Technique de recherche avancée sur Google

Extrait de ma liste d'URL de recherche sur Google
Extrait de ma liste d’URL de recherche sur Google (incli­né pour l’ef­fet graphique).

Comme je l’ai expli­qué dans un autre article, la poly­sé­mie du mot cor­rec­teur (et aus­si de cor­rec­trice) fait que, lors­qu’on uti­lise un moteur de recherche, on reçoit un très grand nombre de résultats. 

Pour réduire ce nombre, les pre­mières solu­tions sont :

  • soit d’ajou­ter des mots-clés per­ti­nents. Ain­si,
    [correcteur imprimerie] ou [correcteur édition] ;
  • soit d’éli­mi­ner ce qui n’est pas per­ti­nent, en le fai­sant pré­cé­der d’un signe moins (le trait d’u­nion du cla­vier, sans espace der­rière). Ain­si,
    [correcteur -maquillage].

NB — Dans les com­mandes que j’in­dique, les cro­chets servent uni­que­ment à déli­mi­ter le code ; il ne faut pas les sai­sir dans Google.

On peut, bien sûr, addi­tion­ner les mots-clés (ajou­tés ou retran­chés), par exemple :

[correcteur édition emploi]

ou [correcteur -maquillage -cosmétique]

Pour gagner encore en per­ti­nence, on peut uti­li­ser un opé­ra­teur puis­sant (mécon­nu) qui per­met d’af­fi­cher uni­que­ment les pages conte­nant tous les mots deman­dés, [allintext:].

Par exemple, [allintext:correcteur imprimerie] est beau­coup plus effi­cace que le simple [correcteur imprimerie].

Atten­tion : il est impé­ra­tif qu’il n’y ait pas d’es­pace après le deux-points de l’o­pé­ra­teur avancé. 

Pour recher­cher une expres­sion, comme cor­rec­teur d’imprimerie, on l’en­cadre de guille­mets droits : ["correcteur d’imprimerie"]. C’est utile notam­ment pour retrou­ver un pro­verbe ou une citation.

Un site à la fois

On peut aus­si res­treindre la recherche à un site par­ti­cu­lier, avec l’opérateur [site:].

Par exemple, si je veux cher­cher le mot-clé cor­rec­teur dans le site Lemonde.fr, l’URL sera [site:lemonde.fr correcteur] — ou [correcteur site:lemonde.fr], l’ordre n’ayant pas d’im­por­tance ici.

Si je veux recher­cher l’ex­pres­sion cor­rec­teur d’imprimerie sur Lemonde.fr, l’URL sera : 

[site:lemonde.fr "correcteur d’imprimerie"]

Pour recher­cher l’alter­na­tive cor­rec­teur ou cor­rec­trice, j’a­joute [OR correctrice]

[site:lemonde.fr correcteur OR correctrice]

Je peux aus­si éli­mi­ner une expres­sion. En tapant :

[site:lemonde.fr correcteur OR correctrice -"langue sauce piquante"]

j’ex­clus des résul­tats les articles du blog des cor­rec­teurs du Monde.fr, Langue sauce piquante (que je connais déjà).

Une fois que j’ai déli­mi­té cor­rec­te­ment ma recherche, j’enregistre ce signet tel quel pour ne plus avoir à le saisir. 

Lors de mes pro­chaines visites, si je le sou­haite, je pour­rai res­treindre les résul­tats à une période don­née (de moins d’un an à moins d’une heure), en cli­quant sur Outils au-des­sus du pre­mier résul­tat, ce qui fera appa­raître un nou­veau menu. 

Par exemple, ma der­nière recherche sur le site de Libé­ra­tion, res­treinte à l’an­née écou­lée, ne don­nait que deux résultats : 

recherche des mots-clés "correcteur" et "correctrice" sur le site de "Libération"

Il existe d’autres astuces, que je n’emploie pas ou rare­ment, mais qui peuvent vous être utiles. Vous les trou­ve­rez sur la page Google consa­crée à la recherche avan­cée ain­si que dans les articles Les opé­ra­teurs boo­léens : la recherche opti­mi­sée dans Google & Co et Les recherches appro­fon­dies avec les opé­ra­teurs Google du Digi­tal Guide IONOS. 

