Souvenirs de Jeanne Humbert, qui fut correctrice après la Seconde Guerre

Couverture du livre "La Mémoire des femmes. Sept témoignages de femmes nées avec le siècle", de Christiane Germain et Christine de Panafieu, éd. Sylvie Messinger, 1982.

Dans La Mémoire des femmes (éd. Syl­vie Mes­sin­ger, 1982), Chris­tiane Ger­main et Chris­tine de Pan­afieu ont don­né la parole à des « femmes nées avec le [xxe] siècle ». Elles « sont pas­sées de la lampe à pétrole à l’informatique, elles ont vécu deux guerres, le déve­lop­pe­ment indus­triel, l’avènement du vote des femmes, l’invention des congés payés et des lois sociales, l’arrivée de la télé­vi­sion et le voyage vers la lune ».

Par­mi ces femmes, Jeanne Hum­bert (née Rigau­din, 1890-1986). Au moment de l’entretien, elle a 91 ans et « occupe avec sa fille » un « petit appar­te­ment en sous-sol » dans le sei­zième arron­dis­se­ment de Paris. Veuve d’Eugène Hum­bert (1870-1944), grande figure du mou­ve­ment néo­mal­thu­sien, elle a publié avec lui des jour­naux mili­tants, Géné­ra­tion consciente (1908-1914) puis La Grande Réforme (1931-19391), ce qui « leur a valu des per­sé­cu­tions et des années pas­sées en pri­son ». Par­mi leurs amis de l’é­poque figure le mili­tant anar­chiste et cor­rec­teur d’im­pri­me­rie Louis Lecoin.

Eugène Humbert entre Eugénie de Bast (à g.) et Jeanne (à dr.), devant le journal "Génération Consciente", 27, rue de la Duée, Paris 20e, 1909. Debout : Eugénie de Bast. Carte postale.
Eugène Hum­bert entre ses deux com­pagnes2, Eugé­nie de Bast (à g.) et Jeanne (à dr.), devant le jour­nal Géné­ra­tion consciente, 27, rue de la Duée, Paris 20e, 1909. Carte pos­tale. Archives Jeanne Hum­bert / Ins­ti­tut inter­na­tio­nal de l’his­toire sociale d’Amsterdam.

Après la mort de son mari, « elle conti­nue à défendre leurs idées, écri­vant des bio­gra­phies des grands néo­mal­thu­siens et des articles pour les jour­naux liber­taires comme Le Réfrac­taire » (1974-1983, fon­dé et diri­gé par une autre cor­rec­trice célèbre, May Pic­que­ray3). « Je n’ai pas pu en assu­mer la direc­tion, car, à la suite de mes condam­na­tions, je suis pri­vée de mes droits civiques », a-t-elle pré­ci­sé au Monde, en 19804.

Dans le pas­sage repro­duit ci-des­sous, Jeanne Hum­bert évoque son expé­rience de cor­rec­trice d’im­pri­me­rie après guerre, expé­rience que ne men­tionnent ni sa fiche Wiki­pé­dia ni celle du Mai­tron.

« J’ai com­men­cé à tra­vailler à dix-huit ans. Avant, j’a­vais fait des études. D’a­bord à l’é­cole [jus­qu’au cer­ti­fi­cat d’é­tudes pri­maires5], ensuite, j’ai pris des cours par­ti­cu­liers de sté­no et de dac­ty­lo­gra­phie chez un pro­fes­seur, qui était une ancienne ensei­gnante. En plus des cours de sté­no­gra­phie, elle m’en­sei­gnait la phi­lo­so­phie, parce qu’elle sen­tait que je m’in­té­res­sais à ça. […] Si j’ai choi­si la for­ma­tion de secré­taire, c’est parce que je ne voyais pas d’autre embauche. [Elle a aus­si fré­quen­té les uni­ver­si­tés populaires.]

[…]

« Après la mort de mon mari [« tué le 25 juin 1944 dans le bom­bar­de­ment [amé­ri­cain] de l’hô­pi­tal d’A­miens »], j’ai tra­vaillé pen­dant cinq ans comme cor­rec­trice dans une impri­me­rie, rue Laffit[t]e [Paris 9e]. Plus tard, j’ai cor­ri­gé une par­tie de la Pléiade pour Gal­li­mard, et des bre­vets pour l’Im­pri­me­rie Natio­nale. Cela, je le fai­sais à la maison.

Jeanne et Eugène Humbert vers 1934. Photographie.
Jeanne et Eugène Hum­bert vers 1934. « Pen­dant [les] entre­tiens, elle se tient assise à côté du por­trait de son mari qui semble être pré­sent plus de trente-cinq ans après sa mort. » Archives Jeanne Hum­bert / Ins­ti­tut inter­na­tio­nal de l’his­toire sociale d’Amsterdam.

« À l’im­pri­me­rie, j’é­tais avec de jeunes col­lègues. Ils tra­vaillaient un peu dans le désordre. Je leur disais : « Il faut pro­cé­der de façon régu­lière et ration­nelle. » On cor­ri­geait des copies à très petits carac­tères. Quand ils allaient les cher­cher chez les typo­graphes, ils com­men­çaient par ce qu’il y avait de plus facile. Je leur racon­tais que lorsque j’é­tais petite, ma mère me disait : « Dans le tra­vail, il faut que tu com­mences par le plus dif­fi­cile, après ça ira tout seul. »

Un petit bureau mal aéré près des toilettes

« À l’im­pri­me­rie, je tra­vaillais dans un bureau minus­cule à la lumière élec­trique toute la jour­née. Il y avait une petite fenêtre en hau­teur, qui s’ou­vrait sur le cou­loir qui nous sépa­rait de la grande salle des machines, de la salle où il y avait les typos, le marbre et l’a­te­lier des lino­types. Le cou­loir don­nait sur la rue et, à côté de la porte, il y avait des cabi­nets. J’aime mieux vous dire que la concierge ne les soi­gnait pas par­ti­cu­liè­re­ment, et il fal­lait tou­jours vivre portes et fenêtres fer­mées. J’ai vécu là-dedans pen­dant cinq ans, sans me repo­ser une seule jour­née, sans être malade jamais. Sou­vent, quand il était six heures, on me disait que du tra­vail venait d’ar­ri­ver. Et on me deman­dait si je pou­vais don­ner une ou deux heures de plus. Au lieu de m’en aller à dix-huit heures, je par­tais à vingt heures. On com­men­çait à huit heures. Je me levais à six heures pour faire ma toi­lette ; je par­tais à sept heures. Je pre­nais mon petit déjeu­ner à côté du Temps, sur les bou­le­vards6. À midi, une heure de bat­te­ment, pas le temps de ren­trer. J’al­lais dans une bras­se­rie, prendre un thé avec une tartine.

« L’im­pri­me­rie n’a­vait pas de crèche, il n’y avait pas d’a­van­tages sociaux. J’a­vais des assu­rances sociales, et j’é­tais payée comme un homme. Il y avait un cor­rec­teur de pre­mière, qui fai­sait la « morasse », la der­nière cor­rec­tion. Il tou­chait un peu plus que nous. Quand il par­tait en vacances, c’est moi qui fai­sais son tra­vail et c’est moi qui tou­chais son salaire. Il y avait des typo­graphes, des lino­ty­pistes, beau­coup étaient des femmes. Les hommes se renou­ve­laient sou­vent. On voyait beau­coup d’i­vrognes dans cette cor­po­ra­tion. Avant d’y entrer, je me disais que ce devait être une cor­po­ra­tion tout de même assez évo­luée, parce qu’elle tra­vaille dans ce qui s’im­prime. J’ai été déçue. Et quand je pense aux fautes que fai­saient ces gens dans leurs copies ! »

☞ À com­pa­rer au Témoi­gnage de M. Dutri­pon, cor­rec­teur d’épreuves, 1861.


  1. Source des dates : Pas­taud. ↩︎
  2. Pré­ci­sion don­née par Télé­ra­ma : Tho­mas Bécard, « Jeanne Hum­bert, une enra­gée sur le front de la régu­la­tion des nais­sances », publié le 30 avril 2021, mis à jour le 27 février 2023. Consul­té le 22 mars 2025. ↩︎
  3. Voir « Cor­rec­teurs et cor­rec­trices célèbres ». ↩︎
  4. Fran­cis Ron­sin, « Les com­bats anti­na­ta­listes de Jeanne Hum­bert, l’in­sou­mise », Le Monde,  23 juin 1980. Consul­té le 22 mars 2025. ↩︎
  5. Selon Wiki­pé­dia. ↩︎
  6. Il s’a­git déjà du jour­nal Le Monde, puisque Le Temps s’est sabor­dé le 28 novembre 1942. « Après guerre, le jour­nal est visé par l’or­don­nance du 30 sep­tembre 1944 sur les titres ayant paru sous l’oc­cu­pa­tion de la France par l’Al­le­magne, ses locaux situés no 5 de la rue des Ita­liens sont réqui­si­tion­nés et son maté­riel est sai­si. Le Monde, qui com­mence à paraître en 1944, sera le béné­fi­ciaire de cette confis­ca­tion : la typo­gra­phie et le for­mat res­te­ront long­temps héri­tés du Temps. » (Wiki­pé­dia.) ↩︎

La féminisation du métier de correcteur : une synthèse

Le cassetin féminin du quotidien suisse "Le Temps". Image tirée du reportage "Les Correctrices de presse sous l’œil des cinéastes" (2018)
Le cas­se­tin fémi­nin du quo­ti­dien suisse Le Temps. Image tirée du repor­tage Les Cor­rec­trices de presse sous l’œil des cinéastes (2018), à voir sur le site du journal.

Chaque fois (ou presque) que je publie un docu­ment ancien mon­trant des cor­rec­teurs au tra­vail, je reçois un com­men­taire s’exclamant qu’il n’y a « pas beau­coup de femmes ». J’ai donc fini par pro­mettre un article sur la ques­tion. Le voici.

Racon­ter la fémi­ni­sa­tion du métier de cor­rec­teur, c’est avant tout replon­ger dans l’histoire de l’éducation des filles et dans l’histoire du tra­vail des femmes. Le cas par­ti­cu­lier des cor­rec­trices ne peut venir que dans un second temps. N’étant pas his­to­rien de for­ma­tion (mais cor­rec­teur, faut-il le rap­pe­ler ?), je me conten­te­rai de four­nir ici des jalons. Je vais ras­sem­bler un fais­ceau d’indices1 plu­tôt que de rédi­ger un récit séquen­tiel. On trou­ve­ra donc ci-des­sous beau­coup de liens et de notes en bas de page. Cha­cun pour­ra y pui­ser à son gré. Je vous prie de consi­dé­rer ce texte comme un tra­vail en cours. Il pour­rait aus­si encou­ra­ger d’anciennes cor­rec­trices à m’apporter leur pré­cieux témoi­gnage. D’a­vance, bienvenue !

Un monde largement méconnu

Rap­pe­lons, pour com­men­cer, que nous igno­rons com­bien nous sommes, nous les cor­rec­teurs. Nous ne l’avons jamais su. D’abord, parce la Sta­tis­tique géné­rale de la France, future Insee (1946), est une inven­tion récente (1840). Ensuite, parce que la cor­rec­tion a tou­jours eu sa part d’amateurs, de béné­voles2, d’employés tran­si­toires (étu­diants3) ou de per­sonnes cher­chant un com­plé­ment de reve­nus (ensei­gnants, notam­ment). Aujourd’­hui encore, la diver­si­té des sta­tuts des cor­rec­teurs (sala­rié, tra­vailleur à domi­cile, entre­pre­neur indi­vi­duel…) empêche de les comptabiliser. 

L’or­ga­ni­sa­tion syn­di­cale des cor­rec­teurs est récente aus­si (1881) et le nombre d’adhérents n’est pas repré­sen­ta­tif de la popu­la­tion géné­rale4

De plus, peu de temps sépare les débuts de l’histoire du tra­vail fémi­nin (années 19605) des débuts de l’his­toire des ate­liers d’imprimerie (années 19706).

« […] les cor­rec­teurs n’ont jamais été pré­ci­sé­ment recen­sés en France » (ACLF). Nous n’en connais­sons donc ni le nombre, ni les divers pro­fils. Les infos les plus récentes dont nous dis­po­sons viennent d’une enquête menée par l’ACLF en mars-juin 2022. Des 490 réponses reçues, il res­sort que 83 % des cor­rec­teurs sont des femmes, plu­tôt urbaines (65 %), très diplô­mées (48 % ont bac+5), exer­çant sous le sta­tut d’in­dé­pen­dante (67 %). On lira à pro­fit le rap­port complet. 

Mais un fait nous éclaire aisé­ment sur la chro­no­lo­gie à venir : la célèbre école Estienne, qui forme aux métiers du livre à Paris, a ouvert ses classes aux gar­çons en 1889, mais n’a accep­té les jeunes filles qu’à par­tir de 1972. 

Pour que les femmes puissent deve­nir cor­rec­trices, il fal­lait trois conditions :

  • qu’elles reçoivent l’éducation néces­saire, au moins jusqu’à 16 ans7 ;
  • qu’elles aient le droit de tra­vailler8 ;
  • que les impri­me­ries les embauchent. 

Il fal­lait aus­si que les femmes soient libres de leurs choix en matière de vie conju­gale et de mater­ni­té, sans oublier l’al­lè­ge­ment de la vie domes­tique par l’élec­tro­mé­na­ger

1. L’éducation des filles

À la veille de la Révo­lu­tion, les femmes étaient anal­pha­bètes à 73 %, contre 53 % des hommes (His­to­Livre). 

Avant la révo­lu­tion indus­trielle, la France est un pays très majo­ri­tai­re­ment rural, et l’éducation des enfants, filles ou gar­çons, n’est pas la prio­ri­té des parents9

Le prin­cipe d’égal accès à l’éducation pour tous n’est éta­bli qu’à la fin du xixe siècle… mais la teneur de l’é­du­ca­tion, elle, reste inégale. 

« Si la loi Camille Sée crée en 1880 un sys­tème d’en­sei­gne­ment secon­daire public des­ti­né aux jeunes filles, il reste dans l’es­prit de ses ini­tia­teurs un ensei­gne­ment typi­que­ment fémi­nin au conte­nu adap­té, plus court que l’en­sei­gne­ment mas­cu­lin et ne don­nant pas accès au bac­ca­lau­réat » (Gal­li­ca10).

