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Tsai Ming-liang : du trait d’union dans les noms chinois

Je me deman­dais pour­quoi cer­tains noms asia­tiques, comme celui du cinéaste taï­wa­nais Tsai Ming-liang (Hou Hsiao-hsien, Wong Kar-wai, Bong Joon-ho…), sont trans­crits en fran­çais avec un trait d’u­nion et une minus­cule au second vocable. 

Je savais que Tsai est le nom de famille, Ming-liang, le « nom per­son­nel », com­po­sé de deux idéo­grammes. Je ne m’in­ter­ro­geais que sur l’a­jout du trait d’u­nion en fran­çais, la trans­crip­tion en pinyin étant Cài Mín­gliàng.

Une aimable consœur a inter­ro­gé deux spé­cia­listes à ce sujet. Voi­ci son compte rendu.

« Ayons à l’es­prit tout d’a­bord que les Chi­nois ne parlent que par vocables iso­lés, chaque « son » cor­res­pon­dant à un idéo­gramme, tou­jours déta­ché du pré­cé­dent et du sui­vant. Donc, même si, en termes de « sens », on a un mot trans­crit en fran­çais comme Qigong, en chi­nois, ce mot sera tou­jours trans­crit avec deux idéo­grammes : Qi + Gong.

« Idem pour les noms propres. On trouve effec­ti­ve­ment le nom de famille en pre­mier com­po­sé d’un seul vocable, sui­vi du pré­nom à deux vocables (et non de deux pré­noms). Ex.: Min­gliang.

« Le chi­nois clas­sique consi­dère que 1 mot = 1 carac­tère, donc les tra­duc­teurs atta­chés à la tra­di­tion pré­fé­re­ront cou­per un pré­nom en deux mots : Ming-Liang, le trait d’u­nion ser­vant à rap­pe­ler qu’il s’a­git d’un seul pré­nom. C’est le sys­tème uti­li­sé à Taï­wan encore aujourd’hui.

« Le chi­nois moderne admet plus faci­le­ment que 1 mot = 2 carac­tères, et trans­cri­ra alors Min­gliang.

« Le pinyin, sys­tème inter­na­tio­nal uti­li­sé pour roma­ni­ser le chi­nois depuis les années 1970, uti­lise donc la ver­sion moderne : tous les pré­noms chi­nois devraient donc s’é­crire en un seul mot : Min­gliang.

« Il n’en demeure pas moins que beau­coup uti­lisent mal­gré tout le trait d’u­nion. Pour citer une de mes amies sino­logues, c’est « une erreur qui per­dure»…

« Cela dit, même si l’on choi­sit la ver­sion tra­di­tion­nelle, il n’y a (et ils sont bien d’ac­cord sur ce point) aucune, mais alors, aucune rai­son de mettre une majus­cule à un des vocables et pas à l’autre, ce qui lais­se­rait sup­po­ser, à tort, qu’il y a une hié­rar­chie dans les vocables com­po­sant un prénom. »

Je ne pou­vais espé­rer plus précis.

Le “Monde” du jour ou “Le Monde” du jour ?

Dans le Gre­visse, je viens de tom­ber sur une règle bien utile et dont je ne trouve pas l’é­qui­valent dans les codes typo.

On sait que « lorsqu’il fait par­tie inté­grante du titre réel, l’article se com­pose en ita­lique1 » : « dans Les Mar­tyrs de Cha­teau­briand ». Mais qu’en est-il si l’œuvre est sui­vie d’un autre com­plé­ment que le nom de l’auteur ?

Gre­visse nous dit (§ 588) : « La syn­taxe l’emporte sur le res­pect du titre néces­sai­re­ment dans Ache­ter deux Monde, Ache­ter le Times. Il est donc pré­fé­rable d’écrire Dans le Monde d’aujourd’hui plu­tôt que Dans Le Monde d’aujourd’hui. »

Si l’on suit cette règle, on devrait écrire dif­fé­rem­ment : « J’ai emprun­té le Monde de Jean » et « J’ai emprun­té Le Monde à Jean ». Éton­nant, non ?

Dans les ouvrages du xixe siècle, on ren­contre sou­vent « dans le Figa­ro », alors qu’aujourd’hui l’usage le plus fré­quent est « dans Le Figa­ro ». Certes, « plu­sieurs jour­naux arbo­rant le titre Figa­ro (avec ou sans article) paraissent de manière irré­gu­lière entre 1826 et 18542 », mais à par­tir de 1854 l’ar­ticle est fixé. Il sem­ble­rait donc que cette dif­fé­rence de com­po­si­tion soit davan­tage liée à la pri­mau­té de la syn­taxe qu’à la géné­ra­li­sa­tion du code typo.

À “via” je dis : “Vai via!”

Entré dans la langue fran­çaise par (via ?) la cor­res­pon­dance d’Hu­go, pous­sé par l’in­fluence de l’an­glais, il est par­tout3 :

  • Aus­si moderne qu’économe, Sophie fait toutes ses emplettes via Internet.
  • Ce film invite à l’évasion via l’univers musi­cal de Gershwin.
  • Je vous ferai pas­ser le dos­sier, via M. Durand.

S’il reste fami­lier pour le TLFI (clos en 1994) ou le Larousse (l’Académie l’ignore tout à fait), le Robert et la Banque de dépan­nage lin­guis­tique (BDL) l’accueillent sans res­tric­tion (et même en romain, à la dif­fé­rence de l’Imprimerie natio­nale et de Lacroux). La BDL déclare : « Via s’emploie aus­si au figu­ré, et ce, depuis le début du siècle der­nier. La pré­po­si­tion sert alors à intro­duire une chose per­çue comme un lieu ; Inter­net n’est qu’un exemple de cette forme d’analogie. […] « Cer­tains dic­tion­naires apposent la marque “fami­lier” à via au sens de “par l’intermédiaire de”. Or, de l’usage se dégage une per­cep­tion tout à fait contraire, selon laquelle via s’apparenterait davan­tage au lan­gage stan­dard qu’à la langue familière. »

Certes, on le trouve déjà chez Paul Morand : « Ces récits mythiques de petites Lon­do­niennes, ven­dues, vio­lées ou cru­ci­fiées, qui venaient jus­qu’à nous sous le man­teau, du fond du dix-hui­tième siècle, en pas­sant par Jean Lor­rain et par Tou­let, via les Gon­court » (Londres, 1933).

Mais sa dis­sé­mi­na­tion pose deux problèmes :

  1. Par­fois, le lien entre les deux élé­ments qu’il unit n’est pas clair.
  2. Comme tout mot à la mode, il en fait dis­pa­raître pro­vi­soi­re­ment beau­coup d’autres. En l’occurrence, par, sur, à tra­vers, au tra­vers de, par l’intermédiaire de, par l’entremise de, au moyen de, en fai­sant usage de, par le biais de, en uti­li­sant, en employant, etc.

Ce serait dom­mage de les abandonner.

Quand “ou” impose de choisir un genre

Cor­ri­geant régu­liè­re­ment des articles de nature juri­dique, je suis confron­té à un pro­blème épi­neux : l’accord après deux sujets liés par un ou exclu­sif et de genres ou de nombres dif­fé­rents. Que faire dans ce cas ? Atten­tion, chaus­sée glissante !

