Souvenirs de Jeanne Humbert, qui fut correctrice après la Seconde Guerre

Couverture du livre "La Mémoire des femmes. Sept témoignages de femmes nées avec le siècle", de Christiane Germain et Christine de Panafieu, éd. Sylvie Messinger, 1982.

Dans La Mémoire des femmes (éd. Syl­vie Mes­sin­ger, 1982), Chris­tiane Ger­main et Chris­tine de Pan­afieu ont don­né la parole à des « femmes nées avec le [xxe] siècle ». Elles « sont pas­sées de la lampe à pétrole à l’informatique, elles ont vécu deux guerres, le déve­lop­pe­ment indus­triel, l’avènement du vote des femmes, l’invention des congés payés et des lois sociales, l’arrivée de la télé­vi­sion et le voyage vers la lune ».

Par­mi ces femmes, Jeanne Hum­bert (née Rigau­din, 1890-1986). Au moment de l’entretien, elle a 91 ans et « occupe avec sa fille » un « petit appar­te­ment en sous-sol » dans le sei­zième arron­dis­se­ment de Paris. Veuve d’Eugène Hum­bert (1870-1944), grande figure du mou­ve­ment néo­mal­thu­sien, elle a publié avec lui des jour­naux mili­tants, Géné­ra­tion consciente (1908-1914) puis La Grande Réforme (1931-19391), ce qui « leur a valu des per­sé­cu­tions et des années pas­sées en pri­son ». Par­mi leurs amis de l’é­poque figure le mili­tant anar­chiste et cor­rec­teur d’im­pri­me­rie Louis Lecoin.

Eugène Humbert entre Eugénie de Bast (à g.) et Jeanne (à dr.), devant le journal "Génération Consciente", 27, rue de la Duée, Paris 20e, 1909. Debout : Eugénie de Bast. Carte postale.
Eugène Hum­bert entre ses deux com­pagnes2, Eugé­nie de Bast (à g.) et Jeanne (à dr.), devant le jour­nal Géné­ra­tion consciente, 27, rue de la Duée, Paris 20e, 1909. Carte pos­tale. Archives Jeanne Hum­bert / Ins­ti­tut inter­na­tio­nal de l’his­toire sociale d’Amsterdam.

Après la mort de son mari, « elle conti­nue à défendre leurs idées, écri­vant des bio­gra­phies des grands néo­mal­thu­siens et des articles pour les jour­naux liber­taires comme Le Réfrac­taire » (1974-1983, fon­dé et diri­gé par une autre cor­rec­trice célèbre, May Pic­que­ray3). « Je n’ai pas pu en assu­mer la direc­tion, car, à la suite de mes condam­na­tions, je suis pri­vée de mes droits civiques », a-t-elle pré­ci­sé au Monde, en 19804.

Dans le pas­sage repro­duit ci-des­sous, Jeanne Hum­bert évoque son expé­rience de cor­rec­trice d’im­pri­me­rie après guerre, expé­rience que ne men­tionnent ni sa fiche Wiki­pé­dia ni celle du Mai­tron.

« J’ai com­men­cé à tra­vailler à dix-huit ans. Avant, j’a­vais fait des études. D’a­bord à l’é­cole [jus­qu’au cer­ti­fi­cat d’é­tudes pri­maires5], ensuite, j’ai pris des cours par­ti­cu­liers de sté­no et de dac­ty­lo­gra­phie chez un pro­fes­seur, qui était une ancienne ensei­gnante. En plus des cours de sté­no­gra­phie, elle m’en­sei­gnait la phi­lo­so­phie, parce qu’elle sen­tait que je m’in­té­res­sais à ça. […] Si j’ai choi­si la for­ma­tion de secré­taire, c’est parce que je ne voyais pas d’autre embauche. [Elle a aus­si fré­quen­té les uni­ver­si­tés populaires.]

[…]

« Après la mort de mon mari [« tué le 25 juin 1944 dans le bom­bar­de­ment [amé­ri­cain] de l’hô­pi­tal d’A­miens »], j’ai tra­vaillé pen­dant cinq ans comme cor­rec­trice dans une impri­me­rie, rue Laffit[t]e [Paris 9e]. Plus tard, j’ai cor­ri­gé une par­tie de la Pléiade pour Gal­li­mard, et des bre­vets pour l’Im­pri­me­rie Natio­nale. Cela, je le fai­sais à la maison.

Jeanne et Eugène Humbert vers 1934. Photographie.
Jeanne et Eugène Hum­bert vers 1934. « Pen­dant [les] entre­tiens, elle se tient assise à côté du por­trait de son mari qui semble être pré­sent plus de trente-cinq ans après sa mort. » Archives Jeanne Hum­bert / Ins­ti­tut inter­na­tio­nal de l’his­toire sociale d’Amsterdam.

« À l’im­pri­me­rie, j’é­tais avec de jeunes col­lègues. Ils tra­vaillaient un peu dans le désordre. Je leur disais : « Il faut pro­cé­der de façon régu­lière et ration­nelle. » On cor­ri­geait des copies à très petits carac­tères. Quand ils allaient les cher­cher chez les typo­graphes, ils com­men­çaient par ce qu’il y avait de plus facile. Je leur racon­tais que lorsque j’é­tais petite, ma mère me disait : « Dans le tra­vail, il faut que tu com­mences par le plus dif­fi­cile, après ça ira tout seul. »

Un petit bureau mal aéré près des toilettes

« À l’im­pri­me­rie, je tra­vaillais dans un bureau minus­cule à la lumière élec­trique toute la jour­née. Il y avait une petite fenêtre en hau­teur, qui s’ou­vrait sur le cou­loir qui nous sépa­rait de la grande salle des machines, de la salle où il y avait les typos, le marbre et l’a­te­lier des lino­types. Le cou­loir don­nait sur la rue et, à côté de la porte, il y avait des cabi­nets. J’aime mieux vous dire que la concierge ne les soi­gnait pas par­ti­cu­liè­re­ment, et il fal­lait tou­jours vivre portes et fenêtres fer­mées. J’ai vécu là-dedans pen­dant cinq ans, sans me repo­ser une seule jour­née, sans être malade jamais. Sou­vent, quand il était six heures, on me disait que du tra­vail venait d’ar­ri­ver. Et on me deman­dait si je pou­vais don­ner une ou deux heures de plus. Au lieu de m’en aller à dix-huit heures, je par­tais à vingt heures. On com­men­çait à huit heures. Je me levais à six heures pour faire ma toi­lette ; je par­tais à sept heures. Je pre­nais mon petit déjeu­ner à côté du Temps, sur les bou­le­vards6. À midi, une heure de bat­te­ment, pas le temps de ren­trer. J’al­lais dans une bras­se­rie, prendre un thé avec une tartine.

« L’im­pri­me­rie n’a­vait pas de crèche, il n’y avait pas d’a­van­tages sociaux. J’a­vais des assu­rances sociales, et j’é­tais payée comme un homme. Il y avait un cor­rec­teur de pre­mière, qui fai­sait la « morasse », la der­nière cor­rec­tion. Il tou­chait un peu plus que nous. Quand il par­tait en vacances, c’est moi qui fai­sais son tra­vail et c’est moi qui tou­chais son salaire. Il y avait des typo­graphes, des lino­ty­pistes, beau­coup étaient des femmes. Les hommes se renou­ve­laient sou­vent. On voyait beau­coup d’i­vrognes dans cette cor­po­ra­tion. Avant d’y entrer, je me disais que ce devait être une cor­po­ra­tion tout de même assez évo­luée, parce qu’elle tra­vaille dans ce qui s’im­prime. J’ai été déçue. Et quand je pense aux fautes que fai­saient ces gens dans leurs copies ! »

☞ À com­pa­rer au Témoi­gnage de M. Dutri­pon, cor­rec­teur d’épreuves, 1861.


