Le rôle du correcteur, par Henri Fournier, imprimeur, 1870

Je repro­duis ci-des­sous, in exten­so et ver­ba­tim, le cha­pitre VII (« De la lec­ture des épreuves ») du Trai­té de la typo­gra­phie de l’im­pri­meur Hen­ri Four­nier (1800-1888), ouvrage qui a connu trois édi­tions, en 1825, 1854 et 1870. Les inter­titres et le gras sont, bien sûr, de mon fait, ain­si que la note 4. 

« De toutes les attri­bu­tions de la typo­gra­phie, la lec­ture des épreuves est sans contre­dit celle qui exige les soins les plus atten­tifs ; aus­si la cor­rec­tion qui en résulte consti­tue-t-elle au plus haut point, et dans le sens le plus sérieux, le mérite d’un livre1. Ses autres qua­li­tés, celles qui ont rap­port à sa com­po­si­tion et à son tirage, peuvent être sou­mises à la diver­si­té des goûts et des appré­cia­tions ; mais la valeur qu’il tire de la pure­té de son texte ne sau­rait lui être contes­tée, puisqu’elle repose sur des prin­cipes uni­ver­sel­le­ment recon­nus. La com­po­si­tion et le tirage, plus ou moins satis­fai­sants, n’intéressent le livre qu’au point de vue de la forme ; mais la cor­rec­tion est une ques­tion de fond, et la pre­mière de toutes. La meilleure édi­tion est donc celle qui pré­sente une entière confor­mi­té avec le modèle dont elle est la repro­duc­tion, et qu’en outre elle a su déga­ger des fautes évi­dentes qu’il pou­vait conte­nir. Mais il est mal­heu­reu­se­ment vrai de dire que cette per­fec­tion n’a presque jamais été atteinte par l’imprimerie2, et que le résul­tat de ses soins les plus zélés, les plus atten­tifs, n’a pu être qu’un ache­mi­ne­ment plus ou moins avan­cé vers ce but idéal. Tou­te­fois, si c’est une pré­ten­tion chi­mé­rique que de vou­loir don­ner à un livre une cor­rec­tion irré­pro­chable, si nous sommes condam­nés à déses­pé­rer de la réus­site de nos efforts dans cette voie, fai­sons en sorte qu’on ne puisse impu­ter notre insuc­cès qu’à l’insuffisance de nos facul­tés, et non à notre insou­ciance, non à une incu­rie volon­taire et inex­cu­sable.

Une fonction capitale dans l’imprimerie

Le rôle du cor­rec­teur (tel est le nom qu’on donne au lec­teur d’épreuves) a donc dans l’imprimerie une impor­tance capi­tale. C’est à ses lumières, à son juge­ment, à son atten­tion constam­ment sou­te­nue, nous pour­rions ajou­ter à sa conscience, qu’est confiée une mis­sion dont l’accomplissement exer­ce­ra une influence déci­sive sur la renom­mée d’une édi­tion et des presses qui l’ont pro­duite. Il devra cher­cher à résoudre tous les doutes qui s’élèveront dans son esprit sur tel point d’orthographe ou de ponc­tua­tion, sur telle date, sur tel texte cité, sur tel mot étran­ger, etc. etc., qui se pré­sen­te­ront dans sa lec­ture. D’un autre côté, il devra être très-cir­cons­pect dans les chan­ge­ments qu’il juge­rait utile d’apporter à l’original. S’il se pro­duit en lui quelque hési­ta­tion, il agi­ra pru­dem­ment en se retran­chant der­rière le texte de la copie, comme dans un fort inex­pug­nable, et il pour­ra se tenir pour assu­ré que tel écri­vain lui sau­ra moins de gré de vingt solu­tions heu­reuses qu’il ne lui témoi­gne­ra d’humeur pour une cor­rec­tion inop­por­tune. Il devra donc s’abstenir, à moins qu’on ne lui ait lais­sé toute liber­té à cet égard, de ces modi­fi­ca­tions non-seule­ment de pen­sée, mais même de style, qui l’exposeraient à se heur­ter contre un amour-propre d’auteur, dont la sus­cep­ti­bi­li­té, sou­vent trop vive, est tou­jours res­pec­table. Dans tous les cas, il doit être très-réser­vé, nous le répé­tons, ne rien livrer au hasard, et ne prendre par­ti qu’avec une entière certitude.

« Le zèle s’est bien refroidi »

Les pre­miers impri­meurs, dont une des prin­ci­pales tâches était de remé­dier au tra­vail défec­tueux des scribes, s’adjoignirent pour la cor­rec­tion de leurs épreuves des éru­dits du pre­mier ordre. Il s’agissait de réta­blir, d’après les manus­crits pri­mi­tifs, des textes qui avaient subi de nom­breuses variantes et de notables alté­ra­tions. Les hommes les plus savants de l’époque bri­guèrent sou­vent l’honneur de concou­rir à la publi­ca­tion des livres latins, grecs ou hébreux, que l’imprimerie nais­sante s’occupa de repro­duire. Nous pour­rions citer Josse Bade, Juste Lipse, Sca­li­ger, Casau­bon, Tur­nèbe et beau­coup d’autres. Depuis lors le zèle s’est bien refroi­di, et la pro­fes­sion, en se pro­pa­geant et en deve­nant un métier, a dû recru­ter pour le tra­vail de la cor­rec­tion, soit des typo­graphes, soit des gram­mai­riens ou des huma­nistes ; mais cette savante pléiade de lin­guistes et de phi­lo­logues qui entou­rèrent le ber­ceau de l’imprimerie ne devait plus désor­mais s’associer à ses œuvres.

On n’a plus le temps de corriger correctement !

Ce n’est pas que la typo­gra­phie n’ait ren­con­tré par­fois et ne ren­contre encore des hommes d’élite se vouant avec ardeur à une tâche pénible et qui ne conduit pas à la renom­mée. Mais l’imprimerie, ou, comme on dit aujourd’hui, la presse, se trouve dans des condi­tions qui ne laissent plus au cor­rec­teur le temps néces­saire pour une lec­ture sérieuse. L’activité dévo­rante avec laquelle l’imprimeur est tenu de pro­duire, et qu’il obtient avec la méca­nique, se com­mu­nique à tous les ser­vices de son éta­blis­se­ment trans­for­mé en usine ; force est au com­po­si­teur et au cor­rec­teur de suivre ce mou­ve­ment accé­lé­ré, comme si les facul­tés phy­siques et intel­lec­tuelles de l’homme pou­vaient subir, à l’instar des organes de la machine, l’impulsion de la vapeur. Aus­si, quand on est témoin de la pré­ci­pi­ta­tion avec laquelle s’exécutent main­te­nant les impres­sions, on est sur­pris de ne pas aper­ce­voir encore plus d’erreurs et de bévues qu’il n’en échappe à la lec­ture et à la cor­rec­tion des formes.

