L’arrivée de l’informatique dans un triste cassetin belge

Xavier Hanotte, "Du vent", Belfond, 2016

Dans le roman Du vent (Bel­fond, 2016), de l’écrivain et tra­duc­teur belge Xavier Hanotte, le pro­ta­go­niste, Jérôme Walque, ancien étu­diant en phi­lo­lo­gie et roman­cier à ses heures per­dues, a choi­si de gagner sa vie comme cor­rec­teur. Il est employé « dans une mai­son d’é­di­tion juri­dique de la capi­tale » (ce fut aus­si le cas, à Paris, d’Eugène Iones­co1). C’est, pour l’auteur, l’occasion de bros­ser un tableau sinistre des locaux où les cor­rec­teurs offi­cient. Un de plus2.

L’établissement lui-même – un véné­rable hôtel de maître aux esca­liers pom­peux et grin­çants, suant la médio­cri­té capi­ton­née des culs-de-sac intel­lec­tuels – sem­blait un îlot du dix-neu­vième siècle oublié en che­min par les explo­ra­teurs de la moder­ni­té. On y com­po­sait encore cer­tains annuaires à la mono­type et, à la fin du mois, cha­cun des loyaux ser­vi­teurs de la mai­son rece­vait une enve­loppe en papier kraft où tin­taient, au cen­time près, les pièces de son salaire entre deux billets neufs. C’é­tait peu dire que le tra­vail, pour exi­geant qu’il fût, lui lais­sait l’âme en paix et l’i­ma­gi­na­tion libre de vaga­bon­der, pen­dant comme après les heures de service.

Une des Pri­sons ima­gi­naires (Car­ce­ri d’in­ven­zione, 1750) de Gio­van­ni Bat­tis­ta Piranesi.

Plus loin, l’auteur détaille « le bureau des cor­rec­teurs », dont le « charme dis­cu­table […] l’ap­pa­ren­tait, dans l’es­prit de ses occu­pants, au greffe pous­sié­reux d’une pri­son vue par Pira­nèse » (savou­reuse référence).

Com­plète depuis la Révo­lu­tion belge, la col­lec­tion du jour­nal offi­ciel capi­ton­nait les murs du sol au pla­fond, man­teau de che­mi­née com­pris. […] Pro­fi­tant de l’u­nique fenêtre, un soleil aus­si patient qu’é­co­nome avait jau­ni tous les fas­ci­cules, dont de nom­breuses pages par­taient en lam­beaux sous l’ef­fet de l’a­ci­di­té. Dans la pièce, haute comme le salon qu’elle avait jadis été, stag­nait un par­fum com­po­site de pipe froide […] et de vieux papier. Le défi­lé des typo­graphes y ajou­tait une odeur tenace d’encre grasse. […].

Il évoque aus­si l’arrivée de l’informatique, ce qui me conduit à situer l’action au tout début des années 1980. Né en 1960, Hanotte a tra­vaillé « un temps dans une mai­son d’é­di­tion juri­dique de la capi­tale [peut-être bien comme cor­rec­teur3] pour ensuite s’orienter vers la ges­tion de bases de don­nées infor­ma­tiques4 ».

Dans ce tableau de genre, les taches claires et géo­mé­triques des ordi­na­teurs consti­tuaient presque une faute de goût. Car au même moment, trois étages plus bas, l’im­pri­me­rie pro­lon­geait la vie d’ou­tils à peine pos­té­rieurs au père Guten­berg. […]
« Néan­moins, le trium­vi­rat au pou­voir dans la mai­son s’é­tait las­sé de pas­ser, dans le lan­der­neau édi­to­rial, pour le musée vivant de la cor­po­ra­tion et avait récem­ment lan­cé l’en­tre­prise dans un pru­dent défri­che­ment des voies de la moder­ni­té. En com­men­çant par l’ad­mi­nis­tra­tion.
« Comp­tables, libraires et cor­rec­teurs avaient donc vu, sous forme d’é­crans mono­chromes, s’ou­vrir devant eux quelques fenêtres sur le monde impi­toyable de l’é­co­no­mie de marché. […]

Ces pas­sages mis à part, il s’a­git davan­tage d’un (bon) roman sur le tra­vail de l’é­cri­vain et sur la place de la lit­té­ra­ture5.

Xavier Hanotte, Du vent, Bel­fond, 2016, p. 89-90 et 149-151.