  1. Source des dates : Pas­taud. ↩︎
  2. Pré­ci­sion don­née par Télé­ra­ma : Tho­mas Bécard, « Jeanne Hum­bert, une enra­gée sur le front de la régu­la­tion des nais­sances », publié le 30 avril 2021, mis à jour le 27 février 2023. Consul­té le 22 mars 2025. ↩︎
  3. Voir « Cor­rec­teurs et cor­rec­trices célèbres ». ↩︎
  4. Fran­cis Ron­sin, « Les com­bats anti­na­ta­listes de Jeanne Hum­bert, l’in­sou­mise », Le Monde,  23 juin 1980. Consul­té le 22 mars 2025. ↩︎
  5. Selon Wiki­pé­dia. ↩︎
  6. Il s’a­git déjà du jour­nal Le Monde, puisque Le Temps s’est sabor­dé le 28 novembre 1942. « Après guerre, le jour­nal est visé par l’or­don­nance du 30 sep­tembre 1944 sur les titres ayant paru sous l’oc­cu­pa­tion de la France par l’Al­le­magne, ses locaux situés no 5 de la rue des Ita­liens sont réqui­si­tion­nés et son maté­riel est sai­si. Le Monde, qui com­mence à paraître en 1944, sera le béné­fi­ciaire de cette confis­ca­tion : la typo­gra­phie et le for­mat res­te­ront long­temps héri­tés du Temps. » (Wiki­pé­dia.) ↩︎

Pour l’amour des dictionnaires : bibliographie

Les dic­tion­naires sont les fidèles com­pa­gnons du cor­rec­teur, et les noms de cer­tains de leurs auteurs (Larousse, Robert), il les pro­nonce chaque jour. Quelques livres, des­ti­nés à un public curieux, per­mettent d’en apprendre davan­tage sur l’histoire de ces ouvrages indis­pen­sables et de leurs auteurs. (Je laisse de côté les ouvrages savants de lexi­co­gra­phie.) Cer­tains sont épui­sés et il faut se les pro­cu­rer d’oc­ca­sion ou dans une bibliothèque.

L'équipe rédactionnelle du premier "Grand Robert".
L’é­quipe rédac­tion­nelle du pre­mier Grand Robert. Pho­to de cou­ver­ture du livre Les Dic­tion­naires Le Robert (Presses uni­ver­si­taires de Mont­réal, 2003).

Cor­mier, Monique C., Aline Fran­cœur et Jean-Claude Bou­lan­ger (dir.), Les Dic­tion­naires Le Robert. Genèse et évo­lu­tion, Presses de l’université de Mont­réal, 2003, 302 p. [Épui­sé, lec­ture en ligne gra­tuite.]

Cor­mier, Monique C., et Aline Fran­cœur (dir.), Les Dic­tion­naires Larousse. Genèse et évo­lu­tion, Presse de l’u­ni­ver­si­té de Mont­réal, 2005, 326 p. [Épui­sé, lec­ture en ligne gra­tuite.]

Doto­li, Gio­van­ni, Salah Mej­ri et Mario Sal­vag­gio, Alain Rey : lin­guiste, lexi­co­graphe, écri­vain, L’Har­mat­tan, coll. « L’O­riz­zonte », 2024, 276 p.

Gas­quet-Cyrus, Médé­ric, et Chris­tophe Rey, Va voir dans le dico si j’y suis ! Ce que les dic­tion­naires racontent de nos socié­tés, éd. de l’A­te­lier, 2024, 248 p.

couverture du livre "Salut Alain ! Hommage à Alain Rey", éditions Le Robert, 2021

Gau­din, Fran­çois (éd.), Alain Rey, voca­bu­liste fran­çais, Limoges, Lam­bert-Lucas, 2011, 106 p. [PDF libre d’accès.]

Lavault, Maya (coord.), Salut Alain ! Hom­mage à Alain Rey, éd. Le Robert, 2021, 288 p.

Mol­lier, Jean-Yves, et Bru­no Dubot, His­toire de la librai­rie Larousse (1852-2010), Fayard, 2012, 752 p.

Logo de Larousse dessiné par Eugène Grasset, 1890.
Logo de Larousse des­si­né par Eugène Gras­set, 1890.

Pru­vost, Jean, Le Dico des dic­tion­naires. His­toire et anec­dotes, JC Lat­tès, 2014, 550 p.

— Les Dic­tion­naires fran­çais, outils d’une langue et d’une culture, Ophrys, [1re éd. 2006], nouv. éd. actua­li­sée, 2021, 224 p.

— La Dent-de-lion, la Semeuse et le Petit Larousse, Bio­gra­phie du Petit Larousse, Larousse, 2004, 208 p. [Épui­sé.]

couverture du livre "Littré. L'humaniste et les mots", d'Alain Rey

— Pleins feux sur nos dic­tion­naires en 2 500 cita­tions et 700 auteurs du xviee au xxie siècle, Hono­ré Cham­pion, 2018, 664 p.

Rey, Alain, Lit­tré. L’humaniste et les mots, Gal­li­mard, [1re éd. 1970], nouv. éd. augm., 2008, 352 p.

— Dic­tion­naire amou­reux des dic­tion­naires, Plon, 2011, 998 p.

— Ency­clo­pé­dies et dic­tion­naires, Presses uni­ver­si­taires de France, coll. « Que sais-je ? », 1982, 128 p. [Épui­sé.]

Rey, Chris­tophe, Dic­tion­naire et socié­té, Hono­ré Cham­pion, 2020, 258 p.

couverture du livre "Profession lexicographe" de Marie-Éva de Villiers.

Vil­lers, Marie-Éva (de), Pro­fes­sion lexi­co­graphe, Presses de l’u­ni­ver­si­té de Mont­réal, 2006, 72 p.


Visi­ter aus­si le Musée vir­tuel des dic­tion­naires (du labo­ra­toire Lexiques, Textes, Dis­cours, Dic­tion­naires : Centre Jean Pru­vost) et le site de col­lec­tion­neurs Dico­pathe.

Écou­ter « De Pierre Larousse au Petit Larousse » (2017) et « Nuit du dic­tion­naire » (2020), sur France Culture.

☞ Voir aus­si « Petit Larousse ou Petit Robert ? ».

Visite du marbre de “L’Humanité-Dimanche” en 1954

Couverture du livre "Même si ça dérange", de Roland Passevant, Robert Laffont, 1976

Roland Pas­se­vant (1928-2002) est un jour­na­liste fran­çais, spé­cia­li­sé dans le domaine spor­tif, puis dans l’in­ves­ti­ga­tion poli­tique. […] En 1954, il rejoint L’Hu­ma­ni­té-Dimanche, puis L’Hu­ma­ni­té : il dirige, à par­tir de 1963, le ser­vice des sports de ce quo­ti­dien. (Wiki­pé­dia).

Dans ses Mémoires, inti­tu­lés Même si ça dérange (Paris, Robert Laf­font, 1976, 326 p.), il raconte (p. 28-30) ses débuts à L’Hu­ma­ni­té-Dimanche, où il s’i­ni­tie au secré­ta­riat de rédac­tion sur les pages dépar­te­men­tales : « […] je consacre quelques heures par semaine à mode­ler les pages de la Dor­dogne, de la Drôme et du Gard, mes trois coins de province. »

« Reve­nons au petit jour­na­liste débu­tant. […] Sa pano­plie, hors du sty­lo, com­prend un ligno­mètre et un typo­mètre, d’or­di­naire réser­vés au secré­taire de rédac­tion et au maquet­tiste. Le ligno­mètre per­met d’é­va­luer, sur la maquette, la capa­ci­té de lignage d’un empla­ce­ment, sui­vant les dif­fé­rents calibres de carac­tères. Le typo­mètre, outil pri­vi­lé­gié du typo­graphe, ramène tout au cicé­ro, mesure de base de l’imprimerie.

