Un correcteur-censeur pour Flaubert ?

Au fil de mes lec­tures, je viens de décou­vrir une anec­dote à pro­pos du pro­cès inten­té à Flau­bert pour Madame Bova­ry, jugés pour « outrage à la morale publique et reli­gieuse et aux bonnes mœurs ».

« Crème de la magis­tra­ture, le pro­cu­reur impé­rial Pinard vou­lait que fussent infli­gés à Flau­bert deux ans de pri­son. S’il réus­si­ra quelques mois plus tard à faire condam­ner le Bau­de­laire des Fleurs du mal, mal défen­du et d’une famille moins émi­nente, il devra ici se conten­ter de pro­non­cer un blâme sévère, sans pou­voir empê­cher l’acquittement en février 1857. Ni le suc­cès public de l’œuvre, mesu­rable à la bonne tren­taine d’articles publiés en deux ans et à l’appui notoire des quatre écri­vains car­di­naux du temps : Sainte-Beuve, Bau­de­laire, Bar­bey d’Aurevilly et George Sand. Il ne pour­ra inter­dire les nom­breux tirages du roman, la réin­té­gra­tion des pages dont La Revue de Paris avait deman­dé la sup­pres­sion lors de la paru­tion ini­tiale en feuille­ton : six livrai­sons au der­nier tri­mestre 1856, pour les­quelles Du Camp avait exi­gé l’élagage de nom­breux pas­sages jugés longs, inutiles et, bien qu’il ne l’avouât pas, mora­le­ment sen­sibles. On alla jusqu’à pro­po­ser les ser­vices d’un cor­rec­teur pro­fes­sion­nel à un Flau­bert aus­si pan­te­lant que résis­tant, frais déduits de ses droits d’auteur. »

Il s’agit là, visi­ble­ment, d’un cor­rec­teur au ser­vice de la cen­sure, et non d’un cor­rec­teur d’épreuves. Je ne connais­sais pas cette his­toire. Peut-être Michel Winock la men­tionne-t-il dans sa bio­gra­phie de Flau­bert ?

Cathe­rine Vigourt, « Madame Bova­ry de Gus­tave Flau­bert (1857) », dans La Fabrique du chef-d’œuvre. Com­ment naissent les clas­siques, Sébas­tien Le Fol (dir.), Per­rin, 2022, p. 300-301.