Ce que le correcteur doit maîtriser

Le cor­rec­teur doit pos­sé­der la connais­sance imper­tur­bable des prin­cipes de sa langue, celle de la langue latine et au moins quelques élé­ments de la langue grecque. Ce fonds d’instruction lui est rigou­reu­se­ment néces­saire, et la plus longue expé­rience ne pour­rait y sup­pléer que très-impar­fai­te­ment. S’il sait en outre quelques idiomes étran­gers, s’il s’est livré à l’étude de quelque science d’un usage habi­tuel, telle que celle du droit ou des mathé­ma­tiques, il en recueille­ra le fruit ; il se convain­cra, en un mot, que le domaine de ses connais­sances ne sau­rait avoir trop d’étendue3.

De l’importance de connaître la typographie

Par­mi les per­sonnes char­gées de cet emploi il en est qui sont dépour­vues des notions élé­men­taires de la typo­gra­phie, soit qu’elles les consi­dèrent comme acces­soires, soit qu’elles cherchent à se sous­traire aux lon­gueurs et aux dégoûts d’un appren­tis­sage. Quelque riche que soit d’ailleurs la culture de leur esprit, quelque habi­tude qu’elles acquièrent du tra­vail de la cor­rec­tion, ces qua­li­tés rem­pla­ce­ront dif­fi­ci­le­ment en elles la science pra­tique qui leur aura man­qué d’abord.

Si le cor­rec­teur ne s’est exer­cé préa­la­ble­ment à la com­po­si­tion, une foule d’arrangements vicieux et de dis­po­si­tions contraires au goût échap­pe­ront à son inex­pé­rience ; si, au contraire, il s’est fami­lia­ri­sé avec ce tra­vail, il sau­ra faire dis­pa­raître toutes les taches qui défi­gu­re­raient une édi­tion. Ici il rec­ti­fie­ra un espa­ce­ment irré­gu­lier, là il éga­li­se­ra des inter­lignes ; tan­tôt il ramè­ne­ra à leur mesure com­mune des pages longues ou courtes, tan­tôt il pro­po­se­ra telle autre amé­lio­ra­tion que le typo­graphe seul pour­ra conce­voir. Il y a même plus d’un cas où la connais­sance du tirage peut don­ner lieu à d’utiles modi­fi­ca­tions. Ce n’est donc que la pos­ses­sion de cette double ins­truc­tion qui peut for­mer un cor­rec­teur accompli.

Premières, secondes, tierces

Le pre­mier soin à prendre pour le cor­rec­teur lorsqu’il se met à la lec­ture d’une feuille, c’est de s’assurer de l’exactitude de la signa­ture et des folios, de lire les titres cou­rants, et de véri­fier la réclame4 qu’il a ins­crite sur la copie en ache­vant la lec­ture de la feuille pré­cé­dente : toutes choses qu’il pour­rait perdre de vue s’il ne s’astreignait pas à s’en occu­per de prime abord.

Sui­vant l’usage reçu dans l’imprimerie, les cor­rec­teurs les plus nou­veaux sont char­gés de la lec­ture des pre­mières épreuves, et c’est aux cor­rec­teurs les plus expé­ri­men­tés qu’est confiée celle des secondes ou des bons à tirer, quoique ces attri­bu­tions soient quel­que­fois cumu­lées ou interverties.

Le cor­rec­teur de pre­mières doit s’attacher à pur­ger l’épreuve de toutes les fautes typo­gra­phiques dont la cor­rec­tion incombe aux com­po­si­teurs, et qui, n’étant pas rele­vées par lui, entraî­ne­raient le double incon­vé­nient de pas­ser sous les yeux de l’auteur et de n’être plus cor­ri­gées qu’aux frais du maître impri­meur, alors que le com­po­si­teur aurait été déga­gé de sa res­pon­sa­bi­li­té. Il doit s’attacher scru­pu­leu­se­ment à l’observation de l’unité ortho­gra­phique5, de la ponc­tua­tion, et des règles qui ont pu être spé­cia­le­ment adop­tées quant à l’italique, aux grandes capi­tales, etc., dans l’ouvrage dont il suit la lec­ture. Il doit sur­veiller et sou­te­nir l’attention et l’exactitude du teneur de copie, et si ce rôle était mal rem­pli, mieux vau­drait que le cor­rec­teur lût seul en confé­rant lui-même l’épreuve avec la copie.

C’est au cor­rec­teur de secondes qu’est dévo­lue la tâche plus impor­tante et plus déli­cate de revoir les feuilles en der­nier res­sort ; sa lec­ture est défi­ni­tive, et c’est d’elle que dépend, sous ce rap­port si essen­tiel, la répu­ta­tion de l’édition, et même celle de l’établissement ; car une mai­son peut être jugée sur un seul de ses pro­duits, et non sur leur ensemble. Il doit donc se péné­trer pro­fon­dé­ment des graves consé­quences qui résul­te­raient de son inat­ten­tion. Le cor­rec­teur de secondes est en posi­tion d’exercer avec une uti­li­té très-réelle l’office de cri­tique ; ses obser­va­tions et ses conseils peuvent être très-pro­fi­tables à l’auteur ou à l’éditeur du livre qu’il revoit. C’est à lui de se ren­fer­mer dans les limites d’une sage réserve, et de prou­ver qu’il y aurait injus­tice et ingra­ti­tude à lui appli­quer la sen­tence expri­mée dans le dis­tique suivant :

Erra­ta alte­rius quis­quis cor­rexe­rit, illum
Plus satis invi­diæ, glo­ria nul­la manet6.

Toutes les épreuves d’un ouvrage doivent être lues par le même cor­rec­teur ; et celui-ci devra noter sur un car­net l’orthographe de cer­tains noms propres, ou mots peu usuels, qui seraient sus­cep­tibles de se repré­sen­ter dans le livre. Il est de ces ouvrages, irré­gu­liers et arbi­traires dans leur com­po­si­tion, ceux notam­ment qui sont ran­gés sous la déno­mi­na­tion géné­rique d’ouvrages de ville, dont la cor­rec­tion exige plus par­ti­cu­liè­re­ment des notions spé­ciales de l’art jointes à une cri­tique judi­cieuse de ses opé­ra­tions. Comme le prote est, dans une impri­me­rie, la per­sonne qui doit savoir le mieux appré­cier les divers genres de tra­vaux et l’aptitude des hommes pla­cés sous sa direc­tion, il est bon que toutes les épreuves de cette nature passent sous ses yeux. Cette ins­pec­tion lui four­nit d’ailleurs de fré­quentes occa­sions de juger les ouvriers, de connaître le mérite de leurs œuvres, et les soins ou la négli­gence qu’ils pour­raient y apporter.

Les tierces, ou révi­sions, doivent être confiées à un lec­teur atten­tif ; c’est le der­nier et défi­ni­tif coup d’œil don­né à une feuille avant le tirage. 

Signes de correction

Les cor­rec­tions doivent être pla­cées sur la marge, soit inté­rieure, soit exté­rieure, celle-ci de pré­fé­rence, dans le sens hori­zon­tal des lignes, et les pre­mières tou­jours plus rap­pro­chées de l’impression. Elles sont géné­ra­le­ment indi­quées au moyen d’un trait ver­ti­cal pas­sé sur l’endroit à cor­ri­ger, et répé­té en marge avec la cor­rec­tion à faire. Lorsqu’elles sont en grand nombre sur la même marge, on modi­fie les signes de ren­voi pour les rendre plus dis­tinctes. Quant aux auteurs, ils emploient les indi­ca­tions qui leur conviennent ; toutes sont bonnes, pour­vu qu’elles soient claires, c’est-à-dire appa­rentes et intelligibles.

