Au fil de mes recherches, j’ai croisé nombre de personnes citées comme ayant exercé, au moins un temps, le métier de correcteur. Certains noms revenaient sans cesse, d’autres étaient plus rares, ce qui m’a incité à ouvrir un fichier spécifique pour m’en souvenir. Voici donc le Hall of Fame des correcteurs. Cette liste ne prétend pas, bien sûr, à l’exhaustivité et reste susceptible d’ajouts, de précisions et aussi de suggestions bienvenues.
NB — Les citations sont parfois coupées abruptement quand je n’ai eu accès qu’à un extrait de la page.
Les antiques
Antimaque de Colophon ou de Claros (400-348 av. J.-C.)
« Poète et grammairien grec contemporain des guerres médiques. Ses œuvres sont aujourd’hui perdues : on en possède seulement quelques fragments » (Wikipédia).
« Antimaque de Colophon, poète lui-même, est, je crois, le plus ancien diorthonte [ou diorthôte], dont le travail, du moins en partie, soit arrivé jusqu’à nous » (Jean-Baptiste Dugas-Montbel, Histoire des poésies homériques, 1831, p. 78).
Zénodote (330-260 av. J.-C.)
« Mis au rang des premiers diorthôte, c’est-à-dire des correcteurs, grâce à son importante production d’éditions critiques des textes homériques » (Wikipédia).
Les glorieux ancêtres
Constamment cités, au long du xixe siècle, parmi les premiers « correcteurs », même si la correction d’épreuves ne constituait qu’une petite partie de leur activité. Classés par date de naissance.
Janus Lascaris (1445-1535)
Érudit grec de la Renaissance.
Johann Froben (1460-1527)
Imprimeur et éditeur bâlois. « Associé, à partir de 1493, à Johann Petri, et à partir de 1500 environ, à Johann Amerbach dont il a été le correcteur, travaillant ensemble jusqu’en 1512 » (BnF).
« Un livre où il y a des fautes n’est pas un livre » (cité par J.-B. Prodhomme dans cet article).
Josse Bade (1461 ou 1462 – 1535)
Jodocus Badius en latin, surnommé Ascensius, imprimeur et libraire d’origine belge, ayant principalement exercé en France, d’abord à Lyon puis à Paris. « […] après avoir professé avec tant de distinction les belles-lettres à Lyon, fut correcteur chez Trechsel, dont il devint le gendre […] » (Larousse du xixe siècle). « Correcteur chez Jean Trechsel, puis Robert Gaguin, installé à son compte en 1500 » (Encyclopédie Larousse).
Érasme (1466?-1536)
Chanoine régulier de Saint-Augustin, philosophe, humaniste et théologien néerlandais. « Érasme l’énonce en 1505 dans sa préface aux Adnotationes de Lorenzo Valla : la perfection du texte écrit est une des ambitions les plus hautes ; elle impose une vigilance d’autant plus exigeante que “l’imprimerie […] répand aussitôt une faute unique en mille exemplaires […]”. Ainsi, l’humaniste sera souvent un homme qui travaille au cœur de l’atelier typographique » (Yann Sordet, p. 290, voir mon article).
Marcus Musurus (1470-1517)
Helléniste et humaniste d’origine grecque.
Jean Trechsel (14..-1498)
Imprimeur-libraire, graveur et fondeur de caractères, originaire d’Allemagne, probablement de Mayence.
Geoffroy Tory (1485-1533)
« Imprimeur-libraire, également éditeur humaniste, traducteur, dessinateur, peintre, enlumineur, graveur, fondeur de caractères et relieur français. Il est l’un des introducteurs des caractères romains en France et l’un des premiers réformateurs de l’orthographe française » (Wikipédia). Correcteur d’Henri Estienne (Brossard).
Sébastien Gryphe (1492-1556)
Sebastianus Gryphius en latin, de son vrai nom Sebastian Greyff. Imprimeur-libraire français.
Zacharie Kalliergis (actif de 1499 à 1524)
Copiste de manuscrits, pionnier de l’imprimerie pour la langue grecque.
Étienne Dolet (1509?-1546)
Philologue érudit et imprimeur, correcteur et lecteur d’épreuves (chez Sébastien Gryphe1, à Lyon, en 1534). Brûlé vif avec ses livres, place Maubert à Paris (Universalis).
Michel Servet (1511-1553)
Correcteur typographe, médecin, archevêque. Brûlé comme hérétique (Universalis).
Cornelius Kiliaan (1528/1530 – 1607)
De son vrai nom, Cornelis Abts van Kiele. Poète, historien, lexicographe, linguiste, traducteur néerlandais.