  1. Voir mon Petit dico des cor­rec­teurs et cor­rec­trices célèbres. ↩︎
  2. Voir notam­ment Témoi­gnage de M. Dutri­pon, cor­rec­teur d’épreuves, 1861 et Condi­tions de tra­vail des cor­rec­teurs au XXe siècle. ↩︎
  3. « Cor­rec­teur d’imprimerie lors de son ser­vice mili­taire, c’est tout natu­rel­le­ment que Xavier Hanotte s’est diri­gé vers ce métier dans la vie active. » Article « Xavier Hanotte : Un obser­va­teur du monde et de ses tour­ments », Catho­Bel, 13 mai 2024.  ↩︎
  4. Fiche de l’au­teur sur Bela. ↩︎
  5. Lire les cri­tiques sur Babe­lio, sur La Cause lit­té­raire et sur Leslibraires.fr. ↩︎

Les “enfans” et les “savans”, une réforme orthographique de 1740

Pour­quoi les enfans étaient-ils obéis­sans en 18201 ? Pour­quoi le Jour­nal des Savans écri­vait-il son titre ain­si en 1817 ? Pour­quoi les Talens lyriques, ensemble baroque de Chris­tophe Rous­set, ont-ils gar­dé, de nos jours, cette étrange orthographe ? 

C’est le résul­tat d’un choix de l’Académie fran­çaise. En 1740, elle a déci­dé de sup­pri­mer le t au plu­riel des mots finis­sant par ent ou ant, avant de le réta­blir en 1835.

Ain­si, en 1718, elle écri­vait sca­vants, en 1740, savans et, en 1835, savants. De même, tour­ments (1718), tour­mens (1740), tour­ments (1835)2.

Voi­ci ce qu’en dit Nina Catach, his­to­rienne de la langue3 :

« Une autre réforme, qui tou­chait éga­le­ment un vaste sec­teur de marques mor­pho­lo­giques, a été en 1835 l’adoption défi­ni­tive de la même forme au sin­gu­lier et au plu­riel des noms, adjec­tifs et par­ti­cipes pré­sents en ant, ent (enfants, pré­sents, aimants, au lieu de enfans, pré­sens, aimans). L’Académie avait tou­jours hési­té sur ce point, adop­tant ants en 1694, puis ans, ens en 1740, après de nom­breuses déci­sions contra­dic­toires. Cette réforme, comme la pré­cé­dente, sou­le­va des tol­lés dans l’opinion conser­va­trice, et cer­tains écri­vains, comme Ch. Nodier, ou Cha­teau­briand, s’obstinèrent long­temps à écrire sans t les par­ti­cipes pré­sents et mots assi­mi­lés (Jour­nal des Savans). »

La réforme de 1835 « don­na au fran­çais son visage contemporain ».

Avant 1835 : Ma foi, je connois le fran­çois & les savans, les dents de mes parens, &c.
Après 1835 : Ma foi, je connais le fran­çais et les savants, les dents de mes parents, etc.

Le lin­guiste Fer­di­nand Bru­not écri­vit, en 1905, qu’« après l’édition de 1835, il ne res­ta que l’innocente pro­tes­ta­tion des Débats et de la Revue des Deux-Mondes, obs­ti­nés à écrire pre­nans au lieu de pre­nants, pour rap­pe­ler un temps où cha­cun écri­vait à son gré, sans pas­ser pour un homme dépour­vu d’éducation »4.


  1. Alpha­bet des enfans obeis­sans. Ou Tableau des défauts dont les enfans peuvent se cor­ri­ger par la sou­mis­sion avec 14 jolis sujets de gra­vure, 2e éd., Paris, À la librai­rie d’e­du­ca­tion d’A­lexis Eyme­ry, 1820. ↩︎
  2. On peut par­cou­rir gra­tui­te­ment, en ligne, les dif­fé­rentes édi­tions du Dic­tion­naire de l’A­ca­dé­mie. ↩︎
  3. L’Orthographe, « Que sais-je ? », PUF, 1978, p. 40–41. ↩︎
  4. « Réforme de l’or­tho­graphe fran­çaise de 1835 », Wiki­pé­dia. Consul­té le 1er juillet 2024. ↩︎

Faut-il écrire “films culte” ou “films cultes” ?

Le site La Langue fran­çaise revient sur un cas inté­res­sant où l’usage s’oppose à la logique : celui du mot culte appo­sé à un autre nom — films culte(s), par exemple.