Cepen­dant, comme il existe des signes de conven­tion adop­tés dans l’imprimerie pour les cor­rec­tions les plus usuelles, et comme ils sont plus connus des ouvriers, nous les avons réunis, afin qu’ils deviennent, s’il est pos­sible, d’un usage géné­ral. Le tableau ci-dess[o]us offre, avec la figure de cha­cun de ces signes, l’exemple du cas auquel il convient d’en faire l’application. »

Four­nier, Hen­ri, Trai­té de la typo­gra­phie, 3e édi­tion cor­ri­gée et aug­men­tée, Tours, Alfred Mame et fils, édi­teurs, 1870, p. 259-268.

☞ Lire aus­si Ce que la PAO a chan­gé au métier de cor­rec­teur.


Les parenthèses encadrant de l’italique doivent-elles être en italique ?

Comme nous allons le voir, les res­sources à la dis­po­si­tion du cor­rec­teur sont contra­dic­toires sur cette ques­tion, ain­si qu’au sujet des cro­chets et des guillemets. 

En ce qui concerne le style des paren­thèses, la règle que j’ai apprise à mes débuts et que j’ai vu lar­ge­ment pra­ti­quer – notam­ment dans la presse et dans les pièces de théâtre – est celle don­née par Louis Gué­ry7 : 

Lorsque tous les mots à l’intérieur de la paren­thèse sont en ita­lique dans un texte en romain, les paren­thèses se com­posent en ita­lique, l’inverse étant vrai : 
➠ Il rou­la sa busse (sic) jusqu’à l’entrée de la cave. 
➠ C’est ce que l’on attend main­te­nant (à suivre).

Lorsque, à l’intérieur de la paren­thèse, des mots sont com­po­sés en romain et d’autres en ita­lique, on com­po­se­ra les deux paren­thèses dans le carac­tère domi­nant :
➠  … (qui devien­dra au fil des ans un sacré rifi­fi).

En aucun cas, on ne com­po­se­ra une paren­thèse en romain et l’autre en italique.

De même, dans le vieux Code typo­gra­phique8, on trou­vait (§§ 54, 55 et 99) les exemples suivants : 

M. Valois — Je suis sur­pris. (Bruit.)
Il attei­gnit enfin le troi­sième étage. (À suivre.)
Nous nous rat­trap­pe­rons (sic).
Quelle hor­reur !… (Elle recule épou­van­tée.)

L’ou­vrage expli­quait cette appa­rente inco­hé­rence comme suit (§ 99, p. 105) : 

Les paren­thèses ren­fer­mant une phrase ou une par­tie de phrase entiè­re­ment en ita­lique peuvent être en ita­lique ou en romain, mais, si le mot ini­tial ou final est en romain, les deux paren­thèses seront obli­ga­toi­re­ment en romain9.

L’é­di­tion de 1997 ajoute, dans une rédac­tion moder­ni­sée (§ 150, p. 137) : « Cette règle est la même pour tout carac­tère d’une famille ou d’un style dif­fé­rent de celui du texte. » On peut en déduire que cela est valable pour le gras, usage que j’ob­serve très rare­ment, mais que recom­mande le Qué­bé­cois Guy Connol­ly sur son site10.

Chez Charles Gou­riou, on peut lire pareille­ment (§ 206, p. 96) :

Les paren­thèses qui encadrent un texte en ita­lique ou en carac­tères gras devraient nor­ma­le­ment11 se com­po­ser dans le même corps12 : 
➠ Par­bleu ! (Il sou­rit.) Regardez. 

Il prend la peine de pré­ci­ser : « Cepen­dant, si cet usage a été régu­liè­re­ment omis, on ne le réta­bli­ra pas à la cor­rec­tion.»

Avis divergents

En effet, cer­tains édi­teurs font un autre choix, celui que pré­co­nise notam­ment la Vitrine lin­guis­tique (Cana­da)13 :

[…] les paren­thèses sont de pré­fé­rence dans la même face14 que la phrase prin­ci­pale et non des mots mis entre paren­thèses. Ain­si, dans les indi­ca­tions aux lec­teurs, les des­crip­tions scé­no­gra­phiques et les jeux de scène, les paren­thèses se com­posent en romain, alors que le reste est en ita­lique. Dans les ren­vois à d’autres sec­tions d’un ouvrage, seul le titre ou mot fai­sant l’objet du ren­voi est en ita­lique ; le reste est en romain, y com­pris les paren­thèses. Quant aux cro­chets, ils res­tent géné­ra­le­ment en romain, que le texte soit en romain ou en ita­lique (notons tou­te­fois que les conven­tions typo­gra­phiques sur les cro­chets ne sont pas uni­formes d’un ouvrage à l’autre).

Pour Jacques Drillon, c’est le seul choix de bon sens (p. 277, § 28) : 

[…] si le début de la paren­thèse est en romain, et la fin en ita­lique, il est impos­sible d’adopter un sys­tème cohé­rent… Tan­dis que si l’on observe la règle qui veut qu’un signe de paren­thèse soit impri­mé dans le corps du texte géné­ral, la dif­fi­cul­té tombe d’elle-même. C’est l’opinion de Jean-Pierre Coli­gnon15 et de nom­breux autres correcteurs […]

Concer­nant l’usage très répan­du dans les jour­naux de mettre les cita­tions en ita­lique, y com­pris les guille­mets qui les encadrent, Drillon a un avis tout aus­si tran­ché (p. 325, § 25) : 

C’est une cou­tume illo­gique, puisque les guille­mets appar­tiennent au dis­cours géné­ral de l’auteur, non à la par­tie entre guillemets. 

J’ai eu un client qui sui­vait l’a­vis de Drillon, mais c’est peu courant. 

Quand le cor­rec­teur est déci­sion­naire de ces choix typo­gra­phiques, il est sans doute plus simple pour lui de lais­ser tous les signes de ponc­tua­tion dans le style prin­ci­pal du texte, qu’il s’agisse des signes iso­lés comme la vir­gule ou des signes allant par paire. Cela évite bien des hésitations. 

Dans les faits, il doit le plus sou­vent se confor­mer à la marche de chaque éditeur. 

J’a­jou­te­rai, cepen­dant, qu’il est pour moi sur­pre­nant qu’au­cune des sources que j’ai consul­tées ne men­tionne la dif­fi­cul­té pra­tique que peut repré­sen­ter, avec cer­taines polices, l’as­so­cia­tion d’un texte en ita­lique et de paren­thèses en romain. Le pro­blème est par­ti­cu­liè­re­ment appa­rent avec le Garamond : 

En Gara­mond, par défaut, la paren­thèse romaine fer­mante entre en conflit avec le texte ita­lique. La paren­thèse ita­lique le touche, ce qu’il vaut mieux cor­ri­ger également.