L’objectif poli­tique de l’é­du­ca­tion des filles n’est, d’ailleurs, pas de per­mettre aux femmes de travailler.

Le pro­gramme de Camille Sée est on ne peut plus clair : « Il faut choi­sir ce qui peut leur être le plus utile, insis­ter sur ce qui convient le mieux à la nature de leur esprit et à leur future condi­tion de mère de famille, et les dis­pen­ser de cer­taines études pour faire place aux tra­vaux et aux occu­pa­tions de leur sexe. Les langues mortes sont exclues [alors que le latin est encore très deman­dé dans les impri­me­ries] ; le cours de phi­lo­so­phie est réduit au cours de morale ; et l’en­sei­gne­ment scien­ti­fique est ren­du plus élé­men­taire » (Wiki­pé­dia). 

Pour Jules Fer­ry, « l’école pri­maire peut et doit faire aux exer­cices du corps une part suf­fi­sante pour pré­pa­rer et pré­dis­po­ser […] les filles aux soins du ménage et aux ouvrages de femme ». Quant au tra­vail manuel, il a pour objec­tif « de leur faire acqué­rir les qua­li­tés sérieuses de la femme de ménage et de les mettre en garde contre les goûts fri­voles ou dan­ge­reux » (Wiki­pé­dia). 

De plus, le chan­ge­ment ne s’o­père pas du jour au len­de­main. 1) « […] les filles sont la plu­part du temps ins­truites par les congré­ga­tions ou les cou­vents ; » 2) « entre la pro­mul­ga­tion de la loi et sa mise en œuvre, il existe aus­si par­fois des délais assez longs » : par exemple, une ville comme Angers n’a ouvert son pre­mier col­lège pour filles qu’en 1913 (Wiki­pé­dia).

Les pre­mières ins­ti­tu­trices étaient par­fois mal consi­dé­rées, voire mal­trai­tées11

En 1924, le pro­gramme sco­laire pour les filles dans le secon­daire rejoint celui des gar­çons et le bac­ca­lau­réat (condi­tion d’accès à l’université) leur est accessible.

La mixi­té des éta­blis­se­ments sco­laires ne se déve­loppe qu’à par­tir des années 1960 (Wiki­pé­dia).

2. Le travail des femmes

« Depuis six mille ans qu’il y a des femmes et qui tra­vaillent12… », on pour­rait pen­ser qu’il y a des cor­rec­trices dans les impri­me­ries depuis longtemps. 

On sait aujourd’hui que le tra­vail fémi­nin était très pré­sent dans la socié­té médié­vale13, mais c’est jus­te­ment à la Renais­sance, période où naît l’impri­me­rie en Europe, que les femmes perdent nombre de métiers qu’elles exer­çaient au Moyen Âge. « Exclues des droits de suc­ces­sion, elles le sont aus­si de nom­breuses cor­po­ra­tions. […] Reje­tées des ate­liers, elles se replient sur le tra­vail à domi­cile qui va pro­li­fé­rer jusqu’au xixe siècle » (Marua­ni, 1985, p. 14). On ver­ra plus loin que ce mou­ve­ment reste actuel.

« La seconde moi­tié du xxe siècle a été por­teuse, dans l’en­semble des pays déve­lop­pés et tout par­ti­cu­liè­re­ment en France, de trans­for­ma­tions sociales majeures pour les femmes : liber­té de l’a­vor­te­ment et de la contra­cep­tion, droit de vote et pari­té, crois­sance spec­ta­cu­laire de la sco­la­ri­té et de l’ac­ti­vi­té pro­fes­sion­nelle » (M. Marua­ni, 2005).

Sans détailler l’histoire du tra­vail des femmes, je vais don­ner quelques dates (d’a­près Hel­lo Work (6 mars 2023) — sauf autre men­tion —, auquel je ren­voie pour l’ex­pli­ca­tion détaillée). 

  • 1907 droit pour les femmes mariées à dis­po­ser de leur salaire 
  • 1909 adop­tion du congé maternité 
  • 1920 « La loi auto­rise les femmes à adhé­rer à un syn­di­cat sans l’au­to­ri­sa­tion mari­tale » (His­to­Livre, p. 5).
  • 1946 fin du salaire féminin
  • 1965 auto­no­mie finan­cière et liber­té de travailler 
  • 1975 inter­dic­tion de la dis­cri­mi­na­tion à l’embauche
  • 1983 l’égalité pro­fes­sion­nelle comme principe
  • 1986 fémi­ni­sa­tion des noms de métiers (que l’Académie admet en 201914 !).

« La part des femmes dans la popu­la­tion active n’a ces­sé d’augmenter au cours du xxe siècle. Entre 1968 et 1990, le pour­cen­tage de femmes actives en France aug­mente for­te­ment pas­sant de 31 à 43 %. Cela est prin­ci­pa­le­ment dû aux Trente Glo­rieuses et à l’arrivée de la socié­té de consom­ma­tion, mais éga­le­ment au déve­lop­pe­ment de l’instruction des femmes » (Météo­job).

3. L’embauche de femmes dans les imprimeries

Mais à l’imprimerie ce n’était pas gagné. 

S’il y a tou­jours eu des femmes dans les impri­me­ries, c’é­tait dans l’ombre de leur mari ou de leur père15.

Portrait de Madeleine Plantin (musée Plantin-Moretus).
Por­trait de Made­leine Plan­tin (musée Plantin-Moretus).

L’his­toire a rete­nu de belles excep­tions au xvie siècle : Char­lotte Guillard, « deux fois veuve d’imprimeurs, qui diri­gea une impri­me­rie de 1537 à 155716 », ou les filles de Chris­tophe Plan­tin, qui « ont appris à lire et à écrire dès leur plus jeune âge. À cinq ans déjà, elles aidaient à cor­ri­ger les épreuves à l’atelier17. » « Made­leine, la qua­trième, était la plus habile : elle lisait les textes hébreux, syriaques et grecs18. »

Noter aus­si, au prin­temps 1793, le cas de Mme de Bas­tide ouvrant, à Paris, une école typo­gra­phique pour les femmes, qui accueille 60 jeunes femmes. Mais « on n’a plus de nou­velles de l’é­ta­blis­se­ment après avril 1795 sous le Direc­toire » (His­to­Livre, p. 5-6).

1849 Léga­li­sée après dix ans d’exis­tence, la Socié­té de secours mutuels typo­gra­phique pari­sienne adopte « un règle­ment pré­cis pré­voyant notam­ment (art. 116) l’exclu­sion des femmes, pour­tant peu nom­breuses dans la pro­fes­sion » (Jar­rige, p. 211). Une com­mis­sion revien­dra sur cette déci­sion en 1867 (ibid., p. 213).

1855 Pri­mé à l’Exposition inter­na­tio­nale de Paris, le pia­no­type, une des pre­mières machines à com­po­ser, est pré­sen­té « comme pou­vant être serv[i] par du per­son­nel fémi­nin » (Wiki­pé­dia). « Dans La Réforme […], Étienne Ara­go explique sans détour que “l’a­van­tage que cette inven­tion pour­rait offrir aujourd’­hui, ce serait de pou­voir rem­pla­cer les hommes par des femmes [payées moi­tié moins que les hommes] et des enfants” » (Jar­rige, p. 205).

La même année, « on assiste pour la pre­mière fois à l’intro­duc­tion des femmes dans une impri­me­rie pari­sienne » (Jar­rige, p. 213).

1877 « […] dans l’a­te­lier de l’a­gence Havas […] les cinq machines à com­po­ser sont conduites par des femmes (Jar­rige, p. 214).

1881 Une dis­po­si­tion sta­tu­taire de la jeune Fédé­ra­tion du livre recom­mande de « s’opposer par tous les moyens légaux au tra­vail des femmes dans les impri­me­ries »19.

En 1897 appa­raît La Fronde (de Mar­gue­rite Durand), « pre­mier jour­nal fran­çais entiè­re­ment conçu et diri­gé par des femmes ». Il sera « un outil majeur du déve­lop­pe­ment du fémi­nisme en France durant six ans » (His­to­Livre, p. 10-11).

1901 Affaire Ber­ger-Levrault : face à une grève de 90 ouvriers dans son impri­me­rie, à Nan­cy, la direc­tion ins­talle 15 femmes typo­graphes aux postes vacants. Les hommes les consi­dé­re­ront comme des « sar­ra­sines » ou bri­seuses de grève, et l’af­faire res­te­ra long­temps dans les mémoires20.

1912 Affaire Emma Cou­riau : bien qu’elle soit typo­graphe depuis dix-sept ans et payée à l’é­gal d’un homme, son admis­sion à la sec­tion lyon­naise de la Fédé­ra­tion du Livre est refu­sée. De plus, son mari est radié du syn­di­cat21.

« Les femmes ne seront admises qu’en 1919 dans les rangs de la com­po­si­tion, mais au cin­quième des effec­tifs. […] Après la guerre […] on ne pou­vait plus igno­rer leur capa­ci­té de faire le tra­vail des hommes mobi­li­sés, ni pri­ver de res­sources celles dont le mari avait été tué » (Dédame, p. 235). 

« Les évé­ne­ments de 1936 marquent une évo­lu­tion dans l’attitude des ouvriers du Livre à la syn­di­ca­li­sa­tion des femmes, par­ti­cu­liè­re­ment dans les sec­tions pari­siennes : les adhé­sions des femmes sont nom­breuses et elles sont sou­te­nues par les diri­geants syn­di­caux » (His­to­Livre, p. 2).

Comme on le voit, le milieu très « macho22 » de l’im­pri­me­rie a for­te­ment résis­té à l’ar­ri­vée des femmes en son sein.

« Jusqu’au milieu du xxe siècle, le per­son­nel fémi­nin du livre n’était admis qu’aux tâches jugées subal­ternes dont fai­saient par­tie le bro­chage (les pre­miers livres bro­chés datent de 1841) et la fini­tion. Pour­tant, les femmes déployaient une incom­pa­rable dex­té­ri­té dans : le comp­tage des feuilles, la pliure des cahiers, leur encar­tage l’un dans l’autre (ou, au contraire, leur désen­car­tage), leur col­la­tion­ne­ment, leur assem­blage, la cou­ture des dos, leur col­lure ain­si que, dans les ate­liers de presse, le pliage et la mise sous bande adres­sée (à la vitesse de cinq jour­naux à la minute) pour les abon­nés ! » (Dédame, p. 226)

Une linotypiste. Châtelaudren, atelier des linotypistes, Le Petit écho de la mode, 1938. | LE PETIT ÉCHO DE LA MODE, LEFF COMMUNAUTÉ.
Châ­te­lau­dren, ate­lier des lino­ty­pistes, Le Petit écho de la mode, 1938. | LE PETIT ÉCHO DE LA MODE, LEFF COMMUNAUTÉ.

Mais dans la seconde moi­tié du xixe siècle, la plu­part de ces tâches seront méca­ni­sées, et « le recours au savoir-faire des femmes étant plus réduit… la pro­fes­sion ten­dit à se mas­cu­li­ni­ser » (ibid.).

Même l’ar­ri­vée de la Lino­type ne par­vient pas à cas­ser le mono­pole mas­cu­lin (Jar­rige, p. 220).

« Dans les années 1910, pour­tant, près de 18 % des ouvriers du Livre sont des ouvrières » (His­to­Livre, p. 4). D’a­près Fré­dé­ric Bar­bier23, elles étaient 6,7 % en 1847.

C’est, en fait, l’ar­ri­vée de la pho­to­com­po­si­tion et de l’in­for­ma­tique, dans les années 1970, qui sera déter­mi­nante. Je vais y reve­nir plus bas. 

Et les correctrices, alors ?

1840 Un jour­na­liste fait état de l’existence d’un ate­lier d’imprimerie entiè­re­ment fémi­nin, cor­rec­tion com­prise, entre Paris et Fon­tai­ne­bleau24.

1869 Pour Pierre Larousse (Grand Dic­tion­naire uni­ver­sel du xixe siècle, t. 5), en matière de typo­gra­phie, le cor­rec­teur (« employé char­gé de lire les épreuves et de mar­quer les fautes com­mises soit par le com­po­si­teur, soit par l’au­teur lui-même ») n’a pas de pen­dant féminin.

1884 Pre­mières annonces d’emploi de cor­rec­trice, selon mes propres recherches. 

1884, tou­jours : un jour­na­liste du Gil Blas écrit, à pro­pos de l’école pri­maire supé­rieure de jeunes filles de la rue de Jouy (Paris 4e) que ses élèves « sont aptes […] à être cor­rec­trices d’imprimerie. Voir mon article : 

1904 Quand elles se marient, les cor­rec­trices com­mencent à décla­rer leur pro­fes­sion dans les avis publiés dans les jour­naux, là aus­si selon mes propres recherches.

La posi­tion de cer­tains cor­rec­teurs n’est pas plus favo­rable que celle des typo­graphes. Voir la lettre d’Armand Dau­by dans mon article :

Le cor­rec­teur Eugène Bout­my a pré­cé­dem­ment écrit, en 187425 (en seconde posi­tion der­rière le « cor­rec­teur amateur » !) : 

« Le cor­rec­teur femme existe aus­si ; mais cette espèce, du reste très rare, n’apparaît jamais dans l’atelier typo­gra­phique ; on ne l’entrevoit qu’au bureau du patron ou du prote. Nous n’en par­le­rons pas… par galan­te­rie » (p. 48).

« […] nous sommes de l’avis de MM. les typo­graphes qui, plus moraux que les mora­listes, trouvent que la place de leurs femmes et de leurs filles est plu­tôt au foyer domes­tique qu’à l’atelier de com­po­si­tion, où le mélange des deux sexes entraîne ses suites ordi­naires. […] L’admission des femmes dans la typo­gra­phie a eu un autre résul­tat fâcheux : elle a fait dégé­né­rer l’art en métier. Pour s’en convaincre, il suf­fit d’examiner les ouvrages sor­tis des impri­me­ries où les femmes sont à peu près exclu­si­ve­ment employées » (p. 75-76).