Détail d'un typomètre en cicéro et en millimètres.
Détail d’un typo­mètre en cicé­ro et en mil­li­mètres. Source : For­nax édi­teur.

Le secrétaire de rédaction crée la page

« Savoir cali­brer un article, com­man­der un titre, un cli­ché, et voi­là le débu­tant presque bon pour le ser­vice. Il connaît le ter­rain, l’u­sage que l’on fait du texte, son trai­te­ment. Le plus dur reste à faire. L’art d’é­crire juste, celui de rédi­ger un titre, de le tra­vailler, d’en extraire l’élé­ment choc, sont des exer­cices de longue haleine.

Titre de "L'Humanité-Dimanche" du 7 novembre 1954.
Titre de L’Hu­ma­ni­té-Dimanche du 7 novembre 1954. Source : librai­rie Gré­goire, Abe­books.

« En 1954, à la rédac­tion de l’Hu­ma­ni­té-Dimanche, ces exer­cices nous sont impo­sés par la fabri­ca­tion, à Paris même, de toutes les pages dépar­te­men­tales qui ont pour mis­sion de régio­na­li­ser le maga­zine, d’y inté­grer la cou­leur locale. Chaque rédac­teur, res­pon­sable de trois à quatre pages dépar­te­men­tales, reçoit la copie de pro­vince, géné­ra­le­ment accom­pa­gnée d’une amorce de maquette. À lui de jouer, d’en­ri­chir le pro­jet de mise en page, d’ins­tal­ler l’é­di­to­rial, d’é­qui­li­brer les élé­ments pho­tos, de choi­sir les carac­tères, de tailler les trop longs articles sans en alté­rer le conte­nu. C’est le tra­vail d’un secré­taire de rédac­tion, pré­cieux pour le jeune jour­na­liste qui s’im­prègne des notions de dis­tance, de pré­sen­ta­tion, qui per­çoit mieux l’as­pect esthé­tique du jour­nal. Son rôle ne se limite pas à manœu­vrer du typo­mètre et du ligno­mètre, mais le conduit à appré­cier textes et titres, à pro­po­ser d’é­ven­tuelles amé­lio­ra­tions à la rédac­tion en chef.

« Le secré­taire de rédac­tion qua­li­fié, faut-il immé­dia­te­ment pré­ci­ser, n’est pas un simple met­teur en page. Il par­ti­cipe, de manière active, la plus ingé­nieuse pos­sible, à la créa­tion de la page. Res­pon­sable de la “vitrine”, il col­la­bore étroi­te­ment avec le chef de service. […]

“L’air manque et la place aussi”

« […] Lors­qu’on découvre le “marbre”, ate­lier de com­po­si­tion de l’im­pri­me­rie, on y voit de tout, sauf du marbre. Les tables de tra­vail sont en fonte et le plomb est roi.

« Dans l’heure pré­cé­dant l’en­voi de la forme vers la presse, secré­taires de rédac­tion et rédac­teurs col­la­borent là à la phase finale de fabrication.

« La mise en forme ne se fait pas en se gon­flant les pou­mons, ni en se mus­clant le jar­ret — l’air manque et la place aus­si. La forme est un cadre de fonte aux dimen­sions réelles de la page. Le typo tra­vaille côté tête de page, le rédac­teur côté bas de page.

« Les articles, com­po­sés par le lino­ty­piste (un typo assis, qui tire les lettres de son cla­vier, comme une dac­ty­lo), pla­cés dans des “galées”, sou­mis à un encrage et à une pre­mière empreinte par le “plom­bier” (un typo-dis­pat­cher, vers lequel converge tout le plomb à net­toyer et clas­ser), arrivent vers les pages, accom­pa­gnés d’é­preuves qu’u­ti­lisent cor­rec­teur, jour­na­liste et typo­graphe pour contrô­ler et rec­ti­fier le texte.

Dernières corrections sur la morasse

« Le tra­vail touche à sa fin lorsque le typo­graphe, par petits coups ryth­més, avec une brosse spé­ciale munie d’un long manche, imprime l’en­semble de la page. Ain­si née [sic] la “morasse” qui donne la pre­mière vue glo­bale de la page et sert aux der­niers contrôles, aux der­nières cor­rec­tions. Ce rou­le­ment des bat­tages de brosse, c’est le sprint du “typo”.

« Le “marbre”, royaume du plomb, c’est pour chaque édi­tion ce tête-à-tête d’une heure ou deux, per­tur­bé par les exi­gences de l’ac­tua­li­té qui com­mande et impose d’in­ces­santes retouches. C’est une curieuse ambiance de tra­vail, mélange de bonne humeur, d’en­gueu­lades brèves mais explo­sives, de coups de gueule et de coups à boire. On y res­pire l’air vicié par les éma­na­tions de plomb fon­du, mais on y sent bien vivre le jour­nal. On y éprouve les émo­tions res­sen­ties près du chauf­feur de la loco­mo­tive, en tête du train. »

☞ Voir aus­si « L’imprimerie d’un jour­nal pari­sien dans les années 1960 ».

Simon Arbellot, jeune journaliste, descend à l’imprimerie (1919)

"Journaliste !", de Simon Arbellot, La Colombe, 1954

Jour­na­liste et écri­vain, Simon Arbel­lot (1897-1965) raconte sa car­rière dans Jour­na­liste ! (Paris, La Colombe, éd. du Vieux Colom­bier, 1954, 111 p.). Après un « court stage, entre amis » au Monde illus­tré, il débute en 1919 au Petit Jour­nal, pour « une année de sévère appren­tis­sage », puis entre au Figa­ro, « qu’il quitte au début des années 1930 pour le jour­nal Le Temps et la revue Docu­ments. […] Sous l’Occupation, il est nom­mé direc­teur de la presse au minis­tère de l’Information à Vichy de 1940 à 1942, puis consul géné­ral de France à Mala­ga de 1943 à 1944. […] Après la guerre, il contri­bue­ra à divers titres de presse, comme Écrits de Paris, Le Cha­ri­va­ri, ou encore La Revue des Deux Mondes » (Wiki­pé­dia).

Dans un pas­sage où il évoque son arri­vée au Petit Jour­nal (cha­pitre pre­mier), il men­tionne le tra­vail auprès des ouvriers de l’im­pri­me­rie, des secré­taires de rédac­tion et des correcteurs.

“Au fait dès la première ligne”

« […] pour un jeune gar­çon ambi­tieux et pres­sé, l’ap­pren­tis­sage est dur. C’est d’a­bord la perte de la liber­té. Il faut renon­cer à toute obli­ga­tion qui ne soit pas professionnelle […].

« Il y a aus­si les per­ma­nences, les inter­mi­nables per­ma­nences pour le cas où il se pas­se­rait quelque chose. Comme elle est triste, à minuit et demi, cette salle de rédac­tion, main­te­nant déserte, qui sent le vieux papier et le culot de pipe ! Face au télé­phone il faut attendre et, dans les feuilles d’a­gence qui s’a­mon­cellent, décou­vrir le fait nou­veau qu’on réécri­ra d’ur­gence et qu’on enver­ra aux machines. […]

« Tra­vail obs­cur et sans gloire du débu­tant, mais néces­saire étape. Il ne s’a­git plus, ici, de dis­ser­ta­tion phi­lo­so­phique, mais d’in­for­ma­tion. Écou­tons les conseils de ce vieux bar­bu déco­ré [le rédac­teur en chef] :
[…]
— Pas de péri­phrases, entrez dans le vif du sujet. Vous n’êtes pas là pour faire de la lit­té­ra­ture, vous écri­vez pour les lec­teurs, pas pour vous, ni pour votre petite amie. Au fait, au fait dès la pre­mière ligne.

