Au début de l’imprimerie, la rareté des caractères en plomb contraignait les ateliers à travailler en « flux tendu », correcteurs compris.
On imagine combien le travail d’impression est soumis à des contraintes matérielles complexes, qui supposent de l’organiser très précisément. Chaque feuille doit passer deux fois sous la presse (pour le recto et le verso) et il faut en outre prévoir les épreuves. Or, les caractères (les fontes) sont très onéreux et en nombre insuffisant pour imprimer à la suite des volumes parfois importants. En règle générale, les imprimeurs opèrent donc feuille à feuille : ils décomposent les premières feuilles (la redistribution) pour disposer des caractères nécessaires à la suite de leur travail. Non seulement on doit coordonner le travail de composition et d’impression, mais la correction des épreuves se fait aussi en fonction de ce rythme : il faut que l’auteur ou le correcteur soit disponible dans l’atelier même ou à proximité immédiate tout le temps du travail d’impression, de manière à ce que chaque épreuve correspondant à une forme puisse être aussitôt corrigée, puis imprimée, avant que l’on n’en redistribue les caractères pour passer à la suite.
Frédéric Barbier, Histoire du livre, Armand Colin, 2000, p. 70