Mon parcours de recherche bibliographique

Voi­là plus de trois ans que j’ai com­men­cé ces recherches sur l’histoire du métier de cor­rec­teur (☞ voir Liste des articles). J’ai sim­ple­ment démar­ré sur Google, puis ont sui­vi Gal­li­ca, Google Livres, le cata­logue géné­ral de la BnF (et les visites sur place, un bon­heur), Retro­news, le site de presse de la BnF, ouvert en sep­tembre 2021 (une mine), la biblio­thèque patri­mo­niale de l’école Estienne (où j’ai reçu un superbe accueil), le site du musée de l’Imprimerie et de la Com­mu­ni­ca­tion gra­phique de Lyon, d’autres cata­logues encore…

Je ne compte pas, bien sûr, les nom­breux livres ache­tés, emprun­tés, cer­tains consul­tés, d’autres lus inté­gra­le­ment (☞ voir Biblio­gra­phie com­men­tée).

Au bout de ces trois années, après avoir croi­sé les mots-clés dans tous les sens (notam­ment pour contour­ner le pro­blème de la poly­sé­mie du mot cor­rec­teur), et télé­char­gé des cen­taines de docu­ments, je com­men­çais à me dire que j’avais à peu près tout exhu­mé. Mon disque dur est plein de textes his­to­riques numé­ri­sés, d’articles de jour­naux ou de blogs en PDF, d’images diverses…

Et c’est pré­ci­sé­ment là, il y a quelques jours, que j’ai décou­vert les col­lec­tions numé­ri­sées des biblio­thèques patri­mo­niales de la Ville de Paris. Et hop ! un bon mil­lier de docu­ments sup­plé­men­taires à étudier. 

Vision­neuse des col­lec­tions numé­ri­sées des biblio­thèques patri­mo­niales de la Ville de Paris.

Leur vision­neuse est excel­lente. Sur la gauche, la liste des occur­rences du mot-clé (en ita­lique, gras et rouge) dans le docu­ment sélec­tion­né. Sur la droite, le docu­ment en ques­tion, avec le mot-clé sur­li­gné en rouge et enca­dré d’un filet bleu. Le télé­char­ge­ment est rapide. Les sites Gal­li­ca et Retro­news (mal­gré leur qua­li­té) devraient s’en ins­pi­rer. On gagne­rait en fluidité.

J’ai aus­si­tôt entre­pris l’épluchage… Résul­tat, quelque 250 extraits de jour­naux ont rejoint ma collection. 

Cap­ture d’é­cran mon­trant mes listes d’ex­traits de jour­naux numé­ri­sés, télé­char­gés depuis le site des biblio­thèques patri­mo­niales de la Ville de Paris.

Reste main­te­nant à lire et anno­ter tout ça. Reste à se poser les bonnes ques­tions et à y répondre… ce qui peut occa­sion­ner de nou­velles recherches. C’est la par­tie la plus intéressante. 

☞ Lire aus­si Der­lin­din­din ou l’histoire d’un échec.

“Derlindindin” ou l’histoire d’un échec

C’est l’histoire d’un demi-échec ou, du moins, d’une recherche inabou­tie. Elle me donne l’oc­ca­sion de vous mon­trer com­ment je travaille. 

Un matin de cette semaine, pro­fi­tant de mes vacances — bien méri­tées, dirais-je — pour relan­cer les recherches, je tombe sur une Phy­sio­lo­gie1 de l’imprimeur (éd. Des­loges, 1842) com­por­tant le mot cor­rec­teur, signée de Constant Moi­sand (1822-1871). L’au­teur n’a donc que 19 ou 20 ans quand il publie ce livre. 

Page 37, on y lit ceci : 

Vous arri­vez les poches pleines d’é­preuves ; vous remet­tez votre copie au cor­rec­teur qui entonne de sa grosse voix le der­lin­din­din, et tous les singes2 répètent en cœur [sic] le der­lin­din­din ; ce qui veut dire que celui qui a com­po­sé la copie que l’au­teur vient de remettre a fait une infi­ni­té de bour­dons, dou­blons, coquilles, etc.

Rien d’autre sur le sujet de mon blog. 

Mais… « le der­lin­din­din », voi­là de quoi occu­per ma mati­née ! Qu’est-ce donc ? Cherchons.

Un bruit de clochette

Der­lin din­din est une variante de dre­lin din­din (ou din din), l’aîné de notre dre­lin, dre­lin, ono­ma­to­pée imi­tant une clo­chette ou une son­nette. Le chan­son­nier Béran­ger (1780-1847) a écrit : « Pauvres fous, bat­tons la cam­pagne / Que nos gre­lots tintent sou­dain / Comme les beaux mulets d’Es­pagne / Nous mar­chons tous dre­lin din­din » (Cou­plet) — Lit­tré.