« Et le crayon rouge biffe, sans nulle consi­dé­ra­tion, la belle phrase du début. Quant à la for­mule bien balan­cée de la fin, elle est livrée à la seule déci­sion du secré­taire de rédac­tion qui, au marbre, sui­vant la place, la conser­ve­ra ou la fera sauter.

“Devant les pages de plomb”

« J’é­prou­vais une grande joie lorsque, de temps à autre, en fin de jour­née, l’un des secré­taires de rédac­tion, vieux bon­homme bar­bu, lui aus­si, char­gé des édi­tions de pro­vince, me fai­sait deman­der à la com­po­si­tion. Avec quel empres­se­ment je des­cen­dais alors dans ce sous-sol où vrom­bis­saient les célèbres machines de Mari­no­ni et où des ouvriers, les bras nus, s’af­fai­raient au marbre, devant les pages de plomb du jour­nal en ges­ta­tion. Il s’a­gis­sait géné­ra­le­ment d’un repi­quage d’une infor­ma­tion que j’a­vais don­née une heure avant, mais qu’il conve­nait de modi­fier sui­vant une dépêche de der­nière heure lâchée par la prin­ting d’Ha­vas1. Là, dans le cli­que­tis des cla­viers, sur un coin de table, res­pi­rant avec délices l’o­deur de la morasse2 toute fraîche, je rec­ti­fiais au crayon la nou­velle, rem­pla­çant le point d’in­ter­ro­ga­tion du titre par une affir­ma­tion, sup­pri­mant un mot ici et là et je ten­dais fiè­re­ment mon épreuve cor­ri­gée à un jeune ouvrier en sueur qui la por­tait tout droit à la linotype.

"Paris – Rue La Fayette et le Petit Journal". Carte postale, s.d.
Paris – Rue La Fayette et le Petit Jour­nal. Carte pos­tale, s.d. Source : Car­to­rum.

« Cette col­la­bo­ra­tion du jour­na­liste et du machi­niste est l’une de mes décou­vertes les plus agréables dans les sous-sols de la rue La Fayette. Le typo­graphe est, en effet, l’a­mi du jour­na­liste et je n’ai connu, dans les dif­fé­rentes impri­me­ries que j’ai, par la suite fré­quen­tées3, que de braves et hon­nêtes gens, prêts à rendre ser­vice, inté­res­sés comme nous-mêmes à la per­fec­tion du tra­vail ; patients devant notre fièvre, com­pré­hen­sifs à nos scru­pules d’au­teurs. À côté d’eux les cor­rec­teurs, sou­vent éru­dits, tou­jours let­trés, sont nos plus pré­cieux auxi­liaires. Et je ne parle pas des fautes d’or­tho­graphe et des erreurs de ponc­tua­tion, menue mon­naie, qu’ils relèvent avec indul­gence, même dans les articles des aca­dé­mi­ciens ; mais s’a­git-il d’une cita­tion, d’une date, d’un mot étran­ger, d’un chiffre dont l’au­then­ti­ci­té ou l’emploi leur paraît sus­pect, alors c’est avec infi­ni­ment de tact qu’ils abordent le délin­quant : “Ne croyez-vous pas qu’il convien­drait de rectifier ?”

« Com­bien d’au­teurs célèbres doivent au cor­rec­teur de n’a­voir pas eu à rou­gir le len­de­main matin d’une bourde échap­pée à leur plume trop rapide.

“L’heure de la brisure”

« Quand la chance vou­lait que je me trouve au marbre à l’heure de la “bri­sure”, court repos entre deux ser­vices, c’est bien volon­tiers que j’al­lais avec les ouvriers dans le petit café d’à côté — il y a tou­jours un petit café à côté des impri­me­ries — boire avec eux, cette fois sur le zinc, le verre de rouge de la col­la­bo­ra­tion. Ces gens-là vous feraient, à eux seuls, aimer le métier de jour­na­liste, les anciens parce qu’ils ont beau­coup vu et beau­coup obser­vé, les jeunes parce qu’ils ont le goût de leur tra­vail et le res­pect de ses tra­di­tions. Com­bien de fois, bavar­dant avec eux, ai-je sou­hai­té de deve­nir, moi aus­si, un jour un grand jour­na­liste et de remettre dans leurs mains habiles, non plus quelques lignes de banale infor­ma­tion mais une belle chro­nique dont j’é­tais assu­ré qu’elle serait l’ob­jet de tous leurs soins atten­tifs ! On avait tel­le­ment l’im­pres­sion que le met­teur en page et ses aides étaient aus­si fiers que nous d’une pré­sen­ta­tion réus­sie, d’un jour­nal au point ! Et sou­vent l’a­mi­tié d’un ouvrier de l’im­pri­me­rie nous ven­geait des mes­qui­ne­ries de l’ad­ju­dant de quar­tier, fût-il paré du titre de rédac­teur en chef et déco­ré des palmes académiques. »

☞ Voir aus­si « L’imprimerie d’un jour­nal pari­sien dans les années 1960 ».

Le Petit Jour­nal. Ser­vice de la Cli­che­rie de l’Im­pri­me­rie Mari­no­ni. Carte pos­tale, s.d. Dif­fu­sion sous licence CC BY-NC-SA 2.0.

Plus d’i­mages sur un site Web consa­cré au Petit Jour­nal.


  1. Le télé­scrip­teur de l’a­gence Havas, ancêtre de l’AFP. ↩︎
  2. Épreuve gros­sière, le plus sou­vent réa­li­sée à la brosse. On voit le tirage d’une morasse dans le film L’Homme fra­gile (voir mon article illus­tré). ↩︎
  3. J’ai res­pec­té la ponc­tua­tion d’o­ri­gine. ↩︎

Le correcteur dans “Le Petit Retz de l’expression écrite”

"Le Petit Retz de l’expression écrite", de Michèle Zacharia (Paris, éd. Retz, 1987.
Le Petit Retz de l’expression écrite, de Michèle Zacha­ria (Paris, éd. Retz, 1987).

Ma der­nière trou­vaille d’oc­ca­sion est Le Petit Retz de l’expression écrite, de Michèle Zacha­ria (Paris, éd. Retz, 1987 ; la cou­ver­ture porte en sous-titre : « de la rhé­to­rique à la lisibilité »).

En 200 articles clas­sés par ordre alpha­bé­tique, de abré­via­tion à Zipf (lin­guiste, 1902-1950), ce livre de poche facile d’ac­cès ras­semble ce que — du point de vue de l’agrégée de lettres qui a signé l’ou­vrage1 — tout appren­ti auteur doit savoir, en théo­rie comme en pratique.

On y lit notam­ment, à pro­pos du code typo­gra­phique (p. 26), que son « objet […] est d’unifier les conven­tions de[s] mises au point2, afin, notam­ment, de faci­li­ter la tâche des lecteurs ».

Ces révi­sions se révèlent utiles pour cor­ri­ger l’inexpérience — ou l’étourderie3 de l’auteur — mais néfastes lorsque cer­tains cor­rec­teurs pré­tendent impo­ser leurs règles à des auteurs qui — consciem­ment — en appliquent d’autres. Qu’on pense par exemple à Céline, récrit par le code typo­gra­phique !
Face aux ini­tia­tives des cor­rec­teurs, l’auteur doit donc se com­por­ter avec autant d’humilité et de recon­nais­sance que de fermeté.

