Dans La Mémoire des femmes (éd. Sylvie Messinger, 1982), Christiane Germain et Christine de Panafieu ont donné la parole à des « femmes nées avec le [xxe] siècle ». Elles « sont passées de la lampe à pétrole à l’informatique, elles ont vécu deux guerres, le développement industriel, l’avènement du vote des femmes, l’invention des congés payés et des lois sociales, l’arrivée de la télévision et le voyage vers la lune ».
Parmi ces femmes, Jeanne Humbert (née Rigaudin, 1890-1986). Au moment de l’entretien, elle a 91 ans et « occupe avec sa fille » un « petit appartement en sous-sol » dans le seizième arrondissement de Paris. Veuve d’Eugène Humbert (1870-1944), grande figure du mouvement néomalthusien, elle a publié avec lui des journaux militants, Génération consciente (1908-1914) puis La Grande Réforme (1931-19391), ce qui « leur a valu des persécutions et des années passées en prison ». Parmi leurs amis de l’époque figure le militant anarchiste et correcteur d’imprimerie Louis Lecoin.
Eugène Humbert entre ses deux compagnes2, Eugénie de Bast (à g.) et Jeanne (à dr.), devant le journal Génération consciente, 27, rue de la Duée, Paris 20e, 1909. Carte postale. Archives Jeanne Humbert / Institut international de l’histoire sociale d’Amsterdam.
Après la mort de son mari, « elle continue à défendre leurs idées, écrivant des biographies des grands néomalthusiens et des articles pour les journaux libertaires comme Le Réfractaire » (1974-1983, fondé et dirigé par une autre correctrice célèbre, May Picqueray3). « Je n’ai pas pu en assumer la direction, car, à la suite de mes condamnations, je suis privée de mes droits civiques », a-t-elle précisé au Monde, en 19804.
Dans le passage reproduit ci-dessous, Jeanne Humbert évoque son expérience de correctrice d’imprimerie après guerre, expérience que ne mentionnent ni sa fiche Wikipédia ni celle du Maitron.
« J’ai commencé à travailler à dix-huit ans. Avant, j’avais fait des études. D’abord à l’école [jusqu’au certificat d’études primaires5], ensuite, j’ai pris des cours particuliers de sténo et de dactylographie chez un professeur, qui était une ancienne enseignante. En plus des cours de sténographie, elle m’enseignait la philosophie, parce qu’elle sentait que je m’intéressais à ça. […] Si j’ai choisi la formation de secrétaire, c’est parce que je ne voyais pas d’autre embauche. [Elle a aussi fréquenté les universités populaires.]
[…]
« Après la mort de mon mari [« tué le 25 juin 1944 dans le bombardement [américain] de l’hôpital d’Amiens »], j’ai travaillé pendant cinq ans comme correctrice dans une imprimerie, rue Laffit[t]e [Paris 9e]. Plus tard, j’ai corrigé une partie de la Pléiade pour Gallimard, et des brevets pour l’Imprimerie Nationale. Cela, je le faisais à la maison.
Jeanne et Eugène Humbert vers 1934. « Pendant [les] entretiens, elle se tient assise à côté du portrait de son mari qui semble être présent plus de trente-cinq ans après sa mort. » Archives Jeanne Humbert / Institut international de l’histoire sociale d’Amsterdam.
« À l’imprimerie, j’étais avec de jeunes collègues. Ils travaillaient un peu dans le désordre. Je leur disais : « Il faut procéder de façon régulière et rationnelle. » On corrigeait des copies à très petits caractères. Quand ils allaient les chercher chez les typographes, ils commençaient par ce qu’il y avait de plus facile. Je leur racontais que lorsque j’étais petite, ma mère me disait : « Dans le travail, il faut que tu commences par le plus difficile, après ça ira tout seul. »
Un petit bureau mal aéré près des toilettes
« À l’imprimerie, je travaillais dans un bureau minuscule à la lumière électrique toute la journée. Il y avait une petite fenêtre en hauteur, qui s’ouvrait sur le couloir qui nous séparait de la grande salle des machines, de la salle où il y avait les typos, le marbre et l’atelier des linotypes. Le couloir donnait sur la rue et, à côté de la porte, il y avait des cabinets. J’aime mieux vous dire que la concierge ne les soignait pas particulièrement, et il fallait toujours vivre portes et fenêtres fermées. J’ai vécu là-dedans pendant cinq ans, sans me reposer une seule journée, sans être malade jamais. Souvent, quand il était six heures, on me disait que du travail venait d’arriver. Et on me demandait si je pouvais donner une ou deux heures de plus. Au lieu de m’en aller à dix-huit heures, je partais à vingt heures. On commençait à huit heures. Je me levais à six heures pour faire ma toilette ; je partais à sept heures. Je prenais mon petit déjeuner à côté du Temps, sur les boulevards6. À midi, une heure de battement, pas le temps de rentrer. J’allais dans une brasserie, prendre un thé avec une tartine.
« L’imprimerie n’avait pas de crèche, il n’y avait pas d’avantages sociaux. J’avais des assurances sociales, et j’étais payée comme un homme. Il y avait un correcteur de première, qui faisait la « morasse », la dernière correction. Il touchait un peu plus que nous. Quand il partait en vacances, c’est moi qui faisais son travail et c’est moi qui touchais son salaire. Il y avait des typographes, des linotypistes, beaucoup étaient des femmes. Les hommes se renouvelaient souvent. On voyait beaucoup d’ivrognes dans cette corporation. Avant d’y entrer, je me disais que ce devait être une corporation tout de même assez évoluée, parce qu’elle travaille dans ce qui s’imprime. J’ai été déçue. Et quand je pense aux fautes que faisaient ces gens dans leurs copies ! »
Il s’agit déjà du journal Le Monde, puisque Le Temps s’est sabordé le 28 novembre 1942. « Après guerre, le journal est visé par l’ordonnance du 30 septembre 1944 sur les titres ayant paru sous l’occupation de la France par l’Allemagne, ses locaux situés no 5 de la rue des Italiens sont réquisitionnés et son matériel est saisi. Le Monde, qui commence à paraître en 1944, sera le bénéficiaire de cette confiscation : la typographie et le format resteront longtemps hérités du Temps. » (Wikipédia.) ↩︎
Chaque fois (ou presque) que je publie un document ancien montrant des correcteurs au travail, je reçois un commentaire s’exclamant qu’il n’y a « pas beaucoup de femmes ». J’ai donc fini par promettre un article sur la question. Le voici.
Raconter la féminisation du métier de correcteur, c’est avant tout replonger dans l’histoire de l’éducation des filles et dans l’histoire du travail des femmes. Le cas particulier des correctrices ne peut venir que dans un second temps. N’étant pas historien de formation (mais correcteur, faut-il le rappeler ?), je me contenterai de fournir ici des jalons. Je vais rassembler un faisceau d’indices1 plutôt que de rédiger un récit séquentiel. On trouvera donc ci-dessous beaucoup de liens et de notes en bas de page. Chacun pourra y puiser à son gré. Je vous prie de considérer ce texte comme un travail en cours. Il pourrait aussi encourager d’anciennes correctrices à m’apporter leur précieux témoignage. D’avance, bienvenue !
Un monde largement méconnu
Rappelons, pour commencer, que nous ignorons combien nous sommes, nous les correcteurs. Nous ne l’avons jamais su. D’abord, parce la Statistique générale de la France, future Insee (1946), est une invention récente (1840). Ensuite, parce que la correction a toujours eu sa part d’amateurs, de bénévoles2, d’employés transitoires (étudiants3) ou de personnes cherchant un complément de revenus (enseignants, notamment). Aujourd’hui encore, la diversité des statuts des correcteurs (salarié, travailleur à domicile, entrepreneur individuel…) empêche de les comptabiliser.
L’organisation syndicale des correcteurs est récente aussi (1881) et le nombre d’adhérents n’est pas représentatif de la population générale4.
De plus, peu de temps sépare les débuts de l’histoire du travail féminin (années 19605) des débuts de l’histoire des ateliers d’imprimerie (années 19706).
« […] les correcteurs n’ont jamais été précisément recensés en France » (ACLF). Nous n’en connaissons donc ni le nombre, ni les divers profils. Les infos les plus récentes dont nous disposons viennent d’une enquête menée par l’ACLF en mars-juin 2022. Des 490 réponses reçues, il ressort que 83 % des correcteurs sont des femmes, plutôt urbaines (65 %), très diplômées (48 % ont bac+5), exerçant sous le statut d’indépendante (67 %). On lira à profit le rapport complet.
Mais un fait nous éclaire aisément sur la chronologie à venir : la célèbre école Estienne, qui forme aux métiers du livre à Paris, a ouvert ses classes aux garçons en 1889, mais n’a accepté les jeunes filles qu’à partir de 1972.
Pour que les femmes puissent devenir correctrices, il fallait trois conditions :
qu’elles reçoivent l’éducation nécessaire, au moins jusqu’à 16 ans7 ;
Il fallait aussi que les femmes soient libres de leurs choix en matière de vie conjugale et de maternité, sans oublier l’allègement de la vie domestique par l’électroménager.
1. L’éducation des filles
À la veille de la Révolution, les femmes étaient analphabètes à 73 %, contre 53 % des hommes (HistoLivre).
Avant la révolution industrielle, la France est un pays très majoritairement rural, et l’éducation des enfants, filles ou garçons, n’est pas la priorité des parents9.
Le principe d’égal accès à l’éducation pour tous n’est établi qu’à la fin du xixe siècle… mais la teneur de l’éducation, elle, reste inégale.
« Si la loi Camille Sée crée en 1880 un système d’enseignement secondaire public destiné aux jeunes filles, il reste dans l’esprit de ses initiateurs un enseignement typiquement féminin au contenu adapté, plus court que l’enseignement masculin et ne donnant pas accès au baccalauréat » (Gallica10).
L’objectif politique de l’éducation des filles n’est, d’ailleurs, pas de permettre aux femmes de travailler.
Le programme de Camille Sée est on ne peut plus clair : « Il faut choisir ce qui peut leur être le plus utile, insister sur ce qui convient le mieux à la nature de leur esprit et à leur future condition de mère de famille, et les dispenser de certaines études pour faire place aux travaux et aux occupations de leur sexe. Les langues mortes sont exclues [alors que le latin est encore très demandé dans les imprimeries] ; le cours de philosophie est réduit au cours de morale ; et l’enseignement scientifique est rendu plus élémentaire » (Wikipédia).
Pour Jules Ferry, « l’école primaire peut et doit faire aux exercices du corps une part suffisante pour préparer et prédisposer […] les filles aux soins du ménage et aux ouvrages de femme ». Quant au travail manuel, il a pour objectif « de leur faire acquérir les qualités sérieuses de la femme de ménage et de les mettre en garde contre les goûts frivoles ou dangereux » (Wikipédia).
De plus, le changement ne s’opère pas du jour au lendemain. 1) « […] les filles sont la plupart du temps instruites par les congrégations ou les couvents ; » 2) « entre la promulgation de la loi et sa mise en œuvre, il existe aussi parfois des délais assez longs » : par exemple, une ville comme Angers n’a ouvert son premier collège pour filles qu’en 1913 (Wikipédia).
Les premières institutrices étaient parfois mal considérées, voire maltraitées11.
En 1924, le programme scolaire pour les filles dans le secondaire rejoint celui des garçons et le baccalauréat (condition d’accès à l’université) leur est accessible.
La mixité des établissements scolaires ne se développe qu’à partir des années 1960 (Wikipédia).
2. Le travail des femmes
« Depuis six mille ans qu’il y a des femmes et qui travaillent12… », on pourrait penser qu’il y a des correctrices dans les imprimeries depuis longtemps.
On sait aujourd’hui que le travail féminin était très présent dans la société médiévale13, mais c’est justement à la Renaissance, période où naît l’imprimerie en Europe, que les femmes perdent nombre de métiers qu’elles exerçaient au Moyen Âge. « Exclues des droits de succession, elles le sont aussi de nombreuses corporations. […] Rejetées des ateliers, elles se replient sur le travail à domicile qui va proliférer jusqu’au xixe siècle » (Maruani, 1985, p. 14). On verra plus loin que ce mouvement reste actuel.
« La seconde moitié du xxe siècle a été porteuse, dans l’ensemble des pays développés et tout particulièrement en France, de transformations sociales majeures pour les femmes : liberté de l’avortement et de la contraception, droit de vote et parité, croissance spectaculaire de la scolarité et de l’activité professionnelle » (M. Maruani, 2005).