« Après ses études, il a trouvé un emploi dans l’imprimerie récemment fondée par Christophe Plantin, imprimerie qui se développera jusqu’à devenir la plus importante d’Europe à cette époque. Il a commencé au bas de l’échelle en tant que typographe et imprimeur, mais il a été promu premier assistant en 1558. Plantin avait manifestement confiance dans les qualités de Kiliaan car en 1565, il a été nommé correcteur d’épreuves, une fonction rémunératrice réservée alors aux érudits » (Wikipédia).
« Kiliaan a travaillé pendant 50 ans en tant que correcteur chez Plantin. Ce veuf vivait avec ses trois enfants dans la maison située sur la place du Vrijdagmarkt. Lorsque Plantin émet le souhait d’éditer un dictionnaire traductif néerlandais, il pense aussitôt à faire appel à son correcteur. Les dictionnaires vont désormais remplir toute la vie de Kiliaan » (musée Moretus-Plantin).
« Kilian peut être considéré comme le phénix des correcteurs morts et vivants. Il savait que la correction est à l’art typographique, suivant l’heureuse expression d’Henri Estienne, ce que l’âme est au corps humain ; elle lui donne l’être et la vie » (Léon Degeorge, La Maison Plantin à Anvers, Impr. Félix Callewaert père (Bruxelles), 1877).
Friedrich Sylburg (1536-1596)
Philologue allemand. « […] à partir de 1582, il se voue tout entier à la révision et à la correction des anciens auteurs grecs et latins. Jusqu’en 1591, il travaille chez l’imprimeur Wechel à Francfort-sur-le-Main, ensuite il passe à Heidelberg, auprès de Commelin, et est nommé bibliothécaire de l’université » (Wikipédia). Cité par Larousse.
François Ravlenghien (1539-1597)
Franciscus Raphelengius en latin, aussi connu comme François Rapheleng, né en Flandres, orientaliste, linguiste et imprimeur de la Renaissance. « […] aima mieux rester correcteur chez Plantin [en 1564, BnF] que d’aller occuper à Cambridge la chaire de professeur de grec, à laquelle son mérite l’avait appelé […] » (Larousse). Plantin dont il a épousé Marguerite, la fille aînée (Wikipédia).
Juste Lipse (1547-1606)
Iustus Lipsius en latin, de son nom d’origine Joost Lips. Philologue et humaniste qui vécut dans ce qui était alors les Pays-Bas espagnols et aujourd’hui la Belgique.
D’autres noms sont cités par L.-E. Brossard, Le Correcteur typographe, 1924.
Les écrivains, les journalistes et quelques autres
Maniant la plume, ils l’ont mise au service de la correction, souvent le temps de se faire un nom. Classés par date de naissance.
François Rabelais (1483 ou 1494 – 1553)
Écrivain français humaniste de la Renaissance. Correcteur chez Sébastien Gryphe, à Lyon, dans les années 1530.
Claude Goudimel (1520?-1572)
Compositeur français. Mourut à Lyon, victime des massacres de la Saint-Barthélemy. « Fut associé à l’éditeur Nicolas Du Chemin comme correcteur (1551) » (Universalis).
Lire François Lesure, « Claude Goudimel, étudiant, correcteur et éditeur parisien », Musica Disciplina, vol. 2, nos 3-4, 1948, p. 225-230.
Henri Estienne (1528/1530 – 1598)
Imprimeur, philologue, helléniste et humaniste français, fils de l’imprimeur Robert Estienne. « Adolescent, il avait commencé à corriger les textes grecs, en travaillant avec son père sur les épreuves d’une magnifique édition de Denys d’Halicarnasse, un exemple impressionnant des “grecs du roi” que Robert publia en 1547 » (Anthony Grafton, « Les correcteurs d’imprimerie et les textes classiques », dans Des Alexandries I. Du livre au texte (dir. Luce Giard et Christian Jacob), BnF, 2001, p. 427).
Félix Platter (1536-1614)
Médecin et biologiste suisse, correcteur d’imprimerie à Bâle (Universalis).
Giordano Bruno (1548-1600)
Frère dominicain et philosophe napolitain, brûlé vif pour athéisme et hérésie. « […] à Genève, […] il […] survit comme correcteur d’imprimerie » (Le Monde, 17 février 2000).
Guy Patin (1601-1672)
Médecin et épistolier français. « Brouillé avec sa famille pour son refus d’entrer dans la carrière ecclésiastique, il se livra à l’étude de la médecine et, comme il était dépourvu de ressources, il se fit correcteur d’imprimerie (aux dires de Théophraste Renaudot et de Pierre Bayle) » (Wikipédia).