À l’en­trée cor­rec­tion (p. 32), il est sur­tout ques­tion de celle effec­tuée par l’au­teur (à qui le livre s’adresse) :

[…] plus le manus­crit […] est soi­gné, […] moins « l’épreuve » reçoit de cor­rec­tions de ceux dont le métier est de cor­ri­ger. Quand son manus­crit revient entre les mains de l’auteur sous forme d’épreuve, il lui faut limi­ter les cor­rec­tions au mini­mum indis­pen­sable (fautes d’orthographe, inexac­ti­tudes…). Il est vrai qu’un texte peut être indé­fi­ni­ment rema­nié, « cor­ri­gé ». Mais il faut, à un moment don­né, accep­ter qu’il se détache de soi. Pour cor­ri­ger, il faut être per­fec­tion­niste avant, mais réa­liste après. [Cela s’ap­plique aus­si au cor­rec­teur : dans un cir­cuit clas­sique, sur épreuve, il aura moins de lati­tude pour inter­ve­nir que lors de la pré­pa­ra­tion de la copie.]

On y trouve encore le mot lamar­ti­nisme (p. 74), pour­tant peu cou­rant. L’ar­ticle explique que 

[c]ertaines […] phrases [de ce cher Alphonse] étaient si longues et si com­plexes dans leurs struc­tures que le verbe — en fin de phrase — ne s’accordait pas avec le sujet, au début de la phrase. Et ni l’auteur, qui — on peut le sup­po­ser — se reli­sait4, ni les met­teurs au point et cor­rec­teurs de la pre­mière édi­tion n’ont déce­lé cette faute. D’où le nom de « lamar­ti­nisme » pour ce type d’incorrection grammaticale.

Un « écran lin­guis­tique » entre le sujet et le verbe fai­sait perdre le fil du dis­cours, pro­vo­quant la double étour­de­rie de l’au­teur et du correcteur.

N.B. — Ce der­nier article, comme l’en­trée cor­rec­tion et d’autres, est signé « F.R. ». On y recon­naît les ini­tiales de Fran­çois Richau­deau (1920-2012), fon­da­teur des édi­tions Retz5 et, en leur sein, de la revue Com­mu­ni­ca­tion et lan­gages. Il mena des recherches sur la lisi­bi­li­té qui lui ins­pi­rèrent des ouvrages sur la lec­ture rapide et la com­mu­ni­ca­tion écrite effi­cace. Sa somme sur La Chose impri­mée (1977) est un clas­sique de l’his­toire tech­nique de l’im­pri­me­rie. J’ai déjà cité sa réédi­tion de 1999 dans « Ce que la PAO a chan­gé au métier de cor­rec­teur ».


  1. Michèle Zacha­ria a ensei­gné l’ex­pres­sion écrite, orale et audio­vi­suelle à l’IUT de Paris, de 1970 à 2003. Voir sa fiche sur le site des édi­tions Retz. ↩︎
  2. Un cor­rec­teur par­le­rait plus cou­ram­ment de pré­pa­ra­tion de la copie. Le terme est men­tion­né dans l’ou­vrage. ↩︎
  3. L’er­reur de pla­ce­ment du tiret fer­mant en consti­tue un bel exemple. ↩︎
  4. N’ou­blions pas Eli­sa de Lamar­tine, qui s’est usé la san­té à cor­ri­ger les épreuves de son mari. Voir mon article. ↩︎
  5. Voir aus­si sa fiche sur le site des édi­tions Retz. ↩︎

“The Chicago Manual of Style”, bible des correcteurs américains

"The Chicago Manual of Style", bible des correcteurs américains
The Chi­ca­go Manual of Style, 15e édi­tion, 2003.

Je me suis pro­cu­ré (pour un prix ridi­cule, 6 € !) la 15e édi­tion (2003) de la bible des cor­rec­teurs amé­ri­cains, The Chi­ca­go Manual of Style. Je n’en ai pas vrai­ment l’u­ti­li­té, mais je suis si curieux… 

Publié par l’université de Chi­ca­go, l’ouvrage, qui se serait écou­lé à 1,75 mil­lion d’exemplaires, fête­ra son cen­te­naire l’an prochain.

Quelle sur­prise en ouvrant l’enveloppe ! C’est un pavé, soli­de­ment relié, de 956 pages (la 18e édi­tion, de 2024, a encore gros­si de 236 pages). Je com­prends mieux son prix éle­vé neuf (il faut débour­ser 75 € pour la der­nière édition).

Tout y est : l’édition de livres et de jour­naux, la pré­pa­ra­tion de la copie, la ges­tion des droits, la gram­maire et le bon usage, l’orthotypographie, la ponc­tua­tion, les cita­tions, les dia­logues, etc.

On peut consul­ter le som­maire com­plet sur le site offi­ciel.

Le conte­nu en ligne, lui, est payant. 

Je pense que nombre de cor­rec­teurs fran­çais seraient heu­reux de pos­sé­der l’équivalent en France.

☞ Voir aus­si Qui crée les codes typographiques ?

Constructions multiples du verbe “irradier”

Le ciel irradie ou la lumière irradie le ciel.
Le ciel irra­die ou la lumière irra­die le ciel… Image par lin2015 de Pixa­bay.

« De la lampe irra­diait une faible lueur. Le poêle irra­diait une douce cha­leur. L’amour de Paul irra­diait vers Jeanne. Elle irra­diait de bon­heur. Un sou­rire irra­diait son visage. La cha­leur des amants s’ir­ra­diait dans la pièce. Une lumière rose irra­diait le ciel. Bien­tôt, la nuit tout entière irradiait… »

Dans ce — modeste — essai de romance, les phrases sont toutes cor­rectes. En effet, les dif­fé­rents sens du verbe irra­dier rendent ses construc­tions multiples.

En tant que cor­rec­teur, on peut par­fois dou­ter de celle qui convient. Pour y voir plus clair, j’ai réuni ici de nom­breux exemples, tels que je les ai trou­vés dans les dif­fé­rents dictionnaires.

À l’origine, irra­dier est un verbe intran­si­tif signi­fiant « émettre, répandre un rayon­ne­ment à par­tir d’un centre ». Par exten­sion, on peut l’employer pour par­ler du lieu où se pro­page ce rayonnement.

La lumière irra­die.
Le ciel irra­die
(ou s’irradie).
[…] la nuit tout entière irra­diait (Gene­voix).
Cha­leur irra­diant len­te­ment.
Des fibres ner­veuses irra­dient
(ou s’irradient) (sont dis­po­sées comme des rayons par­tant d’un centre).
On sent irra­dier […] / Quelque par­fum har­di […] (Noailles).

Avec un com­plé­ment de lieu :
Les rayons lumi­neux irra­dient (ou s’irradient) de tous côtés.
La lumière irra­die du métal en fusion.
La dou­leur irra­die vers les régions éloi­gnées du point lésé.
La dou­leur irra­die
(ou s’irradie) dans toute la jambe.
La cha­leur irra­die
(ou s’irradie) dans la pièce.
Reli­gion qui a irra­dié en France.
Des pro­grès nou­veaux qui s’irradient peu à peu des foyers où ils sont nés
[…] (Dur­kheim).

Avec un com­plé­ment d’objet direct :
La lampe irra­diait une faible lueur.
La lune irra­die une pâle lumière.
La lumière rose irra­die le ciel cré­pus­cu­laire.

Un phare puis­sant irra­die le ciel.
Le ciel irra­diait une lumière dorée.
Le poêle irra­die une douce cha­leur.
[…] les cen­taines de mille lampes vol­taïques irra­dient des étin­celles mauves ou roses (Morand).
Un sou­rire irra­die sa face.