Même Louis-Emma­nuel Bros­sard, en 192426, citant pour­tant les exemples de Char­lotte Guillard et des filles de Plan­tin, et esti­mant « par trop vif et trop radi­cal l’arrêt ren­du par Bout­my », ter­mine son para­graphe sur la ques­tion (3 pages sur 587) ainsi : 

« Il faut évi­ter le « cor­rec­teur femme », la chose est enten­due, mais, quand le mal existe, il n’est pas néces­saire de l’exaspérer par une lutte ouverte ou par le mépris décla­ré […] (p. 131).

On peut voir là un mince progrès… 

L’hon­neur est sau­vé par une voix dis­cor­dante, lors de l’af­faire Emma Cou­riau (voir plus haut), en 1913 :

« Dans La Bataille syn­di­ca­liste, Alfred Ros­mer, cor­rec­teur et chro­ni­queur, écrit : “Il serait temps que les cama­rades aban­donnent la men­ta­li­té anté­di­lu­vienne que leur donne une si étrange concep­tion des rap­ports qui doivent exis­ter entre l’homme et la femme. Est-il si dif­fi­cile d’admettre que la femme peut agir par elle-même et qu’elle a voix au cha­pitre quand il s’agit de régler sa vie et sa des­ti­née”. » (His­to­Livre, p. 5).

Dans les années 1970, la pho­to­com­po­si­tion et l’in­for­ma­tique marquent une révo­lu­tion. C’est un bou­le­ver­se­ment pour les typo­graphes (c’est la fin du plomb), mais aus­si pour les cor­rec­teurs, comme l’a racon­té Claire Clou­zot en 1981 dans un film, L’Homme fra­gile, alors que chez Fran­çois Truf­faut, deux ans plus tôt (L’A­mour en fuite), la cage de verre enfer­mait tou­jours deux hommes au cœur de l’imprimerie.

C’est la socio­lo­gie qui nous enseigne le plus sur cet épi­sode. Dans un livre de 1985 (aujourd’­hui épui­sé), Mar­ga­ret Marua­ni raconte, sur 16 pages, « l’histoire du Cla­vier Enchaî­né », nom qu’elle a don­né à un quo­ti­dien régio­nal sur lequel elle a enquê­té pen­dant quinze ans. Une suc­ces­sion de péri­pé­ties dif­fi­cile à résu­mer en quelques lignes… 

Dans cette rédac­tion, l’entrée de l’ordinateur, en 1969, a été accom­pa­gnée de l’embauche d’une dou­zaine de dac­ty­los (que l’in­for­ma­tique a rebap­ti­sées cla­vistes), qui tra­vaillaient plus vite que les cor­rec­teurs en place tout en étant payées un tiers de moins. « Une pro­fes­sion fémi­nine, déva­lo­ri­sée, déqua­li­fiée et sous-payée s’est créée à côté et en marge des métiers mas­cu­lins. » Au fil des années, entre grève des ouvriers du livre en 1969 (pour obte­nir la garan­tie de leur emploi et le mono­pole sur la jus­ti­fi­ca­tion et la cor­rec­tion des textes) et grève des cla­vistes en 1983 (pour obte­nir éga­li­té de salaire et de condi­tions de tra­vail), les deux camps se sont pro­gres­si­ve­ment rejoints. Deux mondes qu’au départ tout sépa­rait, même un mur… Tout le monde a fini sur le même cla­vier, dans la même conven­tion col­lec­tive (celle des ouvriers du livre) ; les cla­vistes, après une courte for­ma­tion, sont deve­nues cor­rec­trices. Pour les hommes, c’était la peur de la concur­rence et la « fin du métier » ; pour les femmes, un sen­ti­ment de dif­fé­rence et d’exclusion. 

L’histoire du Cla­vier Enchaî­né (par laquelle Mar­ga­ret Marua­ni illustre la construc­tion sociale des dif­fé­rences hommes/femmes dans le monde du tra­vail) s’arrête là. Ce qui suit, dans la presse, pari­sienne en par­ti­cu­lier, ce sont les plans de départ pour la famille des « typos » (lino­ty­pistes, typo­graphes et cor­rec­teurs), peu à peu rem­pla­cée par une popu­la­tion majo­ri­tai­re­ment fémi­nine, moins avan­ta­gée et moins bien payée.

Cepen­dant, la pré­do­mi­nance mas­cu­line chez les cor­rec­teurs a peut-être duré plus long­temps qu’on l’i­ma­gine, à en croire les quelques indices suivants : 

« Quand je suis arri­vée en presse (en 1979), il y avait très peu de femmes. Les quelques cor­rec­trices de l’imprimerie avaient un suc­cès fou », raconte Annick Béjean (dans Repi­ton et Cas­sen). Lire la par­tie de son témoi­gnage que j’ai déjà publiée.

Mais il faut lire aus­si les pages de son récit, tein­té de nos­tal­gie, qui res­ti­tuent un monde dis­pa­ru, celui des typos et de leur mili­tan­tisme vigou­reux (dont l’é­pi­sode le plus mar­quant est la grève du Pari­sien libé­ré, qui dura vingt-huit27 à trente mois28, de 1975 à 1977). 

En 1983, entrant comme jeune typo­graphe à France-Soir, Isa­belle Mon­thier découvre :

« Troi­sième étage. Un grand ate­lier. Des hommes, des hommes par­tout. […]
« Le cas­se­tin (le car­ré ou l’atelier) des cor­rec­teurs. […] Trois femmes envi­ron pour une ving­taine d’hommes » (Repi­ton et Cas­sen, p. 136). 

En mars 1994, l’ARCI (Asso­cia­tion romande des cor­rec­trices et cor­rec­teurs d’im­pri­me­rie, Lau­sanne) déclare encore qu’elle « manque de col­lègues fémi­nines » et lance un appel dans un jour­nal fémi­niste29

Étapes récentes

Jusqu’en 1978 (créa­tion de l’é­cole COFORMA par le Syn­di­cat des cor­rec­teurs30), le métier s’apprenait exclu­si­ve­ment auprès de ses pairs31. Or, com­ment se for­mer à un métier dont l’accès vous est inter­dit ou difficile ? 

Quand elle raconte son entrée à La Croix, chez Bayard Presse (qu’elle appelle Le Cru­ci­fix et Lan­ce­lot), à la fin des années 1970, Vani­na (pseu­do­nyme) écrit :

« […] le choix de recru­ter en prio­ri­té des femmes pour sai­sir et cor­ri­ger les textes n’existe nulle part ailleurs dans la PQN (la presse quo­ti­dienne dite natio­nale, et en fait pari­sienne). […] Les femmes y sont depuis entrées en masse – jusqu’à for­mer au moins la moi­tié des effec­tifs dans les cas­se­tins de cor­rec­tion […] » (p. 24). 

La sai­sie des textes sur micro-ordi­na­teur (milieu des années 1980) par les auteurs eux-mêmes32 ayant fait dis­pa­raître, à leur tour, les cla­vistes, elles ont dû se recon­ver­tir. Cer­taines ont choi­si la cor­rec­tion, comme l’a­vaient déjà fait cer­taines « typotes ». 

Paral­lè­le­ment, cor­rec­teurs et cor­rec­trices sont pous­sés hors des murs des mai­sons d’édition :

Une correctrice travaillant chez elle. Illustration créée avec Midjourney.
Cor­rec­trice tra­vaillant chez elle. Illus­tra­tion créée avec Midjourney.

« […] au début des années 1980 […] le prix tou­jours plus éle­vé du mètre car­ré pari­sien [entre autres rai­sons] incite […] beau­coup d’éditeurs à sup­pri­mer leur ser­vice de relec­ture interne afin de réa­li­ser des éco­no­mies. Ils décident de payer désor­mais à la pige, et à un tarif bien sûr infé­rieur, la pré­pa­ra­tion de copie. Ils chassent donc de leurs murs les lec­teurs-cor­rec­teurs ; et, confron­tés à la menace du chô­mage, cer­tains de ceux-ci acceptent d’être licen­ciés puis réem­bau­chés avec la sous-qua­li­fi­ca­tion de cor­rec­teur à domi­cile. 
« Les cor­rec­teurs déjà pigistes se voient quant à eux pro­po­ser d’effectuer éga­le­ment la pré­pa­ra­tion de copie – selon les modes de rému­né­ra­tion les plus divers, mais tous illé­gaux puisque ce bou­lot n’est pas pré­vu par la conven­tion comme pou­vant se faire à la mai­son. […] » (Vani­na, p. 53).

« Des trans­for­ma­tions struc­tu­relles propres au domaine du livre et de la presse expli­que­raient que les cor­rec­trices soient de moins en moins inté­grées dans les entre­prises : recom­po­si­tions édi­to­riales ; choix bud­gé­taires ciblés ; asso­cia­tions de mai­sons en grandes enti­tés ou rachats ; fusion de cer­tains corps de métier ; abon­dance et sur­charge de la pro­duc­tion édi­to­riale…
« De plus, les évo­lu­tions liées à l’informatisation des métiers sont très cer­tai­ne­ment à prendre en compte, notam­ment l’apparition de la publi­ca­tion assis­tée par ordi­na­teur (PAO), qui a décloi­son­né des métiers aupa­ra­vant très dis­tincts et hau­te­ment spé­cia­li­sés, et le per­fec­tion­ne­ment des logi­ciels de cor­rec­tion » (ACLF, p. 8). 

La créa­tion de la microen­tre­prise (2008) et le déve­lop­pe­ment du télé­tra­vail (sur­tout depuis la pan­dé­mie de Covid-19) ont fait le reste. 

Cela pousse cer­taines cor­rec­trices à se deman­der si le métier est pré­caire parce que fémi­nin, ou fémi­nin parce que précaire… 

Voi­là, d’a­près mes lec­tures et recherches à ce jour, les fac­teurs expli­quant que le métier de cor­rec­teur, qua­si exclu­si­ve­ment mas­cu­lin durant cinq siècles, pré­sente aujourd’­hui — notam­ment sur les réseaux sociaux — un visage très lar­ge­ment féminin. 

Il y aurait, dans cette his­toire, d’autres aspects à trai­ter, notam­ment la ques­tion de l’hy­giène dans les ate­liers, plus sen­sible encore pour les femmes que pour les hommes, mais je ne peux pas étendre ce texte déjà trop long. Cela fera peut-être l’ob­jet d’un pro­chain article… 

PS — On me sug­gère d’a­jou­ter que, dans la presse, les secré­taires de rédac­tion, métier où les femmes sont aus­si nom­breuses, tend à rem­pla­cer les cor­rec­teurs. J’ai déjà consa­cré un article au métier de « SR ». 


Sources : 

ACLF : « Rap­port d’en­quête “Pro­fes­sion : cor­rec­teur” », juillet 2021.

Dédame, Roger : Les Arti­sans de l’é­crit. Des ori­gines à l’ère du numé­rique, « Rivages des Xan­tons », Les Indes savantes, 2009.

His­to­Livre : n° 28, novembre 2022, consa­cré aux femmes dans l’im­pri­me­rie, Ins­ti­tut CGT d’his­toire sociale du Livre pari­sien (numé­ro pas encore publié sur leur page Cala­méo).

Jar­rige, Fran­çois, « Le mau­vais genre de la machine. Les ouvriers du livre et la com­po­si­tion méca­nique (France, Angleterre,1840-1880) », Revue d’histoire moderne & contem­po­raine, 2007/1 (no 54-1), p. 193-221. Article que je recom­mande particulièrement.

Marua­ni, Mar­ga­ret : Mais qui a peur du tra­vail des femmes ?, Syros, 1985 (épui­sé) ; (dir.), Femmes, genre et socié­tés, l’é­tat des savoirs, La Décou­verte, 2005. Voir aus­si Tra­vail et emploi des femmes, 5e éd., « Repères », La Décou­verte, 2017.

Repi­ton, Isa­belle et Cas­sen, Pierre, « Touche pas au plomb ! » Mémoire des der­niers typo­graphes de la presse pari­sienne, Le Temps des Cerises, 2008.

Vani­na : 35 ans de cor­rec­tions sans mau­vais trai­te­ments, Acra­tie, 2011. 

Sur l’as­pect social du métier aujourd’­hui (état des lieux et moyens de lutte), lire aus­si Goutte, Guillaume, Cor­rec­teurs et cor­rec­trices, entre pres­tige et pré­ca­ri­té, Liber­ta­lia, 2021.


Débat pour ou contre les “femmes correcteurs” en 1887

Le 9 jan­vier 1887, la revue belge L’Art moderne publie un article pro­po­sant, comme remède à la fai­blesse actuelle des cor­rec­tions en Bel­gique, l’embauche de « femmes cor­rec­teurs d’imprimerie ». L’ex­po­si­tion de cette « thèse » pro­vo­que­ra (au moins) deux réponses, publiées dans la revue au mois de mai sui­vant, l’une d’un cor­rec­teur, l’autre d’une cor­rec­trice. Heu­reux d’avoir pu recons­ti­tuer cette savou­reuse séquence, je la repro­duis inté­gra­le­ment ci-des­sous. On pour­ra noter que chaque par­tie du débat, quelles que soient ses inten­tions, est pri­son­nière de cer­tains des pré­ju­gés de son temps. Mais lais­sons-leur la parole…

Corps professoral de la première école laïque pour jeunes filles de Bruxelles, dirigée par Isabelle Gatti de Gamond, assise au centre, 1902. Archives privées (no 710-7), Archives de la Ville de Bruxelles.
Corps pro­fes­so­ral de la pre­mière école laïque pour jeunes filles de Bruxelles, diri­gée par Isa­belle Gat­ti de Gamond, assise au centre, 1902. Archives pri­vées (no 710-7), Archives de la Ville de Bruxelles.

LES FEMMES CORRECTEURS D’IMPRIMERIE

"L'Art moderne, revue critique des arts et de la littérature", 9 janvier 1887.
L’Art moderne du 9 jan­vier 1887, numé­ro lan­çant le débat.