Benjamin Franklin (1706 -1790)
Imprimeur, écrivain, physicien, diplomate américain.
François-Joachim de Pierre de Bernis (1715 -1794)
Diplomate, homme de lettres et prélat français qui fut ambassadeur à Venise (1752-1755), ministre d’État (1757), secrétaire d’État des Affaires étrangères (1757-1758) et enfin chargé d’affaires auprès du Saint-Siège (1769-1791). « […] ma famille se rappelle encore l’abbé de Bernis, qui lisait des épreuves chez mon bisaïeul François Didot » (Ambroise Firmin-Didot, dans son discours d’installation comme président honoraire de la Société des correcteurs, le 1er novembre 1866).
Nicolas Edme Restif de La Bretonne (1734-1806)
Écrivain français. « À Paris, il devient “prote” et correcteur dans diverses imprimeries, dont l’Imprimerie royale du Louvre » (Gérard Blanchard, « Restif de La Bretonne : typographe et écrivain », Communication et langages, no 30, 1976, p. 65). Il raconte ces années dans sa vaste autobiographie, Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé.
François-René de Chateaubriand (1768-1848)
Écrivain, mémorialiste et homme politique français. « L’académicien Charles Nodier fut correcteur d’imprimerie. Chateaubriand occupa le même emploi à Londres où la tourmente révolutionnaire l’avait jeté dénué de toutes ressources » (note de la chanson Embauchés sous l’aimable loi / Du grand saint Jean Porte-Latine, 1858).
Charles Nodier (1780-1844)
Écrivain, romancier et académicien français. « En août 1809, il entra en relations avec l’écrivain anglais Herbert Croft et Lady Mary Hamilton, installés à Amiens. Devenu leur secrétaire le 3 septembre, il réalisa pour eux de fastidieux travaux de copie littéraire et de correction d’épreuves, jusqu’à leur ruine, en juin 1810 » (Wikipédia).
Pierre-Jean de Béranger (1780-1857)
Chansonnier français. « Béranger se présente à ma mémoire » (Ambroise Firmin-Didot, dans son discours d’installation comme président honoraire de la Société des correcteurs, le 1er novembre 1866).
Jules Michelet (1798-1874)
Historien français, fils d’un maître-imprimeur (cité par Brossard).
Johann Friedrich Dübner (1802-1867)
Philologue allemand, « vient dès 1832 se fixer à Paris, où il prend une part active à tous les grands travaux de la librairie Firmin Didot (Thesaurus linguæ græcæ, Collection grecque-latine) » (Wikipédia). Cité par Larousse.
François Buloz (1803-1877)
Patron de presse français, directeur de la Revue des Deux-Mondes. « Fils de cultivateurs, chimiste de formation, François Buloz est d’abord prote d’imprimerie, puis compositeur d’imprimerie et correcteur » (Wikipédia).
« […] il entra alors dans une imprimerie où il apprit le métier de typographe : il y réussit, et devint même un assez habile ouvrier. En 1825, il fut admis à l’imprimerie de l’archevêché comme correcteur. De huit heures du matin à huit heures du soir, le jeune Buloz était chargé de la lecture des épreuves ; tous les livres latins ou français lui passaient par les mains : ce dut être excellent pour compléter ses humanités » (Marie-Louise Pailleron, François Buloz et ses amis, 1918).
« Enfin, en 1828, F. Buloz entra, comme correcteur encore, à l’imprimerie d’Éverat, 18, rue du Cadran. C’est là que se décida son avenir, et qu’il abandonna le métier de typographe, pour devenir directeur de [r]evue » (ibid.).
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865)
Polémiste, journaliste, économiste, philosophe, politique et sociologue français.
« Il avait commencé correcteur avant d’apprendre le métier de compositeur, ainsi que l’indiquent les dates. M. Milliet (aujourd’hui rédacteur du Journal de I’Ain), qui était, en 1829, prote d’imprimerie a Besançon, dans la maison où […] »
« Proudhon, servi par son activité, son savoir, était vite devenu correcteur à la maison Gauthier, qui avait alors en chantier une édition latine de la Vie des Saints, accompagnée de notes également latines. […] » (Daniel Halévy, La Vie de Proudhon, 1809-1847, 1948).
Karl Müller (1813-1894)
Philologue helléniste allemand, « connu pour la qualité de ses nombreuses éditions de textes en grec ancien et leurs traductions en latin » (Wikipédia). Cité par Larousse.