Per­sonne ou émo­tion qui irra­die :
Irra­dier la bon­té, l’intelligence.
Elle irra­die le bon­heur
.
Il irra­diait la paix autour de lui […] (Huys­mans).
Son enthou­siasme irra­die autour de lui.
La joie irra­diait sur son visage.
Son visage s’irradia de joie.
[… l’amour] irra­die vers la per­sonne aimée (Proust).

Au sens de « sou­mettre à des radia­tions » :
Irra­dier une tumeur can­cé­reuse.
On irra­die des sub­stances pour les conserver.

Sources : Aca­dé­mie, Giro­det, Hanse et Blam­pain, Ency­clo­pé­die du bon fran­çais, Le Grand Robert, TLF (voir La biblio­thèque du cor­rec­teur).

Une découverte : l’“Encyclopédie du bon français” de Paul Dupré

"Encyclopédie du bon français dans l'usage contemporain", P. Dupré [dir.]. Paris, éd. de Trévise, 1972.
Ency­clo­pé­die du bon fran­çais dans l’u­sage contem­po­rain, P. Dupré [dir.]. Paris, éd. de Tré­vise, 1972.

Je viens d’ac­qué­rir, à petit prix, cette Ency­clo­pé­die du bon fran­çais dans l’u­sage contem­po­rain, publiée à Paris en 1972 (P. Dupré [dir.]. comi­té de rédac­tion sous la pré­si­dence de Fer­nand Kel­ler, avec la col­la­bo­ra­tion de Jean Bata­ny, éd. de Tré­vise1, 3 vol., LXIV-2 716 p.). C’est à l’oc­ca­sion de ma recherche pour l’ar­ticle « Depuis quand met-on des traits d’union aux noms de voies ? » que j’ai décou­vert son exis­tence2.

Mécon­nue aujourd’­hui, elle figure pour­tant dans les col­lec­tions de plus de qua­rante biblio­thèques uni­ver­si­taires fran­çaises3 et on la trouve citée par l’A­ca­dé­mie (qui la dit encore, un demi-siècle plus tard, « excel­lente4 » et « riche d’enseignement[s]5 »), par Le Bon Usage6, par le Tré­sor de la langue fran­çaise7 , par Le Grand Robert8 et par le blog Par­ler fran­çais9.

Il est pro­bable que Paul Dupré soit le pseu­do­nyme de Paul Wink­ler (1898-1982), qui fon­da les édi­tions de Tré­vise en 1957. À Paris, dans les années vingt, Wink­ler rédi­gea sous le nom de Paul Van­dor des articles des­ti­nés aux émi­grés hon­grois. Et lors de la Seconde Guerre mon­diale, exi­lé aux États-Unis, il cosi­gna avec Bet­ty Wink­ler, sa femme, sous les pseu­do­nymes d’Anne et Paul Dupre, le roman Paris-Under­ground, ins­pi­ré des actes de résis­tance d’Etta Shi­ber dans la France occu­pée10.

Je n’ai, pour l’ins­tant, trou­vé aucune infor­ma­tion sur Fer­nand Kel­ler (un autre pseu­do­nyme de Paul Wink­ler ?). Le duo Dupré-Kel­ler avait pré­cé­dem­ment signé une Ency­clo­pé­die des cita­tions (éd. de Tré­vise, 1959, 704 p.).

Jean Bata­ny (1928-201211), lui, est décrit en page de titre comme « agré­gé des lettres, char­gé d’enseignement de langue fran­çaise à l’université de Tours12 ». Par­mi les huit autres col­la­bo­ra­teurs, je retiens les noms de Jean-Paul Colin, qui avait déjà publié son propre Nou­veau dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés du fran­çais13 deux ans plus tôt, et du lin­guiste Michel Arri­vé, dont la Gram­maire d’aujourd’hui14 est réputée.

Une œuvre utile et originale

Quelle est l’o­ri­gi­na­li­té de cette ency­clo­pé­die de langue fran­çaise, regrou­pant près de 10 000 articles clas­sés alpha­bé­ti­que­ment ? Pour cha­cune de ces dif­fi­cul­tés, sub­ti­li­tés, com­plexi­tés, sin­gu­la­ri­tés, elle donne, si néces­saire, l’opinion de cinq dic­tion­naires d’u­sage : celui de l’Académie (8e éd., 1935), le Lit­tré (éd. de 1883), le Dic­tion­naire géné­ral de la langue fran­çaise, de Hatz­feld, Dar­mes­te­ter et Tho­mas (1900, « de nos jours trop oublié15 »), le Grand Robert et le Grand Larousse ency­clo­pé­dique (tous deux de 1964). De plus, elle réunit les avis de « plus de cin­quante gram­mai­riens et lin­guistes, […] du puriste le plus intran­si­geant au laxiste le plus tolérant ».

Je ne cite que des noms qui parlent encore au cor­rec­teur d’aujourd’hui : Mau­rice Gre­visse, Joseph Hanse, Adolphe V. Tho­mas, Albert Dop­pagne, mais aus­si Étiemble, Albert Dau­zat, Robert Le Bidois, Fer­di­nand Bru­not, Antoine Alba­lat, Abel Her­mant, André Thé­rive et beau­coup d’autres. En tout, 76 ouvrages ont été dépouillés systématiquement.

La seconde par­tie de l’ar­ticle, impri­mée dans un carac­tère dif­fé­rent, expose la conclu­sion de l’é­quipe rédac­tion­nelle. Cette « méthode […] per­met de faire le tour de la ques­tion, d’entendre les divers sons de cloche, et se créer une opi­nion personnelle ».

Je note une curio­si­té édi­to­riale : cet ouvrage semble avoir été publié la même année sous des reliures de nom­breuses cou­leurs : crème (la mienne, même si elle semble plu­tôt grise sur l’i­mage), rouge, brun clair, mar­ron, gris, bleu fon­cé, dif­fé­rents tons de vert.

À sa sor­tie, l’Ency­clo­pé­die du bon fran­çais a reçu une bonne cri­tique dans la revue belge de tra­duc­tion Équi­va­lences :

En plus de la masse d’information[s] pré­cieuses qu’[elle] recense et que seule
une fré­quen­ta­tion régu­lière per­met d’ap­pré­cier plei­ne­ment, deux qua­li­tés
essen­tielles nous incitent à recom­man­der tout par­ti­cu­liè­re­ment l’ac­qui­si­tion de
la pré­sente Ency­clo­pé­die : tout d’a­bord la clar­té tant de l’ex­po­sé que de la
pré­sen­ta­tion typo­gra­phique
, clar­té qui rend la consul­ta­tion rapide et agréable ; et ensuite une objec­ti­vi­té mar­quée au coin de la mesure et du bon sens, à égale dis­tance du pédan­tisme des aris­tarques et du laxisme des nova­teurs incon­si­dé­rés16.

L’au­teur de ces lignes (William Pichal) est per­sua­dé que « [c]ette ini­tia­tive sera accueillie avec faveur tant par [ses] confrères en tra­duc­tion que par [ses] col­lègues ensei­gnants ». En fait, mal­gré son uti­li­té et son ori­gi­na­li­té, cet ouvrage n’a jamais été réédi­té. « Nous n’a­vons pas la pré­ten­tion […] d’a­voir fait une œuvre aere per­en­nius17, comme disait le poète latin », recon­nais­sait Fer­nand Kel­ler dans l’in­tro­duc­tion. J’ai bien peur que le temps lui en ait don­né confirmation.

Article mis à jour le 19 mars 2025.