C’est une déso­la­tion que la façon dont les cor­rec­tions d’imprimerie se font en Bel­gique. À diverses reprises nous avons dit qu’il n’y a pas chez nous de bons cor­rec­teurs, à une ou deux excep­tions près, par exemple le véné­rable M. Mac­kin­tosh33, le doyen de la pro­fes­sion, croyons-nous, un sur­vi­vant des grands jours de 183034, modèle de ponc­tua­li­té, de sim­pli­ci­té et d’humour brabançon.

Pour­quoi les femmes qu’on a lan­cées dans les postes, les télé­graphes et les télé­phones, n’embrasseraient-elles pas cette car­rière dont la minu­tie, l’attention, la connais­sance des petites règles de la gram­maire et de la syn­taxe, l’expérience du dic­tion­naire sont les qua­li­tés prin­ci­pales, en exacte équa­tion avec leur nature ? Un homme pense trop à ce qu’il lit : une femme arrive plus aisé­ment à ne voir que la forme, les lettres, à res­ter à la sur­face, à ne se pré­oc­cu­per que de la bro­de­rie typographique.

Être correctrice, “un idéal féminin” ?

On nous assomme de jéré­miades sur la per­sé­cu­tion contre les ins­ti­tu­trices et leur extinc­tion, sui­vant un mot qui res­te­ra célèbre35. Qu’on les emploie à cette fonc­tion : elles pour­ront y uti­li­ser leurs connais­sances. S’asseoir, lire, ne pas déran­ger sa coif­fure, ne pas s’ab[î]mer les mains, pou­voir revê­tir une toi­lette d’une élé­gance simple, cau­ser avec beau­coup d’hommes, être en rap­port avec des artistes-écri­vains, mêler un peu de flir­ta­tion aux quo­ti­diens devoirs, n’est-ce pas un idéal féminin ?

Assu­ré­ment les auteurs eux-mêmes ne s’en plain­dront pas. C’est gen­til d’entendre des frou[s]-frous de robe au milieu des frou[s]-frous du papier.

Allons, mes­de­moi­selles, en cam­pagne. Nous vous atten­dons et vous ferons aimable accueil.

Nous nous sou­ve­nons qu’il y a quelques [sic] vingt ans, au temps de notre prime-jeu­nesse [sic], nous étions une demi-dou­zaine de verts esprits à rédi­ger un jour­nal qui eut assez d’entrain et de verve pour qu’on en parle encore aujourd’hui. Le same­di soir, nous allions revoir notre copie. Dans la grande salle d’une vieille demeure bruxel­loise, nous trou­vions les jeunes filles de la mai­son (de fameux cor­rec­teurs, celles-là !), qui tra­vaillaient avec nous, pim­pantes pour la cir­cons­tance, sou­riantes, met­tant dans nos cau­se­ries de jeunes poli­ti­ciens leurs aper­çus gra­cieux et ingé­nieux, par­ta­geant gaî­ment36 une mince col­la­tion de pain, de fro­mage et de bière, que nous fai­sions à minuit au milieu des pla­cards37 et des plumes dans l’odeur de l’encre d’imprimerie.

Quels bons soirs, quels chers sou­ve­nirs, endeuillis [sic] par des morts, hélas !

Oui, mes­de­moi­selles les ins­ti­tu­trices, en avant. Il faut recom­men­cer ça, pas avec nous, vieillis­sants, mais avec d’autres. Ils sont nom­breux les jeunes lit­té­ra­teurs dignes de vous appro­cher et de vous dire, entre deux articles, qu’ils vous trouvent charmantes.


Réponse d’un correcteur

Note de la revue : « Voir l’Art moderne du 9 jan­vier 1887. Nous repro­dui­sons cette inté­res­sante cri­tique d’après le Feuille­ton de la Biblio­gra­phie de Bel­gique, 13e année, no de 1887, p. XI et 3. »

Mon­sieur le Direc­teur,

J’ai lu avec un vif inté­rêt la spi­ri­tuelle bou­tade inti­tu­lée Les femmes cor­rec­teurs d’imprimerie, que repro­duit, d’après votre savant confrère l’Art moderne, votre très inté­res­sant feuille­ton de la Biblio­gra­phie de Bel­gique.

Il y a long­temps que j’ai appe­lé l’attention des impri­meurs, des édi­teurs, des auteurs, sur la façon déplo­rable dont sont cor­ri­gés nos ouvrages.

D’ou vient le mal ? Quel est le remède à y appor­ter ? La ques­tion est plus sérieuse que ne pense le croire l’hu­mo­ris­tique auteur de l’article auquel je réponds et au talent lit­té­raire duquel je m’empresse, d’ailleurs, de rendre un com­plet hommage.

Le mal vient de ce qu’il n’y a plus de cor­rec­teurs chez nous, à de rares excep­tions près.

Pour­quoi n’y en a-t-il plus ? Parce qu’on n’en forme plus ! 

Pour­quoi n’en forme-t-on plus ? Parce que cela coûte trop cher !

Com­men­çons par dire ce que c’est qu’un cor­rec­teur, ou ce que ce devrait être. 

Un correcteur “doit être […] quelque peu universel”

Un cor­rec­teur doit être un homme ins­truit, dou­blé d’un typo­graphe. Il doit connaître à fond la langue, les langues même, être quelque peu poly­glotte, puisqu’il est dans le cas de devoir cor­ri­ger les nom­breuses erreurs qu’il ren­contre jour­nel­le­ment dans les épreuves. Il doit avoir au moins une teinte des sciences, des arts, de tous les sujets, variant à l’infini, qui lui passent sous les yeux (c’est le cas de le dire !). Bref, il doit être, dans la mesure du pos­sible, quelque peu uni­ver­sel, sans être un Pic de la Miran­dole rai­son­nant de omni re sci­bi­li… et qui­bus­dam aliis38. Il doit s’entendre en lit­té­ra­ture et en poé­sie ; il doit connaître ses auteurs, les anciens et les modernes. Il doit être typo­graphe, c’est-à-dire appar­te­nir au métier, être au cou­rant des règles de l’art du com­po­si­teur et de l’imprimeur, — néces­si­té deve­nue d’autant plus iné­luc­table que cet art a bien déchu et que la plu­part des ouvriers qui l’exercent sont mal­heu­reu­se­ment aus­si igno­rants scien­ti­fi­que­ment que pro­fes­sion­nel­le­ment par­lant, parce qu’on met au métier des enfants qui n’ont pas même ache­vé leurs classes pri­maires ; que l’apprentissage, insuf­fi­sant, se fait à la vapeur, et que tout bour­reur de lignes39, le plus sou­vent fort mal­propre, se croit et se pro­clame néces­sai­re­ment bon typographe !

En regard de ces exi­gences de métier indis­cu­tables et qui doivent pré­si­der à la for­ma­tion des bons cor­rec­teurs, pla­çons la situa­tion de fait : qua­si aucun patron ne consen­tant à payer conve­na­ble­ment de tels hommes ; la plu­part des impri­me­ries pri­vées d’un cor­rec­teur, même médiocre ; les impri­meurs se repo­sant du soin de la cor­rec­tion sur les auteurs, qui n’y entendent rien, d’abord comme typo­graphes, ensuite comme écri­vains (car tout auteur n’est pas dou­blé d’un lit­té­ra­teur !), qui, enfin, quand ils savent écrire — ou croient savoir écrire — affec­tionnent, par exemple, cer­taines tour­nures vicieuses, qu’ils caressent parce qu’ils croient avoir don­né le jour à de beaux enfants, qui ne sont que des monstres lin­guis­tiques ou lit­té­raires n’échappant pas au glaive ven­geur d’un habile cor­rec­teur !

Nos impri­meurs sont inca­pables d’un tel sacri­fice : payer conve­na­ble­ment un bon cor­rec­teur ! Dès lors, qui son­ge­ra à se faire cor­rec­teur dans le sens exact du mot, c’est-à-dire avec les qua­li­tés maî­tresses que nous y attachons ?

C’est à nos édi­teurs, aux auteurs eux-mêmes à faire ce sacri­fice intel­li­gent. Mieux leurs livres sont cor­ri­gés, plus ils acquièrent de prix et de valeur. C’est une véri­té qui devrait être com­prise pour le plus grand pro­fit de nos pro­duc­tions natio­nales, qui ont déjà tant de peine à se faire goû­ter chez nous et aux­quelles on ne manque pas d’opposer, comme en l’occurrence de l’article auquel nous répon­dons, « la déso­lante façon dont les cor­rec­tions d’imprimerie se font en Belgique ».

Le remède est-il dans l’appel fait à quelques femmes ins­ti­tu­trices ou bas-bleus40 ? Assu­ré­ment non ! Il y a long­temps que nous posons en fait que les femmes ne doivent pas plus enva­hir le domaine mas­cu­lin que les hommes n’ont à s’ingérer dans le domaine fémi­nin. Arrière ces cour­tauds de bou­tique qui mesurent du drap et du coton ! Lais­sons cette occu­pa­tion peu virile, peu digne de l’homme, à nos femmes, à nos filles, à nos sœurs, qui n’ont déjà que trop de peine à gagner leur pain de façon à peu près convenable.

À la femme, lais­sons la famille, les enfants, le ménage et ses sou­cis, avec ses joies intimes aus­si, l’éducation et l’instruction du jeune âge, le dé de la cou­tu­rière, de la tailleuse, de la confec­tion­neuse, — la plume de l’écrivain et du savant, je le concède même.

Mais il ne sau­rait être ques­tion de résoudre le grave pro­blème d’une bonne cor­rec­tion de nos livres par des appels à la galan­te­rie, au flir­tage, au sen­ti­men­ta­lisme, très jolis, — nous ne dédai­gnons pas cela à la place où on le doit ren­con­trer ! — mais qui, loin d’être une occa­sion de cor­rec­tion, ne seraient qu’un appel à de nom­breux faux par [sic, pas] typo­gra­phiques, gram­ma­ti­caux et autres.

Chose bizarre et digne de remarque : tout le monde se croit cor­rec­teur. Une foule d’employés de nos admi­nis­tra­tions, des écri­vains à loi­sirs, des étu­diants, des aspi­rants aux pro­fes­sions libé­rales, des génies incom­pris, des offi­ciers peu for­tu­nés, ou leurs veuves et filles, tout ce monde, papillon­nant autour de nos impri­meurs ou édi­teurs, demande gra­ve­ment des épreuves à cor­ri­ger et s’acquitte… très peu gra­ve­ment de cette besogne.

Portrait d’un dandy correcteur

Victor Capoul, ténor français
Vic­tor Capoul, ténor français.

Nous avons connu un mesu­reur de drap dans un maga­sin de Bruxelles, qui se coif­fait à la Capoul41, por­tait des che­mises décou­pées en car­ré à la gorge, des pan­ta­lons-élé­phant, des escar­pins poin­tus, qui se fai­sait accom­pa­gner par­tout d’un chien que, plus cruel qu’Alci­biade, il avait muti­lé en lui cou­pant les oreilles, qui pas­sa du jour au len­de­main du mètre au maître-impri­meur et cor­ri­geait gra­ve­ment en bon42 ! Le cor­rec­teur offi­ciel de la mai­son décrot­tait, suant sang et eau, à 1 franc l’épreuve. M. X… revoyait, mar­quait une vir­gule à droite et à gauche, et comp­tait 4 francs. Il avait tout fait !

Cor­ri­ger une épreuve, mais ce n’est rien cela ! c’est un badi­nage. Il ne faut pas d’apprentissage : les fautes viennent à vous gra­cieu­se­ment, le sou­rire aux lèvres, l’œil en feu, — comme les femmes cor­rec­teurs d’imprimerie, un heu­reux res­sou­ve­nir ! — se faire prendre au trait mor­dant, acé­ré, jus­ti­cier de votre plume ! Et voi­là la ques­tion résolue.

Eh bien ! non, elle est plus sérieuse que cela, cette ques­tion. Elle appelle une autre solu­tion. Que les édi­teurs se décident à faire un sacri­fice et il se for­me­ra non une pléiade, non une légion de bons cor­rec­teurs, qui ne trou­ve­raient pas à uti­li­ser leurs talents, mais un petit noyau, suf­fi­sant aux besoins de notre pays.

Nous sommes élève du véné­rable M. Mac­kin­tosh, dont parle l’Art moderne avec un res­pect que nous par­ta­geons de tous points. Pen­dant vingt ans, nous avons tra­vaillé à ses côtés, sui­vi ses conseils, pro­fi­té de ses leçons, mar­quées au bon coin : sagesse, expé­rience, éru­di­tion pro­fonde, coup d’œil hors ligne, habi­le­té uni­ver­sel­le­ment appré­ciée et à laquelle nous nous fai­sons un devoir d’amitié et de recon­nais­sance de rendre un écla­tant hom­mage. Oui, ce sont de tels cor­rec­teurs qu’il faut res­sus­ci­ter, avec leurs qua­li­tés sérieuses, pour résoudre une ques­tion plus grave qu’on ne pense.

J’entends dire que ma réponse a les allures d’un plai­doyer pro domo. Qu’on ne s’y trompe point, toutefois.

Ce n’est pas une misé­rable affaire d’intérêt qui est ici en jeu. Il nous est arri­vé sou­vent de consa­crer le pro­duit de nos cor­rec­tions d’épreuves à sou­la­ger des misères de femmes et d’enfants. Mais nous aimions mieux faire cette besogne — par­don : exer­cer cet art ! — assez conve­na­ble­ment, pen­sons-nous, que de la voir gâcher par des mains pro­fanes qui venaient tou­cher sans res­pect à l’arche sainte de l’Im­pri­me­rie, — et nous repas­sions à ces mêmes per­sonnes le pro­duit de ce tra­vail qu’elles s’offraient, dans leur inex­pé­rience, à exé­cu­ter, parce que « cor­ri­ger des épreuves, c’est si facile ! » disaient-elles. « Tout le monde peut faire cela ! »

L’art de l’imprimeur n’a que trop péri­cli­té déjà chez nous. Je convie l’Art moderne à tra­vailler avec les amis des belles et bonnes édi­tions à le rele­ver sur des colonnes qui soient plus fermes que les déli­cates épaules de nos jeunes ins­ti­tu­trices et de nos fai­seuses de prose et de vers, — aux grâces des­quelles je rends, d’ailleurs, le plus galant hommage !

Rece­vez, je vous prie, Mon­sieur le Direc­teur, l’assurance de ma plus entière considération.