Paul Féval (1816-1887)
Romancier français. « Son œuvre abondante, composée de plus de 70 romans populaires édités en feuilleton et de près de 70 nouvelles […] eut un succès considérable de son vivant, égalant celles d’Honoré de Balzac et d’Alexandre Dumas » (Wikipédia). Correcteur au Nouvelliste (Universalis).
Jules Bergeret (1831-1905)
Personnalité militaire de la Commune de Paris. « Après avoir quitté l’armée, il est d’abord garçon d’écurie à Saint-Germain puis il devient correcteur d’imprimerie et typographe » (Wikipédia).
Arthur Ranc (1831-1908)
Journaliste et essayiste politique, républicain anticlérical franc-maçon et révolutionnaire français. « Correcteur à L’Opinion nationale, il collabora à La Rue (1er juin 1867 – 11 janvier 1868) de Jules Vallès (de qui il fut proche et qui le mentionne dans Le Bachelier sous le nom de Roc — Ranc signifiant en occitan roc ou rocher), au Réveil de Charles Delescluze, au Diable à Quatre (1868), à La Cloche (1869) » (Maitron).
Léo Frankel (1844-1896)
Militant syndicaliste et socialiste hongrois d’origine juive. Prend une part active à la Commune de Paris de 1871. Ouvrier d’orfèvrerie, correcteur puis journaliste (BM Lyon).
Léon Bloy (1846-1917)
Romancier et essayiste français. « Après la guerre, il revient habiter la rue Rousselet et reprend auprès de son vieux maître [Jules Barbey d’Aurevilly] les fonctions de secrétaire et de correcteur d’épreuves, qu’il partageait avec M. Landry » (L’Agora).
Alfred Bruneau (1857-1934)
Compositeur, chef d’orchestre et critique français. « Il travaille comme correcteur chez l’éditeur de musique Georges Hartmann » (Universalis).
Charles Péguy (1873-1914)
Écrivain, poète, essayiste et officier de réserve français.
« Mon cher Péguy
« Les Tharaud [les frères Jean et Jérôme Tharaud] me disent que vous êtes un peu souffrant, que vous vous êtes trop fatigué. Cela me peine. Il n’est pas possible en effet que vous continuiez ce métier de correcteur d’épreuves, qui est le plus tuant de tous, et surtout que vous y mettiez cette application excessive. Il vaut mieux que quelques fautes typographiques se glissent dans les Cahiers [de la Quinzaine, 1900-1914, revue bimensuelle fondée et dirigée par Péguy], et que vous alliez bien : les chefs-d’œuvres classiques n’ont rien perdu aux coquilles qui émaillent leurs premières éditions » (Romain Rolland [?], Cahiers Romain Rolland, vol. 22, 1948).
« Péguy y était un maître Jacques, tour à tour éditeur, vendeur, correcteur d’épreuves, comptable et parfois typographe » (André Suarès, La Condottiere de la beauté, De Nederlandsche Boekhandel, 1954, p. 10).
« Il s’est usé les yeux sur les épreuves. Pendant longtemps, il a corrigé lui-même et mis en pages tous les livres qu’il publiait. Correcteur acharné, il faisait la chasse aux lettres cassées, à l’œil douteux, aux virgules sans pointe » (Alexandre Millerand, André Suarès, Charles Péguy : sa vie, son œuvre et son engagement, éd. Homme et Littérature, 2021).
Pierre Monatte (1881-1960)
« Correcteur d’imprimerie et militant français. Figure majeure du syndicalisme, il est l’un des responsables de la CGT au début du xxe siècle » (Wikipédia). Correcteur de presse, L’Époque, La Liberté du temps, France-Soir, rue Réaumur. En janvier 1908, il entre comme correcteur à l’imprimerie confédérale de la CGT.
Pierre Mac Orlan (1882-1970)
Né Pierre Dumarchey, écrivain français. Correcteur à La Dépêche de Rouen de 1901 à 1905 (éd. Sillages).
« Quand André Maurois était au lycée Corneille et qu’Émile Chartier, sous le pseudonyme d’Alain, publiait chaque jour des propos dans la Dépêche de Rouen, il y avait, à l’imprimerie de celle-ci, un jeune correcteur particulièrement chargé d’apporter tous ses soins à la lecture des épreuves de chacun des propos. Ce jeune correcteur s’appelait Pierre Dumarchais [sic]. Un jour, il deviendrait célèbre en littérature sous le pseudonyme de Pierre Mac Orlan » (Michel Droit, André Maurois et Rouen, 25 octobre 1985, Académie française).
Jacques Maritain (1882-1973)
Philosophe et théologien catholique français. « Péguy et Jacques Maritain s’entendirent tout de suite à merveille : on sait que Péguy prit même un moment ce dernier comme collaborateur, en tant que réviseur et correcteur attitré des Cahiers [de la Quinzaine] […] » (Georges Cattaui, Péguy, témoin du temporel chrétien, 1964).