Selon l’Aca­dé­mie, on ne peut accor­der culte en nombre parce qu’« il est évident que les films ne sont pas des cultes, mais qu’ils font l’objet d’un culte ».

« Tou­te­fois, écrit La Langue fran­çaise, on note aujourd’hui que les prin­ci­paux dic­tion­naires acceptent les deux ver­sions avec ou sans accord : “des répliques culte” ou “des répliques cultes”, consi­dé­rant le mot “culte” comme un adjec­tif qua­li­fi­ca­tif (qui s’accorde en genre [sic] et en nombre). »

On pré­ci­se­ra cepen­dant que le Wik­tion­naire, sou­vent cité par La Langue fran­çaise, suit l’a­vis de l’A­ca­dé­mie : « sin­gu­lier et plu­riel iden­tiques ».

« Si on ana­lyse la fré­quence d’usage de l’accord ou non du mot “culte”, on remarque que l’accord au plu­riel (“films cultes”) pré­do­mine, à l’encontre des pré­co­ni­sa­tions de l’Académie », ajoute l’ar­ticle de La Langue fran­çaise, gra­phique à l’ap­pui.

C’est si vrai que culte est même employé comme adjec­tif attri­but : Cer­taines répliques de ce film sont deve­nues cultes, voire C’est culte. Usage que l’Aca­dé­mie qua­li­fie de « bar­ba­risme ».

Quand Hachette écrit « scènes cultes » et les Édi­tions Le Robert, « répliques cultes » (voir pho­tos), il est dif­fi­cile d’imposer l’invariabilité. Je note, d’ailleurs, qu’Antidote vient de me sug­gé­rer d’accorder culte avec répliques.

Résultats sportifs exprimés avec les signes prime et seconde

Résultats de la finale du 3 000 m steeple hommes (Championnats du monde d'athlétisme, Budapest, 22 août 2023), exprimés avec les signes prime et seconde, sur le site de "L'Équipe".
Résul­tats de la finale du 3 000 m steeple hommes (Cham­pion­nats du monde d’ath­lé­tisme, Buda­pest, 22 août 2023), expri­més avec les signes prime et seconde, sur le site de L’É­quipe.

Pour la plu­part des manuels typo­gra­phiques, les signes prime (ʹ) et seconde (ʺ) « sont réser­vés aux indi­ca­tions de degrés de lon­gi­tude, lati­tude, d’une cir­con­fé­rence, d’un angle » (Gué­ry, p. 217) et ne doivent donc pas être employés pour expri­mer les durées. Cepen­dant, cet usage est cou­rant dans la presse spor­tive (cela prend moins de place1). Ain­si, on peut lire sur le site de L’É­quipe (18 juin 2024) des textes comme celui-ci :

Maxime Grous­set (47ʺ65) a été le plus rapide en série du 100m ce mar­di aux Cham­pion­nats de France de Chartres. Florent Manau­dou est des­cen­du sous les 48ʺ (47ʺ90) pour la pre­mière fois depuis 2015 mais ne nage­ra pas la finale.

Que l’on tra­vaille pour la presse spor­tive ou que l’on cor­rige un roman y fai­sant réfé­rence, on peut donc être ame­né à res­pec­ter cette pra­tique. Hors de ces cas, on obser­ve­ra les règles clas­siques, comme le fait, par exemple, l’ar­ticle « Records du monde de nata­tion mes­sieurs » de Wiki­pé­dia, où le record mon­dial du 800 m est expri­mé comme suit : 7 min 32 s 12.

Le Guide du typo­graphe (romand, 2015, § 412, p. 60, et § 524, p. 76) accepte que, « dans l’é­nu­mé­ra­tion des résul­tats spor­tifs », on abrège minute et seconde avec les signes prime et seconde, et en donne les règles :

Dans un compte ren­du spor­tif, les signes ʹ et ʺ rem­placent les abré­via­tions min et s ; on les uti­lise ain­si pour mar­quer l’heure pré­cise :
Le vain­queur est arri­vé à 15 h 07ʹ 02ʺ.

On sup­prime le zéro pré­cé­dant l’u­ni­té de minute et l’u­ni­té de seconde pour, dans un clas­se­ment, indi­quer la durée :
Clas­se­ment : 1. Chris­to­pher Froome 83 h 56ʹ 8ʺ ; 2. Nai­ro Quin­ta­na Rojas 84 h 1ʹ 9ʺ.

