“Un [nom] le plus [adjectif] possible”

« Nous vou­lions une fabri­ca­tion fran­çaise et une com­po­si­tion des pro­duits le plus natu­relle possible. »

Exemple d’une construc­tion aujourd’­hui cou­rante. Faut-il l’accepter ?

Chaque fois que je la ren­con­trais, je m’in­ter­ro­geais. Pour ma part, spon­ta­né­ment, j’é­cri­rais, au choix :

  • « la com­po­si­tion des pro­duits le1 plus natu­relle possible » ;
  • « une com­po­si­tion des pro­duits aus­si natu­relle que possible ».

Je res­sen­tais la copré­sence de l’ar­ticle indé­fi­ni et de l’ar­ticle défi­ni comme contra­dic­toire. Pour moi, « la plus natu­relle pos­sible » ne peut être qu’u­nique, donc dési­gnée comme « la construc­tion ». Pourtant…

J’ai trou­vé le pas­sage où Gre­visse en parle (§ 988, c) :

« Le nom accom­pa­gné d’un adjec­tif au super­la­tif a comme déter­mi­nant ordi­naire un article défi­ni ou un pos­ses­sif : Il a épou­sé LA femme la plus aimable que je connaisse. […]
On trouve par­fois d’autres déter­mi­nants dans la langue écrite, sur­tout littéraire. » 

Suivent quelques exemples, dont celui-ci, dû au cri­tique Jacques Siclier, dans Le Monde, en 1984 : Le choix d’UN met­teur en scène de ciné­ma le mieux appro­prié à une œuvre lyrique.

Sont aus­si cités des exemples en fran­çais clas­sique, comme chez Molière, dans L’A­vare (III, 1) : 

C’est UNE chose la plus aisée du monde.

Il semble que cet usage lit­té­raire soit rede­ve­nu en vogue, y com­pris dans la langue orale. Je l’en­tends sou­vent à la radio ou à la télévision.

Une remarque chez Gre­visse laisse cepen­dant devi­ner le léger malaise que peut pro­vo­quer une telle construction : 

« On pour­rait intro­duire des vir­gules dans un exemple comme : Ils sont ain­si ame­nés […] à pré­sen­ter UN miroir le plus fidèle pos­sible du voca­bu­laire pos­sible (J. Dubois, I. Guil­bert, H. Mit­ter­rand et J. Pignon, dans le Fr. mod., avril 1960, p. 87).

  1. Pour la règle fixant le genre de l’ar­ticle, qui n’est pas le sujet de ce billet, voir la « ques­tion de langue » de l’A­ca­dé­mie fran­çaise.