A. D.
Cor­rec­teur d’imprimerie.

Sous les ini­tiales A. D. se cache vrai­sem­bla­ble­ment Armand Dau­by, cor­rec­teur au Moni­teur belge, né à Bruxelles en 1845, puisqu’il signe la même année un in-8 por­tant le titre Les Femmes cor­rec­teurs d’im­pri­me­rie, à Bruxelles, chez A. Man­ceaux43.


À l’ar­ticle de A. D., la revue a ajou­té le com­men­taire suivant :

Annon­çons, comme suite à l’intéressant article sur les cor­rec­teurs d’imprimerie que nous publions ci-des­sus, qu’on va créer à Bruxelles une école d’apprentissage typo­gra­phique, dans laquelle on s’attachera à for­mer de bons cor­rec­teurs. La durée des cours sera de cinq années, et les typo­graphes qui auront satis­fait à l’examen de sor­tie rece­vront un diplôme. On nous assure que plu­sieurs des prin­ci­paux impri­meurs de Bruxelles se sont déjà enga­gés à n’admettre dans leurs ate­liers que les appren­tis qui jus­ti­fie­ront de leur pré­sence aux cours, les­quels auront lieu le soir à l’École industrielle.

J’i­gnore si cette école a vu le jour.


Une correctrice répond à la lettre du correcteur

Intro­duc­tion de L’Art moderne :

Elle se corse, cette thèse que nous avons posée dans l’Art moderne du 9 jan­vier, et qui fut com­bat­tue dans la lettre signée A. D., repro­duite dans notre numé­ro du 1er mai. Voi­ci Clo­rinde qui entre en lice et vaillam­ment fond sur Tan­crède44. Son bras est fort et adroit, sa plume piquante. Ce tour­noi nous plaît. Bravo !

Bruxelles, le 18 mai 1887.

Mon­sieur le Directeur,

M’est-il per­mis d’émettre à mon tour quelques idées sur « les Femmes cor­rec­teurs d’imprimerie » en réponse à l’article de M. A. D.45 ? Son auteur met tant de hâte et de désin­vol­ture à nous décla­rer toutes inca­pables et incom­pé­tentes en matière de cor­rec­tions que je ne puis m’empêcher de lui deman­der sur quoi il base son opinion.

Pour­quoi cer­taines d’entre nous ne pour­raient-elles pas arri­ver, par l’étude et la pra­tique, à faire de bons cor­rec­teurs ? Que faut-il pour cela ? De l’érudition. Une éru­di­tion tou­chant à tout, s’étendant à tous les sujets, effleu­rant toutes les sciences sans qu’il soit néces­saire de les appro­fon­dir, ce qui serait impos­sible. La seule chose que le cor­rec­teur doive pos­sé­der à fond, c’est la connais­sance de sa langue ; c’est ce qui lui don­ne­ra le plus de peine à acqué­rir et c’est aus­si ce qui lui fait le plus géné­ra­le­ment défaut.

Un bon cor­rec­teur doit, comme le dit M. A. D., être un peu uni­ver­sel ; je le recon­nais, mais il a, en bien des matières, le droit d’être super­fi­ciel. Croyez-vous, par exemple, qu’il faille avoir lu tout Horace et Vir­gile pour cor­ri­ger conve­na­ble­ment les cita­tions latines qui émaillent les dis­cours ou les ouvrages de nos éru­dits ? Ces cita­tions sont d’ailleurs si variées qu’il suf­fi­rait d’en connaître une cin­quan­taine pour n’être que bien rare­ment embar­ras­sé. Pour ces éven­tua­li­tés invrai­sem­blables, n’avons-nous pas les dic­tion­naires ? Il serait pré­fé­rable sans doute que le cor­rec­teur sût le latin, mais cela n’est pas la mort d’un homme, ni d’une femme.

Donc, il nous faut de l’érudition, et l’érudition s’acquiert par la mémoire, qua­li­té secon­daire mais (M. A. D. ne songe pas à le nier, je sup­pose), essen­tiel­le­ment fémi­nine. La mémoire est indis­pen­sable au cor­rec­teur, elle est pour ain­si dire sa mise de fonds ; ajou­tons-y l’œil, non pas l’œil en feu dont par­lait l’Art moderne, mais l’œil du métier. C’est un don, une apti­tude spé­ciale presque impos­sible à acqué­rir quand on ne l’a pas d’instinct. M. A. D. aura remar­qué sans doute, au cours de sa longue car­rière, que par­mi les auteurs quelques-uns (ils sont rares) ont l’œil et arri­ve­raient faci­le­ment à faire de bons cor­rec­teurs ; la plu­part, au contraire, et ce ne sont pas les moins ins­truits, ren­voient leurs épreuves à peu près comme ils les ont reçues, et croient, de la meilleure foi du monde, n’avoir lais­sé sub­sis­ter aucune erreur. Cela dépend de la déli­ca­tesse de leur organe visuel.

Il ne suf­fit pas de savoir la gram­maire pour cor­ri­ger les fautes d’orthographe, il faut encore les voir. Et c’est en cela que consiste le métier. L’œil est encore indis­pen­sable pour dis­cer­ner les imper­fec­tions typo­gra­phiques, telles que les lettres retour­nées ou qui sont d’un autre œil46 selon l’argot du métier, de même que pour déchif­frer cer­tains manus­crits qui, à pre­mière vue et pour les non[-]initiés, pour­raient pas­ser pour des hiéroglyphes.

“Je crois avoir l’œil”

Je ne traite pas cette ques­tion tout à fait en aveugle (je crois même avoir l’œil), atten­du que j’ai été cor­rec­teur pen­dant plu­sieurs années et que je songe sérieu­se­ment à m’y remettre. Ce qui me gêne, c’est la ques­tion d’érudition, et voi­là aus­si ce qui doit cal­mer les craintes de M. A. D. Jamais nous ne ver­rons le corps pro­fes­so­ral fémi­nin s’avancer en bataillon ser­ré et enva­hir ce domaine dont M. A. D. sur­veille les fron­tières avec un soin si jaloux. Le métier exige un trop long appren­tis­sage, un tra­vail aride, séden­taire et… soli­taire, quoi qu’en ait dit l’Art moderne, en plai­san­tant d’ailleurs.

Et puis, n’avons-nous pas la brillante car­rière que nous offre M. A. D. ? Depuis long­temps, dit-il, « nous posons en fait que les femmes ne doivent pas plus enva­hir le domaine mas­cu­lin que les hommes n’ont à s’ingérer dans le domaine fémi­nin ». Et, pris d’une indi­gna­tion che­va­le­resque, il s’insurge contre ces cour­tauds de bou­tique qui mesurent du drap et du coton. « Lais­sons cette occu­pa­tion peu virile, peu digne d’un homme à nos femmes, à nos sœurs et à nos filles. » M. A. D. n’a pas de bien hautes pré­ten­tions pour sa famille. Peut-être va-t-il me trou­ver bien exi­geante et bien ambi­tieuse, mais au risque de pas­ser à ses yeux pour un bas[-]bleu, je lui avoue­rai bien hum­ble­ment que, pour ma part, je pré­fère une occu­pa­tion plus virile et plus digne même d’une femme.

Cepen­dant, M. A. D. nous concède le droit de faire œuvre d’écrivain et de savant ; n’y a-t-il pas là quelque chose d’illogique ? Si M. A. D. recon­naît qu’il peut y avoir par­mi nous des savantes, pour­quoi s’oppose-t-il à ce que nous met­tions notre science à pro­fit autre­ment qu’en publiant des ouvrages scien­ti­fiques, ce qui, à mon sens, sort bien plus de nos attri­bu­tions que la cor­rec­tion des épreuves. N’avoir qu’une plume comme gagne-pain, c’est maigre, en Bel­gique sur­tout, et je ne conçois pas bien l’union, le mélange de ces deux occu­pa­tions. Auner du drap, puis, tout en ran­geant les pièces dans les rayons, com­po­ser des poé­sies fugi­tives, cela me paraît aus­si baroque que le mélange de flir­tage, de cor­rec­tion d’épreuves et de galan­te­rie qui fait sou­rire M. A. D.

“Il serait temps d’accorder à la femme les mêmes droits qu’à l’homme”

« La place d’une femme n’est pas là »… L’avons-nous assez enten­due cette phrase ! et ne trou­vez-vous pas comme moi, Mon­sieur le Direc­teur, que la place d’une femme est pré­ci­sé­ment là où elle a envie de se mettre. Libre à ceux qui l’emploient de ne pas la main­te­nir dans cette place si elle l’occupe mal. Il serait bien temps, me semble-t-il, de lui lais­ser un peu plus de liber­té en ces matières et de lui accor­der les mêmes droits qu’à l’homme, là où elle fait preuve des mêmes capacités.

Je n’ai jamais bien com­pris, d’ailleurs, où les hommes ont pui­sé le droit d’en agir autre­ment et d’interdire à la femme l’exercice de n’importe quelle car­rière qu’elle s’est mon­trée apte à rem­plir. Je le répète, l’encombrement n’est pas à craindre car je me hâte de recon­naître notre grande infé­rio­ri­té. Que M. A. D. ait un bon mou­ve­ment, et qu’en homme géné­reux et cha­ri­table, cha­ri­table à ce point qu’il a pas­sé vingt ans de sa vie à se per­fec­tion­ner dans l’art du cor­rec­teur, à seule fin de venir en aide aux femmes et aux enfants néces­si­teux, que cet homme bien­fai­sant nous fasse une petite place à ses côtés ; qu’il laisse « nos mains pro­fanes tou­cher sans res­pect à l’arche sainte de l’imprimerie », nous ne la démo­li­rons pas. On les fait soli­de­ment, les arches, depuis Noé.

Nous ne deman­dons pas que les édi­teurs s’adressent à nous de confiance. Qu’ils nous mettent à l’épreuve, sans jeu de mots et qu’ils ne nous offrent des appoin­te­ments de pre­mières chan­teuses que lorsqu’ils auront pu consta­ter que rien n’échappe à notre glaive ven­geur, comme dit M. A. D.

Ce tra­vail au glaive consti­tue un pro­grès mar­quant sur les anciens pro­cé­dés. Il doit sim­pli­fier la besogne et per­mettre de tran­cher bien des dif­fi­cul­tés. En consa­crant quelques années encore à com­plé­ter mon éru­di­tion, j’espère arri­ver, grâce aux conseils que M. A. D. vou­dra bien me don­ner et a ceux que j’ai déjà reçus de M. Mac­kin­tosh, le doyen de la Facul­té, à être un bon correcteur.

Je n’espère pas atteindre jamais les hau­teurs où plane M. A. D. à la droite et un peu au[-]dessous du père Mac­kin­tosh, mais j’évoluerai dans ma sphère où peut-être j’aurai réus­si à entraî­ner quelques-unes de mes pareilles qui se trouvent trop à l’étroit dans le « domaine fémi­nin » et pour les­quelles l’aunage du drap n’a que des charmes restreints.

M. A. D. ter­mine en ren­dant le plus galant hom­mage à nos grâces. La réserve que m’impose mon sexe ne me per­met pas de lui retour­ner le com­pli­ment ; je me conten­te­rai d’abaisser devant lui mon glaive ven­geur en signe de respect.

Rece­vez, Mon­sieur le Direc­teur, l’assurance de ma par­faite considération. 

M. P.


M. P. res­te­ra sans doute ano­nyme, contrai­re­ment à son oppo­sant. Pour moi, par sa répar­tie et son humour, elle gagne ce « tour­noi » haut la main. Et, même si elle se refuse alors à l’i­ma­gi­ner, je pense qu’elle serait heu­reuse de décou­vrir qu’au­jourd’­hui un « bataillon ser­ré » a « enva­hi ce domaine dont M. A. D. sur­veille les fron­tières avec un soin si jaloux », qu’en­traî­nées loin des « charmes res­treints » de « l’au­nage du drap » ses « pareilles » consti­tuent désor­mais la vaste majo­ri­té de la profession.


Les correctrices cachées de Balzac et de Lamartine

« À Gene­vieve, mon amour, ma muse, ma cor­rec­trice, ma relec­trice, ma dia­lo­guiste, ma cla­viste, celle qui me sup­porte dans les bons comme dans les moins bons moments, qui ramasse ce que j’échappe, qui me consacre un temps fou et qui s’oublie trop sou­vent à mon pro­fit. Ton nom méri­te­rait de figu­rer sur la cou­ver­ture de ce livre autant que le mien47. »

Ils ne sont plus rares, aujourd’­hui, les auteurs qui remer­cient (comme Mar­tin Michaud, ci-des­sus), dans leurs livres, une parente ou une com­pagne pour les bons soins qu’elles ont por­tés à leurs écrits.

Bal­zac aurait pu faire de même pour sa sœur cadette, Laure, et sur­tout Lamar­tine, dont l’épouse dévouée, Eli­sa, s’est épui­sée pour la gloire du poète. 

Sur­tout connue pour avoir pro­té­gé la mémoire de son frère en publiant une bio­gra­phie de ce der­nier après sa mort48, Laure Sur­ville (1800-1871) ne s’est pas arrê­tée à ce rôle, apprend-on dans La Plume du 1er sep­tembre 190049.

Laure Surville, sœur cadette de Balzac
Laure Sur­ville, sœur cadette de Balzac.

