent de l’a­mour avec un grand A

Une thèse consa­crée au roman­cier Paul Féval parle du « sceau de l’a­mour en majus­cule qui carac­té­rise ses romans5 ». Un article sur l’a­mour de Dante pour Béa­trice affirme : « Il s’agit de l’Amour en majus­cule, celui qui pousse à la vie6. » Une cri­tique de film relate que « Lub­na Aza­bal […] joue une femme “forte”, un roc qui s’effrite à cause de sa mala­die, mais qui résiste, por­té par un amour en majus­cule7. » 

“L’histoire avec sa grande hache”

On parle aus­si, plus fré­quem­ment, de l’h/Histoire en majus­cule (« l’his­toire avec sa grande hache », comme l’a écrit Georges Per­ec8).

Il n’y a pas que l’His­toire en majus­cule qui se répète, cela arrive aus­si dans l’his­toire des familles. Dans les deux cas, la répé­ti­tion se pimente de nuances, de menues modi­fi­ca­tions, ain­si tem­père-t-elle l’ef­fet de rabâ­chage. ― Syl­vie Ger­main9.

NB — Majus­cule est aus­si employé au figu­ré comme adjec­tif, au sens de « grand, impor­tant, consi­dé­rable, majeur » : Une colère majus­cule10. Un enjeu majus­cule11.


  1. « Nature et fonc­tion de l’i­ta­lique », Vitrine lin­guis­tique (OQLF). S.d. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  2. Voir l’ar­ticle « La dif­fé­rence entre capi­tales et majus­cules » de ma consœur Sophie Viguier. S.d. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  3. Voir « Écri­ture capi­tale », blog Les Essen­tiels de la BnF. ↩︎
  4. Chan­son « Mas­cu­lin sin­gu­lier », album Ta sor­cière bien-aimée, 1976. ↩︎
  5. Carole Ntsame Mve, L’art du feuille­ton dans les Habits Noirs de Paul Féval. Lit­té­ra­tures. Uni­ver­si­té Charles de Gaulle - Lille III, 2012. Fran­çais. NNT : 2012LIL30057. tel-01124081. ↩︎
  6. María Lucía Homen, « Dante et l’é­cri­ture de Béa­trice : Jouis­sance et lan­gage dans La Divine Comé­die », Ache­ron­ta, n° 10, décembre 1999 [en ligne]. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  7. « Le bleu du caf­tan », blog Coque­ci­grues et ima-nu-ages, 31 mars 2023. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  8. Dans W ou le sou­ve­nir d’en­fance, 1975. ↩︎
  9. Dans Magnus, frag­ment 15, 2005. ↩︎
  10. Voir le TLF. ↩︎
  11. Voir le Larousse. ↩︎

“Participer à” et “participer de”, quelle différence ?

Si vous êtes sen­sible à la gram­maire — je sup­pose que la plu­part de mes lec­teurs le sont —, sans doute avez-vous remar­qué, dans les jour­naux, à la radio ou à la télé­vi­sion, que cer­tains locu­teurs ou auteurs emploient sys­té­ma­ti­que­ment par­ti­ci­per de.

Ils semblent voir cette asso­cia­tion verbe + pré­po­si­tion comme l’é­qui­valent for­mel de par­ti­ci­per à. Or, c’est inexact : si par­ti­ci­per de relève bien de la langue soi­gnée ou lit­té­raire, les deux formes n’ont pas le même sens. L’Aca­dé­mie est formelle :

Le sens du verbe varie­ra […] selon qu’il sera sui­vi de la pré­po­si­tion à ou de la pré­po­si­tion de. Par­ti­ci­per à signi­fie « prendre part à une acti­vi­té don­née », alors que par­ti­ci­per de signi­fie « avoir une simi­li­tude de nature avec, rele­ver de ». On se gar­de­ra bien de confondre ces dif­fé­rents sens.

Voir aus­si l’article de la Vitrine lin­guis­tique.