Pour bien poser le pro­blème, je rap­pelle quelques exemples ne pré­sen­tant pas de dif­fi­cul­té au correcteur : 

  • Hen­ri ou Étienne sera le pre­mier de la classe ce mois-ci.
  • Un seul être ou objet peut convenir.
  • Lorsqu’une rente via­gère ou une pen­sion aura été léguée au titre d’aliments (Code civil, art. 1015).

Mais voi­ci un cas ren­con­tré cette semaine : 

L’opéra ou la com­pa­gnie char­gée de la pro­duc­tion du spec­tacle doit cher­cher… 

Faut-il écrire char­gé ou char­gée ? (On ne peut écrire char­gés, puisque le ou est exclusif.)

« Selon la tra­di­tion gram­ma­ti­cale, si l’accord ne se fait qu’avec un des termes unis par ou ou par ni, ce terme est le der­nier anté­cé­dent », nous dit Le Fran­çais cor­rect (§ 955).

Exemples (ibi­dem ; Jouette, art. par­ti­cipe pas­sé, III, F, 9):

  • C’est son salut ou sa perte qu’il a ris­quée.
  • Est-ce une louange ou un blâme qu’il a méri­té ? 
  • Est-ce le bou­lan­ger ou sa femme que tu as vue ?

Pour­tant, dans d’autres cas, la règle est inverse. Hanse affirme, en effet (art. adjec­tifs qua­li­fi­ca­tifs, § 2.7.2) :

« Si les noms ne sont pas du même genre et qu’il y ait exclu­sion d’un des sujets, l’adjectif attri­but (ou le par­ti­cipe employé avec être) reste au mas­cu­lin : Est-ce le père ou la mère qui est le plus âgé ?»

Il nous faut donc deman­der son avis à Gre­visse (§ 449).

« La tra­di­tion gram­ma­ti­cale enseigne […] que, si l’accord se fait avec un seul des termes unis par ou, ce terme est le der­nier [accord de proxi­mi­té]. Mais la réa­li­té de l’usage est beau­coup moins simple. »

Gre­visse cite des exemples sui­vant la tradition : 

  • On entou­rait d’une par­ti­cu­lière défé­rence celui ou celle qui était « res­tée à écrire » (Proust, Pas­tiches et mélanges, p. 227). 
  • Le monde aus­si­tôt a été mena­cé d’une anar­chie ou d’un désordre uni­ver­sel (Lamen­nais, De la reli­gion, VI). […]

Mais il poursuit : 

«[…] contrai­re­ment à ce que disent beau­coup de gram­mai­riens, le pre­mier terme déter­mine plus sou­vent l’accord que le deuxième

  • Le tri­bu­nal pro­non­ce­ra […] si le père ou la mère qui offri­ra de rece­voir […] l’enfant à qui il devra des ali­ments, devra […] être dis­pen­sé de payer la pen­sion ali­men­taire (Code civil, art. 211).
    Quel poi­son ou quelle drogue m’a-t-on injec­té, qui m’incendie ? (J. Roy, Maître de la Mitid­ja)
  • Quelque héma­tome ou bles­sure que je m’étais infli­gé en jouant au foot­ball (Rinal­di, Roses de Pline).
  • Un sen­ti­ment ou une expres­sion ori­gi­nal (R. Des­nos, cit. dans Stu­dia neo­phi­lo­lo­gi­ca, 1946-1947).
  • Pla­teau ou table uti­li­sé pour ser­vir le café (Tré­sor, art. caba­ret).
  • Tâche ou ser­vice impo­sée (Dict. du fr. vivant, art. pres­ta­tion).

De plus, quand l’adjectif ou le par­ti­cipe pas­sé est au mas­cu­lin sin­gu­lier, sommes-nous cer­tains de ce qui motive le choix de l’auteur ? 

« Il ne faut pas oublier en effet que le mas­cu­lin est aus­si le genre indif­fé­ren­cié et que la troi­sième per­sonne est la per­sonne indif­fé­ren­ciée, la « non-per­sonne » (§ 655, c). Dès lors le recours à ce genre ou à cette per­sonne peut être, soit la marque d’un accord avec le terme qui est à ce genre ou à cette per­sonne, soit une absence d’accord. Cela est par­ti­cu­liè­re­ment vrai du par­ti­cipe pas­sé conju­gué avec avoir que cer­tains laissent inva­riable même quand l’objet direct pré­cède (cf. § 942).»

Nous voi­là bien ! Si nous reve­nons à notre exemple de départ, nous pou­vons suivre la tra­di­tion, éven­tuel recours : 

L’o­pé­ra ou la com­pa­gnie char­gée de la production

ou bien suivre l’usage cou­rant, moti­vé par deux rai­sons dif­fé­rentes, la proxi­mi­té ou l’indifférenciation : 

L’o­pé­ra ou la com­pa­gnie char­gé de la production

Pour ne pas allon­ger infi­ni­ment ce billet déjà dense, j’ai écar­té les pro­blèmes d’accord du verbe face à deux genres ou deux per­sonnes dif­fé­rents (noter, ici, l’accord au plu­riel), mais je ne résiste pas à cette devinette :

Quel futur après Toi ou lui par­ti­ra (lui ou la non-personne) ? 

Non, nous dit Jouette, au même endroit : par­ti­rez. « On tourne la dif­fi­cul­té »… au mépris de la logique (un seul des deux partira).

J’espère que vous aviez des pneus neige. 

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NOTES : 

  1. Le pro­blème évo­qué ci-des­sus est équi­valent avec ni. Voir cet exemple :
    « Ni Robert ni sa femme ne sera tré­so­rière de l’association. Le fémi­nin tré­so­rière nous heurte parce que nous atten­dons une sorte de neu­tra­li­té (sou­hai­table lorsque mas­cu­lin et fémi­nin sont en concur­rence) et que notre neutre est tra­duit par un mas­cu­lin sin­gu­lier. Alors on écrit com­mu­né­ment : Ni Robert ni sa femme ne sera tré­so­rier de l’association (seront tré­so­riers n’est pas pos­sible : il n’y a qu’une place à pour­voir). Le mieux serait d’écrire en ce cas : Ni Jac­que­line ni son mari ne sera tré­so­rier de l’association. L’oreille et la règle y trou­ve­ront leur compte. » (Jouette, art. verbes, XVII, C, 3°, c.)
  2. Il n’est pas tou­jours aisé de déter­mi­ner si nous sommes face à un ou exclu­sif. L’opéra ou la com­pa­gnie char­gée de la pro­duc­tion du spec­tacle doit cher­cher… Ne peut-on ima­gi­ner une copro­duc­tion ? (Ce n’est pas l’option choi­sie par l’auteur ici.)

Verbes d’incise non déclaratifs

La presse emploie de plus en plus des incises de cita­tion telles que sou­pire-t-il ou s’étonne-t-elle, un phé­no­mène qu’un lin­guiste (Ralu­ca Nita, 2010) appelle « le verbe intro­duc­teur non décla­ra­tif », dont « l’usage […] demeure encore hors norme » [dix ans ont pas­sé depuis], et qu’il étu­die en par­ti­cu­lier dans les chro­niques judi­ciaires de Libé­ra­tion.