Je rap­pelle qu’il ne faut pas confondre les signes prime et seconde (ʹ et ʺ) avec l’a­pos­trophe et le guille­mets anglais (’ et ”).

Dans la cap­ture d’é­cran de L’É­quipe que je publie en ouver­ture, il s’a­git vrai­sem­bla­ble­ment d’a­pos­trophes et de guille­mets droits, immé­dia­te­ment acces­sibles au cla­vier, et le jour­nal gagne encore de la place en sup­pri­mant les espaces. On note­ra enfin qu’il n’ob­serve pas la règle de sup­pres­sion du zéro dans les durées.

☞ Pour les réfé­rences des ouvrages cités, voir La biblio­thèque du cor­rec­teur.


  1. Le signe prime est aus­si employé dans la presse ciné­ma. Ain­si, la durée du Dîner de cons est de « 80ʹ » sur le site des Années laser. ↩︎

Qu’est-ce qu’être “emblématique” aujourd’hui ?

Ernes­to « Che » Gue­va­ra « reste une figure emblé­ma­tique » (Togo diplo­ma­tie).

L’u­sage de l’ad­jec­tif emblé­ma­tique a explo­sé depuis les années 1990 (voir les gra­phiques four­nis par l’article de La Langue fran­çaise).

Ce mot appa­raît en fran­çais en 1564, au sens de « com­po­sé de pièces rap­por­tées », dans le Cin­quième livre (chap. 39) de Rabelais.

Fon­da­men­ta­le­ment est emblé­ma­tique ce qui contient un emblème ou ce qui en a le carac­tère (Lit­tré ou le Dic­tion­naire de l’A­ca­dé­mie).

Ain­si, des tableaux emblé­ma­tiques avec devises (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859) [peints dans le grand salon d’un châ­teau] contiennent des emblèmes, alors que seize est le nombre emblé­ma­tique de la volup­té (Gau­tier, Le Roman de la momie, 1858) : il la sym­bo­lise (exemples du TLF). De même, la colombe est la figure emblé­ma­tique (ou l’emblème) de la paix.

Une œuvre d’art peut donc être emblé­ma­tique soit parce qu’elle contient un emblème (cet emploi est rare aujourd’­hui), soit parce qu’elle est repré­sen­ta­tive d’autre chose : la BnF parle, par exemple, d’« un des­sin emblé­ma­tique du fonds » (il est extrait d’un ensemble de des­sins réa­li­sés entre 1943 et 1944 par les enfants de la colo­nie d’Izieu).

L’emploi d’emblé­ma­tique au sens pre­mier de « qui a valeur d’emblème » n’a pas tota­le­ment disparu :

Don­ner à la dis­pa­ri­tion de quelques espèces par­ti­cu­lières un carac­tère emblé­ma­tique est sans doute béné­fique, car nous avons besoin de sym­boles (Res­pon­sa­bi­li­té et envi­ron­ne­ment, 2009, Patrick De Wever, Cairn.info, cité par le Dico en ligne — je souligne).

Plus sou­vent est dit emblé­ma­tique, aujourd’­hui, ce « qui repré­sente (qqch., une idée) de manière forte » (Le Grand Robert).

André Bre­ton est la figure emblé­ma­tique du sur­réa­lisme (Wik­tion­naire) : il repré­sente ce mou­ve­ment artis­tique à lui seul ; l’œuvre de Rabe­lais est emblé­ma­tique de son temps parce qu’elle « ouvre sur la réflexion huma­niste et le besoin d’un renou­veau » (Maxi­cours).

On peut encore écrire que Gil­bert Dou­cet est une figure emblé­ma­tique du rug­by tou­lon­nais (La Langue fran­çaise, art. cité), parce que, « pos­sé­dant les carac­tères propres à une caté­go­rie d’êtres ou de choses, [il] peut être choi­si pour l’incarner, la reflé­ter » (repré­sen­ta­tif, Aca­dé­mie). Mais si l’on dit qu’Un­tel est une figure emblé­ma­tique du sport (Le Grand Robert), Untel repré­sente-t-il le sport à lui seul ? C’est plus discutable.

Emblématique, mais de quoi ?