Sans détailler l’histoire du travail des femmes, je vais donner quelques dates (d’après Hello Work (6 mars 2023) — sauf autre mention —, auquel je renvoie pour l’explication détaillée).
1907 droit pour les femmes mariées à disposer de leur salaire
1909 adoption du congé maternité
1920 « La loi autorise les femmes à adhérer à un syndicat sans l’autorisation maritale » (HistoLivre, p. 5).
1946 fin du salaire féminin
1965 autonomie financière et liberté de travailler
1975 interdiction de la discrimination à l’embauche
1983 l’égalité professionnelle comme principe
1986 féminisation des noms de métiers (que l’Académie admet en 201914 !).
« La part des femmes dans la population active n’a cessé d’augmenter au cours du xxe siècle. Entre 1968 et 1990, le pourcentage de femmes actives en France augmente fortement passant de 31 à 43 %. Cela est principalement dû aux Trente Glorieuses et à l’arrivée de la société de consommation, mais également au développement de l’instruction des femmes » (Météojob).
3. L’embauche de femmes dans les imprimeries
Mais à l’imprimerie ce n’était pas gagné.
S’il y a toujours eu des femmes dans les imprimeries, c’était dans l’ombre de leur mari ou de leur père15.
Portrait de Madeleine Plantin (musée Plantin-Moretus).
L’histoire a retenu de belles exceptions au xvie siècle : Charlotte Guillard, « deux fois veuve d’imprimeurs, qui dirigea une imprimerie de 1537 à 155716 », ou les filles de Christophe Plantin, qui « ont appris à lire et à écrire dès leur plus jeune âge. À cinq ans déjà, elles aidaient à corriger les épreuves à l’atelier17. » « Madeleine, la quatrième, était la plus habile : elle lisait les textes hébreux, syriaques et grecs18. »
Noter aussi, au printemps 1793, le cas de Mme de Bastide ouvrant, à Paris, une école typographique pour les femmes, qui accueille 60 jeunes femmes. Mais « on n’a plus de nouvelles de l’établissement après avril 1795 sous le Directoire » (HistoLivre, p. 5-6).
1849 Légalisée après dix ans d’existence, la Société de secours mutuels typographique parisienne adopte « un règlement précis prévoyant notamment (art. 116) l’exclusion des femmes, pourtant peu nombreuses dans la profession » (Jarrige, p. 211). Une commission reviendra sur cette décision en 1867 (ibid., p. 213).
1855 Primé à l’Exposition internationale de Paris, le pianotype, une des premières machines à composer, est présenté « comme pouvant être serv[i] par du personnel féminin » (Wikipédia). « Dans La Réforme […], Étienne Arago explique sans détour que “l’avantage que cette invention pourrait offrir aujourd’hui, ce serait de pouvoir remplacer les hommes par des femmes [payées moitié moins que les hommes] et des enfants” » (Jarrige, p. 205).
La même année, « on assiste pour la première fois à l’introduction des femmes dans une imprimerie parisienne » (Jarrige, p. 213).
1877 « […] dans l’atelier de l’agence Havas […] les cinq machines à composer sont conduites par des femmes (Jarrige, p. 214).
1881 Une disposition statutaire de la jeune Fédération du livre recommande de « s’opposer par tous les moyens légaux au travail des femmes dans les imprimeries »19.
En 1897 apparaît La Fronde (de Marguerite Durand), « premier journal français entièrement conçu et dirigé par des femmes ». Il sera « un outil majeur du développement du féminisme en France durant six ans » (HistoLivre, p. 10-11).
1901 Affaire Berger-Levrault : face à une grève de 90 ouvriers dans son imprimerie, à Nancy, la direction installe 15 femmes typographes aux postes vacants. Les hommes les considéreront comme des « sarrasines » ou briseuses de grève, et l’affaire restera longtemps dans les mémoires20.
1912 Affaire Emma Couriau : bien qu’elle soit typographe depuis dix-sept ans et payée à l’égal d’un homme, son admission à la section lyonnaise de la Fédération du Livre est refusée. De plus, son mari est radié du syndicat21.
« Les femmes ne seront admises qu’en 1919 dans les rangs de la composition, mais au cinquième des effectifs. […] Après la guerre […] on ne pouvait plus ignorer leur capacité de faire le travail des hommes mobilisés, ni priver de ressources celles dont le mari avait été tué » (Dédame, p. 235).
« Les événements de 1936 marquent une évolution dans l’attitude des ouvriers du Livre à la syndicalisation des femmes, particulièrement dans les sections parisiennes : les adhésions des femmes sont nombreuses et elles sont soutenues par les dirigeants syndicaux » (HistoLivre, p. 2).
Comme on le voit, le milieu très « macho22 » de l’imprimerie a fortement résisté à l’arrivée des femmes en son sein.
« Jusqu’au milieu du xxe siècle, le personnel féminin du livre n’était admis qu’aux tâches jugées subalternes dont faisaient partie le brochage (les premiers livres brochés datent de 1841) et la finition. Pourtant, les femmes déployaient une incomparable dextérité dans : le comptage des feuilles, la pliure des cahiers, leur encartage l’un dans l’autre (ou, au contraire, leur désencartage), leur collationnement, leur assemblage, la couture des dos, leur collure ainsi que, dans les ateliers de presse, le pliage et la mise sous bande adressée (à la vitesse de cinq journaux à la minute) pour les abonnés ! » (Dédame, p. 226)
Châtelaudren, atelier des linotypistes, Le Petit écho de la mode, 1938. | LE PETIT ÉCHO DE LA MODE, LEFF COMMUNAUTÉ.
Mais dans la seconde moitié du xixe siècle, la plupart de ces tâches seront mécanisées, et « le recours au savoir-faire des femmes étant plus réduit… la profession tendit à se masculiniser » (ibid.).
Même l’arrivée de la Linotype ne parvient pas à casser le monopole masculin (Jarrige, p. 220).
« Dans les années 1910, pourtant, près de 18 % des ouvriers du Livre sont des ouvrières » (HistoLivre, p. 4). D’après Frédéric Barbier23, elles étaient 6,7 % en 1847.
C’est, en fait, l’arrivée de la photocomposition et de l’informatique, dans les années 1970, qui sera déterminante. Je vais y revenir plus bas.
Et les correctrices, alors ?
1840 Un journaliste fait état de l’existence d’un atelier d’imprimerie entièrement féminin, correction comprise, entre Paris et Fontainebleau24.
1869 Pour Pierre Larousse (Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, t. 5), en matière de typographie, le correcteur («employé chargé de lire les épreuves et de marquer les fautes commises soit par le compositeur, soit par l’auteur lui-même ») n’a pas de pendant féminin.
1884 Premières annonces d’emploi de correctrice, selon mes propres recherches.
1884, toujours : un journaliste du Gil Blas écrit, à propos de l’école primaire supérieure de jeunes filles de la rue de Jouy (Paris 4e) que ses élèves « sont aptes […] à être correctrices d’imprimerie. Voir mon article :
1904 Quand elles se marient, les correctrices commencent à déclarer leur profession dans les avis publiés dans les journaux, là aussi selon mes propres recherches.
Le correcteur Eugène Boutmy a précédemment écrit, en 187425 (en seconde position derrière le « correcteur amateur » !) :
« Le correcteur femme existe aussi ; mais cette espèce, du reste très rare, n’apparaît jamais dans l’atelier typographique ; on ne l’entrevoit qu’au bureau du patron ou du prote. Nous n’en parlerons pas… par galanterie » (p. 48).
« […] nous sommes de l’avis de MM. les typographes qui, plus moraux que les moralistes, trouvent que la place de leurs femmes et de leurs filles est plutôt au foyer domestique qu’à l’atelier de composition, où le mélange des deux sexes entraîne ses suites ordinaires. […] L’admission des femmes dans la typographie a eu un autre résultat fâcheux : elle a fait dégénérer l’art en métier. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les ouvrages sortis des imprimeries où les femmes sont à peu près exclusivement employées » (p. 75-76).
Même Louis-Emmanuel Brossard, en 192426, citant pourtant les exemples de Charlotte Guillard et des filles de Plantin, et estimant « par trop vif et trop radical l’arrêt rendu par Boutmy », termine son paragraphe sur la question (3 pages sur 587) ainsi :
« Il faut éviter le « correcteur femme », la chose est entendue, mais, quand le mal existe, il n’est pas nécessaire de l’exaspérer par une lutte ouverte ou par le mépris déclaré […] (p. 131).
On peut voir là un mince progrès…
L’honneur est sauvé par une voix discordante, lors de l’affaire Emma Couriau (voir plus haut), en 1913 :
« Dans La Bataille syndicaliste, Alfred Rosmer, correcteur et chroniqueur, écrit : “Il serait temps que les camarades abandonnent la mentalité antédiluvienne que leur donne une si étrange conception des rapports qui doivent exister entre l’homme et la femme. Est-il si difficile d’admettre que la femme peut agir par elle-même et qu’elle a voix au chapitre quand il s’agit de régler sa vie et sa destinée”. » (HistoLivre, p. 5).
Dans les années 1970, la photocomposition et l’informatique marquent une révolution. C’est un bouleversement pour les typographes (c’est la fin du plomb), mais aussi pour les correcteurs, comme l’a raconté Claire Clouzot en 1981 dans un film, L’Homme fragile, alors que chez François Truffaut, deux ans plus tôt (L’Amour en fuite), la cage de verre enfermait toujours deux hommes au cœur de l’imprimerie.
Les deux correcteurs dans la cage de verre de L’Amour en fuite de Truffaut (1979).
L’Homme fragile, film de Claire Clouzot (1981). Vers la parité hommes-femmes au cassetin.
C’est la sociologie qui nous enseigne le plus sur cet épisode. Dans un livre de 1985 (aujourd’hui épuisé), Margaret Maruani raconte, sur 16 pages, « l’histoire du Clavier Enchaîné », nom qu’elle a donné à un quotidien régional sur lequel elle a enquêté pendant quinze ans. Une succession de péripéties difficile à résumer en quelques lignes…
Dans cette rédaction, l’entrée de l’ordinateur, en 1969, a été accompagnée de l’embauche d’une douzaine de dactylos (que l’informatique a rebaptisées clavistes), qui travaillaient plus vite que les correcteurs en place tout en étant payées un tiers de moins. « Une profession féminine, dévalorisée, déqualifiée et sous-payée s’est créée à côté et en marge des métiers masculins. » Au fil des années, entre grève des ouvriers du livre en 1969 (pour obtenir la garantie de leur emploi et le monopole sur la justification et la correction des textes) et grève des clavistes en 1983 (pour obtenir égalité de salaire et de conditions de travail), les deux camps se sont progressivement rejoints. Deux mondes qu’au départ tout séparait, même un mur… Tout le monde a fini sur le même clavier, dans la même convention collective (celle des ouvriers du livre) ; les clavistes, après une courte formation, sont devenues correctrices. Pour les hommes, c’était la peur de la concurrence et la « fin du métier » ; pour les femmes, un sentiment de différence et d’exclusion.
L’histoire du Clavier Enchaîné (par laquelle Margaret Maruani illustre la construction sociale des différences hommes/femmes dans le monde du travail) s’arrête là. Ce qui suit, dans la presse, parisienne en particulier, ce sont les plans de départ pour la famille des « typos » (linotypistes, typographes et correcteurs), peu à peu remplacée par une population majoritairement féminine, moins avantagée et moins bien payée.
Cependant, la prédominance masculine chez les correcteurs a peut-être duré plus longtemps qu’on l’imagine, à en croire les quelques indices suivants :
« Quand je suis arrivée en presse (en 1979), il y avait très peu de femmes. Les quelques correctrices de l’imprimerie avaient un succès fou », raconte Annick Béjean (dans Repiton et Cassen). Lire la partie de son témoignage que j’ai déjà publiée.
Mais il faut lire aussi les pages de son récit, teinté de nostalgie, qui restituent un monde disparu, celui des typos et de leur militantisme vigoureux (dont l’épisode le plus marquant est la grève du Parisien libéré, qui dura vingt-huit27 à trente mois28, de 1975 à 1977).
En 1983, entrant comme jeune typographe à France-Soir, Isabelle Monthier découvre :
« Troisième étage. Un grand atelier. Des hommes, des hommes partout. […] « Le cassetin (le carré ou l’atelier) des correcteurs. […] Trois femmes environ pour une vingtaine d’hommes » (Repiton et Cassen, p. 136).