Anton Webern (1883-1945)
Compositeur et chef d’orchestre autrichien. « […] exercer l’humble métier de correcteur d’épreuves dans une grande maison d’édition musicale viennoise. Aussi bien cette obscurité convenait-elle à son extrême modestie et à son apparente absence d’ambition (André Hodeir, La Musique étrangère contemporaine, « Que sais-je ? », no 631, PUF, 1954, p. 60).
Francis Carco (1886-1958)
Écrivain, poète, journaliste et parolier français. « Carco entra dès lors comme lecteur et correcteur-typographe à la Belle Édition de Francois Bernouard, située rue Dupuytren, où chaque collaborateur allait à son tour actionner une presse à bras gémissante et d’antique modèle (Emmanuel Aegerter, Pierre Labracherie, Au temps de Guillaume Apollinaire, Julliard, 1945).
Louis Lecoin (1888-1971)
Militant pacifiste et anarchiste français. « Louis Lecoin était issu d’une famille très pauvre, de parents illettrés : il ne possédait lui-même qu’un certificat d’études primaires. Il devint correcteur d’imprimerie après avoir exercé les professions de manœuvre, jardinier, cimentier et avoir été aussi mendiant » (Wikipédia).
Pierre Reverdy (1889-1960)
Poète français. « 1912 — Il gagne modestement sa vie comme correcteur d’imprimerie rue Falguière. Il assure le secrétariat de rédaction du bulletin de la Section d’or, dont la parution s’interrompt après le premier numéro » (Jean-Baptiste Para, Pierre Reverdy, Culturesfrance, ministère des Affaires étrangères, 2006, p. 80).
Henry Miller (1891-1980)
Romancier et essayiste américain. « À l’automne 1931, Miller obtient un premier emploi de correcteur d’épreuves pour un journal américain, le Chicago Tribune, grâce à son ami Alfred Perlès qui y travaille déjà » (Wikipédia).
Iouri Tynianov (1894-1943)
Écrivain russe, spécialiste de l’histoire de la littérature russe du début du xixe siècle. Chercheur, enseignant, traducteur, correcteur (Universalis).
Sergueï Essénine (1895-1925)
Poète russe. « En 1913, il travaille comme correcteur à Moscou » (Universalis).
André Breton (1896-1966)
Poète et écrivain français, principal animateur et théoricien du surréalisme.
« “[…] de vous recommander un jeune homme dont la situation me touche et auquel vous pourrez peut-être donner les moyens d’échapper aux plus graves difficultés. Il est étudiant en médecine et s’occupe passionnément de littérature.” Le jeune homme est André Breton, qui a décidé d’arrêter ses études pour se livrer à son exclusive passion, et à qui son père a coupé les vivres. Le père a pris contact avec Valéry, qui a tenté de le calmer et veut aider le jeune poète à se débrouiller jusqu’à ce que sa situation s’éclaircisse. Paulhan l’engage comme correcteur. » (Denis Bertholet, Paul Valéry, Plon, 1995).
« André Breton, correcteur, vraiment correcteur, au sens correcteur d’imprimerie, d’un Du côté de Guermantes, dont il monte les “paperoles” en semblant passer à côté de l’immensité de l’entreprise. » (Bernard-Henri Lévy, « Les mots de Sartre. Le jour où Proust et Joyce se sont rencontrés. La mort de François Baudot », Le Point, 11 mai 2010).
Marie Canavaggia (1896-1976)
Traductrice professionnelle française et, pendant vingt-cinq ans, secrétaire littéraire de Louis-Ferdinand Céline, dont elle corrigea les épreuves. Lire le détail de sa collaboration avec Céline sur Wikipédia.
Philippe Soupault (1897-1990)
Écrivain, poète et journaliste français, cofondateur du surréalisme. « Estimé par Valéry et Gide, il est engagé comme correcteur à la N.R.F. » (Bernard Morlino, Philippe Soupault, 1986).
Joseph Kessel (1898-1979)
Romancier, grand reporter, aventurier, résistant et académicien français. « […] jeune homme qui fut […] correcteur d’épreuves aux Débats » (Le Monde).
May Picqueray (1898-1983)
Militante anarcho-syndicaliste et antimilitariste libertaire française. « May Picqueray a été une des figures du syndicat des correcteurs. Elle fut notamment correctrice à Ce Soir, Libération et pendant vingt ans, au Canard enchaîné » (Wikipédia).