On trouve notre der­lin din din dans un vau­de­ville3 d’Eu­gène Labiche (1815-1888), Les Pré­ten­dus de Gim­blette (1850) :

Sem­bett : No ! un son de cloche… Com­ment ils fai­saient les cloches ?
[…]
Bar­na­bé : Elles font der­lin, der din, din din.

Nous appre­nons déjà quelque chose. 

Mais notre cor­rec­teur — appe­lons-le Jules — imite-t-il « de sa grosse voix » une clo­chette ? Et les com­po­si­teurs répètent-ils en chœur la même clo­chette ? Je n’y crois pas trop. 

Chanson à succès

Je penche plu­tôt pour un air à la mode. Au xixe siècle comme aujourd’hui, il y a des airs à suc­cès, qu’on entend au café-concert ou au théâtre. Cer­tains reçoivent même de nou­velles paroles, pour un évè­ne­ment fes­tif. Ain­si, deux chan­sons que j’ai trou­vées sur Gal­li­ca : Le Cor­rec­teur d’imprimerie (non datée, mais peut-être entre 1803 et 1848), d’un cer­tain Chol­let, est à chan­ter sur l’air de La Treille de sin­cé­ri­té, écrite par Désau­giers (1772-1827), et Les Cor­rec­teurs en goguette à Cha­ren­ton (1822) colle à l’air du vau­de­ville en un acte Lan­ta­ra, ou le Peintre au caba­ret (créé en 1809), « À jeun je suis trop philosophe ».

Page de titre du qua­drille Der­lin din­din ou Asseyez-vous d’s­sus (1859). © Palaz­zet­to Bru Zane / fonds Leduc.

Je tombe alors sur Der­lin din­din, un qua­drille. Oh joie ! D’autant que le sous-titre de cette danse est « Asseyez-vous des­sus », ce que j’imagine déjà faire la joie de Jules et de ses facé­tieux col­lègues… Mal­heu­reu­se­ment, Arban (1825-1889), com­po­si­teur de danses et chef d’orchestre popu­laire, offi­ciait au bal Le Casi­no, dit Casi­no-Cadet, « construit en 1859 [et] renom­mé pour la légè­re­té de ses dan­seuses » (Wiki­pé­dia), et 1859 est aus­si la date de la partition.

Au pas­sage, je décèle une bizar­re­rie : la page de titre de la par­ti­tion pré­cise « sur des motifs de Krie­sel ». Or, si Krie­sel (dont les dates de nais­sance et de mort nous sont incon­nues) a bien écrit Asseyez-vous d’s­sus !, « can­ti­lène comique, sur des paroles de MM. Jules de [sic] Renard [1813-18774] et Amé­dée de Jal­lais [1825-1909] », la par­ti­tion a été impri­mée chez Bol­lot en 1861… soit deux ans après le qua­drille qui s’en est ins­pi­ré ! Je vous laisse ce mys­tère à résoudre.

Asseyez-vous d’s­sus serait une fan­tai­sie sur l’expérience de l’omni­bus, d’après un récent livre anglais sur le sujet (Eli­za­beth Amann, The Omni­bus : A Cultu­ral His­to­ry of Urban Trans­por­ta­tion, Sprin­ger Nature, 2023, p. 107), ce que semble confir­mer la gra­vure illus­trant la partition.

Déçu, je remets les gaz à mes moteurs (de recherche)… et finis par trou­ver, dans le Cata­logue géné­ral des œuvres dra­ma­tiques et lyriques fai­sant par­tie du réper­toire de la Socié­té des auteurs et com­po­si­teurs dra­ma­tiques (ouf !), Der­lin­din­din, vau­de­ville en un acte de René Per­in (1774-1829), édi­té par Jean-Nico­las Bar­ba (1769-1846). Date incon­nue, sauf que le cata­logue s’arrête à 1859, mais de toute façon anté­rieure à la mort de Bar­ba. Là, ça collerait. 

Frustration de chercheur

Le qua­drille aban­don­né, reste donc ce vau­de­ville, dont je ne sais rien. À moins qu’il ne s’a­gisse d’un autre, qui aurait disparu.

Ah, je le voyais bien, pour­tant, notre Jules, aller oublier, le dimanche, au Casi­no-Cadet, qu’il bosse douze heures par jour, du lun­di au same­di (sauf quand il « fait le lun­di »), guin­cher sur Der­lin din­din, le qua­drille à la mode, et, de retour au tur­bin, s’en ser­vir comme signe de com­pli­ci­té avec les « singes ». 

Mal­heu­reu­se­ment, les dates sont impitoyables.