En mars 1994, l’ARCI (Association romande des correctrices et correcteurs d’imprimerie, Lausanne) déclare encore qu’elle « manque de collègues féminines » et lance un appel dans un journal féministe29.
Étapes récentes
Jusqu’en 1978 (création de l’école COFORMA par le Syndicat des correcteurs30), le métier s’apprenait exclusivement auprès de ses pairs31. Or, comment se former à un métier dont l’accès vous est interdit ou difficile ?
Quand elle raconte son entrée à La Croix, chez Bayard Presse (qu’elle appelle Le Crucifix et Lancelot), à la fin des années 1970, Vanina (pseudonyme) écrit :
« […] le choix de recruter en priorité des femmes pour saisir et corriger les textes n’existe nulle part ailleurs dans la PQN (la presse quotidienne dite nationale, et en fait parisienne). […] Les femmes y sont depuis entrées en masse – jusqu’à former au moins la moitié des effectifs dans les cassetins de correction […] » (p. 24).
La saisie des textes sur micro-ordinateur (milieu des années 1980) par les auteurs eux-mêmes32 ayant fait disparaître, à leur tour, les clavistes, elles ont dû se reconvertir. Certaines ont choisi la correction, comme l’avaient déjà fait certaines « typotes ».
Parallèlement, correcteurs et correctrices sont poussés hors des murs des maisons d’édition :
Correctrice travaillant chez elle. Illustration créée avec Midjourney.
« […] au début des années 1980 […] le prix toujours plus élevé du mètre carré parisien [entre autres raisons] incite […] beaucoup d’éditeurs à supprimer leur service de relecture interne afin de réaliser des économies. Ils décident de payer désormais à la pige, et à un tarif bien sûr inférieur, la préparation de copie. Ils chassent donc de leurs murs les lecteurs-correcteurs ; et, confrontés à la menace du chômage, certains de ceux-ci acceptent d’être licenciés puis réembauchés avec la sous-qualification de correcteur à domicile. « Les correcteurs déjà pigistes se voient quant à eux proposer d’effectuer également la préparation de copie – selon les modes de rémunération les plus divers, mais tous illégaux puisque ce boulot n’est pas prévu par la convention comme pouvant se faire à la maison. […] » (Vanina, p. 53).
« Des transformations structurelles propres au domaine du livre et de la presse expliqueraient que les correctrices soient de moins en moins intégrées dans les entreprises : recompositions éditoriales ; choix budgétaires ciblés ; associations de maisons en grandes entités ou rachats ; fusion de certains corps de métier ; abondance et surcharge de la production éditoriale… « De plus, les évolutions liées à l’informatisation des métiers sont très certainement à prendre en compte, notamment l’apparition de la publication assistée par ordinateur (PAO), qui a décloisonné des métiers auparavant très distincts et hautement spécialisés, et le perfectionnement des logiciels de correction » (ACLF, p. 8).
Cela pousse certaines correctrices à se demander si le métier est précaire parce que féminin, ou féminin parce que précaire…
Voilà, d’après mes lectures et recherches à ce jour, les facteurs expliquant que le métier de correcteur, quasi exclusivement masculin durant cinq siècles, présente aujourd’hui — notamment sur les réseaux sociaux — un visage très largement féminin.
Il y aurait, dans cette histoire, d’autres aspects à traiter, notamment la question de l’hygiène dans les ateliers, plus sensible encore pour les femmes que pour les hommes, mais je ne peux pas étendre ce texte déjà trop long. Cela fera peut-être l’objet d’un prochain article…
PS — On me suggère d’ajouter que, dans la presse, les secrétaires de rédaction, métier où les femmes sont aussi nombreuses, tend à remplacer les correcteurs. J’ai déjà consacré un article au métier de « SR ».
Le 9 janvier 1887, la revue belgeL’Art modernepublie un article proposant, comme remède à la faiblesse actuelle des corrections en Belgique, l’embauche de « femmes correcteurs d’imprimerie ». L’exposition de cette « thèse » provoquera (au moins) deux réponses, publiées dans la revue au mois de mai suivant, l’une d’un correcteur, l’autre d’une correctrice. Heureux d’avoir pu reconstituer cette savoureuse séquence, je la reproduis intégralement ci-dessous. On pourra noter que chaque partie du débat, quelles que soient ses intentions, est prisonnière de certains des préjugés de son temps. Mais laissons-leur la parole…
Corps professoral de la première école laïque pour jeunes filles de Bruxelles, dirigée par Isabelle Gatti de Gamond, assise au centre, 1902. Archives privées (no 710-7), Archives de la Ville de Bruxelles.
LES FEMMES CORRECTEURS D’IMPRIMERIE
L’Art moderne du 9 janvier 1887, numéro lançant le débat.
C’est une désolation que la façon dont les corrections d’imprimerie se font en Belgique. À diverses reprises nous avons dit qu’il n’y a pas chez nous de bons correcteurs, à une ou deux exceptions près, par exemple le vénérable M. Mackintosh33, le doyen de la profession, croyons-nous, un survivant des grands jours de 183034, modèle de ponctualité, de simplicité et d’humour brabançon.
Pourquoi les femmes qu’on a lancées dans les postes, les télégraphes et les téléphones, n’embrasseraient-elles pas cette carrière dont la minutie, l’attention, la connaissance des petites règles de la grammaire et de la syntaxe, l’expérience du dictionnaire sont les qualités principales, en exacte équation avec leur nature ? Un homme pense trop à ce qu’il lit : une femme arrive plus aisément à ne voir que la forme, les lettres, à rester à la surface, à ne se préoccuper que de la broderie typographique.
Être correctrice, “un idéal féminin” ?
On nous assomme de jérémiades sur la persécution contre les institutrices et leur extinction, suivant un mot qui restera célèbre35. Qu’on les emploie à cette fonction : elles pourront y utiliser leurs connaissances. S’asseoir, lire, ne pas déranger sa coiffure, ne pas s’ab[î]mer les mains, pouvoir revêtir une toilette d’une élégance simple, causer avec beaucoup d’hommes, être en rapport avec des artistes-écrivains, mêler un peu de flirtation aux quotidiens devoirs, n’est-ce pas un idéal féminin ?
Assurément les auteurs eux-mêmes ne s’en plaindront pas. C’est gentil d’entendre des frou[s]-frous de robe au milieu des frou[s]-frous du papier.
Allons, mesdemoiselles, en campagne. Nous vous attendons et vous ferons aimable accueil.
Nous nous souvenons qu’il y a quelques [sic] vingt ans, au temps de notre prime-jeunesse [sic], nous étions une demi-douzaine de verts esprits à rédiger un journal qui eut assez d’entrain et de verve pour qu’on en parle encore aujourd’hui. Le samedi soir, nous allions revoir notre copie. Dans la grande salle d’une vieille demeure bruxelloise, nous trouvions les jeunes filles de la maison (de fameux correcteurs, celles-là !), qui travaillaient avec nous, pimpantes pour la circonstance, souriantes, mettant dans nos causeries de jeunes politiciens leurs aperçus gracieux et ingénieux, partageant gaîment36 une mince collation de pain, de fromage et de bière, que nous faisions à minuit au milieu des placards37 et des plumes dans l’odeur de l’encre d’imprimerie.
Quels bons soirs, quels chers souvenirs, endeuillis [sic] par des morts, hélas !
Oui, mesdemoiselles les institutrices, en avant. Il faut recommencer ça, pas avec nous, vieillissants, mais avec d’autres. Ils sont nombreux les jeunes littérateurs dignes de vous approcher et de vous dire, entre deux articles, qu’ils vous trouvent charmantes.
Réponse d’un correcteur
Note de la revue : « Voir l’Art moderne du 9 janvier 1887. Nous reproduisons cette intéressante critique d’après le Feuilleton de la Bibliographie de Belgique, 13e année, no de 1887, p. XI et 3. »
Monsieur le Directeur,
J’ai lu avec un vif intérêt la spirituelle boutade intitulée Les femmes correcteurs d’imprimerie, que reproduit, d’après votre savant confrère l’Art moderne, votre très intéressant feuilleton de la Bibliographie de Belgique.
Il y a longtemps que j’ai appelé l’attention des imprimeurs, des éditeurs, des auteurs, sur la façon déplorable dont sont corrigés nos ouvrages.
D’ou vient le mal ? Quel est le remède à y apporter ? La question est plus sérieuse que ne pense le croire l’humoristique auteur de l’article auquel je réponds et au talent littéraire duquel je m’empresse, d’ailleurs, de rendre un complet hommage.
Le mal vient de ce qu’il n’y a plus de correcteurs chez nous, à de rares exceptions près.
Pourquoi n’y en a-t-il plus ? Parce qu’on n’en forme plus !
Pourquoi n’en forme-t-on plus ? Parce que cela coûte trop cher !
Commençons par dire ce que c’est qu’un correcteur, ou ce que ce devrait être.
Un correcteur “doit être […] quelque peu universel”
Un correcteur doit être un homme instruit, doublé d’un typographe. Il doit connaître à fond la langue, les langues même, être quelque peu polyglotte, puisqu’il est dans le cas de devoir corriger les nombreuses erreurs qu’il rencontre journellement dans les épreuves. Il doit avoir au moins une teinte des sciences, des arts, de tous les sujets, variant à l’infini, qui lui passent sous les yeux (c’est le cas de le dire !). Bref, il doit être, dans la mesure du possible, quelque peu universel, sans être un Pic de la Mirandole raisonnant de omni re scibili…et quibusdam aliis38. Il doit s’entendre en littérature et en poésie ; il doit connaître ses auteurs, les anciens et les modernes. Il doit être typographe, c’est-à-dire appartenir au métier, être au courant des règles de l’art du compositeur et de l’imprimeur, — nécessité devenue d’autant plus inéluctable que cet art a bien déchu et que la plupart des ouvriers qui l’exercent sont malheureusement aussi ignorants scientifiquement que professionnellement parlant, parce qu’on met au métier des enfants qui n’ont pas même achevé leurs classes primaires ; que l’apprentissage, insuffisant, se fait à la vapeur, et que tout bourreur de lignes39, le plus souvent fort malpropre, se croit et se proclame nécessairement bon typographe !
En regard de ces exigences de métier indiscutables et qui doivent présider à la formation des bons correcteurs, plaçons la situation de fait : quasi aucun patron ne consentant à payer convenablement de tels hommes ; la plupart des imprimeries privées d’un correcteur, même médiocre ; les imprimeurs se reposant du soin de la correction sur les auteurs, qui n’y entendent rien, d’abord comme typographes, ensuite comme écrivains (car tout auteur n’est pas doublé d’un littérateur !), qui, enfin, quand ils savent écrire — ou croient savoir écrire — affectionnent, par exemple, certaines tournures vicieuses, qu’ils caressent parce qu’ils croient avoir donné le jour à de beaux enfants, qui ne sont que des monstres linguistiques ou littéraires n’échappant pas au glaive vengeur d’un habile correcteur !
Nos imprimeurs sont incapables d’un tel sacrifice : payer convenablement un bon correcteur ! Dès lors, qui songera à se faire correcteur dans le sens exact du mot, c’est-à-dire avec les qualités maîtresses que nous y attachons ?
C’est à nos éditeurs, aux auteurs eux-mêmes à faire ce sacrifice intelligent. Mieux leurs livres sont corrigés, plus ils acquièrent de prix et de valeur. C’est une vérité qui devrait être comprise pour le plus grand profit de nos productions nationales, qui ont déjà tant de peine à se faire goûter chez nous et auxquelles on ne manque pas d’opposer, comme en l’occurrence de l’article auquel nous répondons, « la désolante façon dont les corrections d’imprimerie se font en Belgique ».
Le remède est-il dans l’appel fait à quelques femmes institutrices ou bas-bleus40 ? Assurément non ! Il y a longtemps que nous posons en fait que les femmes ne doivent pas plus envahir le domaine masculin que les hommes n’ont à s’ingérer dans le domaine féminin. Arrière ces courtauds de boutique qui mesurent du drap et du coton ! Laissons cette occupation peu virile, peu digne de l’homme, à nos femmes, à nos filles, à nos sœurs, qui n’ont déjà que trop de peine à gagner leur pain de façon à peu près convenable.