« Com­ment oublier […] cette sœur du poète, qui savait être, selon les heures, enjouée ou sérieuse, que Bal­zac emme­nait un soir au bal de l’O­pé­ra, et qui une autre fois tra­vaillait avec lui à ses livres, la col­la­bo­ra­trice de ses pre­miers romans, la cor­rec­trice des der­niers, à qui il recom­man­dait ain­si son Méde­cin de cam­pagne : « Dis-moi tous les endroits qui te sem­ble­ront mau­vais, et mets les grands pots dans les petits, c’est-à-dire : si une chose peut être dite en une ligne au lieu de deux, essaie de faire la phrase. »

Édith Marois, doc­teure ès lettres, cher­cheuse à l’u­ni­ver­si­té Fran­çois Rabe­lais de Tours, four­nit quelques pré­ci­sions50 :

« Si Laure Sur­ville n’est pas entrée dans la pos­té­ri­té en tant qu’écrivaine, sa col­la­bo­ra­tion, même modeste, même sim­ple­ment consul­ta­tive, à l’œuvre de son frère est attes­tée par leur cor­res­pon­dance. En octobre 1833, peu de temps avant la publi­ca­tion du Méde­cin de cam­pagne, Hono­ré sol­li­cite ses remarques : “cor­rige bien le Méde­cin ou plu­tôt dis-moi tous les endroits qui te sem­ble­ront mau­vais et mets les grands pots dans les petits, c’est-à-dire si une chose peut être dite en une ligne au lieu de deux, essaie de faire la phrase51”. L’année sui­vante, il la remer­cie de sa lettre sur La Recherche de l’Absolu tout en réfu­tant les cri­tiques qu’elle exprime : “mer­ci des éloges […] je me suis tout bête­ment atten­dri de ta phrase. Tu as, je crois, tort pour les trois pages que tu trouves de trop, car elles ont des rami­fi­ca­tions avec l’histoire. […] Ta lettre est la 1ère féli­ci­ta­tion que j’ai reçue de l’Absolu52”, mais là encore, le livre est déjà impri­mé et diffusé… »

On trou­ve­ra peut-être d’autres infor­ma­tions sur Laure Sur­ville, cor­rec­trice de son frère, dans l’ou­vrage de Chris­tine Plan­té, La petite sœur de Bal­zac. Essai sur la femme auteur, Presses uni­ver­si­taires de Lyon, 2015.

Elisa de Lamartine par Jean-Léon Gérome
Eli­sa de Lamar­tine par Jean-Léon Gérôme, 1849.

On en sait davan­tage sur Eli­sa (ou Marianne) de Lamar­tine (1790-1863), artiste peintre et sculp­trice fran­çaise d’o­ri­gine bri­tan­nique : elle s’est usé la san­té à cor­ri­ger les épreuves de son poète de mari, Alphonse.

« Mme de Lamar­tine, cor­rec­trice d’é­preuves. — M. Hen­ri Guille­min, dans le Mer­cure de France, nous apporte — d’a­près des docu­ments inédits réunis par M. Camille Latreille mort avant d’a­voir pu les uti­li­ser — de pré­cieux ren­sei­gne­ments sur la vie conju­gale de Lamar­tine et sa femme, que M. Guille­min appelle “la troi­sième Elvire”. Mme de Lamar­tine fut une épouse par­faite, exclu­si­ve­ment dévouée à son mari et aux tra­vaux duquel elle appor­ta une dis­crète col­la­bo­ra­tion géné­ra­le­ment peu connue. 

« Voi­ci à ce pro­pos ce qu’elle écrit, dans une lettre de 1846, adres­sée à son beau-frère, M. de Mon­the­rol :
“M. Furne, l’é­di­teur, est venu de Paris sur le bruit que les Giron­dins étaient finis, et il a empor­té la per­mis­sion de mettre trois volumes sous presse en jan­vier, pour paraître en mars, à peu près.
« C’est à Paris que le tra­vail des épreuves va être ter­rible pour moi. Je vais être en lutte conti­nuelle pour obte­nir des cor­rec­tions, dont je n’ob­tien­drai pas le quart. Mais chaque mot gagné sera une vic­toire, dont il n’y aura que moi qui sache la bataille et le péril. Vous savez qu’il n’aime pas à cor­ri­ger ni le sens, ni les phrases, ni même les mots. Il écrit d’a­bon­dance, abon­dance mira­cu­leuse, mais qui aurait besoin d’être coor­don­née. Les épi­thètes vont au delà de la pen­sée. Le public les prend au pied de la lettre, en bien et en mal. Une chose qui n’a qu’un bon côté est sublime ; celle qui n’a qu’un côté mau­vais est ana­thé­ma­ti­sée. Le public n’y met pas le cor­rec­tif, et blâme l’au­teur. Je pas­se­rai un mau­vais hiver. (Inédit.)” » — Jour­nal des débats poli­tiques et lit­té­raires, 3 août 1934, p. 2.

Dans des lettres à Charles Alexandre (1821-1890), secré­taire de Lamar­tine, Eli­sa évoque notam­ment « le long tra­vail de cor­rec­tion des épreuves de son mari dont elle revoie [sic] les textes », selon le libraire en auto­graphes et manus­crits Emma­nuel Lorient, sur son site, Traces écrites. Extraits.

« M. de L. parle de par­tir le 25, lun­di de la semaine qui vient. J’es­père avoir fait les cor­rec­tions au moins pour l’exem­plaire que je garde et j’es­père aus­si être mieux por­tante pour écrire plus net­te­ment celles que je don­ne­rai à l’im­pri­meur. Il me fau­dra bien quel­qu’un à Paris pour revoir les épreuves qui seront très dif­fi­ciles à tirer. Mais il fau­drait quel­qu’un aus­si poète que vous et aus­si minu­tieux que le gram­mai­rien. Je ne pour­rais pas confier à lui une épreuve[,] il en ferait de la très mau­vaise prose […] » [1862].

« […] Un jour à Mon­ceaux j’ai eu la chance de voir avec lui une épreuve. Je suis tom­bée sur un mot, un seul, qui était des plus fâcheux. Je le lui ai dit. Il en est conve­nu et j’ai sub­sti­tué une épi­thète exacte et sans incon­vé­nient. Je lui ai fait obser­ver que je lui ren­dais ser­vice ! Mais il conti­nue la même chose, et ce n’est que de loin en loin que je puis entre­voir par hasard, ou par super­che­rie quelque chose. C’est si fort une volon­té de sa part qu’il donne ses épreuves à por­ter tout de suite à Jean, au lieu de les don­ner le soir à un com­mis qui passe devant l’im­pri­me­rie. J’en suis déso­lée. Si je pou­vais seule­ment cau­ser avec lui sur ce qu’il écrit, je le convain­crais sou­vent de l’in­con­vé­nient de mots qui lui sont échap­pés […] » [sans date]. 

« Pas­sez sur la ter­rasse déserte, devant la façade du châ­teau pai­sible, la paix n’y est pas. Un drame intime s’a­gite dans l’in­té­rieur. Dans cette grande chambre aux murs tapis­sés de rosiers grim­pants, des­sé­chés, une femme est dans la tris­tesse. Elle a fait sa prière du matin, elle a deman­dé à Dieu la force des sacri­fices. Comme ses rosiers sans fleurs, son âme est sans espé­rances. Elle tra­vaille, sa plume active cor­rige des épreuves, écrit des lettres », raconte Charles Alexandre dans Madame de Lamar­tine (Den­tu, 1887, p. 207).


Une “école de correctrices”, à Paris, dès 1882

École primaire supérieure de jeunes filles Sophie-Germain, Paris 4e. Carte postale, s.d.
École pri­maire supé­rieure de jeunes filles Sophie-Ger­main, Paris 4e. Carte pos­tale, s.d.

À la suite de mes recherches sur les pre­mières cor­rec­trices appa­rais­sant dans les annonces d’emploi (1884-1941), je découvre l’exis­tence d’une école pri­maire supé­rieure de jeunes filles, dont cer­taines élèves pour­raient deve­nir cor­rec­trices53. Trois extraits de jour­naux per­mettent d’en bros­ser un tableau assez pré­cis. Cet éta­blis­se­ment est aujourd’­hui le lycée Sophie-Ger­main, nom de bap­tême que l’é­cole a reçu dès 1888.

plaque de l'école primaire supérieure de jeunes filles Sophie Germain, fondée en 1882
Plaque de l’école.

« L’école pri­maire supé­rieure de jeunes filles de la rue de Jouy [Paris 4e] mérite une men­tion spé­ciale. Fon­dée il y a dix-huit mois [en 1882], diri­gée par une femme de grand talent, Mme Blanche Che­ga­ray, cette école rend des ser­vices inap­pré­ciables, et bien­tôt, du reste, la Ville en ouvri­ra une deuxième, exac­te­ment sem­blable, rue des Martyrs.

« Les jeunes filles y sont admises seule­ment au concours, et lors­qu’elles sortent de l’é­ta­blis­se­ment, après avoir satis­fait aux exa­mens — exa­mens des plus sérieux, — elles sont aptes à entrer dans les postes et télé­graphes. à être cor­rec­trices d’im­pri­me­rie, pre­mières dans des mai­sons de cou­ture, etc. Indé­pen­dam­ment de cela, elles sont dres­sées aux soins du ménage, et le blan­chis­sage des den­telles, la confec­tion du linge et des vête­ments, la cui­sine leur sont ensei­gnés par d’ha­biles pro­fes­seurs. En un mot, à l’é­cole de la rue de Jouy, les jeunes filles reçoivent une ins­truc­tion solide et on leur apprend aus­si à être de vrai[e]s femmes. […] » — Gil Blas, 4 août 1884

Conditions d’admission et personnel enseignant

« La durée des études est fixée à quatre années : trois années d’études nor­males et une année d’études complémentaires.

« L’école est gra­tuite ; elle ne reçoit que des élèves externes.

« Les élèves sont admises à la suite d’un concours. Les jeunes filles qui doivent atteindre l’âge de douze ans révo­lus au 1er octobre, et qui n’ont pas dépas­sé à la même date l’âge de qua­torze ans, sont seules admises à par­ti­ci­per à ce concours.

« Pour le pre­mier concours, devant avoir lieu au moment de l’ouverture de l’école, les jeunes filles devront avoir atteint l’âge de douze ans révo­lus au 1er jan­vier 1882. […]

« Le per­son­nel de l’école est ain­si com­po­sé :
« Une sur­veillante géné­rale fai­sant fonc­tions d’économe, au trai­te­ment de 3,400 à 5,000 francs.
« Des maî­tresses adjointes, char­gées de la sur­veillance des études, des fonc­tions de répé­ti­trices et pou­vant être appe­lées en outre à faire cer­tains cours, au trai­te­ment, de 2,400 à 3,600 fr.
« Des pro­fes­seurs, hommes ou femmes, pour l’enseignement du fran­çais et de la lec­ture, des langues vivantes (anglais et alle­mand), de l’écriture, de l’arithmétique, de la tenue des livres, de l’histoire et de la géo­gra­phie, des sciences phy­siques et natu­relles, de la géo­mé­trie pra­tique et du des­sin linéaire, de la coupe et de la cou­ture, de la gym­nas­tique, du chant, et en deuxième et troi­sième année seule­ment, de la morale, de notions d’économie poli­tique, de légis­la­tion et d’économie domes­tique. » — L’Unité natio­nale, 28 mars 1882

Épreuves du concours

« Le concours com­prend des épreuves écrites et des épreuves orales :
« 1o Epreuves écrites : Ortho­graphe et écri­ture. — Arith­mé­tique et appli­ca­tions pra­tiques de la géo­mé­trie. — Des­sin linéaire. — Des­sin d’ornement. — (La dic­tée d’orthographe sert d’épreuve d’é­cri­ture) ;
« 2o Epreuves orales : His­toire de France. — Géo­gra­phie. — Arith­mé­tique. — Ins­truc­tion morale et civique.

« Les épreuves écrites sont éliminatoires.

« Nota. — Le conseil muni­ci­pal de Paris a déci­dé, en prin­cipe, la créa­tion, dans cha­cune des écoles pri­maires supé­rieures, d’un cer­tain nombre de bourses d’en­tre­tien des­ti­nées à venir en aide aux familles qui n’auraient pas les res­sources néces­saires pour entre­te­nir leurs enfants pen­dant la durée des études d’en­sei­gne­ment pri­maire supé­rieur. » — La Réforme, 9 octobre 1882

École primaire supérieure de jeunes filles Sophie-Germain, grand amphithéâtre. Carte postale, s.d.
École pri­maire supé­rieure de jeunes filles Sophie-Ger­main, grand amphi­théâtre. Carte pos­tale, s.d.

Les correctrices dans les avis de mariage (1904-1941)

mariage, années 1920
Un mariage dans les années 1920. DR.

Après avoir éplu­ché les annonces d’emploi, j’ai eu l’i­dée de faire de même pour les annonces de mariage et de décès. J’y ai ajou­té les éven­tuelles dis­tinc­tions hors médaille du travail.

NB — Ce sont des don­nées volon­tai­re­ment brutes, non cor­ri­gées. Je ne les ai pas alour­dies de guille­mets inutiles : tout ce qui suit est tiré des jour­naux consultés. 