C’est sur­tout quand le mot emblé­ma­tique est employé sans com­plé­ment que son sens nou­veau se révèle : la per­sonne ain­si qua­li­fiée n’est plus vrai­ment repré­sen­ta­tive de quoi que ce soit (du moins, l’é­non­cé ne le pré­cise pas), elle est seule­ment une figure mar­quante. Quelques exemples (tirés de Cor­dial et du Dico en ligne) :

Menés par leur emblé­ma­tique capi­taine, Fran­çois (Le Monde, juillet 1995).

Qui, hor­mis l’emblématique pré­sident, pour­ra dire la des­ti­na­tion des mal­ver­sa­tions ? (Le Monde, 1999).

À 63 ans, ce per­son­nage emblé­ma­tique va devoir rac­cro­cher les bottes sans savoir s’il va être rem­pla­cé (Ouest-France, mai 2019).

Les héros – gloire natio­nale, per­son­nage emblé­ma­tique, homme pro­vi­den­tiel ou femme fatale – font naître des dési­rs, pro­voquent des besoins et conduisent au trans­fert de per­son­na­li­té (Esprit, 2021, Cairn.info).

On en trouve la confir­ma­tion dans la liste de syno­nymes d’emblé­ma­tique que pro­pose, dans cette accep­tion, le logi­ciel Anti­dote : « mythique, mar­quant, incon­tour­nable, légen­daire, culte, célèbre, connu, his­to­rique, illustre, mémo­rable, inou­bliable, renom­mé, répu­té, immor­tel, notoire, popu­laire, glo­rieux, recon­nu, pro­ver­bial, de grand renom ».

Il ne faut donc pas confondre un « cli­ché “emblé­ma­tique” du Covid-19 » (Ouest-France, avril 2021) — pho­to­gra­phie dont la force expres­sive résume la pan­dé­mie — avec les « cli­chés emblé­ma­tiques » ven­dus à l’en­can par Chris­tie’s (« Série limi­tée », Les Échos, juin 2021). Ces der­niers sont plu­tôt remarquables.

Le terme s’est bana­li­sé au point qu’un sac en tis­su (ou tote bag) peut être qua­li­fié d’« objet emblé­ma­tique » (Capi­tal, décembre 2019, cité par le Dico en ligne) — ou ico­nique. Reste à savoir de quoi…

Pourquoi ? Parce que ! (et non “car”)

Un pas­sage d’un article de Libé­ra­tion, daté d’hier, me donne l’oc­ca­sion d’un point de grammaire.

Alors pour­quoi main­te­nant ? Pour­quoi ici ? Est-ce car le Nou­veau Front popu­laire y orga­ni­sait un apé­ro quelques heures plus tôt ? Est-ce car les artistes du soir ont réuni un public jeune et mar­qué à gauche ? »

Il s’agit là d’une construc­tion abu­sive (Gre­visse et Goosse, § 1090), mais de plus en plus fréquente.

La Vitrine lin­guis­tique explique : 

La plu­part du temps, car et parce que ne sont pas inter­chan­geables. En effet, car a géné­ra­le­ment une valeur plus sub­jec­tive que parce que : elle per­met d’énoncer une jus­ti­fi­ca­tion plu­tôt qu’une cause logique ou réelle.

Suzy est cer­tai­ne­ment bien rému­né­rée, car elle vient de s’acheter une mai­son et une voi­ture neuve. […]

Pierre a sur­vé­cu à l’incendie parce qu’il est sor­ti à temps de l’édifice. […]

Dans le pre­mier exemple, il ne peut s’agir que d’une jus­ti­fi­ca­tion, d’où l’emploi de car ; en effet, le fait de s’acheter une mai­son et une voi­ture neuve n’est pas la cause d’une bonne rému­né­ra­tion, mais bien sa consé­quence. Dans le deuxième exemple, parce que intro­duit bien la cause réelle.

Autre exemple, don­né par Hanse et Blam­pain (car) :

On dis­tingue : Le chat miaule parce qu’il a faim (cause) et Le chat a faim, car il miaule (on dit pour­quoi on est auto­ri­sé à décla­rer que le chat a faim ; on donne la preuve de ce qui est énon­cé, on n’exprime évi­dem­ment pas la cause : Le chat a faim).

Sur cette ques­tion, on peut lire aus­si le long article du blog Par­ler fran­çais.

NB — L’hé­si­ta­tion entre car et parce que n’est par nou­velle : Robert Le Bidois trai­tait déjà de cette ques­tion dans Le Monde en 1966.