À la femme, laissons la famille, les enfants, le ménage et ses soucis, avec ses joies intimes aussi, l’éducation et l’instruction du jeune âge, le dé de la couturière, de la tailleuse, de la confectionneuse, — la plume de l’écrivain et du savant, je le concède même.
Mais il ne saurait être question de résoudre le grave problème d’une bonne correction de nos livres par des appels à la galanterie, au flirtage, au sentimentalisme, très jolis, — nous ne dédaignons pas cela à la place où on le doit rencontrer ! — mais qui, loin d’être une occasion de correction, ne seraient qu’un appel à de nombreux faux par [sic, pas] typographiques, grammaticaux et autres.
Chose bizarre et digne de remarque : tout le monde se croit correcteur. Une foule d’employés de nos administrations, des écrivains à loisirs, des étudiants, des aspirants aux professions libérales, des génies incompris, des officiers peu fortunés, ou leurs veuves et filles, tout ce monde, papillonnant autour de nos imprimeurs ou éditeurs, demande gravement des épreuves à corriger et s’acquitte… très peu gravement de cette besogne.
Portrait d’un dandy correcteur
Victor Capoul, ténor français.
Nous avons connu un mesureur de drap dans un magasin de Bruxelles, qui se coiffait à la Capoul41, portait des chemises découpées en carré à la gorge, des pantalons-éléphant, des escarpins pointus, qui se faisait accompagner partout d’un chien que, plus cruel qu’Alcibiade, il avait mutilé en lui coupant les oreilles, qui passa du jour au lendemain du mètre au maître-imprimeur et corrigeait gravement en bon42 ! Le correcteur officiel de la maison décrottait, suant sang et eau, à 1 franc l’épreuve. M. X… revoyait, marquait une virgule à droite et à gauche, et comptait 4 francs. Il avait tout fait !
Corriger une épreuve, mais ce n’est rien cela ! c’est un badinage. Il ne faut pas d’apprentissage : les fautes viennent à vous gracieusement, le sourire aux lèvres, l’œil en feu, — comme les femmes correcteurs d’imprimerie, un heureux ressouvenir ! — se faire prendre au trait mordant, acéré, justicier de votre plume ! Et voilà la question résolue.
Eh bien ! non, elle est plus sérieuse que cela, cette question. Elle appelle une autre solution. Que les éditeurs se décident à faire un sacrifice et il se formera non une pléiade, non une légion de bons correcteurs, qui ne trouveraient pas à utiliser leurs talents, mais un petit noyau, suffisant aux besoins de notre pays.
Nous sommes élève du vénérable M. Mackintosh, dont parle l’Art moderne avec un respect que nous partageons de tous points. Pendant vingt ans, nous avons travaillé à ses côtés, suivi ses conseils, profité de ses leçons, marquées au bon coin : sagesse, expérience, érudition profonde, coup d’œil hors ligne, habileté universellement appréciée et à laquelle nous nous faisons un devoir d’amitié et de reconnaissance de rendre un éclatant hommage. Oui, ce sont de tels correcteurs qu’il faut ressusciter, avec leurs qualités sérieuses, pour résoudre une question plus grave qu’on ne pense.
J’entends dire que ma réponse a les allures d’un plaidoyer pro domo. Qu’on ne s’y trompe point, toutefois.
Ce n’est pas une misérable affaire d’intérêt qui est ici en jeu. Il nous est arrivé souvent de consacrer le produit de nos corrections d’épreuves à soulager des misères de femmes et d’enfants. Mais nous aimions mieux faire cette besogne — pardon : exercer cet art ! — assez convenablement, pensons-nous, que de la voir gâcher par des mains profanes qui venaient toucher sans respect à l’arche sainte de l’Imprimerie, — et nous repassions à ces mêmes personnes le produit de ce travail qu’elles s’offraient, dans leur inexpérience, à exécuter, parce que « corriger des épreuves, c’est si facile ! » disaient-elles. « Tout le monde peut faire cela ! »
L’art de l’imprimeur n’a que trop périclité déjà chez nous. Je convie l’Art moderne à travailler avec les amis des belles et bonnes éditions à le relever sur des colonnes qui soient plus fermes que les délicates épaules de nos jeunes institutrices et de nos faiseuses de prose et de vers, — aux grâces desquelles je rends, d’ailleurs, le plus galant hommage !
Recevez, je vous prie, Monsieur le Directeur, l’assurance de ma plus entière considération.
A. D. Correcteur d’imprimerie.
Sous les initiales A. D. se cache vraisemblablement Armand Dauby, correcteur au Moniteur belge, né à Bruxelles en 1845, puisqu’il signe la même année un in-8 portant le titre Les Femmes correcteurs d’imprimerie, à Bruxelles, chez A. Manceaux43.
À l’article de A. D., la revue a ajouté le commentaire suivant :
Annonçons, comme suite à l’intéressant article sur les correcteurs d’imprimerie que nous publions ci-dessus, qu’on va créer à Bruxelles une école d’apprentissage typographique, dans laquelle on s’attachera à former de bons correcteurs. La durée des cours sera de cinq années, et les typographes qui auront satisfait à l’examen de sortie recevront un diplôme. On nous assure que plusieurs des principaux imprimeurs de Bruxelles se sont déjà engagés à n’admettre dans leurs ateliers que les apprentis qui justifieront de leur présence aux cours, lesquels auront lieu le soir à l’École industrielle.
J’ignore si cette école a vu le jour.
Une correctrice répond à la lettre du correcteur
Introduction de L’Art moderne :
Elle se corse, cette thèse que nous avons posée dans l’Art moderne du 9 janvier, et qui fut combattue dans la lettre signée A. D., reproduite dans notre numéro du 1er mai. Voici Clorinde qui entre en lice et vaillamment fond sur Tancrède44. Son bras est fort et adroit, sa plume piquante. Ce tournoi nous plaît. Bravo !
Bruxelles, le 18 mai 1887.
Monsieur le Directeur,
M’est-il permis d’émettre à mon tour quelques idées sur « les Femmes correcteurs d’imprimerie » en réponse à l’article de M. A. D.45 ? Son auteur met tant de hâte et de désinvolture à nous déclarer toutes incapables et incompétentes en matière de corrections que je ne puis m’empêcher de lui demander sur quoi il base son opinion.
Pourquoi certaines d’entre nous ne pourraient-elles pas arriver, par l’étude et la pratique, à faire de bons correcteurs ? Que faut-il pour cela ? De l’érudition. Une érudition touchant à tout, s’étendant à tous les sujets, effleurant toutes les sciences sans qu’il soit nécessaire de les approfondir, ce qui serait impossible. La seule chose que le correcteur doive posséder à fond, c’est la connaissance de sa langue ; c’est ce qui lui donnera le plus de peine à acquérir et c’est aussi ce qui lui fait le plus généralement défaut.
Un bon correcteur doit, comme le dit M. A. D., être un peu universel ; je le reconnais, mais il a, en bien des matières, le droit d’être superficiel. Croyez-vous, par exemple, qu’il faille avoir lu tout Horace et Virgile pour corriger convenablement les citations latines qui émaillent les discours ou les ouvrages de nos érudits ? Ces citations sont d’ailleurs si variées qu’il suffirait d’en connaître une cinquantaine pour n’être que bien rarement embarrassé. Pour ces éventualités invraisemblables, n’avons-nous pas les dictionnaires ? Il serait préférable sans doute que le correcteur sût le latin, mais cela n’est pas la mort d’un homme, ni d’une femme.
Donc, il nous faut de l’érudition, et l’érudition s’acquiert par la mémoire, qualité secondaire mais (M. A. D. ne songe pas à le nier, je suppose), essentiellement féminine. La mémoire est indispensable au correcteur, elle est pour ainsi dire sa mise de fonds ; ajoutons-y l’œil, non pas l’œil en feu dont parlait l’Art moderne, mais l’œil du métier. C’est un don, une aptitude spéciale presque impossible à acquérir quand on ne l’a pas d’instinct. M. A. D. aura remarqué sans doute, au cours de sa longue carrière, que parmi les auteurs quelques-uns (ils sont rares) ont l’œil et arriveraient facilement à faire de bons correcteurs ; la plupart, au contraire, et ce ne sont pas les moins instruits, renvoient leurs épreuves à peu près comme ils les ont reçues, et croient, de la meilleure foi du monde, n’avoir laissé subsister aucune erreur. Cela dépend de la délicatesse de leur organe visuel.
Il ne suffit pas de savoir la grammaire pour corriger les fautes d’orthographe, il faut encore les voir. Et c’est en cela que consiste le métier. L’œil est encore indispensable pour discerner les imperfections typographiques, telles que les lettres retournées ou qui sont d’un autre œil46 selon l’argot du métier, de même que pour déchiffrer certains manuscrits qui, à première vue et pour les non[-]initiés, pourraient passer pour des hiéroglyphes.
“Je crois avoir l’œil”
Je ne traite pas cette question tout à fait en aveugle (je crois même avoir l’œil), attendu que j’ai été correcteur pendant plusieurs années et que je songe sérieusement à m’y remettre. Ce qui me gêne, c’est la question d’érudition, et voilà aussi ce qui doit calmer les craintes de M. A. D. Jamais nous ne verrons le corps professoral féminin s’avancer en bataillon serré et envahir ce domaine dont M. A. D. surveille les frontières avec un soin si jaloux. Le métier exige un trop long apprentissage, un travail aride, sédentaire et… solitaire, quoi qu’en ait dit l’Art moderne, en plaisantant d’ailleurs.
Et puis, n’avons-nous pas la brillante carrière que nous offre M. A. D. ? Depuis longtemps, dit-il, « nous posons en fait que les femmes ne doivent pas plus envahir le domaine masculin que les hommes n’ont à s’ingérer dans le domaine féminin ». Et, pris d’une indignation chevaleresque, il s’insurge contre ces courtauds de boutique qui mesurent du drap et du coton. « Laissons cette occupation peu virile, peu digne d’un homme à nos femmes, à nos sœurs et à nos filles. » M. A. D. n’a pas de bien hautes prétentions pour sa famille. Peut-être va-t-il me trouver bien exigeante et bien ambitieuse, mais au risque de passer à ses yeux pour un bas[-]bleu, je lui avouerai bien humblement que, pour ma part, je préfère une occupation plus virile et plus digne même d’une femme.
Cependant, M. A. D. nous concède le droit de faire œuvre d’écrivain et de savant ; n’y a-t-il pas là quelque chose d’illogique ? Si M. A. D. reconnaît qu’il peut y avoir parmi nous des savantes, pourquoi s’oppose-t-il à ce que nous mettions notre science à profit autrement qu’en publiant des ouvrages scientifiques, ce qui, à mon sens, sort bien plus de nos attributions que la correction des épreuves. N’avoir qu’une plume comme gagne-pain, c’est maigre, en Belgique surtout, et je ne conçois pas bien l’union, le mélange de ces deux occupations. Auner du drap, puis, tout en rangeant les pièces dans les rayons, composer des poésies fugitives, cela me paraît aussi baroque que le mélange de flirtage, de correction d’épreuves et de galanterie qui fait sourire M. A. D.
“Il serait temps d’accorder à la femme les mêmes droits qu’à l’homme”
« La place d’une femme n’est pas là »… L’avons-nous assez entendue cette phrase ! et ne trouvez-vous pas comme moi, Monsieur le Directeur, que la place d’une femme est précisément là où elle a envie de se mettre. Libre à ceux qui l’emploient de ne pas la maintenir dans cette place si elle l’occupe mal. Il serait bien temps, me semble-t-il, de lui laisser un peu plus de liberté en ces matières et de lui accorder les mêmes droits qu’à l’homme, là où elle fait preuve des mêmes capacités.
Je n’ai jamais bien compris, d’ailleurs, où les hommes ont puisé le droit d’en agir autrement et d’interdire à la femme l’exercice de n’importe quelle carrière qu’elle s’est montrée apte à remplir. Je le répète, l’encombrement n’est pas à craindre car je me hâte de reconnaître notre grande infériorité. Que M. A. D. ait un bon mouvement, et qu’en homme généreux et charitable, charitable à ce point qu’il a passé vingt ans de sa vie à se perfectionner dans l’art du correcteur, à seule fin de venir en aide aux femmes et aux enfants nécessiteux, que cet homme bienfaisant nous fasse une petite place à ses côtés ; qu’il laisse « nos mains profanes toucher sans respect à l’arche sainte de l’imprimerie », nous ne la démolirons pas. On les fait solidement, les arches, depuis Noé.