Avis de mariage, de décès et de distinction

1904 — Dame cor­rec­trice anglais dés. mariage pas banal. — Ecrire : Bill. Tuber­cul. 0,905,576, bur. Fon­taine (Le Jour­nal, 16 janvier)

Cor­rec­trice de langues étran­gères dés. mar. riche pas banal. S’abst. d’é­cr. si pas riche. Bou­leau, Bill. Tuber­cu­leux, 0.914.561. Bur. 84. (La Lan­terne, 11 février 1904)

1907 — Par décret du ministre de l’instruction publique, en date du 23 novembre, Mlle Ther, Julie, cor­rec­trice d’imprimerie, à Tours, a été nom­mée offi­cier d’académie [il s’a­git des Palmes aca­dé­miques54]. 
C’est avec plai­sir que nous enre­gis­trons cette nomi­na­tion, plei­ne­ment jus­ti­fiée par les ser­vices ren­dus. 
Nous adres­sons à notre aimable col­la­bo­ra­trice nos bien cor­diales féli­ci­ta­tions. (L’Union libé­rale, 26 décembre)

Le Jour­nal offi­ciel publie les nomi­na­tions sui­vantes : […] 
Au grade d’officier d’académie : Mlle Ther, Julie, cor­rec­trice d’imprimerie à Tours.
(L’Union libé­rale, 30 décembre)

1908 — Eugène-Auguste-Jules Cor­nilleau, clerc d’avoué, rue Saint-Vincent, et Blanche-Vic­to­rine Ter­rier, cor­rec­trice d’imprimerie, rue Saint-Vincent. (L’Ouest-Éclair (Rennes), 6 août (pro­messe), L’Avenir de la Mayenne, 9 août (pro­messe) et 23 août ; La Gazette de Châ­teau-Gon­tier, 27 août)

1908 — Georges-Jean-Alexandre Cor­ne­mil­lot, agent de détaxe, et Marie-Louis Bon­nar­dot, cor­rec­trice au Bien Public. (Le Pro­grès de la Côte-d’Or, 27 août)

1908 — Isi­dore-Eugène Denan­cé, employé de bureau, à Meu­don (Seine-et-Oise), et Anaïs-Augus­tine-José­phine Dubois, cor­rec­trice typo­graphe, rue des Lavan­de­ries. (L’Avenir de la Mayenne, 11 octobre)

1917 — Décès — Marie Fran­çoise Mas­se­rot, céli­ba­taire, 30 ans, cor­rec­trice d’imprimerie, rue de la Made­leine. (L’Écho de la Mayenne, 8 avril, et La Mayenne, 11 avril)

1924 — Gas­ton Eie­ha­cker, ren­tier, rue de la Gare, et Valen­tine Gour­rault, cor­rec­trice d’imprimerie, rue de la Gare. (La Mayenne, 4 mai)

1925 — Gus­tave-Georges Vas­seur [ou Vaseux, selon les annonces], maré­chal des logis au 4e esca­dron du train (T.E.M.) au Mans, et Marie-Louise-Jean­ny Bathilde Morin, cor­rec­trice d’imprimerie, rue de la Made­leine (à Laval). (La Mayenne, 16 et 20 sep­tembre, 4 octobre ; L’Avenir de la Mayenne, 20 septembre)

1926 — Georges-Vic­tor-Marie Mer­cier, chauf­feur d’autos, rue Ambroise-Ges­tière, et Suzanne-Mathilde-Vic­to­rine Fou­coin, cor­rec­trice d’imprimerie, rue Ambroise-Ges­tière. (La Mayenne, 23 mai (bans), La Mayenne, 15 juin, et L’Avenir de la Mayenne, 20 juin) 

1928 — Georges Ter­rier, gra­veur-typo­graphe, à Nantes, et Denise-Solange Jean, cor­rec­trice d’imprimerie, rue Basse-des-Bou­chers, 16. (La Mayenne, 18 et 22 juillet)

1930 — Robert-Fran­çois Hamon, ajus­teur, 31, bou­le­vard de Tours, et Jeanne Ozouf, cor­rec­trice d’imprimerie, 26 [par­fois 21], rue de Cha­pelle. (La Mayenne, 10 août (pro­messe), et L’Avenir de la Mayenne, 3 et 7 septembre)

1930 — Cor­me­rais Armand, artiste lyrique, rue Banas­te­rie, 10 et Gui­rand Marie, cor­rec­trice d’imprimerie, rue Banas­te­rie, 10. (Le Radi­cal de Vau­cluse, 29 octobre)

1932 — Hen­ri Sur­nom, bou­lan­ger à Issou­dun, et Ger­maine-Eli­sa­beth Aubrun, cor­rec­trice mono­ty­piste à Saint-Amand-Mon­trond (Cher). (La Dépêche du Ber­ry, 31 juillet)

1934 — Our­mières, Jean, gen­darme à la 17e légion, avec Moine, Jeanne, cor­rec­trice d’imprimerie. (L’Auvergnat de Paris, 27 jan­vier 1934)

1934 — Cochet Daniel-Raoul-Camille, méca­ni­cien, et Venot Gil­berte-Jean­nine, cor­rec­trice, tous deux à Ven­dôme. (L’Écho du Centre, 23 mars)

1937 — Emile Gous­sin, clerc d’avoué, rue Dugues­clin, et Jeanne Allain, cor­rec­trice d’imprimerie, rue Paul-Lin­tier. (La Mayenne, 26 janvier)

1938 — Fer­nand Genest, com­mis du tré­sor, à Flers, et Marthe Dur­ckel, cor­rec­trice d’imprimerie, place Gam­bet­ta. (La Mayenne, 17 avril)

1941 — Décès de Ger­maine Sillon, épouse Hum­ber­jean, cor­rec­trice d’imprimerie, 60 ans, 9, rue des Ver­ge­lesses, domi­ci­liée 21, rue Félix-Tru­tat. (Le Pro­grès de la Côte-d’Or, 16 juillet)


Les correctrices dans les annonces d’emploi (1884-1941)

Le « marbre » du Jour­nal du Centre, en 1957. Où sont les femmes ?
Source : « Retour en images sur Le Jour­nal du Centre », 27 sep­tembre 2014.

« À l’époque il n’y avait pas beau­coup de femmes dans les impri­me­ries », a décla­ré la cor­rec­trice Annick Béjean, entrée dans la presse pari­sienne en 1979 (☞ lire son témoi­gnage). Com­ment retrou­ver les traces de ces excep­tions ? Com­ment sai­sir l’exis­tence des pre­mières femmes embau­chées comme cor­rec­trices pro­fes­sion­nelles, avant que la socié­té en géné­ral et le monde typo­gra­phique en par­ti­cu­lier les accueillent plus volontiers ? 

Grâce à Retro­News, le site de presse de la BnF, j’ai pu inter­ro­ger 2 000 jour­naux fran­çais de 1631 à 1950. J’ai son­dé, avec un heu­reux suc­cès, les annonces d’emploi (offres et demandes). J’ai exhu­mé quelques lau­réates de la médaille du tra­vail. Les cor­rec­trices au tra­vail appa­raissent aus­si dans quelques extraits de pro­cès et à tra­vers des per­son­nages de feuille­ton. Peu à peu, ces femmes reviennent à la lumière.

NB — Ce sont des don­nées volon­tai­re­ment brutes, non cor­ri­gées. Je ne les ai pas alour­dies de guille­mets inutiles : tout ce qui suit est tiré des jour­naux consultés. 

Au bas de la page, j’ai ajou­té mes pre­miers commentaires. 

Annonces d’emploi, articles judiciaires et feuilletons

1884 — AGENCE Saint-Julien, mai­son fon­dée en 1859 : ventes et achats de fonds de com­merce, recou­vre­ments de créances, etc. 9, place d’Aquitaine. Mme Lataste, direc­trice et cor­rec­trice du jour­nal la Liber­té, de Paris. (La Petite Gironde, 3 juillet)

1886 — Une dame désire entrer dans une impri­me­rie en qua­li­té de cor­rec­trice.
Ecr., L. P., poste res­tante, 50, rue Bona­parte. (Le Mot d’ordre, 15 octobre)

1887 — On demande une cor­rec­trice d’épreuves d’imprimerie.
S’ad. Mme Jau­doin, 65, bd Ara­go. (Le Mot d’ordre et L’Écho de Paris, 17 avril)

1888 — Me MORILLOT, défen­seur de Robert. — Ni l’espoir du gain, car, outre son trai­te­ment, sa femme apporte encore au ménage 3,500 francs, qu’elle gagne comme cor­rec­trice d’imprimerie. (Pierre-Émile Robert, ex-agent de la police de sûre­té, jugé pour usur­pa­tion de fonc­tions, arres­ta­tion illé­gale et vio­la­tion de domi­cile, tri­bu­nal cor­rec­tion­nelle de la Seine, 8e chambre, pré­si­dence de M. Gil­let, audience du 6 décembre 1888, Le Droit, 7 décembre)

annonce imprimerie picarde, 1889
Annonce de l’Im­pri­me­rie picarde, 1889

1889 — ON DEMANDE / Des Appren­ties / COMPOSITRICES / de 13 à 18 ans / Tra­vail agréable et lucra­tif / ATELIER PARTICULIER / On gagne de suite / (Il n’est pas exi­gé de contrat) / ET POUR / CORRECTRICE / une jeune fille ayant le bre­vet élé­men­taire. / A l’Imprimerie Picarde / 71, Rue du Lycée, 71, Amiens (Le Pro­grès de la Somme, 13 janvier)

1889 — Dame veuve diplô­mée demande emploi de cor­rec­trice dans une impri­me­rie.
C. R., 10, ave­nue de Tou­relle, St-Man­dé. (Le Radi­cal, 20 avril)

1893 — Atten­du qu’en fait, il est recon­nu que l’appelant a, le 25 décembre 1893, jour de fête légale et à l’heure énon­cée par le pro­cès-ver­bal, employé treize filles majeures comme com­po­si­trices et une fille majeure comme cor­rec­trice dans l’atelier de son impri­me­rie ; […]
Atten­du que le tra­vail de la cor­rec­trice consiste sur­tout à véri­fier l’identité du manus­crit avec l’imprimé[,] à rec­ti­fier les erreurs maté­rielles telles que le ren­ver­se­ment des lettres, que c’est excep­tion­nel­le­ment qu’elle accom­plit une œuvre pure­ment intel­lec­tuelle pour résoudre des dif­fi­cul­tés qui se pré­sentent sur l’orthographe, la ponc­tua­tion, les dates ; que le carac­tère indus­triel pré­do­mine dans la tâche confiée à l’ouvrière char­gée de la cor­rec­tion des com­po­si­tions typo­gra­phiques ; […]
En consé­quence le condamne : 1o à qua­torze amendes de 1 franc cha­cune pour avoir fait tra­vailler qua­torze filles majeures après neuf heures du soir ; 2o à qua­torze amendes de 1 franc pour avoir fait tra­vailler ces mêmes filles majeures un jour de fête légale recon­nue par la loi, soit en tout vingt-huit amendes de 1 franc cha­cune et aux dépens liqui­dés à 15 fr. 45, outre le coût du pré­sent juge­ment ; fixe au mini­mum de la loi la durée de la contrainte par corps.
(Police cor­rec­tion­nelle, tri­bu­nal de Saint-Etienne, pré­si­dence de M. Gast, audience du 28 avril 1894, La Loi, 12 août 1894)

1895 — Cor­rec­trice connaiss. bien la lect. et le tier­çage est deman­dée p. gde impr., pl. stable Jour­nal A.B.17. (Le Jour­nal, 9 février)

1895 — ON DEMANDE / UNE / CORRECTRICE / A l’imprimerie WATON, / à Bel­le­vue. (Mémo­rial de la Loire et de la Haute-Loire, 19 juillet)

annonce imprimerie Waton
Annonce de l’Im­pri­me­rie Waton, 1897

1897 — BONNE CORRECTRICE / est deman­dée / à l’Imprimerie WATON (Mémo­rial de la Loire et de la Haute-Loire, 29 et 30 sep­tembre, 20 octobre)

1898 — On demande bonne cor­rec­trice typo­graphe, emploi sérieux et rému­né­ra­teur. Réfé­rences exi­gées. — G. M. H., Jour­nal. (Le Jour­nal, 12 février)

1899 — P.-S. — J’é­cri­vais, il y a huit jours, dans mon Sup­plé­ment : « Il fal­lut toute la cour­toi­sie de mon inter­lo­cu­teur (il s’a­gis­sait d’une conver­sa­tion, en wagon, avec un offi­cier) et tout mon désir de ne pas frois­ser un homme convain­cu, pour, etc., etc.
On a impri­mé : « et tout mon désir de ne pas favo­ri­ser ; je prie ceux de mes lec­teurs qui ont ouvert de grands yeux, de réta­blir le texte, et je conjure la cor­rec­trice d’a­voir pitié d’une mal­heu­reuse che­mi­neaude qui ne peut cor­ri­ger ses épreuves. (La Fronde, 17 juin)

1903 — CORRECTRICE impri­me­rie, b. réf., d. pl. M.D.P., post. rest., r. Pierre-Gué­rin (16e) (Le Matin, 19 et 23 février)

1904 — IMPRIMERIE E. ARRAULT et Cie / JEUNE FILLE, ins­truite et sérieuse, est deman­dée pour apprendre le métier de cor­rec­trice. (L’Union libé­rale, 23 avril)

annonce imprimerie Arrault
Annonce de l’Im­pri­me­rie Arrault et Cie, 1904.

1904 — IMPRIMERIE E. ARRAULT ET Cie / ON DEMANDE / UNE CORRECTRICE (L’Union libé­rale, 29 octobre).

1908 — ON DEMANDE un cor­rec­teur ou une cor­rec­trice à l’Imprimerie E. Arrault et Cie. (L’Union libé­rale, 29 et 30 octobre)

1909 — Médailles d’honneur du tra­vail55 (argent, vingt ans). — Mlles Ther Rosa­lie, cor­rec­trice d’imprimerie dans la mai­son Arrault, à Tours ; Ther José­phine, cor­rec­trice d’imprimerie dans la mai­son Arrault à Tours ; […] (L’Union libé­rale, 16 août)

1910 — DEMOISELLE TRÈS SÉRIEUSE, diplô­mée ensei­gne­ment, désire emploi comme cor­rec­trice d’imprimerie. Ferait recherches lit­té­raires ou scien­ti­fiques pour ouvrages ou col­lec­tions. Pour­rait aus­si s’occuper de conten­tieux. — S’adresser à Mme Barin à l’Action. (L’Action, 4 août)

1910 — ANCIENNE cor­rec­trice d’anglais et d’espagnol dans une grande impri­me­rie pari­sienne, connais­sant en outre la sté­no­gra­phie et la machine à écrire, et ayant été employée à l’expédition d’un jour­nal, demande situa­tion à Paris ou en pro­vince ; se conten­te­rait de condi­tions modestes. Ecrire aux bureaux du jour­nal. (L’Univers, nom­breux pas­sages de décembre 1910 à juillet 1911)

1911 — J.f. 23 a., cor­rec­trice, dem. pl. ch. imp. ou édit. b. réf. parle angl. Zabas­ka, 64 r. du Rocher (Le Jour­nal, 13 mai)

1911 — [Béthel] Le pré­sident passe enfin au der­nier fait qui est repro­ché au jeune typo­graphe : le détour­ne­ment de la mineure Suzanne Pin­teau [15 ans].
— Je ne l’ai pas enle­vée, au sens propre du mot, répond Cha­gnoux. Son père s’était rema­rié. Elle vivait chez sa belle-mère et tra­vaillait comme cor­rec­trice à l’imprimerie Cerf où j’étais employé. Je lui avais conseillé de res­ter dans sa famille jusqu’au jour où je l’épouserai. Elle m’a sui­vi volon­tai­re­ment. (L’Indépendant rémois, 30 août)

