Comment un correcteur a créé un mot malgré lui

En cette chaude jour­née de 14-Juillet, j’ai trou­vé dans le livre du jour­na­liste Alex Tay­lor sur les langues, Bouche bée, tout ouïe, une anec­dote amu­sante. Elle narre com­ment l’annotation mar­gi­nale d’un cor­rec­teur a eu une consé­quence inattendue. 

Par­fois les mots naissent pour les rai­sons les plus pit­to­resques. Si l’on se tourne vers le Dic­tion­naire Webs­ters [sic, Webs­ter] de 1934 on tombe sur un curieux mot : dord. D’après les expli­ca­tions four­nies, il s’agirait d’un terme chi­mique plus ou moins équi­valent à la « den­si­té ». La vraie ori­gine du mot est plus cocasse. Lors de la rédac­tion du dic­tion­naire, quelqu’un avait anno­té dans les marges que le mot den­si­ty pou­vait être repré­sen­té par la seule abré­via­tion « d ». Le cor­rec­teur a cru bon de pré­ci­ser que cette lettre pou­vait s’écrire soit en majus­cule soit en minus­cule, se limi­tant à ins­crire dans la marge : « D or d ». L’un des impri­meurs s’est ensuite trom­pé, concluant que ceci consti­tuait un mot à part entière. Du coup dord a connu une gloire éphé­mère le temps que quelqu’un se rende compte de la supercherie.

Alex Tay­lor, Bouche bée, tout ouïe. Com­ment tom­ber amou­reux des langues ?, JC Lat­tès, 2010, p. 142-143 [rééd. Le Goût des mots, Points, 2011].