Nous ne demandons pas que les éditeurs s’adressent à nous de confiance. Qu’ils nous mettent à l’épreuve, sans jeu de mots et qu’ils ne nous offrent des appointements de premières chanteuses que lorsqu’ils auront pu constater que rien n’échappe à notre glaive vengeur, comme dit M. A. D.
Ce travail au glaive constitue un progrès marquant sur les anciens procédés. Il doit simplifier la besogne et permettre de trancher bien des difficultés. En consacrant quelques années encore à compléter mon érudition, j’espère arriver, grâce aux conseils que M. A. D. voudra bien me donner et a ceux que j’ai déjà reçus de M. Mackintosh, le doyen de la Faculté, à être un bon correcteur.
Je n’espère pas atteindre jamais les hauteurs où plane M. A. D. à la droite et un peu au[-]dessous du père Mackintosh, mais j’évoluerai dans ma sphère où peut-être j’aurai réussi à entraîner quelques-unes de mes pareilles qui se trouvent trop à l’étroit dans le « domaine féminin » et pour lesquelles l’aunage du drap n’a que des charmes restreints.
M. A. D. termine en rendant le plus galant hommage à nos grâces. La réserve que m’impose mon sexe ne me permet pas de lui retourner le compliment ; je me contenterai d’abaisser devant lui mon glaive vengeur en signe de respect.
Recevez, Monsieur le Directeur, l’assurance de ma parfaite considération.
M. P.
M. P. restera sans doute anonyme, contrairement à son opposant. Pour moi, par sa répartie et son humour, elle gagne ce « tournoi » haut la main. Et, même si elle se refuse alors à l’imaginer, je pense qu’elle serait heureuse de découvrir qu’aujourd’hui un « bataillon serré » a « envahi ce domaine dont M. A. D. surveille les frontières avec un soin si jaloux », qu’entraînées loin des « charmes restreints » de « l’aunage du drap » ses « pareilles » constituent désormais la vaste majorité de la profession.
« À Genevieve, mon amour, ma muse, ma correctrice, ma relectrice, ma dialoguiste, ma claviste, celle qui me supporte dans les bons comme dans les moins bons moments, qui ramasse ce que j’échappe, qui me consacre un temps fou et qui s’oublie trop souvent à mon profit. Ton nom mériterait de figurer sur la couverture de ce livre autant que le mien47. »
Ils ne sont plus rares, aujourd’hui, les auteurs qui remercient (comme Martin Michaud, ci-dessus), dans leurs livres, une parente ou une compagne pour les bons soins qu’elles ont portés à leurs écrits.
Balzac aurait pu faire de même pour sa sœur cadette, Laure, et surtout Lamartine, dont l’épouse dévouée, Elisa, s’est épuisée pour la gloire du poète.
Surtout connue pour avoir protégé la mémoire de son frère en publiant une biographie de ce dernier après sa mort48, Laure Surville (1800-1871) ne s’est pas arrêtée à ce rôle, apprend-on dans La Plume du 1er septembre 190049.
Laure Surville, sœur cadette de Balzac.
« Comment oublier […] cette sœur du poète, qui savait être, selon les heures, enjouée ou sérieuse, que Balzac emmenait un soir au bal de l’Opéra, et qui une autre fois travaillait avec lui à ses livres, la collaboratrice de ses premiers romans, la correctrice des derniers, à qui il recommandait ainsi son Médecin de campagne : « Dis-moi tous les endroits qui te sembleront mauvais, et mets les grands pots dans les petits, c’est-à-dire : si une chose peut être dite en une ligne au lieu de deux, essaie de faire la phrase. »
Édith Marois, docteure ès lettres, chercheuse à l’université François Rabelais de Tours, fournit quelques précisions50 :
« Si Laure Surville n’est pas entrée dans la postérité en tant qu’écrivaine, sa collaboration, même modeste, même simplement consultative, à l’œuvre de son frère est attestée par leur correspondance. En octobre 1833, peu de temps avant la publication du Médecin de campagne, Honoré sollicite ses remarques : “corrige bien le Médecin ou plutôt dis-moi tous les endroits qui te sembleront mauvais et mets les grands pots dans les petits, c’est-à-dire si une chose peut être dite en une ligne au lieu de deux, essaie de faire la phrase51”. L’année suivante, il la remercie de sa lettre sur La Recherche de l’Absolu tout en réfutant les critiques qu’elle exprime : “merci des éloges […] je me suis tout bêtement attendri de ta phrase. Tu as, je crois, tort pour les trois pages que tu trouves de trop, car elles ont des ramifications avec l’histoire. […] Ta lettre est la 1ère félicitation que j’ai reçue de l’Absolu52”, mais là encore, le livre est déjà imprimé et diffusé… »
On trouvera peut-être d’autres informations sur Laure Surville, correctrice de son frère, dans l’ouvrage de Christine Planté, La petite sœur de Balzac. Essai sur la femme auteur, Presses universitaires de Lyon, 2015.
Elisa de Lamartine par Jean-Léon Gérôme, 1849.
On en sait davantage sur Elisa (ou Marianne) de Lamartine (1790-1863), artiste peintre et sculptrice française d’origine britannique : elle s’est usé la santé à corriger les épreuves de son poète de mari, Alphonse.
« Mme de Lamartine, correctrice d’épreuves. — M. Henri Guillemin, dans le Mercure de France, nous apporte — d’après des documents inédits réunis par M. Camille Latreille mort avant d’avoir pu les utiliser — de précieux renseignements sur la vie conjugale de Lamartine et sa femme, que M. Guillemin appelle “la troisième Elvire”. Mme de Lamartine fut une épouse parfaite, exclusivement dévouée à son mari et aux travaux duquel elle apporta une discrète collaboration généralement peu connue.
« Voici à ce propos ce qu’elle écrit, dans une lettre de 1846, adressée à son beau-frère, M. de Montherol : “M. Furne, l’éditeur, est venu de Paris sur le bruit que les Girondins étaient finis, et il a emporté la permission de mettre trois volumes sous presse en janvier, pour paraître en mars, à peu près. « C’est à Paris que le travail des épreuves va être terrible pour moi. Je vais être en lutte continuelle pour obtenir des corrections, dont je n’obtiendrai pas le quart. Mais chaque mot gagné sera une victoire, dont il n’y aura que moi qui sache la bataille et le péril. Vous savez qu’il n’aime pas à corriger ni le sens, ni les phrases, ni même les mots. Il écrit d’abondance, abondance miraculeuse, mais qui aurait besoin d’être coordonnée. Les épithètes vont au delà de la pensée. Le public les prend au pied de la lettre, en bien et en mal. Une chose qui n’a qu’un bon côté est sublime ; celle qui n’a qu’un côté mauvais est anathématisée. Le public n’y met pas le correctif, et blâme l’auteur. Je passerai un mauvais hiver. (Inédit.)” » — Journal des débats politiques et littéraires, 3 août 1934, p. 2.
Dans des lettres à Charles Alexandre (1821-1890), secrétaire de Lamartine, Elisa évoque notamment « le long travail de correction des épreuves de son mari dont elle revoie [sic] les textes », selon le libraire en autographes et manuscrits Emmanuel Lorient, sur son site, Traces écrites. Extraits.
« M. de L. parle de partir le 25, lundi de la semaine qui vient. J’espère avoir fait les corrections au moins pour l’exemplaire que je garde et j’espère aussi être mieux portante pour écrire plus nettement celles que je donnerai à l’imprimeur. Il me faudra bien quelqu’un à Paris pour revoir les épreuves qui seront très difficiles à tirer. Mais il faudrait quelqu’un aussi poète que vous et aussi minutieux que le grammairien. Je ne pourrais pas confier à lui une épreuve[,] il en ferait de la très mauvaise prose […] » [1862].
« […] Un jour à Monceaux j’ai eu la chance de voir avec lui une épreuve. Je suis tombée sur un mot, un seul, qui était des plus fâcheux. Je le lui ai dit. Il en est convenu et j’ai substitué une épithète exacte et sans inconvénient. Je lui ai fait observer que je lui rendais service ! Mais il continue la même chose, et ce n’est que de loin en loin que je puis entrevoir par hasard, ou par supercherie quelque chose. C’est si fort une volonté de sa part qu’il donne ses épreuves à porter tout de suite à Jean, au lieu de les donner le soir à un commis qui passe devant l’imprimerie. J’en suis désolée. Si je pouvais seulement causer avec lui sur ce qu’il écrit, je le convaincrais souvent de l’inconvénient de mots qui lui sont échappés […] » [sans date].
« Passez sur la terrasse déserte, devant la façade du château paisible, la paix n’y est pas. Un drame intime s’agite dans l’intérieur. Dans cette grande chambre aux murs tapissés de rosiers grimpants, desséchés, une femme est dans la tristesse. Elle a fait sa prière du matin, elle a demandé à Dieu la force des sacrifices. Comme ses rosiers sans fleurs, son âme est sans espérances. Elle travaille, sa plume active corrige des épreuves, écrit des lettres », raconte Charles Alexandre dans Madame de Lamartine (Dentu, 1887, p. 207).
École primaire supérieure de jeunes filles Sophie-Germain, Paris 4e. Carte postale, s.d.
À la suite de mes recherches sur les premières correctrices apparaissant dans les annonces d’emploi (1884-1941), je découvre l’existence d’une école primaire supérieure de jeunes filles, dont certaines élèves pourraient devenir correctrices53. Trois extraits de journaux permettent d’en brosser un tableau assez précis. Cet établissement est aujourd’hui le lycée Sophie-Germain, nom de baptême que l’école a reçu dès 1888.
Plaque de l’école.
« L’école primaire supérieure de jeunes filles de la rue de Jouy [Paris 4e] mérite une mention spéciale. Fondée il y a dix-huit mois [en 1882], dirigée par une femme de grand talent, Mme Blanche Chegaray, cette école rend des services inappréciables, et bientôt, du reste, la Ville en ouvrira une deuxième, exactement semblable, rue des Martyrs.
« Les jeunes filles y sont admises seulement au concours, et lorsqu’elles sortent de l’établissement, après avoir satisfait aux examens — examens des plus sérieux, — elles sont aptes à entrer dans les postes et télégraphes. à être correctrices d’imprimerie, premières dans des maisons de couture, etc. Indépendamment de cela, elles sont dressées aux soins du ménage, et le blanchissage des dentelles, la confection du linge et des vêtements, la cuisine leur sont enseignés par d’habiles professeurs. En un mot, à l’école de la rue de Jouy, les jeunes filles reçoivent une instruction solide et on leur apprend aussi à être de vrai[e]s femmes. […] » — Gil Blas, 4 août 1884
Conditions d’admission et personnel enseignant
« La durée des études est fixée à quatre années : trois années d’études normales et une année d’études complémentaires.
« L’école est gratuite ; elle ne reçoit que des élèves externes.
« Les élèves sont admises à la suite d’un concours. Les jeunes filles qui doivent atteindre l’âge de douze ans révolus au 1er octobre, et qui n’ont pas dépassé à la même date l’âge de quatorze ans, sont seules admises à participer à ce concours.
« Pour le premier concours, devant avoir lieu au moment de l’ouverture de l’école, les jeunes filles devront avoir atteint l’âge de douze ans révolus au 1er janvier 1882. […]
« Le personnel de l’école est ainsi composé : « Une surveillante générale faisant fonctions d’économe, au traitement de 3,400 à 5,000 francs. « Des maîtresses adjointes, chargées de la surveillance des études, des fonctions de répétitrices et pouvant être appelées en outre à faire certains cours, au traitement, de 2,400 à 3,600 fr. « Des professeurs, hommes ou femmes, pour l’enseignement du français et de la lecture, des langues vivantes (anglais et allemand), de l’écriture, de l’arithmétique, de la tenue des livres, de l’histoire et de la géographie, des sciences physiques et naturelles, de la géométrie pratique et du dessin linéaire, de la coupe et de la couture, de la gymnastique, du chant, et en deuxième et troisième année seulement, de la morale, de notions d’économie politique, de législation et d’économie domestique. » — L’Unité nationale, 28 mars 1882
Épreuves du concours
« Le concours comprend des épreuves écrites et des épreuves orales : « 1o Epreuves écrites : Orthographe et écriture. — Arithmétique et applications pratiques de la géométrie. — Dessin linéaire. — Dessin d’ornement. — (La dictée d’orthographe sert d’épreuve d’écriture) ; « 2o Epreuves orales : Histoire de France. — Géographie. — Arithmétique. — Instruction morale et civique.