Il faut alors « jeter un peu de blanc » avant la paren­thèse fer­mante, comme le recom­mande Lacroux (s.v. Paren­thèses).

Dans le logi­ciel InDe­si­gn, avant la paren­thèse ita­lique, j’ai ajou­té 90 d’ap­proche, alors qu’a­vec la paren­thèse romaine, j’ai dû ajou­ter 270, et cela crée un fâcheux espace au pied du f.

Mais, à l’ère de la PAO, rares sont les pro­fes­sion­nels de l’é­di­tion qui se donnent encore la peine de tels réglages manuels…

☞ Lire aus­si La vir­gule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?


Pour les réfé­rences qui ne sont pas don­nées dans les notes ci-des­sous, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Ponctuation et italique : aux sources de la règle

La ques­tion esthé­tique du mélange de signes de ponc­tua­tion romains et ita­liques n’est pas à réser­ver à « l’homme de goût » (Dau­pe­ley-Gou­ver­neur) ou à « quelques lec­teurs vétilleux » (Lacroux)… Il suf­fit de s’y inté­res­ser un peu. Com­pa­rons deux polices, Gara­mond et Cambria :

Polices Gara­mond (en haut) et Cam­bria (en bas). 

On constate aisé­ment que la rup­ture de style que consti­tue le point-vir­gule romain entre deux mots en ita­lique est plus nette dans une police très cur­sive comme le Garamond. 

On note aus­si que le point ita­lique en Cam­bria est bien des­si­né en oblique, contrai­re­ment au point romain (ce n’est donc pas tou­jours « kif-kif »).

De plus, le point ita­lique est pla­cé légè­re­ment plus près du t que le point romain (voir l’exemple en Gara­mond ci-contre).

Je pen­sais confu­sé­ment que l’exception dont fait sou­vent l’objet la vir­gule (ain­si que le point et les points de sus­pen­sion, mais ils se remarquent moins) tenait au fait qu’elle est col­lée au mot pré­cé­dent et « accom­pagne » son mou­ve­ment, en quelque sorte. Mais je n’ai pas trou­vé confir­ma­tion de cette hypo­thèse. D’a­bord, parce que les typo­graphes ont long­temps mis de l’es­pace avant la vir­gule (lire Espa­ce­ment de la ponc­tua­tion en fran­çais) ; ensuite, parce que l’usage dif­fé­rait selon les impri­meurs (voire selon leurs dif­fé­rents com­po­si­teurs ?) ou par­fois même à l’in­té­rieur d’un ouvrage.

Quelques exemples

Dans le manuel de A. Frey (183516), la ponc­tua­tion, qu’elle soit haute ou basse, reste en romain après des mots en italique :

Pre­mière ligne : le point-vir­gule après cur­sive est en romain. Troi­sième, qua­trième et sixième lignes : la vir­gule sui­vant un mot en ita­lique est en romain.

Chez Jules Claye (187417), la ponc­tua­tion est oblique quand le texte qui pré­cède est oblique.

Toutes les vir­gules sui­vant de l’i­ta­lique sont com­po­sées dans le même caractère.

À la même époque, on trouve à la fois des vir­gules romaines chez Littré : 

Dic­tion­naire de la langue fran­çaise, 1873-1874.

et des signes de ponc­tua­tion ita­liques (ici, un point-vir­gule) chez Flaubert : 

Madame Bova­ry, 2e par­tie, ch. X, [1857], 2e éd., 1878.

Une règle, enfin

C’est chez G. Dau­pe­ley-Gou­ver­neur (188018) que j’ai trou­vé une pre­mière men­tion de la règle encore men­tion­née dans notre vieux Code typo­gra­phique19 : « La ponc­tua­tion, quelle qu’elle soit, doit être romaine après le romain, ita­lique après l’italique. »

Lui-même admet déjà répondre en pre­mier lieu à un objec­tif esthé­tique. « La règle qui nous occupe est, dit-il, une de celles qui ont pour objet la satis­fac­tion du coup d’œil ; mais elle ne s’accorde pas tou­jours avec la rai­son […] », et il est « for­cé d’ad­mettre une excep­tion en faveur des textes trai­tant spé­cia­le­ment de lin­guis­tique […] dans les­quels l’italique vise presque tou­jours uni­que­ment les mots à l’exclusion de la ponctuation ». 

Mal­gré tout, il sou­hai­te­rait voir sa règle una­ni­me­ment appliquée : 

En ce qui concerne l’emploi des vir­gules ita­liques, il règne mal­heu­reu­se­ment, dans la plu­part des impri­me­ries, pour ne pas dire dans toutes, une trop grande indif­fé­rence de la part du com­po­si­teur. L’expérience nous prouve tous les jours com­bien il est dif­fi­cile d’atteindre ici la per­fec­tion. Le mélange des vir­gules ita­liques et des vir­gules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minu­tieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera tou­jours la déso­la­tion de l’homme de goût. L’observation de la règle sur ce point a pour nous une réelle impor­tance, parce que l’écueil est à chaque pas, parce qu’il ne se pré­sente que deux che­mins éga­le­ment faciles à suivre, l’un bon, l’autre mau­vais, et que le choix de l’un ou de l’autre est trop sou­vent sou­mis aux caprices du hasard, source d’un désordre perpétuel.

Un remède oublié

Grâce à lui, j’ai décou­vert qu’une solu­tion ori­gi­nale – et per­due depuis – a été ima­gi­née à son époque :

C’est la dif­fi­cul­té d’obvier à ce mélange qui a fait adop­ter depuis quelque temps, dans cer­taines fontes, un genre de vir­gules mixtes, dont l’œil n’est ni tout à fait romain, ni tout à fait ita­lique. Nous approu­vons fort ce sys­tème, qui, n’ayant rien de cho­quant en lui-même, a l’immense avan­tage de parer à l’inconvénient que nous signalons.

Dans une note, il affirme : « La sep­tième édi­tion du Dic­tion­naire de l’Académie (1877) [sic, 1878] a été com­po­sée entiè­re­ment avec des vir­gules mixtes. »  Cela a piqué ma curio­si­té, qui s’est trou­vée en par­tie déçue, car dès la défi­ni­tion du mot vir­gule j’ai trou­vé un mélange de styles :

Vir­gule romaine (ou « mixte » ?) après vir­gule ; vir­gule ita­lique après « saillie ». La belle ambi­tion de cohé­rence semble avoir été trom­pée par le tra­vail des compositeurs…

Pour ma part, afin d’é­vi­ter les « caprices du hasard » et le « désordre per­pé­tuel », je recom­mande, contrai­re­ment à Dau­pe­ley-Gou­ver­neur, de lais­ser la ponc­tua­tion dans le style du texte prin­ci­pal. La « satis­fac­tion de l’œil », en soi déjà dis­cu­table (car si une vir­gule ita­lique est en cohé­rence avec le texte ita­lique qui pré­cède, elle est inco­hé­rente avec le romain qui suit), me paraît ici moins impor­tante que la rigueur du sens com­mu­ni­qué par la typographie.

