« Pourquoi un tel article n’a-t-il pas été corrigé, repeigné ? Aucun journal ne manque de compétence au point de ne pas disposer d’un secrétaire de rédaction capable de voir qu’il y a là quelque chose de menaçant pour l’image même du journal, pour la “une” où figure cet éditorial. Mais la grosse difficulté avec l’éditorial, c’est que personne n’ose y toucher. Texte politique par excellence, il ne saurait passer à la relecture, ni se faire reprendre pour cause de bêtise ou de confusion stylistique. Celui qui l’écrit jouit d’une certaine forme de pouvoir, et affirme ce pouvoir en écrivant.
Si l’éditorial est le lieu même grâce auquel le lecteur peut s’identifier à son journal, on se demande dans quel mépris l’auteur tient son public, pour lui destiner une telle bouillie. […] »
J’en sais quelque chose : pour avoir osé critiquer la qualité d’un édito, en arguant qu’il était « la porte d’entrée de la revue », on m’a viré. Je crois aussi que le directeur de la rédaction, qui en était l’auteur, cherchait déjà à faire l’économie d’un correcteur. C’était il y a deux ans.
Hédi Kaddour, Inventer sa phrase, Victoires Éditions, 2007, p. 96. Rééd. ediSens, 2021.
Source de l’illustration : Le blog de philippenoviant.com.