Gens de théâtre et vraies gens

Pho­to 1, écran vu, hier soir à Metz, dans le spec­tacle Authen­tique de David Cas­tel­lo-Lopes (que je n’ai pas aimé, mais c’est un autre sujet). Dom­mage. Il y a pour­tant des humo­ristes qui connaissent la règle (ou qui ont un bon cor­rec­teur), comme Guillaume Meu­rice (pho­to 2).

La règle est la sui­vante (Dic­tion­naire de l’A­ca­dé­mie fran­çaise, s.v. gens) :

« […] lorsque gens est immé­dia­te­ment pré­cé­dé d’un adjec­tif pos­sé­dant une forme fémi­nine dis­tincte de celle du mas­cu­lin, cet adjec­tif s’accorde au fémi­nin ; cepen­dant, cet accord n’est pas éten­du aux autres élé­ments de la phrase, sauf pour les adjec­tifs tout et quel. Ins­truits par l’expérience, les vieilles gens sont soup­çon­neux. Toutes les vieilles gens ; tous les habiles gens. Quelles sottes gens ! »

DONC : De vraies gens.

MAIS :

« La règle ne s’applique pas lorsque gens est sui­vi d’un com­plé­ment intro­duit par de et dési­gnant une qua­li­té, une pro­fes­sion, un état ; dans ce cas, l’accord se fait tou­jours au mas­cu­lin. Les vrais gens de cœur. De nom­breux gens de lettres. »

Ain­si, on peut com­po­ser cette phrase mné­mo­tech­nique : Toutes les vraies gens ne sont pas bons. Seuls les vrais gens de cœur le sont tous.

J’ad­mets que c’est une dis­tinc­tion sub­tile (et appe­lée à disparaître).

“Opposer son veto”, un pléonasme ?

Dans un récent billet de Bru­no Dewaele, je viens de lire : 

[…] je ver­rais d’un bon œil que, tout au long de l’an­née à venir, on prît la bonne réso­lu­tion de ne plus « oppo­ser » son veto pour se conten­ter de le mettre (en latin, veto signi­fiait déjà « je m’op­pose ») […]1 

Mini-panique à bord, vu que je laisse tou­jours pas­ser cette expression. 

Heu­reu­se­ment, dans un article où elle cor­rige appo­ser un veto, l’Aca­dé­mie m’a rassuré :

« Comme le nom veto désigne un droit recon­nu par cer­taines consti­tu­tions au chef de l’État de s’opposer à la pro­mul­ga­tion d’une loi votée par l’Assemblée légis­la­tive et, par exten­sion et par affai­blis­se­ment, une oppo­si­tion, un refus ou une inter­dic­tion, c’est oppo­ser un veto qu’il faut dire (comme on dit oppo­ser un refus, oppo­ser une fin de non-rece­voir), et non appo­ser un veto. »

Sur la ques­tion, le site Par­ler fran­çais est on ne peut plus clair : 

Un pléo­nasme, vrai­ment ? Lit­tré, que l’on ne peut soup­çon­ner d’a­voir per­du son latin, n’y trouve pour­tant rien à redire […]. Pas plus que Hanse […], le TLFi […], le Petit Robert […] ou le Dic­tion­naire his­to­rique de la langue fran­çaise […]. Giro­det lui-même, qui n’a pas la répu­ta­tion d’être laxiste, trouve cette condam­na­tion exces­sive […]. Il faut dire que le tour, attes­té depuis la Révo­lu­tion, per­dure sous plus d’une plume respectable […].

C’est pas sym­pa de me faire une frayeur un ven­dre­di soir !


  1. Il avait déjà cri­ti­qué cette construc­tion il y a vingt ans. ↩︎

“Puis” en début de phrase peut-il être suivi d’une virgule ?

Puis a un sta­tut par­ti­cu­lier. C’est un adverbe de temps1 (équi­va­lant à ensuite), mais « il s’emploie tou­jours, en fran­çais com­mun, dans le contexte d’une coor­di­na­tion, et il se place entre les élé­ments coor­don­nés, ce qui fait qu’on le range sou­vent par­mi les conjonc­tions de coor­di­na­tion » (Gre­visse, 1005, g2). 