  1. Mai­son, aujourd’­hui dis­pa­rue, qui a publié aus­si Anne Golon et la série des Angé­lique. Infor­ma­tion don­née par un site consa­cré à Juliette Ben­zo­ni. Consul­té le 13 mars 2025. ↩︎
  2. Dans l’ar­ticle « Trait d’u­nion » de Wiki­pé­dia. Consul­té le 4 mars 2025. ↩︎
  3. Voir le cata­logue Sudoc. Consul­té le 12 mars 2025. ↩︎
  4. Réponse à Mathieu K. (Orléans), le 4 juillet 2024. Consul­tée le 13 mars 2025. ↩︎
  5. Réponse à Jean-Loup (Alle­magne), le 7 mars 2024. Consul­tée le 13 mars 2025. ↩︎
  6. De Mau­rice Gre­visse et André Goosse, De Boeck Ducu­lot, 14e éd., 2007, p. 1537. ↩︎
  7. Voir « Études fré­quem­ment citées » (PDF). ↩︎
  8. Voir « Dupré (Paul) » dans la rubrique Auteurs de l’é­di­tion numé­rique. Consul­tée le 13 mars 2025. ↩︎
  9. Voir « Sources biblio­gra­phiques ». Consul­té le 13 mars 2025. ↩︎
  10. Je dois cette trou­vaille à mon amie Karine Cha­dey­ron, fine détec­tive, que je remer­cie. Lire l’ar­ticle « Two friends defied the Nazis. Then one woman ‘wrote’ a book that betrayed the other », par Andrew Silow-Car­roll, The Times of Israel, 12 mars 2025. Voir aus­si le por­trait de Paul Wink­ler sur le site Walt Dis­ney Archives et consul­ter The Pro­ject Guten­berg eBook of U.S. Copy­right Rene­wals, 1971 Janua­ry - June, s.v. « Shi­ber, Etta ». ↩︎
  11. Notice de per­sonne, cata­logue géné­ral de la BnF. ↩︎
  12. Il fut aus­si un « médié­viste éclec­tique et fécond ». Voir Pao­la Cifa­rel­li, « Aa. Vv., Remem­brances et Resve­ries. Hom­mage à Jean Bata­ny », Stu­di Fran­ce­si, 154 (LII | I) | 2008, p. 164-165. ↩︎
  13. Voir La biblio­thèque du cor­rec­teur. ↩︎
  14. Avec Fran­çoise Gadet et Michel Gal­miche, Flam­ma­rion, 1986. ↩︎
  15. « Le Dic­tion­naire géné­ral de la langue fran­çaise est de nos jours trop oublié, parce qu’il est trop en avant à l’égard de son époque : c’est le Petit Robert de l’aube du XXe siècle », selon Gio­van­ni Doto­li, qui lui a consa­cré une étude en 2013 (Le Dic­tion­naire géné­ral de la langue fran­çaise. Une grande révo­lu­tion, Her­mann, 140 p.). ↩︎
  16. Équi­va­lences, 1973, no 4-1, p. 41. ↩︎
  17. « Plus durable que l’ai­rain », Horace (Odes, liv. III, ode XXX, v. 1 — v. Nénu­far). En 1972, on pou­vait encore citer un poète latin sans le tra­duire. ↩︎

Aurais-je retrouvé des correcteurs du Grand Siècle ?

Jean de La Caille, "Histoire de l’imprimerie et de la librairie, où l’on voit son origine & son progrès, jusqu’en 1689". Paris, Jean II de La Caille, 1689. Bandeau historié non signé. Reproduit dans Frédéric Barbier (dir.), "Paris, capitale du livre. Le monde des livres et de la presse à Paris, du Moyen Âge au XXe siècle". Paris, Paris-Bibliothèques, Presses universitaires de France, 2007, p. 163.
Ban­deau his­to­rié non signé, dans Jean de La Caille, His­toire de l’imprimerie et de la librai­rie, où l’on voit son ori­gine & son pro­grès, jusqu’en 1689. Paris, Jean II de La Caille, 1689.

À quoi pou­vaient donc res­sem­bler les cor­rec­teurs du Grand Siècle ? On en a — peut-être ! — une idée grâce à deux illus­tra­tions d’époque.

Ce sont là deux visions fan­tas­mées d’une impri­me­rie. La pre­mière (ci-des­sus) pré­sente un lieu idéal par l’espace vaste et lumi­neux, la déco­ra­tion (fenêtres, biblio­thèque, pan­neaux) et l’abondance de per­son­nel pour si peu de machines. 

Sébastien Leclerc (?), "L’Imprimerie royale au Louvre". Fin du <span class=ptescap>xvii</span><sup>e</sup> s. Dessin à la plume et au lavis anonyme, attribué à Sébastien Leclerc. 320 × 220 mm. Reproduit dans Frédéric Barbier (dir.), "Paris, capitale du livre. Le monde des livres et de la presse à Paris, du Moyen Âge au XXe siècle". Paris, Paris-Bibliothèques, Presses universitaires de France, 2007, p. 171.
Sébas­tien Leclerc (?), L’Imprimerie royale au Louvre. Fin du XVII s. Des­sin à la plume et au lavis ano­nyme, attri­bué à Sébas­tien Leclerc. 320 × 220 mm.

La seconde (ci-des­sus) est cen­sée repré­sen­ter l’Impri­me­rie royale, fon­dée en 1640 à l’initiative de Riche­lieu et ins­tal­lée dans une gale­rie du Louvre. Elle n’était sans doute pas aus­si gran­diose que l’artiste la dépeint.

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est qu’on pour­rait bien y voir des cor­rec­teurs. À moins qu’il ne s’agisse d’auteurs : les his­to­riens com­men­tant ces images laissent place au doute. (À quoi recon­naît-on un cor­rec­teur au travail ?)

Jean de La Caille, Histoire de l’imprimerie et de la librairie, où l’on voit son origine & son progrès, jusqu’en 1689. Paris, Jean II de La Caille, 1689. Bandeau historié non signé (détail). Reproduit dans Frédéric Barbier (dir.), "Paris, capitale du livre. Le monde des livres et de la presse à Paris, du Moyen Âge au XXe siècle". Paris, Paris-Bibliothèques, Presses universitaires de France, 2007, p. 163.
Détail du ban­deau his­to­rié non signé (1689) repro­duit en tête de l’ar­ticle. Il pour­rait s’a­gir de deux cor­rec­teurs au travail.

Sur la pre­mière image, au fond à droite, de part et d’autre d’une table ou d’un bureau, deux per­son­nages sont occu­pés à relire et à anno­ter des épreuves (l’un d’eux tient une plume à la main).

Sébastien Leclerc (?), L’Imprimerie royale au Louvre" (détail). Fin du XVII s. Dessin à la plume et au lavis anonyme, attribué à Sébastien Leclerc. 320 × 220 mm. Reproduit dans Frédéric Barbier (dir.), "Paris, capitale du livre. Le monde des livres et de la presse à Paris, du Moyen Âge au XXe siècle". Paris, Paris-Bibliothèques, Presses universitaires de France, 2007, p. 171.
Détail du des­sin à la plume et au lavis attri­bué à Sébas­tien Leclerc (fin du XVII s.). Il pour­rait s’a­gir d’un (ou du ?) cor­rec­teur de l’Im­pri­me­rie royale.

De même, au pre­mier plan de la seconde image, un homme écrit sur des feuilles posées devant lui, tout en tenant une autre feuille de sa main gauche. Com­pare-t-il la copie à l’épreuve imprimée ? 

Portrait de Raphaël Trichet du Fresne (1611-1661).
Raphaël Tri­chet du Fresne.