☞ Lire aus­si l’ar­ticle prin­ci­pal sur ce sujet : La vir­gule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?


La virgule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?

« Le mélange des vir­gules ita­liques et des vir­gules romaines est, nous le savons, un détail qui paraît bien minu­tieux aux gens qui ne sont pas du métier, mais il fera tou­jours la déso­la­tion de l’homme de goût. » — G. Dau­pe­ley-Gou­ver­neur (188020)

Com­ment le cor­rec­teur doit-il agir quand une vir­gule suit un texte en ita­lique ou en gras (ou les deux à la fois) ? Celle-ci doit-elle se confor­mer au style du texte en question ?

Une règle simple se trouve dans Le Ramat euro­péen de la typo­gra­phie, adap­té par Romain Mul­ler (p. 88, « Faces de la ponctuation ») :

La ponc­tua­tion se met dans la face21 de la phrase ou par­tie de phrase à laquelle elle appartient.

➠ La cen­tième par­tie de l’euro est le cen­time ; la cen­tième par­tie de la livre est le pen­ny.
Le point-vir­gule et le point sont en romain.
➠ Le titre du livre est le sui­vant : Le théâtre aujourd’hui ; son rôle dans la socié­té.
Le deux-points est en romain, le point-vir­gule est en ita­lique, le point est en romain. 

Pour la plu­part des gens, pro­fes­sion­nels ou non, « un point romain et un point ita­lique, ça doit être kif-kif », comme le dit quel­qu’un dans le forum Typo­gra­phie… Mais pour­sui­vons notre lec­ture de Ramat-Muller : 

Fau­tif : Il convient d’être très atten­tif, car c’est un tra­vail de pré­ci­sion. 
Cor­rect :  Il convient d’être très atten­tif, car… 
Fau­tif :  c’est un tra­vail de pré­ci­sion. Il faut être très atten­tif !
Cor­rect :  c’est un tra­vail de pré­ci­sion. Il faut être très attentif !

Cette règle est celle que j’applique dans les tra­vaux où j’ai le contrôle com­plet de la typo­gra­phie. Elle a l’a­van­tage de ne souf­frir ni excep­tion ni ambi­guï­té. « C’est la façon de faire la plus nor­male et celle qu’on devrait pré­fé­rer », écrit aus­si la Vitrine lin­guis­tique22.

C’est éga­le­ment le choix de Jean-Pierre Lacroux (s.v. Ponc­tua­tion) :

Après une por­tion de phrase com­po­sée en ita­lique (mots étran­gers, titres, etc.), la ponc­tua­tion sera com­po­sée en romain si elle n’appartient pas à l’élément ain­si mis en évi­dence : « Quel est le deuxième lied du cycle Die schöne Mül­le­rin ? — Il me semble que c’est Wohin ? »

De même pour Charles Gou­riou (§ 41, p. 13), qui ne men­tionne, lui, que la ponc­tua­tion haute (; : ! ?).

Avis divergents

Cepen­dant, notre vieux Code typo­gra­phique23 pres­cri­vait l’in­verse dans un nota (§ 105, p. 108) : 

Il est d’u­sage d’employer les signes de ponc­tua­tion du même œil que le mot qui les pré­cède, sur­tout quand il s’a­git d’i­ta­lique ou de carac­tères gras :
➠ Fal­lait-il écrire la loca­tion ou l’al­lo­ca­tion ?
➠ On dis­cu­ta long­temps sur Tar­tuffe ; d’autre part, on tom­ba d’ac­cord sur…

D’autres font une excep­tion pour la seule vir­gule ou pour toute la « ponc­tua­tion basse » (vir­gule, point, points de sus­pen­sion). « Peut-être pour des rai­sons de com­mo­di­té » (Vitrine lin­guis­tique), le plus sou­vent avec des argu­ments esthé­tiques24.  

Aurel Ramat lui-même, dans son manuel (l’é­di­tion qué­bé­coise, donc), écrit (p. 192) : « La ponc­tua­tion basse reste tou­jours dans la même face que le mot qui la pré­cède, qu’elle appar­tienne au mot ou au reste de la phrase. »

« Tou­te­fois, objecte le Bureau de la tra­duc­tion25 (Cana­da), si l’on applique à la lettre cette règle de typo­gra­phie, on devrait écrire :
➠ Vous avez le choix d’utiliser les styles de police sui­vants : gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.
Il semble plus logique dans un cas comme celui-là de mettre les signes de ponc­tua­tion en carac­tères ordinaires. »

Laquelle des options ci-des­sous est la meilleure ? 
gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.
gras, ita­lique, nor­mal, gras ita­lique.

C’est une ques­tion d’appréciation per­son­nelle. Je choi­sis la seconde.

Je ne pra­tique qu’une excep­tion, pour les intro­duc­teurs en gras, car je consi­dère que le deux-points qui les suit leur appar­tient. Choix vali­dé par le Bureau de la traduction : 

On met géné­ra­le­ment en gras le deux-points qui suit un mot ou une expres­sion en gras en début de phrase :
Remarque : Ce terme est consi­dé­ré comme vieilli.

Pour être exhaus­tif, il faut aus­si noter, tou­jours sous la plume du Bureau de la traduction :

Par sou­ci de sim­pli­fi­ca­tion et d’économie de temps, on admet […] de mettre les vir­gules en ita­lique après chaque nom d’une énu­mé­ra­tion : 
➠ Les noms qui riment avec le son -on, comme jam­bon, lar­don, pois­son, carillon, bou­ton, etc., ne peuvent pas être uti­li­sés dans l’exercice. 

J’avoue me lais­ser aller à ce genre de faci­li­té… ce qu’admet aus­si Lacroux, dans une dis­cus­sion26 : 

[…] dans une énu­mé­ra­tion de termes com­po­sés en ita­lique, pour­quoi se fati­guer à réin­tro­duire du romain à chaque vir­gule alors que l’ital coule de source et que sa bizar­re­rie « séman­tique » n’apparaîtra qu’à quelques lec­teurs vétilleux […]

Je donne ici une règle qui a l’a­van­tage d’être facile à appli­quer, mais je ne suis pas pour autant insen­sible à l’as­pect esthé­tique de la ques­tion. J’y reviens donc dans un billet plus his­to­rique, Ponc­tua­tion et ita­lique : aux sources de la règle.

☞ Pour faire le tour com­plet de la ques­tion, lire aus­si Les paren­thèses enca­drant de l’i­ta­lique doivent-elles être en italique ?


☞ Pour les réfé­rences des auteurs cités ne figu­rant pas dans les notes ci-des­sous, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Illus­tra­tion du haut emprun­tée au site Estan­darte.

Un des meilleurs que vous ayez écrit(s) ?

Dans ses « Dire, ne pas dire », l’Académie rap­pelle qu’on ne dit pas un des meilleur jour­nal et que si l’«on peut dire fami­liè­re­ment J’ai un de ces mal de tête, on doit dire J’ai un de ces maux de tête à hur­ler, un de ces maux de tête qui vous couchent un homme »23.

Je crois que nous sommes tous d’accord là-des­sus, même si l’erreur peut se rencontrer. 