« Quand les communistes prirent le contrôle de la Fédération des métaux, May Picqueray abandonna son travail et partit en province où elle travailla comme rédactrice et correctrice dans un journal régional. […] Devenue correctrice à la Libération, d’abord à l’Imprimerie du Croissant, puis au journal Libre Soir Express, elle fut admise le 1er octobre 1945 au syndicat CGT des correcteurs qui ne comptait alors que 4 ou 5 femmes. À la disparition du journal, elle obtint avec une de ses camarades, devant le conseil des prudhommes, un mois d’indemnité de licenciement, ce qui ne s’était encore jamais vu. Le jugement fit jurisprudence. Elle fut ensuite correctrice au Canard enchaîné » (Maitron).
Jean-Joseph Rabearivelo (1901 ou 1903 – 1937)
Né Joseph-Casimir Rabe, premier écrivain malgache d’expression française, considéré comme une figure littéraire majeure à Madagascar et en Afrique. « 1924 : Il devient correcteur à l’Imprimerie de l’Imerina et y travaille bénévolement les deux premières années. Il gardera ce travail jusqu’à sa mort malgré une maigre paie. L’imprimerie de l’Imerina publiera cependant plusieurs de ses ouvrages en tirage limité » (Wikipédia).
Gustav Fröhlich (1902-1987)
Acteur, réalisateur et scénariste allemand. « À l’âge de gagner sa vie, il retourna aux environs de Hanovre et entra à la rédaction d’un tout petit journal, dans une toute petite ville de la région. Il y était à la fois rédacteur, critique théâtral, correcteur, publiciste, guichetier, et, pour tout ce travail, il gagnait 35 marks par mois » (Cinémonde, no 77, 10 avril 1930).
Pascal Pia (1903-1979)
Poète et journaliste français. « Pour vivre, il est correcteur d’imprimerie et travaille chez un agent de change » (Universalis).
Henri Calet (1904-1956)
Écrivain, journaliste, homme de radio français, humaniste et libertaire. « Après ses études, il exerça divers petits métiers : clerc d’huissier, employé, etc. Il fut aussi correcteur d’imprimerie » (Henri Calet, Fièvre des polders, « L’Imaginaire », Gallimard, 2018).
« Sa vie d’errance finit par se stabiliser à Paris, où Jean Paulhan lui trouve un emploi de correcteur qui lui laisse du temps pour se consacrer à l’écriture » (Médiapart, 9 août 2017).
Isaac Bashevis Singer (1904-1991)
Écrivain juif polonais naturalisé américain.
« Ce poème fut publié dans l’hebdomadaire littéraire Literarishe bleter (Les pages littéraires) le 4 septembre 1936. […], à cette époque, Isaac Bashevis Singer n’était déjà plus le correcteur de ce magazine qui parut sans interruption de 1924 à 1939 et était le plus important magazine littéraire en yiddish de Pologne » (Benny Mer, Smotshè : biographie d’une rue juive de Varsovie, L’Antilope, 2021).
« À la fin des années 1920, il vit toujours à Varsovie et ses premiers écrits ne le satisfont pas.[…] Il vit de très peu, pratiquement de rien, correcteur d’épreuves dans tel ou tel journal qui accepte de temps en temps de publier un de ses textes, pigé misérablement » (Le Monde, 26 juillet 1991).
Eugène Ionesco (1909-1994)
Dramaturge et écrivain roumano-français. « Après la guerre, à Paris, il gagne sa vie comme correcteur dans une maison d’éditions administratives » (Universalis).
« Eugène Ionesco est embauché comme débardeur chez Ripolin, mais sa science de l’orthographe lui permet d’être agréé par les Éditions techniques au titre de correcteur d’épreuves » (Le Monde, 26 janvier 1996).
« […] pour les Ionesco, la fin des années quarante est bien le temps des vaches maigres. L’heure est au travail. […] Voici l’exilé roumain correcteur d’épreuves, chez Durieu, rue Séguier. La tâche consiste en une relecture méticuleuse des publications juridiques […] que la maison édite, et qu’il s’agit de nettoyer de leurs incorrections orthographiques et syntaxiques avant parution. De septembre 1948 jusqu’au milieu des années cinquante, Eugène Ionesco s’appliquera à détecter toutes les scories qui peuvent polluer un texte. Il y gagnera une familiarité renouvelée avec les mots. La charge est lourde, mais, travaillant vite, l’œil en éveil, le correcteur Ionesco obtiendra de ne paraître au bureau que le matin, emportant à domicile le reliquat des pages à relire, et consacrant son loisir à ses propres travaux littéraires. À partir de 1952, ce plein temps fera place à un mi-temps (9 heures/13 heures). Ionesco n’a pas détesté ce moment de sa vie. En 1978, dans sa conversation avec P. Sollers et P.A. Boutang, il déclare : “J’étais, entre 45 et 50 [en fait entre 1948 et 1955 (?)] un petit employé dans une maison d’édition juridique… Et je regrette maintenant de ne pas être resté petit employé. Je n’aurais rien écrit, je ne serais pas entré dans ce bruit, dans ce chaos, dans cette notoriété, et je prendrais maintenant ma retraite.” » (André Le Gall, Ionesco, Flammarion, 2009, cité par un commentaire du blog Langue sauce piquante, du Monde, 6 novembre 2016).