« Les épreuves écrites sont éliminatoires.
« Nota. — Le conseil municipal de Paris a décidé, en principe, la création, dans chacune des écoles primaires supérieures, d’un certain nombre de bourses d’entretien destinées à venir en aide aux familles qui n’auraient pas les ressources nécessaires pour entretenir leurs enfants pendant la durée des études d’enseignement primaire supérieur. » — La Réforme, 9 octobre 1882
École primaire supérieure de jeunes filles Sophie-Germain, grand amphithéâtre. Carte postale, s.d.
Après avoir épluché les annonces d’emploi, j’ai eu l’idée de faire de même pour les annonces de mariage et de décès. J’y ai ajouté les éventuelles distinctions hors médaille du travail.
NB — Ce sont des données volontairement brutes, non corrigées. Je ne les ai pas alourdies de guillemets inutiles : tout ce qui suit est tiré des journaux consultés.
Correctrice de langues étrangères dés. mar. riche pas banal. S’abst. d’écr. si pas riche. Bouleau, Bill. Tuberculeux, 0.914.561. Bur. 84. (La Lanterne, 11 février 1904)
1907 — Par décret du ministre de l’instruction publique, en date du 23 novembre, Mlle Ther, Julie, correctrice d’imprimerie, à Tours, a été nommée officier d’académie [il s’agit des Palmes académiques54]. C’est avec plaisir que nous enregistrons cette nomination, pleinement justifiée par les services rendus. Nous adressons à notre aimable collaboratrice nos bien cordiales félicitations. (L’Union libérale, 26 décembre)
Le Journal officiel publie les nominations suivantes : […] Au grade d’officier d’académie : Mlle Ther, Julie, correctrice d’imprimerie à Tours. (L’Union libérale, 30 décembre)
1908 — Eugène-Auguste-Jules Cornilleau, clerc d’avoué, rue Saint-Vincent, et Blanche-Victorine Terrier, correctrice d’imprimerie, rue Saint-Vincent. (L’Ouest-Éclair (Rennes), 6 août (promesse), L’Avenir de la Mayenne, 9 août (promesse) et 23 août ; La Gazette de Château-Gontier, 27 août)
1908 — Georges-Jean-Alexandre Cornemillot, agent de détaxe, et Marie-Louis Bonnardot, correctrice au Bien Public. (Le Progrès de la Côte-d’Or, 27 août)
1908 — Isidore-Eugène Denancé, employé de bureau, à Meudon (Seine-et-Oise), et Anaïs-Augustine-Joséphine Dubois, correctrice typographe, rue des Lavanderies. (L’Avenir de la Mayenne, 11 octobre)
1917 — Décès — Marie Françoise Masserot, célibataire, 30 ans, correctrice d’imprimerie, rue de la Madeleine. (L’Écho de la Mayenne, 8 avril, et La Mayenne, 11 avril)
1924 — Gaston Eiehacker, rentier, rue de la Gare, et Valentine Gourrault, correctrice d’imprimerie, rue de la Gare. (La Mayenne, 4 mai)
1925 — Gustave-Georges Vasseur [ou Vaseux, selon les annonces], maréchal des logis au 4e escadron du train (T.E.M.) au Mans, et Marie-Louise-Jeanny Bathilde Morin, correctrice d’imprimerie, rue de la Madeleine (à Laval). (La Mayenne, 16 et 20 septembre, 4 octobre ; L’Avenir de la Mayenne, 20 septembre)
1926 — Georges-Victor-Marie Mercier, chauffeur d’autos, rue Ambroise-Gestière, et Suzanne-Mathilde-Victorine Foucoin, correctrice d’imprimerie, rue Ambroise-Gestière. (La Mayenne, 23 mai (bans), La Mayenne, 15 juin, et L’Avenir de la Mayenne, 20 juin)
1928 — Georges Terrier, graveur-typographe, à Nantes, et Denise-Solange Jean, correctrice d’imprimerie, rue Basse-des-Bouchers, 16. (La Mayenne, 18 et 22 juillet)
1930 — Robert-François Hamon, ajusteur, 31, boulevard de Tours, et Jeanne Ozouf, correctrice d’imprimerie, 26 [parfois 21], rue de Chapelle. (La Mayenne, 10 août (promesse), et L’Avenir de la Mayenne, 3 et 7 septembre)
1930 — Cormerais Armand, artiste lyrique, rue Banasterie, 10 et Guirand Marie, correctrice d’imprimerie, rue Banasterie, 10. (Le Radical de Vaucluse, 29 octobre)
1932 — Henri Surnom, boulanger à Issoudun, et Germaine-Elisabeth Aubrun, correctrice monotypiste à Saint-Amand-Montrond (Cher). (La Dépêche du Berry, 31 juillet)
1934 — Ourmières, Jean, gendarme à la 17e légion, avec Moine, Jeanne, correctrice d’imprimerie. (L’Auvergnat de Paris, 27 janvier 1934)
1934 — Cochet Daniel-Raoul-Camille, mécanicien, et Venot Gilberte-Jeannine, correctrice, tous deux à Vendôme. (L’Écho du Centre, 23 mars)
1937 — Emile Goussin, clerc d’avoué, rue Duguesclin, et Jeanne Allain, correctrice d’imprimerie, rue Paul-Lintier. (La Mayenne, 26 janvier)
1938 — Fernand Genest, commis du trésor, à Flers, et Marthe Durckel, correctrice d’imprimerie, place Gambetta. (La Mayenne, 17 avril)
1941 — Décès de Germaine Sillon, épouse Humberjean, correctrice d’imprimerie, 60 ans, 9, rue des Vergelesses, domiciliée 21, rue Félix-Trutat. (Le Progrès de la Côte-d’Or, 16 juillet)
« À l’époque il n’y avait pas beaucoup de femmes dans les imprimeries », a déclaré la correctrice Annick Béjean, entrée dans la presse parisienne en 1979 (☞ lire son témoignage). Comment retrouver les traces de ces exceptions ? Comment saisir l’existence des premières femmes embauchées comme correctrices professionnelles, avant que la société en général et le monde typographique en particulier les accueillent plus volontiers ?
Grâce à RetroNews, le site de presse de la BnF, j’ai pu interroger 2 000 journaux français de 1631 à 1950. J’ai sondé, avec un heureux succès, les annonces d’emploi (offres et demandes). J’ai exhumé quelques lauréates de la médaille du travail. Les correctrices au travail apparaissent aussi dans quelques extraits de procès et à travers des personnages de feuilleton. Peu à peu, ces femmes reviennent à la lumière.
NB — Ce sont des données volontairement brutes, non corrigées. Je ne les ai pas alourdies de guillemets inutiles : tout ce qui suit est tiré des journaux consultés.
Au bas de la page, j’ai ajouté mes premiers commentaires.
Annonces d’emploi, articles judiciaires et feuilletons
1884 — AGENCE Saint-Julien, maison fondée en 1859 : ventes et achats de fonds de commerce, recouvrements de créances, etc. 9, place d’Aquitaine. Mme Lataste, directrice et correctrice du journal la Liberté, de Paris. (La Petite Gironde, 3 juillet)
1886 — Une dame désire entrer dans une imprimerie en qualité de correctrice. Ecr., L. P., poste restante, 50, rue Bonaparte. (Le Mot d’ordre, 15 octobre)
1887 — On demande une correctrice d’épreuves d’imprimerie. S’ad. Mme Jaudoin, 65, bd Arago. (Le Mot d’ordre et L’Écho de Paris, 17 avril)
1888 — Me MORILLOT, défenseur de Robert. — Ni l’espoir du gain, car, outre son traitement, sa femme apporte encore au ménage 3,500 francs, qu’elle gagne comme correctrice d’imprimerie. (Pierre-Émile Robert, ex-agent de la police de sûreté, jugé pour usurpation de fonctions, arrestation illégale et violation de domicile, tribunal correctionnelle de la Seine, 8e chambre, présidence de M. Gillet, audience du 6 décembre 1888, Le Droit, 7 décembre)
Annonce de l’Imprimerie picarde, 1889
1889 — ON DEMANDE / Des Apprenties / COMPOSITRICES / de 13 à 18 ans / Travail agréable et lucratif / ATELIER PARTICULIER / On gagne de suite / (Il n’est pas exigé de contrat) / ET POUR / CORRECTRICE / une jeune fille ayant le brevet élémentaire. / A l’Imprimerie Picarde / 71, Rue du Lycée, 71, Amiens (Le Progrès de la Somme, 13 janvier)
1889 — Dame veuve diplômée demande emploi de correctrice dans une imprimerie. C. R., 10, avenue de Tourelle, St-Mandé. (Le Radical, 20 avril)
1893 — Attendu qu’en fait, il est reconnu que l’appelant a, le 25 décembre 1893, jour de fête légale et à l’heure énoncée par le procès-verbal, employé treize filles majeures comme compositrices et une fille majeure comme correctrice dans l’atelier de son imprimerie ; […] Attendu que le travail de la correctrice consiste surtout à vérifier l’identité du manuscrit avec l’imprimé[,] à rectifier les erreurs matérielles telles que le renversement des lettres, que c’est exceptionnellement qu’elle accomplit une œuvre purement intellectuelle pour résoudre des difficultés qui se présentent sur l’orthographe, la ponctuation, les dates ; que le caractère industriel prédomine dans la tâche confiée à l’ouvrière chargée de la correction des compositions typographiques ; […] En conséquence le condamne : 1o à quatorze amendes de 1 franc chacune pour avoir fait travailler quatorze filles majeures après neuf heures du soir ; 2o à quatorze amendes de 1 franc pour avoir fait travailler ces mêmes filles majeures un jour de fête légale reconnue par la loi, soit en tout vingt-huit amendes de 1 franc chacune et aux dépens liquidés à 15 fr. 45, outre le coût du présent jugement ; fixe au minimum de la loi la durée de la contrainte par corps. (Police correctionnelle, tribunal de Saint-Etienne, présidence de M. Gast, audience du 28 avril 1894, La Loi, 12 août 1894)
1895 — Correctrice connaiss. bien la lect. et le tierçage est demandée p. gde impr., pl. stable Journal A.B.17. (Le Journal, 9 février)
1895 — ON DEMANDE / UNE / CORRECTRICE / A l’imprimerie WATON, / à Bellevue. (Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 19 juillet)
Annonce de l’Imprimerie Waton, 1897
1897 — BONNE CORRECTRICE / est demandée / à l’Imprimerie WATON (Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 29 et 30 septembre, 20 octobre)
1898 — On demande bonne correctrice typographe, emploi sérieux et rémunérateur. Références exigées. — G. M. H., Journal. (Le Journal, 12 février)
1899 — P.-S. — J’écrivais, il y a huit jours, dans mon Supplément : « Il fallut toute la courtoisie de mon interlocuteur (il s’agissait d’une conversation, en wagon, avec un officier) et tout mon désir de ne pas froisser un homme convaincu, pour, etc., etc. On a imprimé : « et tout mon désir de ne pas favoriser ; je prie ceux de mes lecteurs qui ont ouvert de grands yeux, de rétablir le texte, et je conjure la correctrice d’avoir pitié d’une malheureuse chemineaude qui ne peut corriger ses épreuves. (La Fronde, 17 juin)
1903 — CORRECTRICE imprimerie, b. réf., d. pl. M.D.P., post. rest., r. Pierre-Guérin (16e) (Le Matin, 19 et 23 février)
1904 — IMPRIMERIE E. ARRAULT et Cie / JEUNE FILLE, instruite et sérieuse, est demandée pour apprendre le métier de correctrice. (L’Union libérale, 23 avril)
Annonce de l’Imprimerie Arrault et Cie, 1904.
1904 — IMPRIMERIE E. ARRAULT ET Cie / ON DEMANDE / UNE CORRECTRICE (L’Union libérale, 29 octobre).