Plus fré­quente est l’erreur d’accord dans ce qui suit éventuellement. 

Ain­si, Hanse et Blam­pain (à adjec­tifs qua­li­fi­ca­tifs 2.6) rappellent : 

Il est nor­mal d’écrire : Une des consé­quences les plus inat­ten­dues. Il est évident que le super­la­tif se rap­porte au nom plu­riel et qu’il est abu­sif d’écrire la plus inat­ten­due comme on le ferait logi­que­ment si l’on disait : La consé­quence la plus inat­ten­due. Cet accord n’est pas rare, cependant.

Chez Gre­visse (§ 988) on trouve aus­si l’exemple : « Un des plus griè­ve­ment frap­pé, c’était le colo­nel Proc­tor (Verne, Tour du monde […]).» 

Mais c’est sur­tout dans la rela­tive qui suit (un des meilleurs jour­naux qui…) que l’accord est le plus fluc­tuant (… qui soient ou qui soit). Il y a deux rai­sons à cela. L’une, c’est qu’on a par­fois le choix, selon le sens :

  • Obser­vons une des étoiles qui brillent au firmament.
  • À un des exa­mi­na­teurs qui l’interrogeait sur l’histoire, ce can­di­dat a don­né une réponse éton­nante27.

L’autre est don­née par Gre­visse (§ 434) :

[…] le sin­gu­lier n’a pas tou­jours cette jus­ti­fi­ca­tion logique, et il faut recon­naître […] qu’il s’agit sou­vent d’un phé­no­mène méca­nique, le locu­teur ou le scrip­teur ayant dans l’esprit l’idée qu’ils s’expriment à pro­pos d’un être ou d’une chose par­ti­cu­liers.

Par­mi les nom­breux exemples cités, on trouve : 

  • Il m’a trai­té de Fran­çais ! C’est le der­nier mot que j’ai enten­du de cette caserne et l’un de ceux qui, de ma vie, m’aura le plus don­né de plai­sir (Bar­rès, Au ser­vice de l’Allem., p. 222). 
  • Votre livre sur Dos­toïevs­ky qui est un des meilleurs que vous ayez écrit (Clau­del, dans Clau­del et Gide, Cor­resp., p. 238). 
  • La France fut sou­le­vée par un des mou­ve­ments les plus beaux que l’Europe ait connu (Girau­doux, Sans pou­voirs, p. 25). 
  • Alain est un de ces arti­sans qui a ses tours de main et ses recettes (Mau­rois, Alain, p. 125). 
  • Peut-être suis-je un des seuls hommes de ce pays qui fasse ses livres « à la main » (Green, Jour­nal, 6 juillet 1942). 
  • Un des hommes qui souf­frit le plus cruel­le­ment de la calom­nie fut le Régent (Ph. Erlan­ger, dans Le Figa­ro, 25 févr. 1972). 

En 1935, le Dic­tion­naire de l’Académie écrit encore : « L’astronomie est une des sciences qui fait le plus ou qui font le plus d’honneur à l’esprit humain : le der­nier est plus usi­té. » Le plu­riel n’est donc pas encore stric­te­ment imposé.

Dans une note his­to­rique, Gre­visse explique : 

Dans cette construc­tion, le sin­gu­lier était cou­rant dans l’ancienne langue et l’est res­té jusqu’au xviiie siècle […]

Je suis assu­ré­ment un de ceux qui sais le mieux recon­naître ces qua­li­tés-là (Pas­cal, lettre à Fer­mat, 10 août 1660). — Mon­sieur de Sou­bize […] est un de ceux qui s’y est le plus signa­lé (Boil., Ép., IV, Au lec­teur). — Je lais­sois pas­ser un des plus beaux traits qui fust dans Ésope (La F., F., I, 15). — L’une des meilleures cri­tiques qui ait été faite sur aucun sujet est celle du Cid (La Br., I, 30). — C’est un des meilleurs livres qui soit jamais sor­ti de la main des hommes (Volt., Lettres phil., I). 

Les gram­mai­riens, sans grand suc­cès, ont fait beau­coup d’efforts pour réta­blir la logique ou ce qu’ils croient tel : voir par ex. Vau­ge­las, pp. 153-154 ; Lit­tré, art. un, Rem. 1 à 4.

En effet, on trouve chez Lit­tré des exemples aujourd’hui sur­pre­nants pour le locu­teur habi­tué à mettre de la logique mathé­ma­tique dans son expression. 

Ain­si, au clas­sique Votre ami est un des hommes qui man­quèrent périr, il oppose : Votre ami est un des hommes qui doit le moins comp­ter sur moi. Avec cette explication : 

Dans la pre­mière phrase on veut dire votre ami est par­mi ceux qui man­quèrent périr ; dans la seconde, on veut le mettre à part. En d’autres termes, quand on peut tour­ner par : est par­mi les hommes un qui…, on met le verbe au sin­gu­lier ; quand on ne le peut pas, on met le verbe au plu­riel28.

Lit­tré cite aus­si, entre autres, une phrase de Mme de Sévi­gné : Vous êtes un des hommes qui me convient le plus (à Gui­taut, 24 oct. 1679), qu’il jus­ti­fie ainsi : 

[…] avec le sin­gu­lier cela signi­fie que, par­mi les hommes, il y en a un qui me convient le plus, et c’est vous ; avec le plu­riel cela signi­fie que vous êtes par­mi les hommes qui me conviennent le plus. Le super­la­tif est, si l’on peut ain­si par­ler, plus super­la­tif avec le singulier.

Il me semble qu’aujourd’hui, à Sévi­gné comme aux autres auteurs pré­ci­tés, la grande majo­ri­té des cor­rec­teurs sug­gé­re­raient, voire impo­se­raient, le plu­riel29


Pour les réfé­rences des auteurs cités, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.

Des guillemets anglais avec espace ?!

guillemets anglais

On vous a appris qu’il fal­lait tou­jours col­ler les guille­mets anglais. Pen­dant trente ans, vous avez appli­qué la règle sans réflé­chir – d’au­tant que vos études d’an­glais vous l’a­vait confir­mée. Et puis, un jour, inno­cem­ment, vous lisez chez Jean-Pierre Coli­gnon30 :

En prin­cipe, le guille­met anglais ouvrant est pré­cé­dé d’une espace forte, et sui­vi d’une espace fine ; le guille­met anglais fer­mant est pré­cé­dé d’une espace fine, et sui­vi d’une espace forte. Dans la réa­li­té, ils sont col­lés au mot qu’ils pré­cèdent ou qu’ils suivent. Quant aux guille­mets alle­mands, on adopte la même démarche que pour les anglais.

Vous cou­rez alors chez Jacques Drillon, qui vous laisse sur votre faim. À la suite de la règle pour les guille­mets fran­çais, il ajoute seule­ment31 : « Quand il s’a­git de guille­mets anglais, la règle est moins constante. »

Pour enfon­cer le clou, dans la touf­feur d’un same­di soir d’é­té, vous décou­vrez chez Jan Tschi­chold (1902-1974)32 : « […] il faut recom­man­der l’u­sage des espaces, afin que les guille­mets [alle­mands ou anglais] ne finissent pas par deve­nir des apostrophes. »

Il n’a donc pas été suivi.