Georges Brassens (1921-1981)
Auteur-compositeur-interprète français.
☞ Voir Georges Brassens, correcteur du Libertaire.
José Saramago (1922-2010)
Écrivain et journaliste portugais.
« Loin de se cantonner à un seul métier, il fut également dessinateur industriel, puis correcteur d’épreuves, éditeur, lançant en 1947 son tout premier roman, Terre du péché, inspiré de sa région natale » (André Lavoie, « Faut-il relire… José Saramago ? », Le Devoir, 29 juillet 2023).
« Dans Histoire du siège de Lisbonne (História do cerco de Lisboa, 1989), roman dans le roman, un correcteur inverse le cours de l’Histoire lors du siège de Lisbonne afin de trouver un sens à son existence » (Wikipédia).
☞ Voir Le correcteur, personnage littéraire.
Jean-Claude Brisville (1922-2014)
Écrivain français, dramaturge, romancier et auteur pour la jeunesse. Lecteur-correcteur chez Hachette de 1951 à 1958 (Who’s Who in France).
Walter Lewino (1924-2003)
Écrivain et journaliste français. « D’abord mousse dans la marine marchande et peintre en bâtiment puis correcteur dans une imprimerie […] » (Wikipédia).
Pierre Deligny (1926-2005)
Ancien chef correcteur adjoint de l’Encyclopædia Universalis. Correcteur bénévole de Georges Simenon.
☞ Voir Georges Simenon et ses correcteurs.
Doringe (19??-20??)
Henriette Blot, dite « Doringe », journaliste et traductrice de l’anglais en français. « Correctrice attitrée » de Georges Simenon.
☞ Voir Georges Simenon et ses correcteurs.
Gilles Carle (1928-2009)
Graphiste plasticien, réalisateur, scénariste, monteur et producteur québécois. « Il subvient à ses besoins en exerçant tous les métiers : il se fait laitier, camionneur, draveur, bûcheron, mineur, comptable, dessinateur, danseur, figurant et correcteur d’épreuve[s] selon les besoins du moment et les occasions qui se présentent à lui » (L’Agora).
Bernard Noël (1930-2021)
Poète, écrivain et essayiste français. « Né en 1930, Bernard Noël signe son premier livre, Les Yeux chimères, en 1953 et en 1958, Extraits du corps. Ce n’est que dix ans plus tard qu’il publie son troisième ouvrage, La Face de silence. La publication de ces poèmes lui ouvre alors les portes de l’édition où il travaille comme lecteur, correcteur et traducteur » (Babelio).
Joan Didion (1934-2021)
Romancière, journaliste, essayiste et scénariste américaine. « Après des études de littérature à l’université de Berkeley, elle part en 1956 pour la capitale culturelle de la côte est des Etats-Unis, où elle débute comme correctrice chez Vogue » (La Croix, 23 décembre 2021).
Mario Vargas Llosa (né en 1936)
« Il suit des études à l’université San Marcos de Lima et s’exerce parallèlement aux fonctions de correcteur et collaborateur de revues littéraires » (France Culture, 7 octobre 2010).
Jean-Luc Mélenchon (né en 1951)
Homme politique français. « Au premier trimestre 1974, il est correcteur pour l’imprimerie Néo-Typo de Besançon puis travaille quelques mois comme ouvrier dans une usine de l’horloger Maty » (Wikipédia).
Mustapha Ourrad (1954-2015)
Lecteur-correcteur algéro-français. « Il intègre le groupe d’édition Hachette, où il travaille notamment, en qualité de correcteur, à la rédaction de l’encyclopédie Axis publiée par Le Livre de Paris, puis pour divers journaux, dont Viva et Charlie Hebdo. C’est au siège du journal qu’il meurt assassiné le 7 janvier 2015 » (Wikipédia).
Jay McInerney (né en 1955)
Romancier américain. « En 1980, il s’installe à New York, où il travaille comme correcteur [« vérificateur » pour Wikipédia] au New Yorker » (Booknode). Il transposera cette expérience dans Bright Lights, Big City (1984).