1912 — Demoi­selle, 35 ans, cor­rec­trice plu­sieurs années même impri­me­rie, cherche situa­tion simi­laire : secré­taire, dame de com­pa­gnie. S’adresser au bureau du jour­nal. (La Mode illus­trée, 7 avril)

1912 — Bne cor­rec­trice [?]em. empl. dans impri­me­rie. Sér. réf. Deva­lière, 5, r. Edgar-Qui­net, Mon­trouge. (Le Jour­nal, 28 août)

1912 — Jeune fille, 22 ans, ayant été cor­rec­trice d’imprimerie, cherche place ana­logue, comp­ta­bi­li­té ou écri­tures. (La Mayenne, 22 et 29 décembre 1912 ; 5 jan­vier 1913)

1914 — J’ai un mot pour une impri­me­rie où je puis faire un rem­pla­ce­ment, comme cor­rec­trice ; c’est la vie assu­rée pour quelque temps, et quelle vie ! Cette pers­pec­tive ne m’a pour­tant pas désar­çon­née. Je demeure le pied à l’étrier, mais pour l’avoir sen­ti glis­ser — oh ! un rien — j’ai per­du un peu de ma belle confiance. Bah ! l’espoir renaî­tra, à la pre­mière éclair­cie. Il faut lais­ser se dis­si­per ce léger nuage. (feuille­ton « Le Retour des choses », Hen­riette Devers, dans L’Homme libre, 11 juillet)

1914 — Jne fem. diri­geant impri­me­rie belge dut quit­ter suite occup. all. dem. place cor­rec­trice, emploi simil. ou vend. R.L., 8, Théo­phile-Gau­tier. (Le Jour­nal, 17 octobre)

1915 — J. FILLE ins­tr., sté­no­dac­ty­lo, cor­rec­trice jour­nal, cherche emploi. Donne leçons st.-dactylo. Prix modé­rés. (Le Phare de la Loire, 15 octobre)

1919 — ON DEMANDE bons typos, met­teur en page, cor­rec­teur ou cor­rec­trice connais­sant si pos­sible l’anglais et l’italien, impri­me­rie Ged, 4, rue Para­dis. (Le Petit Pro­ven­çal, 25 avril)

1921 — Impri­me­rie Lang, 75, rue Cham­pion­net, Paris, demande cor­rec­trice. Offres et référ. par écrit. (Le Jour­nal, 11 mars)

1921 — ON DEMANDE Cor­rec­teur ou cor­rec­trice, bles­sé ou veuve de guerre, connais­sant par­fai­te­ment le fran­çais, pour ser­vice de cinq à six heures par jour. — S’adresser au bureau du jour­nal. (Le Nord mari­time, 17 octobre)

1922 — On demande bon cor­rec­teur ou cor­rec­trice pour impri­me­rie Paris. Ecrire avec référ. et pré­ten­tions à Fanon, 3, rue d’Orainville, Athis-Mons (S.-et-Oise). (L’Intransigeant, 28 septembre)

1922 — On demande bonne cor­rec­trice d’épreuves. S’adr. av. réfé­rences, de 9 à 10 h., Impri­me­rie, 20, r. Tur­got (9e (L’Intransigeant, 9 octobre)

1923 — Médaille du tra­vail (argent) — Mlle Seguin Marie-Cathe­rine-Alphon­sine, ouvrière cor­rec­trice dans la mai­son Paul Féron-Vrau, impri­meur de la « Bonne Presse », à Aigui­perse. (Cour­rier du Puy-de-Dôme, 8 avril)

1923 — Pro­cès du ren­voi injus­ti­fié de Rirette Mai­tre­jean, cor­rec­trice d’imprimerie (article à venir). 

1925 — Jeune fille, au cou­rant rech. biblio­gr., bonne cor­rec­trice épreuves, cherche emploi secré­taire dac­ty­lo. Connaît le russe. Mlle Chei­nisse, 19, ave­nue d’Orléans, à Paris. (La Jour­née indus­trielle, 11 décembre)

1928 — CORRECTRICE épreuves impri­me­rie. Se prés. 4 à 6 h. Imp. Uni­ver­selle, 48, r. Claude-Vel­le­faux. (L’Intransigeant, 10 janvier)

1929 — CORRECTEUR / ou CORRECTRICE / deman­dé par l’Imprimerie Daran­tière, rue Paul-Cabet, 13, Dijon (Le Pro­grès de la Côte-d’Or, 25 et 28 avril)

1929 — URGENT / Cor­rec­teur ou Cor­rec­trice, / connais­sances géné­rales et anglais, / Dac­ty­lo­graphe habile, / pour être uti­li­sée au cla­vier de machine à com­po­ser, deman­dés à l’Imprimerie Daran­tière, 13, rue Paul-Cabet, Dijon. (Le Pro­grès de la Côte-d’Or, 28 juillet)

1930 — Médaille du tra­vail (ver­meil, trente ans) — Mlle Gros­lier, cor­rec­trice à l’Imprimerie Clerc, à Saint-Amand. (La Dépêche du Ber­ry, 1er août)

1932 — On demande jeune femme 20-25 ans, pos­sé­dant bre­vet élé­men­taire pour emploi aide-cor­rec­trice. Ecrire avant se pré­sen­ter / à l’Imprimerie DRAEGER, / 46, rue de Bagneux, Mon­trouge. (Le Jour­nal, 28 mai)

1932 — Médaille du tra­vail (argent) — Mme Augon­net, née Vanier Marie-Alice-Antoi­nette, ex-cor­rec­trice à l’imprimerie Bus­sière, à Saint-Amand. (La Dépêche du Ber­ry, 28 juillet)

1932 — Médaille du tra­vail (argent) — Mlle Alli­mand (Marie-Made­leine-Jeanne), cor­rec­trice à la Socié­té ano­nyme de l’imprimerie Théo­lier, à St-Etienne. (Mémo­rial de la Loire et de la Haute-Loire, 31 juillet)

1932 — Da. con. l’assurance meill. réf. d. pl. jour ou 1/2 ch. cour­tier, ou cor­rec­trice p. éd. art. g.d.l. Ecr. P.R. N° 8277, P.A., 25, rue Royale. (Paris-soir, 20 octobre)

1933 — Dem. place cor­rec­trice pr impres­sion franç. ou étrang. Ecr. Irène Pes­té, 43, Bd. St-Mar­tin 3e. (Paris-soir, 29 novembre)

1936 — Médaille du tra­vail (argent) — Mlle Char­vet (Berthe), cor­rec­trice à l’imprimerie de Sceaux, à Sceaux. (Jour­nal offi­ciel de la Répu­blique fran­çaise, 16 janvier)

1936 — ON dem. une cor­rec­trice et des ouvrières estam­peuses de cli­chés. S’ad. S.I.P., 21, r. Mont­sou­ris. (L’Intransigeant, 22 mars)

1938 — Bonne cor­rec­trice rapide pour jour­naux et trav. impri­me­rie. Place stab. Ecr. réf. prétent. M. Fabre, ab. POP, 121, r. Lafayette. (Paris-soir, 19 octobre)

1938 — Dame typo­graphe et cor­rec­trice dem. empl. 2 ou 3 jrs p. semaine. Ecr. No 7765. Paris-soir (Paris-soir, 17 novembre)

1941 — Je ter­mi­nais à peine ma fas­ti­dieuse besogne de cor­rec­trice, inter­rom­pus [sic] seule­ment par l’absorption rapide de deux sand­wiches, que Mme Jehanne d’Irounac revint de ses agapes lit­té­raires, rouge et conges­tion­née sous son fard can­dide. (feuille­ton « Le Pirate », Alex Ber­ry, Le Réveil du Nord, 12 avril)


Premiers enseignements de ces données 

On peut être embau­chée dès 15 ans, avec pour tout bagage le bre­vet élé­men­taire (qui devien­dra le BEPC en 1947), être employée sur­tout pour com­pa­rer l’épreuve à la copie (être « aide-cor­rec­trice » ou « ouvrière cor­rec­trice »), comme être diplô­mée, maî­tri­ser des langues étran­gères, et pro­po­ser ses ser­vices pour des « recherches lit­té­raires ou scien­ti­fiques pour ouvrages ou collections ». 

En 1904, l’Imprimerie Arrault et Cie, à Tours, cherche exclu­si­ve­ment une cor­rec­trice et se déclare prête à la for­mer. Sté­no­dac­ty­lo, pré­po­sée aux écri­tures, voire dame de com­pa­gnie, sont, pour cer­taines de ces femmes, des « emplois similaires ». 

L’histoire s’invite dans ces situa­tions pro­fes­sion­nelles : en 1914, une direc­trice d’imprimerie a fui l’occupation alle­mande ; en 1921, on embauche une veuve de guerre… 

Les deux demoi­selles, Rosa­lie et José­phine Ther, à qui on remet en 1909 la médaille d’honneur du Tra­vail ont donc déjà vingt ans de métier, ce qui date leur entrée dans l’im­pri­me­rie à 1889. 

Enfin, quelles impres­sions de ce métier les cor­rec­trices des feuille­tons ont-elles ? « Quelle vie ! » (1914) ou « fas­ti­dieuse besogne » (1941). 

☞ Lire aus­si Les cor­rec­trices dans les annonces de mariage et de décès (1904-1941).


“Pretty Proofreader”, une série japonaise

Affiche pro­mo­tion­nelle de la série Jimi ni Sugoi ! Koet­su Garu Kono Etsu­ko.

Le 3 mars 2017, lors de la jour­née pro­fes­sion­nelle « Cor­rec­teur : un lec­teur à part », à Nantes, nous avions eu la sur­prise de décou­vrir, en guise de hors-d’œuvre, un extrait d’une série japo­naise nar­rant les aven­tures d’une jeune correctrice.

Il s’a­gis­sait de Jimi ni Sugoi ! Koet­su Garu Kono Etsu­ko (que l’on peut tra­duire par « La sim­pli­ci­té, c’est épa­tant56 ! La cor­rec­trice Etsu­ko Kono »), rebap­ti­sée Pret­ty Proo­frea­der pour la dif­fu­sion à l’é­tran­ger, ins­pi­rée d’un roman d’Aya­ko Miyagi. 

Une comé­die légère, colo­rée, com­po­sée de 10 épi­sodes de 60 minutes et d’un épi­sode bonus de 90 minutes – qui est, paraît-il, la véri­table conclu­sion de l’histoire –, dif­fu­sée sur NTV en 2016. La série pré­sente la par­ti­cu­la­ri­té d’afficher du texte en surimpression. 

Etsu­ko, 28 ans, rêve de deve­nir rédac­trice dans un maga­zine de mode et pen­sait se rap­pro­cher de son objec­tif en entrant dans une mai­son d’édition. Mal­heu­reu­se­ment pour elle, elle se retrouve affec­tée au ser­vice de relec­ture et de cor­rec­tion, « le moins gla­mour de l’entreprise ». À elle les joies de tra­quer les fautes d’orthographe et les inco­hé­rences dans les romans ou les articles qui vont être publiés. Mal­gré tout, elle fait tout pour rem­plir sa tâche au mieux, n’hésitant pas à par­tir à l’autre bout du Japon pour véri­fier qu’un roman res­pecte bien son contexte ou à mener sa propre enquête sur une affaire trai­tée dans un article de revue. Fina­le­ment, le nou­veau tra­vail d’Etsuko n’est peut-être pas si inin­té­res­sant qu’il n’y paraît57 .

La curio­si­té et le sens du détail qu’Et­su­ko mani­feste pour la mode, elle les met en œuvre dans son nou­veau tra­vail. Dès son embauche, elle entre en conflit avec la hié­rar­chie, en par­ti­cu­lier avec le direc­teur lit­té­raire, qu’elle appelle « Poulpe » – au fil des épi­sodes ils appren­dront à se res­pec­ter. Cette jolie jeune femme a la langue bien pen­due, se montre gaf­feuse, et son style sin­gu­lier de relec­ture lui fait vivre des aven­tures (il s’y greffe une amou­rette, intrigue secondaire). 

Après son suc­cès au Japon, cette série a fait l’objet d’un remake chi­nois en 2019, Stan­ding in the Time58 .

Image pro­mo­tion­nelle du remake chinois.

La série ori­gi­nale com­plète est dis­po­nible en France sur Raku­ten Viki.

“Avant que j’oublie”, d’Anne Pauly

Anne Pauly, Avant que j'oublie, prix Livre Inter 2020

Pre­mier roman, excellent, d’une secré­taire de rédac­tion et cor­rec­trice, métier qui ne l’empêche pas de prendre des liber­tés – créa­tives – avec la ponc­tua­tion et, bien sûr, avec la langue. L’au­trice m’a séduit et ému. Ce récit d’un deuil est plein de vie. Ci-des­sous, le seul pas­sage où elle évoque sa situa­tion pro­fes­sion­nelle, « à Issy-les-Mou­li­neaux, du nine to five sans congés ni RTT payé en droits d’au­teur » (p. 92).

Le len­de­main, il m’a télé­pho­né vers 15 heures. C’é­tait pas nor­mal qu’il m’ap­pelle en pleine après-midi. Mes col­lègues étaient au cou­rant de la situa­tion mais  l’af­faire ne les concer­nait pas direc­te­ment, cha­cun vaquait, casque sur les oreilles, à ses occu­pa­tions. Je ne vou­lais pas débal­ler mon cha­grin en plein open space. Ma fonc­tion, subal­terne, qui consis­tait à édi­ter des papiers sur des drames fami­liaux et des dis­pa­ri­tions mys­té­rieuses, et que venaient régu­liè­re­ment ponc­tuer des pages « Vie pra­tique », me ran­geait déjà, dans cette entre­prise pour­tant « fami­liale », du côté des inca­pables et des pas­sifs. Une crise de larmes inopi­née, même jus­ti­fiée, m’au­rait fait perdre le peu de cré­dit que j’a­vais gagné à m’é­ner­ver sur le bon emploi des adverbes et des points-vir­gules. J’ai sau­ve­gar­dé les pré­cieuses cor­rec­tions effec­tuées sur « Cinq astuces pour un chat en bonne san­té » et j’ai cou­ru dans les toi­lettes pour pou­voir décro­cher à temps. […]

Anne Pau­ly, Avant que j’ou­blie, Ver­dier, 2019, p. 68-69.