La ques­tion qui inté­resse le cor­rec­teur est la sui­vante : « Faut-il fixer une règle ? » Elle est for­mu­lée par Jacques Des­ro­siers (éva­lua­teur lin­guis­tique pour le gou­ver­ne­ment cana­dien), dans un court article de 2001

L’auteur for­mule « deux prin­cipes de base » qui peuvent nous aider à veiller à leur usage : « relief de la cita­tion et dis­cré­tion de l’incise », c’est-à-dire mar­quer la sépa­ra­tion entre dis­cours de l’auteur et dis­cours rap­por­té, tout en évi­tant de mettre l’accent sur l’incise elle-même

Citant un exemple du type insiste le secré­taire géné­ral, Des­ro­siers rap­pelle que « le verbe insis­ter est en fait un rac­cour­ci pour insis­ter sur le fait que. De même pro­tes­ter, c’est dire en mani­fes­tant son oppo­si­tion, s’étonner, dire en expri­mant de l’étonnement. Tous ces rac­cour­cis sont des usages consa­crés depuis long­temps par les dic­tion­naires et les grands ouvrages de langue. »

Mais, pour­suit-il : « Tout va bien [tant que] l’on reste dans l’univers du verbe dire. […] C’est d’ailleurs ici que Gre­visse […] trace la limite. » Je cite Gre­visse [§ 416] :

« Tan­tôt cette super­po­si­tion de l’idée de “dire” est impos­sible et on peut être heur­té par l’illogisme de telles incises, comme : ° C’est affreux, pâlit-il, s’enfuit-il, tom­ba-t-il, etc. Il faut recon­naître pour­tant que beau­coup d’auteurs, et cer­tains non médiocres, se servent sans gêne d’incises de cette espèce : Mon­sieur, m’aborda-t-il céré­mo­nieu­se­ment… (Bor­deaux, Pays sans ombre). — Ah !… s’apaisa-t-elle tout à coup (Châ­teau­briand, M. des Lour­dines). — Du secours ! sur­sau­ta la visi­teuse (Billy, Prin­cesse folle). — « Nie­ra-t-on qu’il soit chas­seur ? » se fût alors retour­né notre homme, dis­cer­nant dans un coin un fusil et une gibe­cière (Mon­therl., Céli­ba­taires). — On se moque de nous, tremblent-ils (Bre­mond, Poé­sie pure). — Par­don ! s’étrangla le bon­homme (Dor­ge­lès, Tout est à vendre). — Je vou­drais bien la per­mis­sion de minuit, sou­rit-il ( La Varende, Roi d’Écosse). — La mai­son, c’est évi­dem­ment consi­dé­rable, s’agitait le méde­cin (Mal­let-Joris, Men­songes).»

L’exemple de Mon­ther­lant est par­ti­cu­liè­re­ment surprenant ! 

Au vu de ces exemples, il est logique que Nita écrive que le dis­cours jour­na­lis­tique, « en se foca­li­sant sur la mise en scène, […] emprunte des traits lit­té­raires ». C’est, dit-il dans sa conclu­sion, « un moyen de […] res­ti­tuer l’authenticité de la parole qu’il repré­sente. Le DD [dis­cours direct] n’est plus une simple cita­tion, mais une parole prise sur le vif dans un fais­ceau d’éléments para­ver­baux (gestes, mou­ve­ments, réac­tions émotionnelles). […]»

Pour Des­ro­siers, « ces tours sont cho­quants pour des rai­sons sty­lis­tiques : leur sens est si lourd, et leur emploi si éloi­gné de l’usage cou­rant, que c’est l’incise elle-même qui est mise en valeur. Elle est étran­ge­ment sur­char­gée d’expressivité. […]

« Il serait uto­pique, ajoute-t-il, de ten­ter de dres­ser la liste des verbes admis­sibles. Tout sug­gère que non seule­ment c’est une ques­tion de juge­ment, mais qu’il est pré­fé­rable de dis­po­ser d’une cer­taine marge de manœuvre, d’autant plus que la rai­son d’être fon­da­men­tale des inver­sions étant d’ordre sty­lis­tique, celui qui en use a jusqu’à un cer­tain point le droit de pous­ser l’expressivité un peu plus loin. […]»

Pour ma part, en lisant un des exemples don­nés par Nita : 

M. Har­per a bon­di : « Nous rece­vons notre man­dat de la popu­la­tion et non de l’ambassadeur des États-Unis », a-t-il décla­ré. (Le Monde)

j’ai pris conscience qu’un verbe intro­duc­teur non décla­ra­tif pas­sait beau­coup mieux devant la cita­tion que der­rière, le com­por­te­ment étant visua­li­sé avant la prise de parole et non après. On pour­rait, sans pro­blème, faire l’é­co­no­mie du a-t-il décla­ré.

Histoire de la correction du Littré

Émile Lit­tré vers 1865.

« La copie (sans le Sup­plé­ment) comp­tait 415 636 feuillets. » Ce nombre lais­se­rait son­geur – ou effraie­rait – plus d’un cor­rec­teur. Le décou­vrir m’a don­né envie de publier les longs pas­sages ayant trait à la cor­rec­tion figu­rant dans le récit, par Émile Lit­tré (1801-1881) lui-même, de l’a­ven­ture de son gigan­tesque Dic­tion­naire de la langue fran­çaise (plus de dix mille pages, 37 km de texte !).

« Une copie non suffisamment préparée »

Mon dés­illu­sion­ne­ment s’opéra quand il fal­lut enfin don­ner de la copie (c’est le mot tech­nique) à l’imprimerie. Tous les auteurs ne se com­portent pas de la même manière à l’égard de la copie. Quelques-uns la livrent telle qu’elle doit demeu­rer ; elle est du pre­mier coup ache­vée et aus­si par­faite que le veut le talent de cha­cun ; l’épreuve ne reçoit d’eux que des cor­rec­tions typo­gra­phiques ; ils sont la joie du met­teur en pages, n’occasionnent ni rema­nie­ments ni retards. Auguste Comte et Armand Car­rel, par­mi ceux que j’ai vus tra­vailler, ont été des modèles en cette manière de faire : tout était si net­te­ment arrê­té en leur esprit, qu’ils ne chan­geaient plus rien ni à la pen­sée, ni au tour, ni à l’expression. D’autres ne voient dans l’épreuve qu’un brouillon taillable et ratu­rable à mer­ci, et ils le taillent et le raturent ; une nou­velle épreuve arrive, nou­velle occa­sion de recom­men­cer le tra­vail de la cor­rec­tion, et ils ne par­viennent à se satis­faire qu’au prix de plu­sieurs épreuves et des malé­dic­tions du typo­graphe. D’autres enfin tiennent le milieu : ils ne sont ni aus­si arrê­tés que les pre­miers, ni aus­si flot­tants que les seconds. J’étais de cette der­nière caté­go­rie, avec ten­dance pour­tant à lais­ser sor­tir de mes mains une copie non suf­fi­sam­ment pré­pa­rée. Mais, un jour que sur une épreuve j’avais beau­coup effa­cé et rema­nié, M. J.-B. Baillière, qui fut pour mon Hip­po­crate ce que M. Hachette fut pour mon Dic­tion­naire, me fit obser­ver que ces ratures et ces rema­nie­ments étaient un tra­vail per­du, ennuyeux à l’imprimeur, coû­teux à l’éditeur, et qu’il serait pré­fé­rable pour tout le monde d’achever davan­tage la copie, et de réser­ver les rema­nie­ments aux cas indis­pen­sables. Le rai­son­ne­ment me parut sans réplique et, comme je suis cor­ri­gible, ayant de bonne heure com­pris qu’il était peu sage de répondre aux sug­ges­tions d’amendement « Je suis comme cela, » j’ai depuis tou­jours eu à cœur, selon la capa­ci­té de mon esprit, de conduire au plus près du défi­ni­tif ma copie, avant de m’en des­sai­sir. C’était ce que je croyais avoir fait en ce que j’appellerai la pre­mière édi­tion manus­crite de mon dic­tion­naire mais, au faire et au prendre, elle ne fut qu’un canevas.

