Sainte-Beuve recadre son correcteur

Des livres rares depuis l'invention de l'imprimerie

J’ai par­cou­ru avec délice le splen­dide ouvrage Des livres rares depuis l’in­ven­tion de l’im­pri­me­rie – cata­logue d’une expo­si­tion ayant pré­sen­té, en 1998, quelques-uns des tré­sors de la réserve de la Biblio­thèque natio­nale de France –, notam­ment les pages consa­crées aux « Pre­mières épreuves en pla­cards » (210-214) et aux « Exem­plaires d’é­preuves ou d’é­tat1 » (218-224). Dans les secondes figure (p. 220) un exem­plaire d’é­preuves de Volup­té, de Sainte-Beuve (Paris, Eugène Ren­duel, 1834). Le texte de Marie-Fran­çoise Qui­gnard précise : 

Sou­cieux de son style, fait d’im­pro­prié­té vou­lue et d’ar­chaïsmes de syn­taxe, Sainte-Beuve cor­ri­geait ses épreuves avec méti­cu­lo­si­té et ne souf­frait pas qu’on inter­vînt, sous le pré­texte d’une for­mu­la­tion plus conforme. Ain­si au cha­pitre XIV, à la page 297 du tome I, Sainte-Beuve ayant écrit « … Je lui fis savoir par un mot de billet que j’ac­cep­tais, et que je l’i­rais prendre », le cor­rec­teur sub­sti­tua « … et que j’i­rais le prendre ». Il se vit ver­te­ment répri­man­dé dans la marge : « Je prie qu’on ne se per­mette pas ces petits chan­ge­ments au texte comme on le fait quelquefois. »

corrections de Sainte-Beuve

  1. « Le pre­mier terme, pré­cise l’ouvrage, désigne soit des pla­cards décou­pés et reliés pour être ran­gés plus com­mo­dé­ment, soit des épreuves mises en pages et déjà impo­sées en cahiers dans le for­mat du livre à venir. […] Quant au terme d’exemplaire d’é­tat, il qua­li­fie un témoin, sou­vent très rare, de l’état ori­gi­nel d’une édi­tion, aban­don­né ou cor­ri­gé, voire cen­su­ré si des car­tons furent impo­sés ou parurent plus prudents. »