Tou­jours dans la Vitrine lin­guis­tique, voir aus­si la dif­fé­rence entre parce que et puisque.

Les réfé­rences des ouvrages de Gre­visse et Goosse et de Hanse et Blam­pain sont don­nées dans La biblio­thèque du cor­rec­teur.

L’amour en majuscule, l’histoire en majuscule…

L’amour en majus­cule (Amour), au sin­gu­lier, ne doit pas être confon­du avec l’amour en majus­cules (AMOUR), au pluriel. 

On met la pre­mière lettre du mot amour en majus­cule, c’est-à-dire en carac­tère majus­cule (en typo­gra­phie) ou en écri­ture majus­cule (quand on écrit à la main). En lan­gage cou­rant, on le dit aus­si d’un mot entier, au sin­gu­lier ou au plu­riel, comme on dit en ita­lique1, même s’il fau­drait dire en (lettres) capi­tales2. (Le terme écri­ture capi­tale existe aus­si, mais est employé plus rare­ment3.) 

L’amour en majus­cule (par­fois écrit l’A­mour en majus­cule) est une expres­sion que l’on ren­contre occa­sion­nel­le­ment. Même Syl­vie Var­tan l’a chanté : 

Pour moi tu es l’a­mour au mas­cu­lin sin­gu­lier 
L’a­mour en majus­cule, au futur, au pas­sé4 

C’est l’é­qui­valent de l’a­mour avec un grand A

Une thèse consa­crée au roman­cier Paul Féval parle du « sceau de l’a­mour en majus­cule qui carac­té­rise ses romans5 ». Un article sur l’a­mour de Dante pour Béa­trice affirme : « Il s’agit de l’Amour en majus­cule, celui qui pousse à la vie6. » Une cri­tique de film relate que « Lub­na Aza­bal […] joue une femme “forte”, un roc qui s’effrite à cause de sa mala­die, mais qui résiste, por­té par un amour en majus­cule7. » 

“L’histoire avec sa grande hache”

On parle aus­si, plus fré­quem­ment, de l’h/Histoire en majus­cule (« l’his­toire avec sa grande hache », comme l’a écrit Georges Per­ec8).

Il n’y a pas que l’His­toire en majus­cule qui se répète, cela arrive aus­si dans l’his­toire des familles. Dans les deux cas, la répé­ti­tion se pimente de nuances, de menues modi­fi­ca­tions, ain­si tem­père-t-elle l’ef­fet de rabâ­chage. ― Syl­vie Ger­main9.

NB — Majus­cule est aus­si employé au figu­ré comme adjec­tif, au sens de « grand, impor­tant, consi­dé­rable, majeur » : Une colère majus­cule10. Un enjeu majus­cule11.


  1. « Nature et fonc­tion de l’i­ta­lique », Vitrine lin­guis­tique (OQLF). S.d. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  2. Voir l’ar­ticle « La dif­fé­rence entre capi­tales et majus­cules » de ma consœur Sophie Viguier. S.d. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  3. Voir « Écri­ture capi­tale », blog Les Essen­tiels de la BnF. ↩︎
  4. Chan­son « Mas­cu­lin sin­gu­lier », album Ta sor­cière bien-aimée, 1976. ↩︎
  5. Carole Ntsame Mve, L’art du feuille­ton dans les Habits Noirs de Paul Féval. Lit­té­ra­tures. Uni­ver­si­té Charles de Gaulle - Lille III, 2012. Fran­çais. NNT : 2012LIL30057. tel-01124081. ↩︎
  6. María Lucía Homen, « Dante et l’é­cri­ture de Béa­trice : Jouis­sance et lan­gage dans La Divine Comé­die », Ache­ron­ta, n° 10, décembre 1999 [en ligne]. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  7. « Le bleu du caf­tan », blog Coque­ci­grues et ima-nu-ages, 31 mars 2023. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  8. Dans W ou le sou­ve­nir d’en­fance, 1975. ↩︎
  9. Dans Magnus, frag­ment 15, 2005. ↩︎
  10. Voir le TLF. ↩︎
  11. Voir le Larousse. ↩︎

La Philharmonie de Paris met les points sur les “I”

Logos de la Philharmonie de Paris
Évo­lu­tion du logo de la Phil­har­mo­nie de Paris. Les I ont gagné des points.

Dans sa der­nière évo­lu­tion, le logo de la Phil­har­mo­nie de Paris a mis des points sur les i majus­cules. Bien que cela sur­prenne, ce n’est pas si rare, comme l’expliquait, hier, un article du site Cap’­Com.