Les ouvriers demandent une augmentation

[…] Voi­ci com­ment l’ordre de la besogne était réglé entre moi, mes col­la­bo­ra­teurs et mon organe indis­pen­sable, le typo­graphe. Je remet­tais un lot de copie à M. Beau­jean. Il le para­phait et l’envoyait à l’imprimerie. Mais je n’ai pas encore dit que cette impri­me­rie était celle de M. Lahure. M. Hachette l’avait dési­gnée comme grand éta­blis­se­ment pour un grand ouvrage. En même temps il s’y était assu­ré d’un bon met­teur en pages et de bons ouvriers. Quand ils eurent sous les yeux un pre­mier échan­tillon de mon manus­crit, ils refu­sèrent de s’en char­ger aux condi­tions ordi­naires de la com­po­si­tion, et ils deman­dèrent une aug­men­ta­tion de prix, qui leur fut accor­dée par M. Hachette. Ils n’arguèrent, pour fon­der leur récla­ma­tion, ni de la mau­vaise écri­ture, ni des ratures, ni des dif­fi­cul­tés de lec­ture mais ils décla­rèrent que ce qui accrois­sait leur besogne et jus­ti­fiait leur exi­gence était le vieux fran­çais de l’historique, qui ne pou­vait être com­po­sé cou­ram­ment comme le reste. Avant de for­mu­ler leur demande, ils avaient sou­mis l’affaire à une sorte de conseil arbi­tral for­mé d’ouvriers, qu’ils nomment le Comi­té, et qui pro­non­ça en leur faveur. 

« Scrupuleuse attention de mes réviseurs »

En retour du lot de copie, M. Beau­jean rece­vait un pre­mier pla­card dont il cor­ri­geait les fautes. Avec celui-là l’imprimerie fai­sait un second pla­card. M. Beau­jean le lisait, le cor­ri­geait dere­chef, et ins­cri­vait en marge ses obser­va­tions. C’est ce second pla­card ain­si annote qui m’était adres­sé. Il était for­mé de quatre colonnes de texte, équi­va­lant à quatre colonnes de ce qui est aujourd’hui le dictionnaire.

Ce même second pla­card était, en même temps qu’à M. Beau­jean, envoyé à mes autres col­la­bo­ra­teurs et sou­mis à leur exa­men. Leurs obser­va­tions ne négli­geaient rien, depuis l’humble faute typo­gra­phique jusqu’aux points les plus éle­vés de la langue, de la gram­maire, de l’étymologie. Plus d’une fois j’ai fré­mi en voyant de quelles erreurs, qui m’avaient échap­pé, j’étais pré­ser­vé par la scru­pu­leuse atten­tion de mes réviseurs.

« Refonte de telle ou telle portion de l’article »

Quand j’avais sous la main tous ces maté­riaux de cor­rec­tion, y com­pris par­fois des notes per­son­nelles que je pou­vais avoir recueillies depuis l’envoi de la copie jusqu’à la venue du second pla­card, je me met­tais à la besogne. Je lisais d’abord le pla­card pour moi et sans consul­ter le tra­vail de mes col­la­bo­ra­teurs, et je le cor­ri­geais à mon point de vue. Puis je pre­nais M. Beau­jean, puis M. Jul­lien, puis M. Som­mer, et après lui M. Des­pois, puis M. Bau­dry, puis le capi­taine André. Tout allait bien tant que les obser­va­tions n’exigeaient ni un exa­men pro­lon­gé, ni une rédac­tion secon­daire, ni des addi­tions, ni des retran­che­ments. Mais quand venaient celles qui sou­le­vaient des ques­tions épi­neuses, ou que je ne pou­vais rece­voir sans refaire mon texte, alors il me fal­lait réflé­chir lon­gue­ment pour prendre un par­ti et mettre réso­lu­ment la main à la refonte de telle ou telle por­tion de l’article incri­mi­né. Rien n’était plus labo­rieux que la cor­rec­tion de cer­tains de ces pla­cards pré­des­ti­nés. On en juge­ra quand on sau­ra que maintes fois ils ne quit­taient mon bureau qu’accrus d’un cin­quième ou d’un quart. Sans doute le plus long était le tra­vail intel­lec­tuel qu’ils me deman­daient ; mais, ajou­te­rai-je, cette minu­tie qui, en fin de compte, n’en était pas une ? le tra­vail maté­riel était long aus­si, obli­gé que j’étais d’ajuster sur le pla­card notes et bouts de papier, de manière que l’imprimerie pût se recon­naître dans le dédale. Com­bien de fois, quand j’étais au plus fort de mes embar­ras, n’ai-je pas dit, moi­tié plai­san­tant, moi­tié sérieux « O mes amis, ne faites jamais de dic­tion­naire ! » Mais dépit vain et pas­sa­ger ! C’est le cas d’appliquer le dic­ton picard rap­por­té par La Fon­taine dans sa fable du Loup, la Mère et l’Enfant :

Biaux chires leups, n’écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie.

Un tel pla­card si sur­char­gé en exi­geait un nou­veau. Je le deman­dais donc, véri­fiais les cor­rec­tions, et l’adressais ain­si véri­fié à M. Beau­jean, qui don­nait la mise en pages. C’était un grand pas ; il avait coû­té beau­coup de labeur, et un labeur tan­tôt très minu­tieux, tan­tôt très relevé. 