En début de phrase, il est rare­ment sui­vi d’une vir­gule, mais ce n’est pas inter­dit. En tant que « char­nière tem­po­relle », sur le modèle d’ensuite, il y a droit3

« […] puis peut por­ter un accent tonique, être sui­vi d’une pause dans l’o­ral et d’une vir­gule dans l’é­crit […] » (Gre­visse, loc. cit.).

On en trouve des exemples dans la lit­té­ra­ture. En voi­ci trois, tirés du Grand Robert :

Puis, il repar­tit, avec une furie nou­velle, jetant un chiffre de la main à chaque enché­ris­seur, sur­pre­nant les moindres signes, les doigts levés, les haus­se­ments de sour­cils, les avan­ce­ments de lèvres, les cli­gne­ments d’yeux […] 
— ZOLA, Le Ventre de Paris, t. I, p. 154-155.

[…] Mora­va­gine se signa lon­gue­ment devant les icônes. Puis, il s’empara d’une assiet­tée de zakous­kis et but une grande tasse d’al­cool, retour­na devant les icônes, com­man­da un borchtch4, vint s’as­seoir à ma table, allu­ma sa courte pipe en jurant, croi­sa ses jambes et enta­ma un long mono­logue à haute voix. 
— B. CENDRARS, Mora­va­gine, in Œuvres com­plètes, t. IV, p. 165.

Quand il connut la nou­velle, le capi­taine Ray­mond Dronne, du régi­ment de marche du Tchad, don­na cal­me­ment ses ordres de départ à ses hommes. Puis, il décro­cha le rétro­vi­seur de son com­mand-car et l’at­ta­cha à une branche de pom­mier. Et il entre­prit de tailler sa flo­ris­sante barbe rousse. 
— D. LAPIERRE et L. COLLINS, Paris brûle-t-il ?, p. 250.

En com­plé­ment, ajou­tons que, au sens tem­po­rel, « puis est employé dans la meilleure langue avec et » (Gre­visse, loc. cit.) :

Le loup le quitte alors et puis il nous regarde (Vigny, Dest., Mort du loup). […] 

C’est encore plus joli quand elles retombent. Et puis aus­si­tôt elles se fondent (A. Bre­ton, Nad­ja, p. 99)5.

Au sens de « d’ailleurs, au reste, en outre », et puis est sou­vent sui­vi d’une vir­gule : 

— Pour­quoi aurait-elle fait l’a­mour si vite, quelques minutes après vous avoir ren­con­tré ?
— Je vous l’ai dit, à nos âges, ça se fait. Et puis, elle avait bu et fumé, ça dés­in­hibe, c’est cer­tain.
— Karine TUIL, Les Choses humaines, p. 2646.

Cet article m’a été ins­pi­ré par une consœur qui trou­vait cette vir­gule « très bizarre », alors qu’une autre, à la lec­ture de l’article, a com­men­té : « Puis sans vir­gule me semble… tout nu ! » Une nou­velle preuve que, selon nos lec­tures, nous avons une image dif­fé­rente de la langue française. 


  1. Plus rare­ment adverbe de lieu : Der­rière lui était assis un tel, puis un tel. — Wik­tion­naire. ↩︎
  2. Le Bon Usage, De Boeck-Ducu­lot, 14e éd., 2008. ↩︎
  3. Voir La vir­gule et les char­nières, Vitrine lin­guis­tique. Der­nière mise à jour en 2014. Consul­té le 10 jan­vier 2024. ↩︎
  4. Variante gra­phique de bortsch. ↩︎
  5. Exemples don­nés par Gre­visse. ↩︎
  6. Exemple tiré du Grand Robert. ↩︎

“Prévoir” suivi de l’indicatif présent, en droit

Êtes-vous fami­lier de cette construc­tion ? Elle est très fré­quente en droit. Pour­tant, les dic­tion­naires usuels ne la réfé­rencent pas.

