La graphie Jean Gutemberg est une francisation de Johannes Gutenberg — comme Diego Vélasquez est celle de Diego Velázquez. On la trouve encore sur certains sites.
Rappelons que le vrai nom de l’inventeur, en Europe, de l’imprimerie à caractères mobiles est Johannes Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg, « nom d’emprunt tiré de la maison que possédaient ses parents à Mayence et qui portait l’enseigne Zum guten Berg (“à la bonne montagne”) » (note de Wikipédia).
Cette francisation suit la règle classique énoncée dans une note de Wikipédia :
« L’usage français veut que, devant les lettres m, b et p, à l’exception de quelques mots comme bonbon, bonbonne et embonpoint, on emploie le m au lieu du n. »
Pour tenter de dater le changement de graphie en France, il faudrait feuilleter de vieux dictionnaires de noms propres. Dans mon Robert 2 de 1997, on trouve bien « Johannes Gensfleisch, dit Gutenberg ».
Le respect de la graphie originelle des noms étrangers fait débat sur Wikipédia1, au Sénat2 et chez les traducteurs3. Bruno Dewaele, champion d’orthographe, appelle à une uniformisation de nos dictionnaires4.
Dans son Dictionnaire d’orthographe et d’expression écrite, André Jouette (☞ voir mon article) précise :
« Il règne une certaine incohérence dans notre adoption de noms propres étrangers. […] Ne cherchons pas de règle logique : selon les époques, l’usage s’est imposé. »
Gutenberg/Gutemberg, c’est un peu le même problème que Beijing/Pékin5, Mumbai/Bombay6 ou Kolkata/Calcutta7.
Une incohérence qui a amené les pouvoirs publics à publier l’arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d’États et de capitales (Wikipédia), dont les premiers principes sont :
- La forme recommandée pour la désignation des pays et des capitales est la forme française (exonyme) existant du fait de traditions culturelles ou historiques francophones établies.
- En l’absence d’exonyme français attesté, on emploiera la forme locale actuellement en usage. Pour les pays qui n’utilisent pas l’alphabet latin, la graphie recommandée est celle qui résulte d’une translittération ou d’une transcription en caractères latins, conforme à la phonétique française.
- Les noms de pays et de villes étant des noms propres, il est recommandé de respecter la graphie locale en usage, translittérée ou non. On ne portera cependant pas les signes diacritiques particuliers s’ils n’existent pas dans l’écriture du français.
☞ Voir aussi Faut-il reproduire les diacritiques étrangers ?
La tendance étant au respect des cultures étrangères, Johannes Gutenberg ne devrait plus être francisé. Et Miguel Cervantès8, combien de temps encore gardera-il son accent grave en français ?
- Discussion « Respecter la graphie originelle des noms étrangers ? ».
- « Protection de l’orthographe des noms propres, notamment accentués, dans les actes officiels », question écrite no 13407, 12e législature, 5 août 2004 ; « Respect de l’orthographe des noms de famille », question écrite no 19381, 12e législature, 22 septembre 2005.
- Émeline Lecuit, Les tribulations d’un nom propre en traduction [thèse soutenue le 30 novembre 2012], linguistique, université François-Rabelais de Tours, 2012, NNT : tel-01113083.
- « L’Eire comme il faut ? », blog À la fortune du mot, 24 novembre 2009.
- Isabelle Mudry, « Beijing ou Pékin », Le Monde, 8 août 2008.
- André Racicot, « Traduire le monde : Mumbai ou Bombay ? », L’Actualité langagière, vol. 6, no 1, 2009, p. 33.
- Voir Encyclopédie Larousse.
- Voir Encyclopédie Larousse.