1908 — ON DEMANDE un correcteur ou une correctrice à l’Imprimerie E. Arrault et Cie. (L’Union libérale, 29 et 30 octobre)
1909 — Médailles d’honneur du travail55 (argent, vingt ans). — Mlles Ther Rosalie, correctrice d’imprimerie dans la maison Arrault, à Tours ; Ther Joséphine, correctrice d’imprimerie dans la maison Arrault à Tours ; […] (L’Union libérale, 16 août)
1910 — DEMOISELLE TRÈS SÉRIEUSE, diplômée enseignement, désire emploi comme correctrice d’imprimerie. Ferait recherches littéraires ou scientifiques pour ouvrages ou collections. Pourrait aussi s’occuper de contentieux. — S’adresser à Mme Barin à l’Action. (L’Action, 4 août)
1910 — ANCIENNE correctrice d’anglais et d’espagnol dans une grande imprimerie parisienne, connaissant en outre la sténographie et la machine à écrire, et ayant été employée à l’expédition d’un journal, demande situation à Paris ou en province ; se contenterait de conditions modestes. Ecrire aux bureaux du journal. (L’Univers, nombreux passages de décembre 1910 à juillet 1911)
1911 — J.f. 23 a., correctrice, dem. pl. ch. imp. ou édit. b. réf. parle angl. Zabaska, 64 r. du Rocher (Le Journal, 13 mai)
1911 — [Béthel] Le président passe enfin au dernier fait qui est reproché au jeune typographe : le détournement de la mineure Suzanne Pinteau [15 ans]. — Je ne l’ai pas enlevée, au sens propre du mot, répond Chagnoux. Son père s’était remarié. Elle vivait chez sa belle-mère et travaillait comme correctrice à l’imprimerie Cerf où j’étais employé. Je lui avais conseillé de rester dans sa famille jusqu’au jour où je l’épouserai. Elle m’a suivi volontairement. (L’Indépendant rémois, 30 août)
1912 — Demoiselle, 35 ans, correctrice plusieurs années même imprimerie, cherche situation similaire : secrétaire, dame de compagnie. S’adresser au bureau du journal. (La Mode illustrée, 7 avril)
1912 — Bne correctrice [?]em. empl. dans imprimerie. Sér. réf. Devalière, 5, r. Edgar-Quinet, Montrouge. (Le Journal, 28 août)
1912 — Jeune fille, 22 ans, ayant été correctrice d’imprimerie, cherche place analogue, comptabilité ou écritures. (La Mayenne, 22 et 29 décembre 1912 ; 5 janvier 1913)
1914 — J’ai un mot pour une imprimerie où je puis faire un remplacement, comme correctrice ; c’est la vie assurée pour quelque temps, et quelle vie ! Cette perspective ne m’a pourtant pas désarçonnée. Je demeure le pied à l’étrier, mais pour l’avoir senti glisser — oh ! un rien — j’ai perdu un peu de ma belle confiance. Bah ! l’espoir renaîtra, à la première éclaircie. Il faut laisser se dissiper ce léger nuage. (feuilleton « Le Retour des choses », Henriette Devers, dans L’Homme libre, 11 juillet)
1914 — Jne fem. dirigeant imprimerie belge dut quitter suite occup. all. dem. place correctrice, emploi simil. ou vend. R.L., 8, Théophile-Gautier. (Le Journal, 17 octobre)
1915 — J. FILLE instr., sténodactylo, correctrice journal, cherche emploi. Donne leçons st.-dactylo. Prix modérés. (Le Phare de la Loire, 15 octobre)
1919 — ON DEMANDE bons typos, metteur en page, correcteur ou correctrice connaissant si possible l’anglais et l’italien, imprimerie Ged, 4, rue Paradis. (Le Petit Provençal, 25 avril)
1921 — Imprimerie Lang, 75, rue Championnet, Paris, demande correctrice. Offres et référ. par écrit. (Le Journal, 11 mars)
1921 — ON DEMANDE Correcteur ou correctrice, blessé ou veuve de guerre, connaissant parfaitement le français, pour service de cinq à six heures par jour. — S’adresser au bureau du journal. (Le Nord maritime, 17 octobre)
1922 — On demande bon correcteur ou correctrice pour imprimerie Paris. Ecrire avec référ. et prétentions à Fanon, 3, rue d’Orainville, Athis-Mons (S.-et-Oise). (L’Intransigeant, 28 septembre)
1922 — On demande bonne correctrice d’épreuves. S’adr. av. références, de 9 à 10 h., Imprimerie, 20, r. Turgot (9e (L’Intransigeant, 9 octobre)
1923 — Médaille du travail (argent) — Mlle Seguin Marie-Catherine-Alphonsine, ouvrière correctrice dans la maison Paul Féron-Vrau, imprimeur de la « Bonne Presse », à Aiguiperse. (Courrier du Puy-de-Dôme, 8 avril)
1923 — Procès du renvoi injustifié de Rirette Maitrejean, correctrice d’imprimerie (article à venir).
1925 — Jeune fille, au courant rech. bibliogr., bonne correctrice épreuves, cherche emploi secrétaire dactylo. Connaît le russe. Mlle Cheinisse, 19, avenue d’Orléans, à Paris. (La Journée industrielle, 11 décembre)
1928 — CORRECTRICE épreuves imprimerie. Se prés. 4 à 6 h. Imp. Universelle, 48, r. Claude-Vellefaux. (L’Intransigeant, 10 janvier)
1929 — CORRECTEUR / ou CORRECTRICE / demandé par l’Imprimerie Darantière, rue Paul-Cabet, 13, Dijon (Le Progrès de la Côte-d’Or, 25 et 28 avril)
1929 — URGENT / Correcteur ou Correctrice, / connaissances générales et anglais, / Dactylographe habile, / pour être utilisée au clavier de machine à composer, demandés à l’Imprimerie Darantière, 13, rue Paul-Cabet, Dijon. (Le Progrès de la Côte-d’Or, 28 juillet)
1930 — Médaille du travail (vermeil, trente ans) — Mlle Groslier, correctrice à l’Imprimerie Clerc, à Saint-Amand. (La Dépêche du Berry, 1er août)
1932 — On demande jeune femme 20-25 ans, possédant brevet élémentaire pour emploi aide-correctrice. Ecrire avant se présenter / à l’Imprimerie DRAEGER, / 46, rue de Bagneux, Montrouge. (Le Journal, 28 mai)
1932 — Médaille du travail (argent) — Mme Augonnet, née Vanier Marie-Alice-Antoinette, ex-correctrice à l’imprimerie Bussière, à Saint-Amand. (La Dépêche du Berry, 28 juillet)
1932 — Médaille du travail (argent) — Mlle Allimand (Marie-Madeleine-Jeanne), correctrice à la Société anonyme de l’imprimerie Théolier, à St-Etienne. (Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 31 juillet)
1932 — Da. con. l’assurance meill. réf. d. pl. jour ou 1/2 ch. courtier, ou correctrice p. éd. art. g.d.l. Ecr. P.R. N° 8277, P.A., 25, rue Royale. (Paris-soir, 20 octobre)
1933 — Dem. place correctrice pr impression franç. ou étrang. Ecr. Irène Pesté, 43, Bd. St-Martin 3e. (Paris-soir, 29 novembre)
1936 — Médaille du travail (argent) — Mlle Charvet (Berthe), correctrice à l’imprimerie de Sceaux, à Sceaux. (Journal officiel de la République française, 16 janvier)
1936 — ON dem. une correctrice et des ouvrières estampeuses de clichés. S’ad. S.I.P., 21, r. Montsouris. (L’Intransigeant, 22 mars)
1938 — Bonne correctrice rapide pour journaux et trav. imprimerie. Place stab. Ecr. réf. prétent. M. Fabre, ab. POP, 121, r. Lafayette. (Paris-soir, 19 octobre)
1938 — Dame typographe et correctrice dem. empl. 2 ou 3 jrs p. semaine. Ecr. No 7765. Paris-soir (Paris-soir, 17 novembre)
1941 — Je terminais à peine ma fastidieuse besogne de correctrice, interrompus [sic] seulement par l’absorption rapide de deux sandwiches, que Mme Jehanne d’Irounac revint de ses agapes littéraires, rouge et congestionnée sous son fard candide. (feuilleton « Le Pirate », Alex Berry, Le Réveil du Nord, 12 avril)
Premiers enseignements de ces données
On peut être embauchée dès 15 ans, avec pour tout bagage le brevet élémentaire (qui deviendra le BEPC en 1947), être employée surtout pour comparer l’épreuve à la copie (être « aide-correctrice » ou « ouvrière correctrice »), comme être diplômée, maîtriser des langues étrangères, et proposer ses services pour des « recherches littéraires ou scientifiques pour ouvrages ou collections ».
En 1904, l’Imprimerie Arrault et Cie, à Tours, cherche exclusivement une correctrice et se déclare prête à la former. Sténodactylo, préposée aux écritures, voire dame de compagnie, sont, pour certaines de ces femmes, des « emplois similaires ».
L’histoire s’invite dans ces situations professionnelles : en 1914, une directrice d’imprimerie a fui l’occupation allemande ; en 1921, on embauche une veuve de guerre…
Les deux demoiselles, Rosalie et Joséphine Ther, à qui on remet en 1909 la médaille d’honneur du Travail ont donc déjà vingt ans de métier, ce qui date leur entrée dans l’imprimerie à 1889.
Enfin, quelles impressions de ce métier les correctrices des feuilletons ont-elles ? « Quelle vie ! » (1914) ou « fastidieuse besogne » (1941).
Affiche promotionnelle de la série Jimi ni Sugoi ! Koetsu Garu Kono Etsuko.
Le 3 mars 2017, lors de la journée professionnelle « Correcteur : un lecteur à part », à Nantes, nous avions eu la surprise de découvrir, en guise de hors-d’œuvre, un extrait d’une série japonaise narrant les aventures d’une jeune correctrice.
Il s’agissait de Jimi ni Sugoi ! Koetsu Garu Kono Etsuko (que l’on peut traduire par « La simplicité, c’est épatant56 ! La correctrice Etsuko Kono »), rebaptisée Pretty Proofreader pour la diffusion à l’étranger, inspirée d’un roman d’Ayako Miyagi.
Une comédie légère, colorée, composée de 10 épisodes de 60 minutes et d’un épisode bonus de 90 minutes – qui est, paraît-il, la véritable conclusion de l’histoire –, diffusée sur NTV en 2016. La série présente la particularité d’afficher du texte en surimpression.
Etsuko, 28 ans, rêve de devenir rédactrice dans un magazine de mode et pensait se rapprocher de son objectif en entrant dans une maison d’édition. Malheureusement pour elle, elle se retrouve affectée au service de relecture et de correction, « le moins glamour de l’entreprise ». À elle les joies de traquer les fautes d’orthographe et les incohérences dans les romans ou les articles qui vont être publiés. Malgré tout, elle fait tout pour remplir sa tâche au mieux, n’hésitant pas à partir à l’autre bout du Japon pour vérifier qu’un roman respecte bien son contexte ou à mener sa propre enquête sur une affaire traitée dans un article de revue. Finalement, le nouveau travail d’Etsuko n’est peut-être pas si inintéressant qu’il n’y paraît57 .
La curiosité et le sens du détail qu’Etsuko manifeste pour la mode, elle les met en œuvre dans son nouveau travail. Dès son embauche, elle entre en conflit avec la hiérarchie, en particulier avec le directeur littéraire, qu’elle appelle « Poulpe » – au fil des épisodes ils apprendront à se respecter. Cette jolie jeune femme a la langue bien pendue, se montre gaffeuse, et son style singulier de relecture lui fait vivre des aventures (il s’y greffe une amourette, intrigue secondaire).
Quatre images tirées de la série japonaise. Noter, sur la troisième, le texte en suimpression.
Après son succès au Japon, cette série a fait l’objet d’un remake chinois en 2019, Standing in the Time58 .
Image promotionnelle du remake chinois.
La série originale complète est disponible en France sur Rakuten Viki.
Premier roman, excellent, d’une secrétaire de rédaction et correctrice, métier qui ne l’empêche pas de prendre des libertés – créatives – avec la ponctuation et, bien sûr, avec la langue. L’autrice m’a séduit et ému. Ce récit d’un deuil est plein de vie. Ci-dessous, le seul passage où elle évoque sa situation professionnelle, « à Issy-les-Moulineaux, du nine to five sans congés ni RTT payé en droits d’auteur » (p. 92).