Seul Anti­dote explique que, « en par­lant d’une loi, d’un règle­ment, d’un contrat », ce verbe signi­fie : « Conte­nir des dis­po­si­tions, des clauses appli­cables. » C’est donc l’équivalent de dis­po­ser.

Les gram­maires sont tout aus­si muettes sur la ques­tion, sauf Hanse et Blam­pain (Dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés du fran­çais, 2012), qui écrivent à pro­pos de cette accep­tion don­née à pré­voir :

On va sans doute trop loin lors­qu’on dit : La loi a pré­vu telle sanc­tion au lieu de : a pres­crit telle sanc­tion, mais on dira qu’elle a pré­vu telle sorte de crime.

Trop tard ! Les textes de loi en sont far­cis, et nous sommes obli­gés de les citer tels quels.

Quelques exemples tirés du site Légi­france :

La pro­cé­dure pré­voit que l’auteur du signa­le­ment est infor­mé par écrit de la récep­tion de son signa­le­ment dans un délai de sept jours ouvrés à comp­ter de cette récep­tion1.

[…] la loi ou le règle­ment pré­voit que cette peine ne peut pas être limi­tée à la conduite en dehors de l’activité pro­fes­sion­nelle2.

[…] ledit article 13 pré­voit que loca­taires et occu­pants doivent, le cas échéant, être relo­gés dans un des locaux situés dans les immeubles ayant fait l’objet de tra­vaux […]3

L’article 3 pré­voit que les assu­reurs n’ont plus à cou­vrir obli­ga­toi­re­ment les dom­mages occa­sion­nés à l’étranger par les engins de dépla­ce­ment per­son­nels moto­ri­sés (EDPM) et assi­mi­lés, comme les trot­ti­nettes élec­triques[…]4.

Le pro­jet d’arrêté pré­voit que le trai­te­ment SIRENE pour­suit trois fina­li­tés sur le vec­teur mari­time […]5

Exemples tirés du cor­pus d’Antidote.

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046357368 ↩︎
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006149820/ ↩︎
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/cons/id/CONSTEXT000017665202 ↩︎
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048519072 ↩︎
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048551281 ↩︎

“Ç’a été” ou “ça a été” ?

Pra­ti­quez-vous l’élision ç’a été ? Per­son­nel­le­ment, dans mes textes, j’évite le double hia­tus a/a/é et je pro­pose à mes clients d’en faire autant.

André Jouette (1993) écrit : 

C’, Ç’ Éli­sion de ce, pro­nom démons­tra­tif devant une voyelle. La cédille se met devant a, o, u. C’est nou­veau. Ç’a été un grand mal­heur. C’eût été trop beau (condi­tion­nel car on pour­rait dire : Ç’aurait été). Et n’allez pas croire que ç’ait été tou­jours pour dire du bien de vous (Dide­rot). C’en est (sera) fini de cette histoire. 

Ça ne s’élide pas. On écrit : Ça ira. Ça arrive. Ça allait mieux. Ça a un bon côté. 

Dans Ç’a été, on a éli­dé ce et mis la cédille pour le son [s]. 

Hanse et Blam­pain (2012) donnent comme exemples : Ç’allait être les vacances. Ç’avait l’air d’une bonne blague. Ç’allait être mon tour. 

Et Le Dico en ligne du Robert : Ç’a été une belle jour­née. Ç’al­lait être difficile.

On peut lire d’autres exemples dans le Wik­tion­naire.

Mais cette éli­sion est facul­ta­tive et tend à dis­pa­raître. La non-éli­sion se ren­contre chez de grands auteurs (don­nés par La Culture géné­rale) :

— Non, il est pas­sé dans les miennes ; je ne dirai pas que ça a été sans peine, par exemple, car je men­ti­rais. (Dumas, Les Trois Mous­que­taires.)
Non, ça aurait été stu­pide, sa visite était jus­te­ment cette excuse […]. » (Proust, À la recherche du temps per­du.)
Ça en est venu à un tel point que nombre de maga­sins ouvrent des cré­dits à leurs clientes, qui ne payent plus que l’intérêt de leurs achats. » (Jour­nal, Gon­court.)