Claro (né en 1962)
Christophe Claro, plus connu sous le nom de Claro, écrivain, traducteur et éditeur français. « Après des études de lettres supérieures au lycée Lakanal de Sceaux, il travaille en librairie de 1983 à 1986, et devient correcteur pour différentes maisons d’édition » (Wikipédia), dont le Seuil (Radio France).
Véronique Ovaldé (née en 1972)
« J’ai […] toujours redouté la précarité matérielle. Alors je suis devenue fabricante, au Seuil, en même temps que préparatrice de copie et correctrice pour Christian Bourgois et Balland. Puis, plus tard, éditrice. Sans jamais cesser d’écrire ! » (La Croix, 23 mars 2023).
Justine Lévy (née en 1974)
Éditrice et écrivaine française. « Après des études de philosophie, elle sera lectrice et correctrice chez Calmann-Lévy, puis éditrice aux éditions Stock » (Jean-Louis Beaucarnot, Frédéric Dumoulin, Dictionnaire étonnant des célébrités, 2015).
Correcteurs-poètes
Vivant ou survivant de la correction, ils ont laissé une œuvre poétique.
Hégésippe Moreau (1810-1838)
Né Pierre-Jacques Roulliot, écrivain, poète et journaliste français. Correcteur et typographe.
Eugène Orrit (1817-1843)
Poète romantique, correcteur typographe. Mort de la tuberculose à 26 ans.
André Lemoyne (1822-1907)
Poète et romancier français. « Avocat au barreau de Paris en 1847, il fut successivement typographe, correcteur, puis chef de publicité chez Didot de 1848 à 1877, date à laquelle il fut nommé bibliothécaire de l’École des arts décoratifs » (Wikipédia).
☞ Voir André Lemoyne, un correcteur statufié.
Anecdotes glanées ici ou là
Auteurs célèbres, eux n’ont pas exercé le métier de correcteur, et c’était sans doute préférable.
Molière (1622-1673)
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, comédien et dramaturge français. « […] criblées de fautes d’impression, au point qu’on a proclamé Molière le plus négligent correcteur d’épreuves de notre littérature. Il avait coutume de dire, du reste, qu’il ne faut juger d’une pièce “qu’aux chandelles” c’est-à-dire à la scène, et non sur sa lecture. Nul n’est moins “homme de lettres” que lui » (Alphonse de Parvillez, M. Moncarey, M. L. Durand, Littérature française, vol. 1-4, 1952, p. 274).
Valery Larbaud (1881-1957)
Écrivain, poète, romancier, essayiste et traducteur français. « Je suis un très mauvais correcteur d’épreuves : je manque de patience, les premières fautes que j’aperçois m’irritent, me découragent, font que j’accomplis cette besogne fastidieuse avec moins d’attention que si je voyais qu’on a fait quelque effort pour imprimer correctement mon texte, et comme, en général, je le sais par cœur, il m’arrive de passer dix fois près d’une coquille, — ô pages ! ô plages — sans la remarquer : ma pensée a corrigé spontanément l’erreur, m’a fait voir ce qui n’était pas sur l’épreuve » (« Lettre aux imprimeurs », Sous l’invocation de saint Jérome, « Tel », Gallimard, 1946, 1997, p. 297).
Pour ne pas allonger indéfiniment cet article, j’ai créé une seconde liste.
Je traite séparément les correcteurs ayant écrit sur le métier ou rédigé un ouvrage de référence (Colignon, Lacroux, Gilbert, etc.).
PS — Cette liste et celles mentionnées ci-dessus ont servi de base à un Petit dico des correcteurs et correctrices, présenté par ordre alphabétique.
Article mis à jour le 25 octobre 2023.
- « Dans d’importantes publications récentes, il est […] dit de Jean de Tournes qu’il fut d’abord correcteur chez Sébastien Gryphe en même temps qu’Étienne Dolet, avant de devenir lui-même imprimeur et libraire […]. Les sources connues disent pourtant tout autre chose. Chez Sébastien Gryphe, il ne fut pas correcteur, mais un compositeur parmi d’autres, appartenant donc au monde des compagnons, peut-être le meilleur d’entre eux, mais tout de même un compagnon. » — Michel Jourde, « Comment Jean de Tournes (n’)est (pas) devenu un imprimeur humaniste », dans Passeurs de textes. Imprimeurs et libraires à l’âge de l’humanisme (dir. Christine Bénévent, Anne Charon, Isabelle Diu et al.), « Études et rencontres », 37, École nationale des chartes, 2012.