L’imprimerie ne se fai­sait pas attendre, et une pre­mière épreuve de mise en page arri­vait à M. Beau­jean, qui là, lisait, y ins­cri­vait ses obser­va­tions et me l’envoyait. Autant en fai­saient mes autres col­la­bo­ra­teurs, qui rece­vaient aus­si cette mise en pages. Ceux qui ont beau­coup impri­mé (et je suis du nombre ; hon­ni soit qui mal y pense ; un jour M. Wit­ter­sheim, impri­meur et direc­teur du Jour­nal offi­ciel, que je remer­ciais de je ne sais quoi, remar­qua, qu’un impri­meur devait être gra­cieux à qui avait tant occu­pé la presse), ceux, dis-je, qui impriment beau­coup ont éprou­vé que bien des choses qui échappent en pla­card appa­raissent visibles dans la mise en pages. Chaque nou­vel arran­ge­ment a sa lumière. J’étais cer­tai­ne­ment satis­fait, quand cette lumière m’invitait à quelque rec­ti­fi­ca­tion ou addi­tion de bon aloi mais je l’étais encore plus si aucune modi­fi­ca­tion du texte impri­mé ne s’imposait ; car en pré­sence d’un chan­ge­ment néces­saire, mes transes com­men­çaient, tenu que j’étais à me res­treindre dans les limites de la com­po­si­tion, et à ne pas occa­sion­ner des rema­nie­ments tou­jours dif­fi­ciles et coû­teux, quand ils forcent le cadre d’une mise en pages. La plu­part du temps, j’y réus­sis­sais à grand ren­fort de com­bi­nai­sons et d’artifices de rédac­tion, comp­tant les lettres que je sup­pri­mais et les lettres par les­quelles je les rem­pla­çais, et heu­reux quand le total était ce qu’il fal­lait. Des heures entières s’y employaient ; mais en fin de compte, à force de dex­té­ri­té, je ren­dis très rares les cas extrêmes où les rema­nie­ments ne purent être évi­tés. Ce que j’ai ain­si consu­mé d’efforts, de patience, d’ingéniosité et de moments, il y a long­temps que je l’ai par­don­né à ces labo­rieuses minu­ties ; car, à un point de vue plus géné­ral, elles n’ont pas été sans me ser­vir, dis­ci­pli­nant mon esprit enclin aux géné­ra­li­tés et l’obligeant à se faire sa pro­vi­sion régu­lière de faits grands et petits.

« Laborieuses minuties »

Quelque soi­gneuse que fût l’imprimerie, ces pages étaient, d’ordinaire, trop sur­char­gées pour que je ne tinsse pas à véri­fier moi-même si tout était bien comme je l’avais indi­qué. Cette véri­fi­ca­tion faite, j’adressais l’épreuve à M. Beau­jean, qui enfin don­nait le bon à tirer. Régu­liè­re­ment il s’écoulait deux mois entre la remise de la copie et ce bon à tirer défi­ni­tif. L’intervalle était long mais, à voir équi­ta­ble­ment les choses, à consi­dé­rer par com­bien de mains l’épreuve pas­sait, et à tenir compte des vues et des sug­ges­tions de cha­cun, on juge­ra qu’il n’était guère pos­sible de deman­der plus de célé­ri­té ni à l’imprimerie, tou­jours pour­vue de besogne, ni à M. Beau­jean, che­ville ouvrière, ni à moi, révi­seur géné­ral. Quand il fut bien consta­té que telle était la vitesse moyenne, je pus, en fai­sant l’estimation de l’accroissement de ma copie, cal­cu­ler approxi­ma­ti­ve­ment de com­bien d’années j’aurais besoin (car c’était par années qu’il fal­lait comp­ter) pour atteindre l’achèvement, à sup­po­ser qu’il ne sur­vînt aucune de ces males chances4 sans les­quelles les choses humaines ne vont guère. Je crai­gnais la mala­die pour moi ou pour les miens, la perte de papiers éga­rés, l’incendie ; ce fut la guerre, à laquelle je ne son­geais pas, qui m’interrompit. […]

Note sup­plé­men­taire. — Le com­men­ce­ment de la copie fut remis à l’imprimerie le 27 sep­tembre 1859, la fin, le 4 juillet 1872. Les pre­miers mois de 1859 furent employés à des essais de carac­tères, avec un paquet de copie livré pour ces essais. 

La copie (sans le Sup­plé­ment) comp­tait 415,636 feuillets. 
Il y a eu 2,242 pla­cards de com­po­si­tion. 
Les addi­tions faites sur les pla­cards ont pro­duit 292 pages à trois colonnes. 
Si le Dic­tion­naire (tou­jours sans le Sup­plé­ment) était com­po­sé sur une seule colonne, cette colonne aurait 37,525 m. 28 cent. 
La com­po­si­tion a com­men­cé régu­liè­re­ment en sep­tembre 1859 ; le bon à cli­cher du der­nier pla­card (sans le Sup­plé­ment) a été don­né le 14 novembre 1872 ; ce qui fait une durée de treize ans et deux mois environ.

Extraits de « Com­ment j’ai fait mon dic­tion­naire de la langue fran­çaise », Études et gla­nures, Didier, 1880 (p. 390-442). Le texte inté­gral est aus­si dis­po­nible aux Édi­tions du Son­neur.

Je rap­pelle qu’A­lain Rey a écrit une bio­gra­phie du grand lexi­co­graphe, Lit­tré. L’hu­ma­niste et les mots, parue pour la pre­mière fois chez Gal­li­mard en 1970, réédi­tée dans une ver­sion aug­men­tée en 2008.


Chansons du correcteur

Sur Gal­li­ca, je suis tom­bé sur une chan­son du cor­rec­teur signée « Chol­let ». S’a­git-il d’un aïeul de Louis Chol­let, auteur du Petit manuel de com­po­si­tion à l’u­sage des typo­graphes et des cor­rec­teurs (Lyon, Armand Mame et fils, 1912) ? Il n’é­tait pas rare que le métier se trans­mette de père en fils. 

Ce texte sort des presses de l’impri­me­rie de Fain, 4, rue Racine (place de l’O­déon), à Paris, active de 1803 à 1848 (?).

Il est à chan­ter sur l’air de la Treille de sin­cé­ri­té, écrite par Désau­giers (à l’é­poque aus­si célèbre que Béran­ger), dont on trouve la par­ti­tion au Musée vir­tuel de la chan­son maçon­nique

La treille de sin­cé­ri­té est, selon Lit­tré, une « vigne ima­gi­naire dont le vin fai­sait invo­lon­tai­re­ment par­ler avec sin­cé­ri­té ceux qui en buvaient ».

Le Correcteur d’imprimerie

L'homme sage,
Dit un adage,
De son métier se fait honneur: 
Le mien est d'être Correcteur.

Une réforme inopinée
Me fit prendre un jour ce parti; 
De ma nouvelle destinée
L'avantage sera senti: (bis.)
J'affirmerie sans gasconnade
Que c'est l'état le plus charmant, 
Pourvu qu'on ne soit pas malade
Et que l'on vive sobrement.
Je confesse
Que ma paresse
De l'entreprise eut d'abord peur; 
Enfin je devins Correcteur.

En raccourci je vois le monde
Dans notre modeste atelier; 
Tout ce qu'on invente à la ronde, 
Chez nous on vient le publier: (bis.)
Billets de morts ou de naissance,
Roman, mémoire, et cætera,
De nouvelles et de science
C'est un petit panorama.
Par ma tâche,
J'ai sans relâche,
Matin et soir, même bonheur: 
Quel plaisir d'être correcteur!

Je corrige avec même zêle
Un écrit sur l'égalité,
Et maint discours qui nous rappelle
Les dangers de la liberté; (bis.)
De tel ouvrage académique
Le style m'est recommandé,
Et d'une phrase romantique
Le sens est par moi décidé.
Sans médire
Je pourrais dire,
Quand l'ouvrage n'est pas meilleur,
N'accusez pas le Correcteur.