« Le nez de Cléo­pâtre : s’il eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. »


Illus­tra­tion : guille­mets anglais emprun­tés au blog de Domi­nic Bel­la­vance.

Franck Thilliez rend hommage au métier de correcteur

Qua­trième écri­vain33 invi­té par les Édi­tions Le Robert à par­ta­ger ses « Secrets d’écriture », l’au­teur de thril­lers Franck Thil­liez évoque dans son livre, Le Plai­sir de la peur, l’étape de la cor­rec­tion. Après avoir expli­qué com­ment il peau­fine son propre tra­vail sty­lis­tique, puis com­ment il répond aux remarques de l’éditeur, en deux temps, d’abord « liées au rythme et à la dyna­mique du récit », puis concer­nant « les petites inco­hé­rences », il aborde le moment où « le texte part dans le cir­cuit de correction ». 

L’é­cri­vain exalte alors « une méca­nique de pré­ci­sion », au « micro­scope », avec « une approche sen­sible des textes » mais « sans se lais­ser por­ter » par eux. Il repro­duit deux pages Word de ses romans, anno­tées à la main par « la pré­pa­ra­trice ». Elles montrent des cor­rec­tions lexi­cales (boîte à aux lettres, elle glis­sa enfon­ça la clé dans la ser­rure…), gram­ma­ti­cales (notam­ment, l’a­jout d’une pré­po­si­tion : la per­sonne qui avait sous­crit [à] ce ser­vice), mais aus­si sty­lis­tiques (dont elle […] régla les dix euros de [récla­més pour la] clé). Un com­men­taire dans la marge demande, de plus, si l’on peut par­ler de « gelées mati­nales » en avril, moment où, d’après la logique du récit, se situe l’action.  

Cepen­dant, « quoi qu’on fasse », l’espoir du zéro faute est tou­jours déçu, ce que l’au­teur excuse volon­tiers : « Cer­tains lec­teurs crient au scan­dale lorsqu’ils détectent sept coquilles sur l’ensemble d’un gros roman. […] Mais sept coquilles sur 700 000 signes, cela donne 0,001 % d’erreur. Nul n’est parfait […] »

Pour finir, il sou­ligne « le tra­vail remar­quable des per­sonnes char­gées de rendre nos textes les [sic] plus har­mo­nieux possible ». 

Ces per­sonnes talen­tueuses […] ne se contentent pas de tra­quer les fautes. Elles sont à la fois des chi­rur­giennes de la langue fran­çaise, mais aus­si des musi­ciennes capables de repé­rer l’usage trop sys­té­ma­tique d’un mot, d’une expres­sion et d’apporter des pro­po­si­tions. Si j’écris « un astro­naute » alors que je parle d’un Russe, elles me diront que le terme exact est cos­mo­naute. Si l’un de mes per­son­nages joue au Rubik’s Cube alors que mon his­toire se passe en 1973, elles me diront que c’est impos­sible car le fameux casse-tête a été inven­té en 1974. Ces per­sonnes sont capables d’appréhender un récit sous des angles dif­fé­rents, en s’intéressant à la struc­ture des phrases, à la cohé­rence glo­bale, locale, aux dépla­ce­ments, au temps. Sans elles, les lec­teurs affron­te­raient nombre de minus­cules élé­ments per­tur­ba­teurs qui les empê­che­raient de pro­fi­ter à 100 % du voyage. Ce serait dommage.

Un sym­pa­thique hom­mage qui n’est pas sans me rap­pe­ler celui de l’écrivain qué­bé­cois Nico­las Dick­ner en 2017 : « Les révi­seuses » (pod­cast (apar­té), Alto).

On note avec plai­sir que la nom de la cor­rec­trice du pré­sent livre est men­tion­né dans le colophon. 


Franck Thil­liez, Le Plai­sir de la peur, Le Robert et Fleuve édi­tions, 2022, 167 pages.


Comment un correcteur a créé un mot malgré lui

En cette chaude jour­née de 14-Juillet, j’ai trou­vé dans le livre du jour­na­liste Alex Tay­lor sur les langues, Bouche bée, tout ouïe, une anec­dote amu­sante. Elle narre com­ment l’annotation mar­gi­nale d’un cor­rec­teur a eu une consé­quence inattendue. 

Par­fois les mots naissent pour les rai­sons les plus pit­to­resques. Si l’on se tourne vers le Dic­tion­naire Webs­ters [sic, Webs­ter] de 1934 on tombe sur un curieux mot : dord. D’après les expli­ca­tions four­nies, il s’agirait d’un terme chi­mique plus ou moins équi­valent à la « den­si­té ». La vraie ori­gine du mot est plus cocasse. Lors de la rédac­tion du dic­tion­naire, quelqu’un avait anno­té dans les marges que le mot den­si­ty pou­vait être repré­sen­té par la seule abré­via­tion « d ». Le cor­rec­teur a cru bon de pré­ci­ser que cette lettre pou­vait s’écrire soit en majus­cule soit en minus­cule, se limi­tant à ins­crire dans la marge : « D or d ». L’un des impri­meurs s’est ensuite trom­pé, concluant que ceci consti­tuait un mot à part entière. Du coup dord a connu une gloire éphé­mère le temps que quelqu’un se rende compte de la supercherie.

Alex Tay­lor, Bouche bée, tout ouïe. Com­ment tom­ber amou­reux des langues ?, JC Lat­tès, 2010, p. 142-143 [rééd. Le Goût des mots, Points, 2011].

Une lecture rapide de “La Ponctuation” par Cécile Narjoux

"La Ponctuation", Cécile Narjoux, De Boeck-Duculot, 2014

À la média­thèque Ver­laine de Metz, je suis tom­bé sur ce cahier spé­cia­li­sé ven­du sous la marque « Gre­visse » par De Boeck-Ducu­lot. La curio­si­té m’a pous­sé à le par­cou­rir. Le cor­rec­teur qui a déjà lu Coli­gnon et Drillon (☞ voir La biblio­thèque du cor­rec­teur) n’y appren­dra rien de fon­da­men­tal, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage de typo­graphe (il n’est jamais ques­tion d’espace forte et fine, par exemple) et qu’il est assez mal relu (appels de note erro­nés et mal pla­cés, doubles espaces, coquilles diverses), ce qui est tou­jours un comble pour un ouvrage de ce type, « des­ti­né à tous ceux pour qui le bon usage de la langue fran­çaise est une néces­si­té et un plaisir ».

Mais Cécile Nar­joux, spé­cia­liste de lit­té­ra­ture fran­çaise contem­po­raine, et autrice du res­pec­table Gre­visse de l’é­tu­diant pour la même mai­son d’édition, pré­sente quelques exemples inté­res­sants tirés de textes récem­ment publiés. Exemples par­fois auda­cieux, voire expé­ri­men­taux, car la lec­ture s’y trouve plus entra­vée que faci­li­tée par la ponc­tua­tion. J’en ai rete­nu un petit nombre, les plus sai­sis­sants à mes yeux, que j’ai pas­sés en ita­lique pour plus de lisibilité. 