Pour l’Aca­dé­mie, plu­tôt que ça a été, il est pré­fé­rable d’employer ç’a été

Pour les réfé­rences des auteurs cités, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

“Jean Gutemberg”, un cas de francisation d’un nom propre

Johannes Gutenberg
Johannes Guten­berg.

La gra­phie Jean Gutem­berg est une fran­ci­sa­tion de Johannes Guten­berg — comme Die­go Vélas­quez est celle de Die­go Veláz­quez. On la trouve encore sur cer­tains sites.

Rap­pe­lons que le vrai nom de l’in­ven­teur, en Europe, de l’im­pri­me­rie à carac­tères mobiles est Johannes Gens­fleisch zur Laden zum Guten­berg, « nom d’emprunt tiré de la mai­son que pos­sé­daient ses parents à Mayence et qui por­tait l’en­seigne Zum guten Berg (“à la bonne mon­tagne”) » (note de Wiki­pé­dia). 

Cette fran­ci­sa­tion suit la règle clas­sique énon­cée dans une note de Wiki­pé­dia :

« L’u­sage fran­çais veut que, devant les lettres m, b et p, à l’ex­cep­tion de quelques mots comme bon­bon, bon­bonne et embon­point, on emploie le m au lieu du n. »

Pour ten­ter de dater le chan­ge­ment de gra­phie en France, il fau­drait feuille­ter de vieux dic­tion­naires de noms propres. Dans mon Robert 2 de 1997, on trouve bien « Johannes Gens­fleisch, dit Gutenberg ».

Le res­pect de la gra­phie ori­gi­nelle des noms étran­gers fait débat sur Wiki­pé­dia1, au Sénat2 et chez les tra­duc­teurs3. Bru­no Dewaele, cham­pion d’or­tho­graphe, appelle à une uni­for­mi­sa­tion de nos dic­tion­naires4.

Dans son Dic­tion­naire d’or­tho­graphe et d’ex­pres­sion écrite, André Jouette (☞ voir mon article) pré­cise :

« Il règne une cer­taine inco­hé­rence dans notre adop­tion de noms propres étran­gers. […] Ne cher­chons pas de règle logique : selon les époques, l’u­sage s’est impo­sé. »

Gutenberg/Gutemberg, c’est un peu le même pro­blème que Beijing/Pékin5, Mumbai/Bombay6 ou Kolkata/Calcutta7.

Une inco­hé­rence qui a ame­né les pou­voirs publics à publier l’ar­rê­té du 4 novembre 1993 rela­tif à la ter­mi­no­lo­gie des noms d’É­tats et de capi­tales (Wiki­pé­dia), dont les pre­miers prin­cipes sont :

  1. La forme recom­man­dée pour la dési­gna­tion des pays et des capi­tales est la forme fran­çaise (exo­nyme) exis­tant du fait de tra­di­tions cultu­relles ou his­to­riques fran­co­phones établies.
  2. En l’ab­sence d’exo­nyme fran­çais attes­té, on emploie­ra la forme locale actuel­le­ment en usage. Pour les pays qui n’u­ti­lisent pas l’al­pha­bet latin, la gra­phie recom­man­dée est celle qui résulte d’une trans­lit­té­ra­tion ou d’une trans­crip­tion en carac­tères latins, conforme à la pho­né­tique française.
  3. Les noms de pays et de villes étant des noms propres, il est recom­man­dé de res­pec­ter la gra­phie locale en usage, trans­lit­té­rée ou non. On ne por­te­ra cepen­dant pas les signes dia­cri­tiques par­ti­cu­liers s’ils n’existent pas dans l’é­cri­ture du français.

☞ Voir aus­si Faut-il repro­duire les dia­cri­tiques étrangers ?

La ten­dance étant au res­pect des cultures étran­gères, Johannes Guten­berg ne devrait plus être fran­ci­sé. Et Miguel Cer­van­tès8, com­bien de temps encore gar­de­ra-il son accent grave en français ?