En tout cas, on connaît le nom du pre­mier cor­rec­teur de l’Imprimerie royale : Raphaël Tri­chet du Fresne (1611-1661).

Je ne les ima­gi­nais pas ain­si, mes confrères d’alors ! Mais il est vrai que la mode de la per­ruque était assez répan­due dans la noblesse et la bourgeoisie.

☞ On voit peut-être aus­si deux cor­rec­teurs dans une gra­vure alle­mande du début du siècle. Voir « Ortho­ty­po­gra­phia, manuel du cor­rec­teur, 1608 ».

Source des images et de leur com­men­taire : Fré­dé­ric Bar­bier (dir.), Paris, capi­tale du livre. Le monde des livres et de la presse à Paris, du Moyen Âge au xxe siècle. Paris, Paris-Biblio­thèques, Presses uni­ver­si­taires de France, 2007, p. 162-163 et 170-171. — Com­plé­ment dans Jeanne Vey­rin-For­rer, La lettre et le texte : trente années de recherches sur l’his­toire du livre. Paris, École nor­male supé­rieure de jeunes filles, 1987, p. 269-270. — Por­trait de Raphaël Tri­chet du Fresne tiré du site Fontes Inedi­ti Numis­ma­ti­cae Anti­quae (FINA).

Cinq manuels typographiques méconnus

Dictionnaire typographique (J.-P. Clément), Petit guide de typographie (É. Martini), Manuel typographique du russiste (S. Aslanoff), Code typographique (J. Duval, impr. Corlet) et Autour des mots (G. Morell, Journaux officiels)
Dic­tion­naire typo­gra­phique (Jean-Pierre Clé­ment), Petit guide de typo­gra­phie (Éric Mar­ti­ni), Manuel typo­gra­phique du rus­siste (Serge Asla­noff), Code typo­gra­phique (Cor­let, impri­meur) et Autour des mots (Georges Morell, Jour­naux officiels).

En matière d’orthotypographie1 (les règles de com­po­si­tion des textes), les cor­rec­teurs fran­çais citent tou­jours les mêmes sources : l’Imprimerie natio­nale, Louis Gué­ry, Charles Gou­riou2, les deux Jean-Pierre (Lacroux et Coli­gnon), Aurel Ramat, plus rare­ment Yves Per­rous­seaux et Annick Valade. Le Code typo­gra­phique3 (18 édi­tions entre 1928 et 1997), mis au jour par la pro­fes­sion et qui fut long­temps l’ouvrage le plus uti­li­sé, semble avoir per­du de sa répu­ta­tion. (On peut retrou­ver ces réfé­rences dans mon article « Qui crée les codes typo­gra­phiques ? ».)

Mais voi­ci cinq autres manuels, moins connus, que j’ai acquis récem­ment, après avoir fouillé les biblio­gra­phies et les sites de vente de livres d’oc­ca­sion

Jean-Pierre CLÉMENT, Dic­tion­naire typo­gra­phique ou Petit guide du tapeur à l’usage de ceux qui tapent, sai­sissent ou com­posent textes, thèses ou mémoires à l’aide d’un micro-ordi­na­teur, Paris, Ellipses, 2005, 255 p.
L’auteur (né en 1945), his­pa­niste, était alors pro­fes­seur à l’université qui s’appelait encore Paris-Sor­bonne. Comme Per­rous­seaux, il dif­fuse des conseils aux uti­li­sa­teurs de logi­ciels de trai­te­ment de texte, « tout spé­cia­le­ment aux étu­diants qui rédigent thèses et mémoires ». Par­ti­cu­la­ri­té : les règles sont illus­trées de phrases tirées de la littérature.

Éric MARTINI, Petit guide de typo­gra­phie, Paris, Glyphe & Bio­tem édi­tions, 2002, 70 p.
L’au­teur est direc­teur de l’agence de com­mu­ni­ca­tion Glyphe. ll s’agit de recom­man­da­tions mini­males aux auteurs.

Serge ASLANOFF, Manuel typo­gra­phique du rus­siste, Paris, Ins­ti­tut d’études slaves, 1986, 255 p. 
La curio­si­té m’a pous­sé à me pro­cu­rer cette réfé­rence, l’auteur étant par­fois men­tion­né par les pas­sion­nés de typo­gra­phie. C’est un ouvrage dense et aus­tère. Il s’adresse, bien sûr, à « tout auteur qui écrit en fran­çais sur un sujet rela­tif au domaine russe […]. La pre­mière par­tie […] énu­mère les pro­cé­dés gra­phiques qui s’offrent […] à tous ceux qui, dans leur pro­fes­sion, ont à décrire des choses russes. La deuxième par­tie traite en détail de l’emploi des majus­cules et des pra­tiques — qui sont sou­vent oppo­sées — issues d’une part des tra­di­tions ortho­gra­phiques russes et des normes typo­gra­phiques sovié­tiques, et d’autre part des ouvrages fran­co­phones qui abordent ce pro­blème complexe. »

Code typo­gra­phique, [Condé-sur-Noi­reau], Cor­let, impri­meur, S.A., s. d., 164 p. Avec une intro­duc­tion de Jean Duval.
Celui-ci est une vraie trou­vaille. Il n’est pas réfé­ren­cé par la BnF et très rare­ment men­tion­né dans les biblio­gra­phies. Duval, cor­rec­teur chez Cor­let, l’adresse aux clients et col­la­bo­ra­teurs de l’imprimerie. Le texte reprend, sans le pré­ci­ser, sinon par son titre inté­rieur, une vieille édi­tion du Lexique des règles typo­gra­phiques de l’Imprimerie nationale. 

N.B. — C’est chez Charles Cor­let qu’ont été impri­més le manuel d’Aslanoff et cer­taines des pre­mières édi­tions du Ramat typo­gra­phique

Georges MORELL, Autour des mots. Le plus court che­min entre la typo­gra­phie et vous, Paris, Les édi­tions des Jour­naux offi­ciels, 2005, 579 p. 
L’auteur est décrit dans une des pré­faces comme « typo­graphe de for­ma­tion ». Huit cor­rec­teurs sont men­tion­nés par­mi les nom­breux col­la­bo­ra­teurs de cet ouvrage. 
Les règles typo­gra­phiques y occupent 50 pages. On trouve dans ce gros volume quan­ti­té d’autres infor­ma­tions comme « les termes étran­gers avec leur équi­va­lence fran­çaise, la fémi­ni­sa­tion des noms de métiers et une grande liste de mots pré­sen­tant des dif­fi­cul­tés ortho­gra­phiques ou d’interprétation ». La der­nière par­tie résume l’histoire de l’imprimerie, de l’écriture, des chiffres, de la ponc­tua­tion et du papier. 
C’est une « édi­tion revue et consi­dé­ra­ble­ment aug­men­tée » d’un Aide-mémoire ortho­gra­phique et typo­gra­phique éta­bli en interne en 1982. 

Notez que, même si je pos­sède désor­mais une jolie col­lec­tion de manuels typo­gra­phiques, je reste un « petit joueur » : l’impressionnante somme biblio­gra­phique de Jean Méron (1948-2022), Ortho­ty­po­gra­phie (PDF, à ne pas confondre avec l’œuvre de Lacroux), recense 2 500 ouvrages depuis le xvie siècle — mais qui vont bien au-delà du champ des règles de com­po­si­tion. Voi­là qui incite à la modestie !


  1. Voir mon article « Ortho­ty­po­gra­phie, un terme mal défi­ni ». ↩︎
  2. Voir « Charles Gou­riou, un (autre) cor­rec­teur-auteur dis­cret ». ↩︎
  3. Voir « De quand date le pre­mier “Code typo­gra­phique” ? ». ↩︎