Absence de guillemets :

Il répète, C’était le soir, on avait pas­sé l’après-midi sur la plage. (Annie Sau­mont, citée p. 75)

Georges s’était dit. Si je trouve sa mai­son, je cher­che­rai sa boîte. (Chris­tian Gailly, ibid.)

Absence de tirets de dialogue :

Com­ment t’as payé ? 
Elle te plaît ? 
C’est pas la ques­tion. 
C’est quoi la ques­tion ?
(Laurent Mau­vi­gnier, cité p. 94) 

À pro­pos des points de sus­pen­sion, Cécile Nar­joux déclare : « Mais aujourd’hui on observe un repli de ce signe, auquel les écri­vains contem­po­rains semblent pré­fé­rer le point final. » N’est-ce pas une géné­ra­li­sa­tion hâtive ?  Exemple :

– Atten­dez, si je confirme. Si je. Que je. Vous vou­lez que je. Moi, que je dise. Et que je confirme oui, ici, ce qui s’est pas­sé ici. On ne va pas par­ler de ça, pas ici, c’est pas pos­sible, on ne va pas. (Laurent Mau­vi­gnier, cité p. 99)

Elle cite aus­si des extraits de Bleu note de Fré­dé­ric Léal (P.O.L), où la barre oblique « prend la valeur de divers signes de ponc­tua­tion, voire de cer­tains mots. Elle mani­feste assu­ré­ment une acti­vi­té de l’énonciateur qui per­turbe les habi­tudes de lec­ture du lec­teur en l’obligeant à un impor­tant tra­vail d’interprétation du texte. » (p. 102) Deux extraits : 

Mais / au lieu de fuir, l’a­ni­mal, ne se dirige-t-il pas direct sur… !

Il s’est avan­cé pour ten­ter de le recon­naître / échec.

Men­tion­nons, pour finir, au cha­pitre des « mar­queurs expres­sifs », l’uti­li­sa­tion de l’alinéa « à des fins sty­lis­tiques » (p. 113) :

[…] – on voyait les sil­houettes, les petits nuages de pous­sière et la cou­leur fauve et blanche, et les cornes effi­lées et puis.
Et puis. Puis rien.
Rien.
(Laurent Mauvignier) 

À l’inverse, l’écrivain « peut aus­si refu­ser toute struc­tu­ra­tion du texte par ce pro­cé­dé visuel, ain­si Claude Simon, Albert Cohen, mais aus­si Laurent Mau­vi­gnier aujourd’hui » (p. 113). 

NB – Mis à part Bleu note, les sources exactes des textes cités ne sont pas four­nies dans l’ouvrage.


Cécile Nar­joux, La Ponc­tua­tion. Règles, exer­cices et cor­ri­gés, coll. « Gre­visse langue fran­çaise », De Boeck-Ducu­lot, 2010, 171 pages. Une deuxième édi­tion (que j’ai rete­nue en illus­tra­tion) a paru en 2014. 

L’absence de virgule chez Marie-Hélène Lafon

Dans l’excellent roman His­toire du fils de Marie-Hélène Lafon – grande sty­liste, dont j’avais déjà beau­coup aimé Nos vies –, on trouve un usage fré­quent de l’absence de vir­gule, qui me paraît inté­res­sant. Cela a pour fonc­tion de grou­per des mots en un tout cohé­rent, pen­sé ou expri­mé sans pause. Cela per­met aus­si de ne pas mul­ti­plier les sépa­ra­tions entre deux élé­ments de phrase déjà sépa­rés par une vir­gule. Voi­ci quelques exemples de ce procédé. 

Pour expri­mer une action continue : 

« […] quand Antoi­nette vivait avec eux à Chan­te­relle, il la fai­sait rire avec ce qu’elle appe­lait ses folies, et elle riait elle riait, elle pleu­rait aus­si du coin des yeux à force de rire tel­le­ment […] » (p. 14)

Quand des sen­sa­tions défilent : 

« Mou­rot patrouille dans les rangs, il ne sent pas bon. Paul hésite, beurre rance poi­reaux vinai­grette vieille soupe, des relents de nour­ri­ture, les stig­mates d’une vie étri­quée, recuite et réchauf­fée. » (p. 29)

Pour don­ner une impres­sion d’ensemble : 

  • « […] un charme qui n’avait pas de nom et qui leur tenait au corps. C’était dans leurs attaches, épaules poi­gnets che­villes, fortes et fines à la fois […] » (p. 31)
  • « Il n’aimait pas ces eaux noires qui creusent des abîmes dans la nuit. Il avait choi­si la lumière le chaud le jour la joie. » (p. 53)
  • Les amis, deux frères noueux noi­rauds énig­ma­tiques, dotés d’un fort accent ita­lien […] (p. 150)

Le pro­cé­dé est par­fois jus­ti­fié dans le texte : 

  • « La ques­tion le sai­sit ; il sent, avec ses jambes ses bras son ventre, qu’elle est trop grande pour lui. Il se débat, il pense à la gram­maire que le maître d’école leur apprend. Il aime l’école le maître la gram­maire, et les autres matières, il est d’accord pour tout. » (p. 60)
  • « Il devint atten­tif à la voix, grave voi­lée chaude moi­rée velou­tée. Il épui­sa ses adjec­tifs. » (p. 38)
  • « […] elle n’avait jamais été enceinte, pour­quoi main­te­nant ; et de cet homme, elle hési­tait sur le mot, homme jeune homme amant gaillard voyou, elle hési­tait sur le mot mais se ren­dait à l’évidence ; de tous les mâles qui avaient tra­ver­sé sa vie, Paul Lachalme était le moins capable de faire un père […] » (p. 77)
  • « Elle avait jeté d’un seul élan, comme on récite un poème devant le maître et la classe, sans le regar­der, sans res­pi­rer, et sans bou­ger, le corps vrillé, ta mère m’a dit hier pour ton père, il s’appelle Paul Lachalme il est né en 1903 il a qua­rante-sept ans seize ans de moins qu’elle ils se sont connus à Aurillac au lycée de gar­çons il est avo­cat il vit à Paris bou­le­vard Ara­go dans le qua­tor­zième arron­dis­se­ment au 34 il a une mai­son et des biens de famille un hôtel des terres à Chan­te­relle dans le Can­tal. » (p. 54)

Autre exemple de phrase jetée : 

« Il chan­ce­lait, elle l’avait sai­si aux épaules, ils étaient de même taille. Elle avait enfon­cé en lui l’éclat cru de ses yeux clairs, elle avait dit, d’une voix presque rieuse, recou­chez-vous jeune homme on est presque tou­jours ban­cal sur trois jambes. » (p. 39)

Un der­nier exemple, où le pro­cé­dé est employé deux fois de suite : 

« […] une après-midi qui comp­te­ra dans sa vie, il le sait il le sent, c’est un aiguillage une fron­tière un seuil. » (p. 160)


Marie-Hélène Lafon, His­toire du fils, Buchet-Chas­tel, 2020, 170 pages, récom­pen­sé du prix Renaudot.