Je puis vanter en assurance
L'exactitude des auteurs,
Et du public la confiance
Aux promesses des éditeurs. (bis.)
J'aurais de quoi sur cette glose
Faire un chapitre tout entier;
Mais je dois me taire, et pour cause:
C'est le secret de mon métier.
Mon silence
N'est que prudence,
Chaque abus a son protecteur,
Je n'en suis pas le Correcteur.

Des substituts à la censure
Quoiqu'on se plaigne de nos jours,
Sans prononcer, je me rassure,
Puisque l'on imprime toujours. (bis.)
Mon goût n'est rien en cette affaire,
Le reste me touche fort peu:
Nonotte aussi-bien que Voltaire
Fera bouillir mon pot-au-feu.
Quand sans crime
Cette maxime
Se pratique et s'apprend par cœur,
Que peut y faire un Correcteur?

Mes confrères de cette esquisse
Reconnaîtront la vérité;
Je suis sans fiel et sans malice,
Et n'ai peint que le beau côté. (bis.)
Chaque chose a le sien de même
Qu'il faut choisir pour être heureux;
Dans mon état j'ai pour système,
Le bien est l'ennemi du mieux.
Mon histoire,
Veuillez le croire,
Sera la vôtre, ami lecteur,
Si vous vous faites Correcteur.
Chollet

Le même Chol­let signe une autre chan­son, « cou­plets chan­tés le 7 juillet 1822, dans une réunion com­po­sée de MM. Casi­mir, prote de l’im­pri­me­rie de M. FAIN ; Pro­vost, Chol­let, Laurent, Bou­vet, Broin, Mayeux, Gui­bert, cor­rec­teurs ». Celle-ci colle à l’air du vau­de­ville en un acte Lan­ta­ra, ou le Peintre au caba­ret (créé en 1809) « À jeun je suis trop phi­lo­sophe ». (J’en cherche encore la partition.)

Les Correcteurs en goguette à Charenton

Certain dimanche, en pique-nique,
De Fain l'état-major piéton,
Octovirat typographique,
S'achemina vers Charenton. (bis.)
Un correcteur peut se mettre en goguette;
Le cas n'est pas commun, je crois;
Il peut quitter le régime et la diète,
Et risque la barbe une fois. (bis.) [des deux dernières lignes]

Pour charmer le cours du voyage,
On fait le menu du repas,
Et chacun, plein de cette image,
Se livre à de joyeux ébats.
Car du plaisir c'est une loi secrète :
Désir passe réalité;
Tout amoureux, tout buveur en goguette
Éprouva cette vérité.

On arrive, on se met à table,
Et l'on débouche le vin vieux.
« Messieurs, quel moment délectable! »
Dit G******, le front radieux.
« Vive une bonne et large côtelette!
» Et vive encor plus le bon vin!
» Puisque, ma foi, nous sommes en goguette,
» Au diable ici grec et latin! »
A cette harangue éloquente
La troupe applaudit de grand cœur;
L'appétit, une soif ardente,
Ont redoublé la bonne humeur.
On te bannit, triste et froide étiquette,
Dont l'aspect fait fuir la gaîté;
Mais qu'à ta place arrive la goguette,
Elle aime à rire en liberté.

La soif avec la faim s'apaise,
Des bons mots vient enfin le tour;
On jase, on discourt à son aise
Sur mainte anecdote du jour.
J'avoûrai bien qu'une langue discrète
Eût parlé sur un autre ton;
Mais le moyen de se taire en goguette,
Et d'être sage à Charenton!

Alors B*****, l'âme attendrie,
(On est si tendre en buvant sec!)
S'écrie: « O France! honneur! patrie!
» Ceci, messieurs, n'est pas du grec....
» La volonté du ciel en tout soit faite.
» J'étais né pour un beau destin!....
» Un jour, hélas! pour suivre la goguette,
» Je laissai la gloire en chemin.»

— « Et moi, répondit un confrère,
» Ai-je eu, mon cher, plus de bonheur,
» Quand, de sous-chef au ministère,
» Je suis retombé correcteur?
» C'est un métier à se rompre la tête,
» Encor n'y boit-on que de l'eau;
» Aussi jamais je ne rêve goguette
» Que je ne rêve à mon bureau.»

— « Messieurs, trêve à cette matière,»
Dit le doyen, homme prudent;
« Pourquoi regarder en arrière,
» Lorsqu'il faut regarder devant?
» Un sage a dit, et je vous le répète:
» Portons notre fardeau gaîment;
» Passons plutôt notre vie en goguette,
» Si notre bonheur en dépend.»

Du bon doyen cette sentence
Est entonnée à l'unisson,
Et de plus belle on recommence
A faire sauter le bouchon.
Noyons, amis, noyons dans la buvette
Du temps passé le souvenir;
Et, vrais enfans de la franche goguette,
Espérons tout de l'avenir.
A.-F. Chollet.

Voir éga­le­ment la Chan­son du cor­rec­teur, de H. Val­lée (1912), repu­bliée par la revue His­to­Livre dans son numé­ro 20, d’oc­tobre 2018.

Enfin, voi­ci le texte de l’hymne des typo­graphes, À la san­té du confrère (dit aus­si « le À la… »), « qui s’en­tonne le verre à la main ». On peut l’en­tendre chan­ter dans cette vidéo You­Tube.

Refrain :
À la !... À la !... À la !...
À la santé du confrère,
qui nous régal' aujourd'hui.
Ce n'est pas de l'eau de rivière
Encor' moins de celle du puits.
À la !... À la !... À la !... 
À la santé du confrère.
qui nous régale aujourd'hui.
Pas d'eau !... Pas d'eau !... Pas d'eau !... 

À la santé d'Baptisse,
Plus l'on boit, plus l'on pisse,
À la santé d'saint Nicolas,
plus l'on boira, plus l'on pissera.

À la !... À la !... À la !... 

À boire !... À boire !... À boire !...
Nous laiss'rez-vous sans boire !...
Non !...
Car les typos n'sont pas si fous,
Pous se quitter sans boire un coup !...

À la !... À la !... À la !...

« Il sem­ble­rait que notre À la remonte au Second Empire. En effet, une loi de Napo­léon III dur­cit l’ap­pli­ca­tion de la loi Le Cha­pe­lier inter­di­sant toute coa­li­tion ouvrière. 
« Exclues des ate­liers, les assem­blées typo­gra­phiques se dérou­lèrent alors au domi­cile des confrères. À leur tour de rôle cha­cun rece­vait ses cama­rades d’a­te­lier autour d’un verre. 
« Lors de ces réunions on por­tait une san­té au confrère amphi­tryon. Cela ne dura que fort peu car les typos retrou­vèrent bien vite le che­min du marbre. 
« Les paroles et la musique de cet hymne typo­gra­phique sont de Adda-Dor­gel et Pad­dy. Quant aux ver­sions alle­mande et anglaise, ce sont des adap­ta­tions libres5

La vérité sur le “démon des coquilles”

Le sty­lo rouge des cor­rec­teurs est-il un chasse-démons ? Titi­vil­lus est-il leur démon patron ? Il figure sur des tee-shirts, des déco­ra­tions murales ; les enseignes de mai­sons d’édition, de cor­rec­teurs, d’un web­mas­ter… Il a même sa pièce de chambre, com­po­sée par Bet­sy Jolas en l’an 2000 « pour conju­rer le bogue ». Saint-Léger, édi­teur de textes reli­gieux, a publié sa légende, le qua­li­fiant de « démon de tous les amou­reux du livre : auteur, édi­teur, cor­rec­teur, typo­graphe, impri­meur… ». Pour­tant, est-il bien cou­pable de tout ce qu’on lui attri­bue ? Rou­vrons le dossier. 

