Dehors, une couverture bronze métallisé, saturée de noms d’écrivains ; dedans, une encre brune sur un papier crème, une maquette élégante, agrémentée de portraits d’écrivains, de feuillets manuscrits raturés, de couvertures de livres et de citations en exergue.
Le livre est joliment dédié « à mon ami Pierre Lemaitre, qui n’en aura pas besoin » ainsi qu’à Laurent Greilsamer.
« Ce livre ne vous rendra pas écrivain », prévient l’avant-propos. Il « vous aider[a] seulement à écrire si vous avez en vous le désir, la capacité, la disposition, le coup de menton nécessaires. Car on ne naît pas écrivain ; on le devient. »
L’originalité de ce livre par rapport à tant d’autres, c’est qu’il « est constitué de conseils tirés de centaines d’interviews d’écrivains à travers le monde, ou de leurs propres textes, éclairant leurs techniques, leurs méthodes — ou leur absence de méthode —, leurs échecs, leurs trucs et astuces… »
Se succèdent ainsi la méthode, le plan, le genre, le mode de narration, le style, les personnages, les dialogues, les descriptions, la révision et la correction, le titre et la fin du texte.
Pierre Assouline, qui « n’oublie jamais le correcteur », comme je l’ai déjà écrit, nous mentionne dans le chapitre 9 :
On dit parfois que le talent va dans le premier jet et l’art dans les versions ultérieures. Que dire alors du stade de la correction ? On dit souvent qu’il y a des correcteurs pour cela. Ce n’est pas une raison pour se reposer entièrement sur eux. Plus le manuscrit qui leur est remis est « propre », mieux c’est même s’il est évident qu’ils auront toujours à intervenir, c’est-à-dire à vous soumettre leurs relevés d’impropriétés, de barbarismes, de fautes d’accord et d’orthographe, de coquilles, d’inepties, d’incohérences, d’erreurs historiques, d’incompréhensions, de contradictions, d’oublis… Il y faut non seulement une profonde connaissance de la langue et de la syntaxe, mais un œil de lynx. Ils proposent, l’auteur dispose.
Dans le même chapitre, il cite le regretté Jacques Drillon : « La ponctuation appartient à celui qui se relit. » Il raconte que Simenon1 imposa à son éditeur de jeter les épreuves des Anneaux de Bicêtre et d’en faire tirer d’autres parce qu’une virgule avait été déplacée dans la dernière phrase : « Un jour, il ira voir son père, avec Lina. »
Il justifia ainsi sa réaction : sans virgule avant Lina, ils vont à Fécamp naturellement et l’histoire finit bien ; avec virgule, ils y vont également, mais on comprend qu’il y a un problème et l’histoire finit mal. »
Voilà de quoi inciter un « père la virgule » à la modestie !
Écrivain et journaliste, Pierre Assouline enseigne l’écriture à Sciences Po depuis 1998.
Pierre Assouline, Comme écrire, Albin Michel, 2024, 336 pages.
- Lire aussi Georges Simenon et ses correcteurs. ↩︎