Le lendemain, il m’a téléphoné vers 15 heures. C’était pas normal qu’il m’appelle en pleine après-midi. Mes collègues étaient au courant de la situation mais l’affaire ne les concernait pas directement, chacun vaquait, casque sur les oreilles, à ses occupations. Je ne voulais pas déballer mon chagrin en plein open space. Ma fonction, subalterne, qui consistait à éditer des papiers sur des drames familiaux et des disparitions mystérieuses, et que venaient régulièrement ponctuer des pages « Vie pratique », me rangeait déjà, dans cette entreprise pourtant « familiale », du côté des incapables et des passifs. Une crise de larmes inopinée, même justifiée, m’aurait fait perdre le peu de crédit que j’avais gagné à m’énerver sur le bon emploi des adverbes et des points-virgules. J’ai sauvegardé les précieuses corrections effectuées sur « Cinq astuces pour un chat en bonne santé » et j’ai couru dans les toilettes pour pouvoir décrocher à temps. […]
L’histoire des correcteurs ne peut être qu’«incidiaire et conjecturale », pour reprendre des termes que j’ai entendu employer par Hervé Mazurel, à propos de son livre sur Kaspar Hauser, au festival Le Livre à Metz 2023.
« Peu nombreuses sont les correctrices affiliées à une association professionnelle ou à un syndicat : un peu plus de 1 sur 5 l’est » (ACLF, p. 13).
Notamment avec la sociologue Évelyne Sullerot, citée par M. Maruani, 1985, p. 13.
Citons principalement Jeanne Veyrin-Forrer, « Fabriquer un livre au xvie siècle », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l'édition française, t. 1, Promodis, 1982 ; et Jacques Rychner, « Le travail de l'atelier », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l'édition française, t. 2, Promodis, 1984.
Un correcteur s'exprimant anonymement dans le Bulletin de l'imprimerie en 1882 (j'y reviendrai bientôt) considère qu'être «un bachelier de seize ans » est la condition vraiment minimale pour être embauché comme correcteur.
Je n’ai pas besoin de rappeler que l’interdiction du travail des femmes reste une réalité dans d’autres pays que le nôtre.
« Les parents sont manifestement indifférents concernant l’instruction de leurs enfants, sauf dans les régions de l’Est et du Nord-Est. Les notables des villages sont souvent hostiles à l’enseignement populaire. La maison d’école est le plus souvent dans un état pitoyable. Il manque des livres et du mobilier. Le cours est donné dans le logement du maître, où habite sa propre famille, et en hiver, en pays froid, l’école se tient même dans une étable, pour profiter de la chaleur des bêtes. Les écoles sont presque vides pendant l’été, à cause du travail aux champs. Et en hiver, se rendre à l’école par les mauvais chemins peut être difficile, surtout pour les petits enfants. Tout cela ne motive pas les enfants à se rendre à l’école. L’usage des patois et des dialectes est par ailleurs tellement répandu que le français est presque considéré comme une langue étrangère, ou comme la langue des bourgeois. » — Tableau de l’instruction publique en France, 1837. « De quoi vivent les instituteurs au 19e siècle? », site Histoires d'antan et et d'à présent.
En 1890, Léon Frapié, lui-même ancien maître d'école, résume ainsi la situation dans La Maternelle : « Attends un peu femme émancipée, femme qui marche seule à la conquête du pain, femme fonctionnaire, institutrice publique (ô l'aimable expression), femme égale de l'homme, on va t'en f... de l'égalité ! Attends un peu on va te traiter en égale pour les coups à recevoir… » — « Institutrice, un sacerdoce ? », site Histoire en questions.
Sous-titre du livre d’Évelyne Sullerot Histoire et sociologie du travail féminin, en 1968, cité par M. Maruani, 1985, p. 13.
Voir l'ouvrage de Rémi Jimenes, Charlotte Guillard. Une femme imprimeur à la Renaissance, Presses universitaires François-Rabelais, 2017, disponible sous licence OpenEdition Books.
« Une disposition statutaire de la jeune Fédération du livre recommandait de s’opposer par tous les moyens légaux au travail des femmes dans les imprimeries. Il y eut des grèves pour empêcher l’embauche de personnel féminin dans les ateliers de composition, voire la mise à l’index des entreprises où les patrons passaient outre, afin de disposer d’ouvrières résignées à se satisfaire d’un maigre salaire. […] L’homme à l’atelier, la femme au foyer, l’enfant à l’école : telle était la conclusion d’un article publié dans le numéro de la Typographie française du mois d’août 1882. Des compositrices y étaient accusées [entre autres] de danser le cancan dans la tenue d’Ève […] » (Dédame, p. 235). Dans une légende, p. 236, R. Dédame ajoute : « Généralement formées dans des écoles et des imprimeries religieuses où se mettre au service de Dieu consistait à composer quasi gratuitement des œuvres de piété, les jeunes typotes étaient conditionnées pour fournir une main-d’œuvre soumise et prête à accepter un salaire avili, ainsi que le nommaient leurs collègues masculins. »
«Le 5 novembre 1901, une autre grève éclate dans l'usine pour exigence d'augmentation de salaire, 90 ouvriers se mettent en arrêt de travail. La direction recherchant des solutions, le Syndicat des Femmes Typographes (SFT), fondé par les « typotes » du journal La Fronde, installe symboliquement 15 femmes typographes aux postes vacants. En effet, depuis son Congrès de 1898, la Fédération Française des Travailleurs du Livre (FFTL) s’oppose au travail des femmes dans les ateliers de composition. Critiqué par Auguste Keufer pour rupture de la solidarité syndicale, le Syndicat est exclu de la Bourse du Travail. Le jour précédent, le 6 janvier 1902, 35 ouvriers grévistes réintégraient l'entreprise, aux côtés des ouvrières. Les ateliers Berger-Levrault marquent le début des ateliers mixtes avec égalité salariale » (Wikipédia).
« Emma Couriau, épouse du typographe Louis Couriau et elle-même « typote » depuis dix-sept ans, arrive à Lyon en 1912. Payée au tarif syndical et travaillant dans une imprimerie syndiquée, elle demande son admission à la section lyonnaise de la Fédération du Livre. Son congrès (en 1910) avait voté (74 voix contre 62) l’admission des femmes, à condition qu'après deux ans elles soient payées au tarif syndical mais aucune femme n'avait été admise. […] Auguste Keufer, secrétaire de la Fédération depuis 1885 et toujours en fonction, avait été le porte-parole des antiféministes au congrès socialiste du Havre en 1880. L'adhésion d'Emma Couriau est refusée. De plus, son mari est radié du syndicat en vertu de statuts qui interdisent « a tout syndiqué uni à une “typote” de laisser exercer à cette dernière la typographie sous peine de radiation ». Le 27 juillet 1913, l'assemblée générale de la section confirme cette décision (300 voix contre 26 et 11 abstentions). Louis Couriau demande à être admis isolément à la Fédération du Livre, mais cette demande est rejetée dans sa séance du 3 août. » « L'affaire devient une cause célèbre pour les féministes et les militant.e.s des gauches syndicalistes », dans les années 1913-1914, mais à partir de la guerre, on perd toute trace d’Emma Couriau. — « Emma Couriau » (lien Google Books), dans Sylvie Chaperon et Christine Bard, Dictionnaire des féministes. France xviiie-xxie siècle, Humensis, 2017. Voir aussi HistoLivre, p. 3-5.
« En 1840, Arnould Frémy, journaliste collaborateur au Charivari et futur professeur à la faculté de Lyon, rend compte de la création, dans le petit hameau de Saint-Gernay, entre Paris et Fontainebleau, d’une imprimerie composée exclusivement de femmes chargées des tâches de correction, d’impression et de composition. Il y voit un moyen d’émancipation pour “les pauvres bourgeoises, les petites marchandes” car, grâce à ce travail, l’ouvrière “est élevée au rang de prêtresse de ce temple sacré de l’intelligence”. » — Arnould Frémy, «L’imprimerie de Saint-Gernay », Revue de Paris, vol. 18, juin 1840, p. 285-299, citation p. 288. Cité par Jarrige, p. 213.
Dans Les Typographes parisiens ; suivis d'un petit dictionnaire de la langue verte typographique, réédité en 1883 sous le titre Dictionnaire de l'argot des typographes. Édition originale disponible sur Google Books ou réédition chez Le Mot et le Reste, 2019.
Daniel Auger a enseigné la préparation de la copie et la correction « à partir de 1962 et pendant plus de vingt-cinq ans au lycée Estienne », mais j'ignore à qui ces cours étaient destinés, car je n'ai jamais entendu parler d'un correcteur diplômé d'Estienne, avant que l'école ne rachète FORMACOM, en 2016 (« Les correcteurs ont une nouvelle école », 17 juin 2016). Je suis à la recherche d'informations complémentaires à ce sujet. Voir Qui crée les codes typographiques ?
« Première épreuve d'un texte, imprimée en colonnes sur le recto seulement, sans pagination et avec de larges marges pour les corrections et les additions » — TLF.
« De omni re scibili était la devise du fameux Pic de la Mirandole, qui se faisait fort de tenir tête, à tout venant, sur tout ce que l’homme peut savoir ; et quibusdam aliis est sans doute une addition de quelque plaisant. La devise avec son supplément est passée en proverbe et désigne ironiquement un homme qui croit tout savoir. » — « De omni re scibili et quibusdam aliis », site France-pittoresque.com.
« Ouvrier qui compose particulièrement des lignes pleines ou courantes, telles que celles des journaux, des labeurs, des brochures, etc. Se prend en bonne ou en mauvaise part. Un bon bourreur de lignes est celui qui compose habituellement et vite la ligne courante. Dire d’un ouvrier qu’il n’est qu’un bourreur de lignes, c’est dire qu’il n’est propre qu’à ce genre de besogne, qu’il ne pourrait faire ni titres, ni tableaux, ni d’autres travaux exigeant une parfaite connaissance du métier. » — Eugène Boutmy, Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883, p. 63.
« Femme savante, d'une pédanterie ridicule » — TLF.
Du nom de Victor Capoul, ténor et acteur français (1839-1924), désigne « une coiffure originale avec raie au milieu, petite frange raide plaquée sur le front et volume bouclé sur les côtés », site Grand sud !nsolite.
Il corrigeait en bon à tirer, c'est-à-dire après la correction en premières et celle en secondes, et avant la révision des tierces, étape finale. Les épreuves ayant, à ce stade, reçu le bon à tirer de l'auteur ne devaient, normalement, plus demander beaucoup de travail.
Balzac, sa vie et ses œuvres d’après sa correspondance, Paris, Librairie Nouvelle Jaccottet, Bourdilliat & Cie, 1858, réimprimé en 2005 aux éditions de l’Harmattan.
Hugues Rebell, « La Vie amoureuse de Balzac », La Plume, 1er septembre 1900, p. 10.
« Les relations entre Laure Surville et son frère Honoré… de Balzac », in Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, t. 24, 2011, p. 67-83. PDF en ligne : http://academie-de-touraine.com/Tome_24_files/067-083.pdf
Correspondance, t. 1, 12 octobre 1833. On peut légitimement douter que Balzac aurait eu le temps d’inclure les remarques de Laure car le livre est mis en vente avant la fin de cette année-là (NdA).
« Les modalités de son attribution [de cette distinction] ont été étendues, en 1866, à des personnes non enseignantes ayant rendu des services éminents à l'Éducation nationale, et elle peut, également, être accordée aux étrangers, et aux Français résidant à l'étranger, contribuant, activement, à l'expansion de la culture française dans le monde. Elle peut être décernée aux personnes qui ont fait une « contribution exceptionnelle à l'enrichissement du patrimoine culturel » : artistes, professionnels de la culture, etc. Les chevaliers doivent justifier de dix ans d'activité assortis de mérites distingués. Un officier doit justifier de cinq ans au moins dans le grade de chevalier, et un commandeur de trois ans dans le grade d'officier (art. D911-68), sauf cas exceptionnels. » — Wikipédia.
« La médaille d’honneur du travail récompense l'ancienneté des services honorables effectués ou la qualité exceptionnelle des initiatives prises par les personnes salariées ou assimilées dans l'exercice de leur profession ainsi que leurs efforts pour acquérir une meilleure qualification. La médaille d’honneur du travail remplace la médaille d’honneur du ministère du Commerce et de l’Industrie (1886), la médaille d’honneur du ministère du Travail et de la Prévoyance Sociale (1913) appelée aussi médaille d’honneur des vieux serviteurs. Il existe quatre échelons : argent, vermeil, or et grand or. Cette distinction est décernée deux fois par an à l'occasion du 1er janvier et du 14 juillet. » — Wikipédia.