« Titi­vil­lus est selon la tra­di­tion un démon tra­vaillant pour Bel­phé­gor, Luci­fer ou Satan pour par­se­mer d’er­reurs le tra­vail des copistes », affirme d’emblée Wiki­pé­dia dans la fiche qu’elle lui consacre. « […] La pre­mière réfé­rence sous ce nom se trouve dans le Trac­ta­tus de Peni­ten­tia, vers 1285, de Jean de Galles, voire avant chez Cae­sa­rius [Césaire de Hes­ter­bach].»

Cepen­dant, le por­trait du démon que brosse l’his­to­rien André Ver­net en 1958 est tout autre :

Césaire de Heis­ter­bach, Jacques de Vitry, Étienne de Bour­bon, etc., dans la pre­mière moi­tié du xiiie siècle, ont racon­té, pour l’é­di­fi­ca­tion de leurs audi­teurs, l’his­toire de ce diable (dia­bo­lus, demon) qui recueillait dans un sac les ver­sets oubliés, les mots sau­tés, les syl­labes syn­co­pées, les voyelles omises dans leur psal­mo­die par des chantres pares­seux, dis­traits ou som­no­lents, pour les en acca­bler au jour du Juge­ment der­nier. Un siècle plus tard, John Bro­myard, dans sa Sum­ma pre­di­can­tium (v. 1360-1368), connaît le nom de ce dia­blo­tin : Titi­vil­lus6.

Celui-ci fait aus­si son miel des paroles inutiles lâchées par les fidèles durant l’of­fice, qu’il note sur un par­che­min. Il serait éga­le­ment, selon Pierre Mar­ti­ni, savant du xvie siècle, le démon qui note, dans un énorme codex, « les péchés com­mis par les hommes dans toutes les régions de la terre ». 

À par­tir de là, la légende s’am­pli­fie. « Titi­vil­lus, démon des copistes » (Sama­ran, 19467), « des copistes et des moines étour­dis » (Viel­liard, 19578), « de la cal­li­gra­phie » (Dro­gin, 19809), « de la typo­gra­phie » (Fra­ti­co­la, 200110).

« Pour allé­ger ce far­deau per­ma­nent de la faute, l’i­ma­gi­naire monas­tique a créé, pro­ba­ble­ment par jeu, au début, un démon par­ti­cu­lier, du nom de Titi­vil­lus […], auquel les moines fai­saient por­ter la res­pon­sa­bi­li­té de leurs erreurs, disant par­fois au dos de leur copie : “Titi­vil­lus m’a fait faire cette faute”», affirme l’Ency­clo­pé­die uni­ver­selle en ligne. Selon les sites, cette nou­velle « fonc­tion » remon­te­rait soit au xiiie, soit au xve siècle ! Il est même dit que cet agent de Satan ajou­te­rait lui-même des erreurs dans les textes.

Démon des chantres, et non des copistes

Pure calom­nie, nous dit en sub­stance Julio Igna­cio Gonzá­lez Mon­tañés, cher­cheur en his­toire de l’art (dans un texte espa­gnol en 201511, puis ita­lien en 201812). S’il ne met pas de point d’in­ter­ro­ga­tion au titre de son livre, « le démon des coquilles », sa réponse est nette : les infor­ma­tions sur l’ac­ti­vi­té de Titi­vil­lus comme « pousse-au-crime » des copistes et des typo­graphes sont tar­dives et peu fiables. 


Aucun texte médié­val n’y fait réfé­rence, pas plus qu’elle ne figure dans l’art du Moyen Âge. C’est, dit-il, une créa­tion fran­çaise de la seconde moi­tié du xixe siècle, à par­tir d’une asso­cia­tion d’idées de Vic­tor Le Clerc13, dif­fu­sée dans les dic­tion­naires de l’époque14 et popu­la­ri­sée par Ana­tole France. Pour Mon­tañés, la « pre­mière réfé­rence concrète à la ques­tion dans la biblio­gra­phie fran­çaise est datée de 1877 » : 

[…] la super­sti­tion s’en mêla : on inven­ta un démon : Titi­vi­ti­la­rius, ou Titi­vil­lus, qui empor­tait les sacs de syl­labes oubliées par les moines dans les psal­mo­dies noc­turnes ou dans les copies des livres15.

En résu­mé, le démon sachant écrire au Moyen Âge serait deve­nu, bien plus près de notre époque, le démon des écri­vains et autres manieurs de plume et de plomb.

Minia­ture du Livre des Heures, biblio­thèque muni­ci­pale de Lyon, vers 1510.

Quant à la minia­ture, lar­ge­ment repro­duite, cen­sée repré­sen­ter Titi­vil­lus en action, elle méri­te­rait, tou­jours d’a­près Mon­tañés, une autre inter­pré­ta­tion. La créa­ture ailée fai­sant face à saint Ber­nard de Men­thon ne serait pas notre démon, mais celui qui, selon la légende, aurait révé­lé à l’ar­chi­diacre les sept vers des psaumes dont la réci­ta­tion quo­ti­dienne assure le salut (sep­tem ver­sus san­ti Ber­nar­di, titre latin de l’i­mage, en rouge – je n’entre pas les détails plus érudits). 

Alors, quel est donc le texte où Ana­tole France aurait assu­ré la noto­rié­té de Titi­vil­lus ? Notre écri­vain le cite à la fin de la longue pré­face de sa Vie de Jeanne d’Arc16 :

Au siècle que j’ai essayé de faire revivre en cet ouvrage, un démon nom­mé Titi­vil­lus met­tait chaque soir dans son sac toutes les lettres omises ou chan­gées par les copistes durant la jour­née et les por­tait en enfer, pour que Saint-Michel [sic], alors qu’il pèse­rait les âmes de ces scribes négli­gents, mît la part de cha­cun dans le pla­teau des ini­qui­tés. Je crois que ce diable jus­te­ment vétilleux, s’il a sur­vé­cu à la décou­verte de l’im­pri­me­rie, assume aujourd’­hui la lourde tâche de rele­ver les coquilles semées dans les livres qui pré­tendent à l’exac­ti­tude ; car il serait bien naïf de s’oc­cu­per des autres. Je pense qu’il met ces coquilles, selon le cas, à la charge du prote ou de l’au­teur. J’ai une infi­nie recon­nais­sance à mes édi­teurs et amis MM. Cal­mann-Lévy et à leurs excel­lents col­la­bo­ra­teurs d’a­voir, par leurs soins et leur expé­rience, allé­gé de beau­coup le sac dont Titi­vil­lus me char­ge­ra au jour du jugement.

Nous autres, cor­rec­teurs, ne pou­vons donc blâ­mer Titi­vil­lus lorsque nous lais­sons mal­en­con­treu­se­ment pas­ser une erreur – la fatigue et le stress du bou­clage sont nos vrais enne­mis. Le pauvre dia­blo­tin, lui, a bien d’autres chats à fouet­ter : les dis­cus­sions oiseuses et les com­mé­rages sur Inter­net ont lar­ge­ment de quoi rem­plir ses sacs. 


Covid-19 et gestes barrières

Le 7 mai 2020, l’A­ca­dé­mie fran­çaise publiait sur son site, dans la rubrique « Dire, ne pas dire », un avis sur le genre de Covid-19. En voi­ci les der­nières lignes : 

On devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équi­valent du nom fran­çais fémi­nin mala­die. Pour­quoi alors l’emploi si fré­quent du mas­cu­lin le covid 19 ? Parce que, avant que cet acro­nyme ne se répande, on a sur­tout par­lé du coro­na virus, groupe qui doit son genre, en rai­son des prin­cipes expo­sés plus haut, au nom mas­cu­lin virus. Ensuite, par méto­ny­mie, on a don­né à la mala­die le genre de l’agent patho­gène qui la pro­voque. Il n’en reste pas moins que l’emploi du fémi­nin serait pré­fé­rable et qu’il n’est peut-être pas trop tard pour redon­ner à cet acro­nyme le genre qui devrait être le sien.

Cette recom­man­da­tion a sus­ci­té des débats dans les médias, et cer­tains jour­na­listes l’ont aus­si­tôt sui­vie. J’é­tais plu­tôt de ceux17 qui pen­saient qu’elle venait trop tard et for­çait l’u­sage déjà bien établi. 

Un inté­res­sant article de France Culture, créé pré­cé­dem­ment mais modi­fié le 18 mai, revient sur cette ques­tion. On y apprend, entre autres, que le pré­ten­du « avis de l’A­ca­dé­mie fran­çaise » serait dû à la seule plume de sa secré­taire per­pé­tuelle, aus­si res­pec­table soit-elle. Tiens donc ! Les avis des lin­guistes inter­ro­gés sont plus nuan­cés et penchent pour le mas­cu­lin, du moins en France

Les cor­rec­teurs du Monde ont aus­si choi­si le masculin.

Enfin, le 27 sep­tembre, un billet de la direc­trice édi­to­riale du Robert rap­pelle : « Cet acro­nyme a été créé en anglais, langue qui ne connaît pas de genre pour les sub­stan­tifs, et il n’a pas été pré­ci­sé s’il devait être fémi­nin ou mas­cu­lin dans les tra­duc­tions. […] L’usage en France est majo­ri­tai­re­ment mas­cu­lin, pro­ba­ble­ment sous l’influence de virus, les sigles en fran­çais adop­tant le plus sou­vent le genre du pre­mier mot. »

Le 21 jan­vier 2021, Ouest-France a pro­po­sé une carte18 de l’u­sage en France. Elle est parlante : 

La ques­tion de la bonne gra­phie des gestes barrière(s) cir­cule aus­si sur Internet :

L’Aca­dé­mie fran­çaise (ou sa secré­taire per­pé­tuelle ?) écrit :

S’agissant de geste bar­rière, on peut consi­dé­rer que ces gestes forment une bar­rière et pré­fé­rer le sin­gu­lier, mais dans la mesure où l’on peut aus­si dire que ces gestes sont des bar­rières, l’accord au plu­riel semble le meilleur choix, et le plus simple. On écri­ra donc des gestes barrières.

Dans sa der­nière édi­tion, Le Petit Robert fait le même choix :

Geste, mesure bar­rière : pré­cau­tion prise dans la vie quo­ti­dienne pour limi­ter la pro­pa­ga­tion d’un virus, d’une mala­die. Res­pec­ter les gestes bar­rières.


La majuscule comme choix politique

Devant la rédac­tion du New York Times le 30 juin 2020. Pho­to Johannes Eisele. AFP

Le 30 juin 2020, à la suite de la mort de George Floyd et des mani­fes­ta­tions qui ont secoué les États-Unis, le New York Times annonce qu’il met­tra désor­mais une majus­cule à l’ad­jec­tif Black, mais pas à white. L’agence de presse Asso­cia­ted Press l’a pré­cé­dé dans ce choix. 

C’est donc un choix poli­tique, un exemple de dis­cri­mi­na­tion posi­tive par la typo­gra­phie.

Sur ce sujet, Libé­ra­tion répond à la ques­tion d’un lecteur : 

Concer­nant une éven­tuelle capi­ta­li­sa­tion du mot « blanc », l’agence de presse AP se pose encore la ques­tion. Le New York Times, de son côté, a tran­ché : « Nous conser­ve­rons le trai­te­ment en minus­cule pour le mot “blanc”. Bien qu’il y ait une ques­tion évi­dente de paral­lé­lisme, il n’y a pas eu de mou­ve­ment com­pa­rable vers l’adoption géné­ra­li­sée d’un nou­veau style de “blanc”, et il y a moins le sen­ti­ment que “blanc” décrit une culture et une his­toire par­ta­gées. De plus, les groupes hai­neux et les supré­ma­cistes blancs ont long­temps pri­vi­lé­gié le style majus­cule, ce qui en soi est une rai­son pour l’éviter. »

En France, la grande majo­ri­té des médias met une majus­cule à « Blanc » et à « Noir », prin­ci­pa­le­ment pour des rai­sons gram­ma­ti­cales. C’est la règle du sub­stan­tif qui s’applique en effet. « Par ana­lo­gie avec les eth­niques [gen­ti­lés19] déri­vés de noms propres, on met la majus­cule à des noms qui dési­gnent des groupes humains, par exemple d’après la cou­leur de leur peau ou d’après l’endroit où ils résident (lequel n’est pas dési­gné par un vrai nom propre)», détaille le Gre­visse de la langue française.

C’est cette même règle qui est sui­vie depuis plu­sieurs années à Libé. « À par­tir du moment où on l’utilise comme une eth­nie, la règle des natio­na­li­tés s’applique », explique Michel Bec­quem­bois, chef du ser­vice édition.

J’en pro­fite pour don­ner les exemples du Grevisse :

Des Noirs en file indienne (Mal­raux, Anti­mé­moires, p. 163). — Les femmes ne sont pas comme les Noirs d’Amérique, comme les Juifs, une mino­ri­té (Beau­voir, Deux. sexe, t. I, p. 17). — L’Asie ras­semble la plus grande par­tie des Jaunes de la pla­nète (Grand dict. enc. Lar., art. Asie). — Ce bras­sage inces­sant de Pro­vin­ciaux et de Pari­siens (H. Wal­ter, Pho­no­lo­gie du fr., p. 16). — Un d’entre eux, qui se déclare sim­ple­ment Auver­gnat, a été ran­gé […] par­mi les Méri­dio­naux (A. Mar­ti­net, Pro­nonc. du fr. contemp., p. 29). — Les Peaux-Rouges du Nou­veau Monde (Ac. 2007).