Pour­tant, c’est un prin­cipe en typo­gra­phie : les i majus­cules ne portent jamais de point, à la dif­fé­rence des i minus­cules. Pour­quoi ? Le point ne per­met pas de dis­tin­guer deux mots ; il est donc inutile, contrai­re­ment au tré­ma (MAIS/MAÏS).

Alors, pour­quoi le gra­phiste Antoine Lafuente a-t-il com­mis cet « acci­dent volon­taire », bien accueilli ? « De l’avis géné­ral, ces points-là ajou­taient quelque chose d’un peu éton­nant, d’un peu joueur, qui évoque la musique. » 

La cor­rec­trice de l’infolettre de la Phil­har­mo­nie, elle, Sté­pha­nie Hour­cade, fixe la limite à la fan­tai­sie : « Le cor­rec­teur ne peut et ne doit […] pas inter­ve­nir sur les logos eux-mêmes, bien sûr ; mais dans un texte, l’orthotypographie tra­di­tion­nelle s’applique, et les I n’auront pas de point ! » 

Un article intéressant.

Manuscrits disparus de correcteurs d’imprimerie

La recherche his­to­rique mène par­fois à des impasses frus­trantes. Ain­si, en fouillant les archives de la presse, je suis tom­bé sur l’annonce de futurs Mémoires d’un cor­rec­teur, qui n’ont, hélas, jamais paru. C’est dans le Bul­le­tin de la presse (organe pro­fes­sion­nel des publi­cistes) du 25 avril 1897 :

Le hasard nous mit sous les yeux, il y a quelques semaines, un manus­crit déjà volu­mi­neux, quoique inache­vé, des Mémoires d’un cor­rec­teur d’im­pri­me­rie, dont, pour sa tran­quilli­té, l’au­teur a réso­lu de faire de nou­veaux Mémoires d’outre-tombe1. C’est qu’ayant vu beau­coup de grands hommes en robe de chambre et d’au­teurs en désha­billé, il n’a pas pu les trou­ver tous beaux, ni tous hommes de génie, et il a consi­gné, dans ses cahiers, cer­tains sou­ve­nirs plu­tôt désa­gréables pour des gens dont il est bon de se méfier. Autant que la crainte de Dieu, la crainte des puis­sants de la terre est le com­men­ce­ment de la sagesse.

Le jour­nal n’a rete­nu que les pages, datées de 1891, évo­quant le doc­teur Cor­né­lius Herz (1845-1898), savant élec­tri­cien et affai­riste impli­qué dans le scan­dale de Pana­ma. Jean-Yves Mol­lier, his­to­rien de l’é­di­tion, lui a consa­cré un livre2. Herz diri­geait alors la revue La Lumière élec­trique, ins­tal­lée dans de « somp­tueux bureaux » au 31 du bou­le­vard des Ita­liens, à Paris. Dans cet extrait, sur le métier lui-même, le « vieux cor­rec­teur » n’é­crit que ceci :

Cornélius Herz
Cor­né­lius Herz.

[…] j’é­tais char­gé de faire régner un fran­çais à peu près cor­rect (beau­coup de rédac­teurs étant étran­gers), de veiller à ce qu’il ne pas­sât pas d’hé­ré­sie scien­ti­fique ou his­to­rique trop visible et, spé­cia­le­ment, de cou­per les débi­nages ou les traces de cour­ti­sa­ne­ries qui se seraient glis­sées dans la copie. […]
Habi­tuel­le­ment, les pou­voirs d’un cor­rec­teur sont assez bor­nés et la har­diesse qu’il ose se per­mettre est bien timide. Par excep­tion, mon auto­ri­té était presque auto­cra­tique ; le doc­teur, qu’on voyait de moins en moins, mais qui lisait très exac­te­ment son jour­nal après publi­ca­tion, et dont l’in­fluence se fit tou­jours heu­reu­se­ment sen­tir avant son départ pour l’An­gle­terre [où il a dû fuir], le vou­lait aus­si par­fait que pos­sible. Le cor­rec­teur devait être là, comme le dépeint Horace, « l’homme cir­cons­pect qui raye, d’un trait noir, une pro­po­si­tion inexacte, coupe sans mer­ci toute expres­sion déme­su­ré­ment ambi­tieuse et donne du ton aux phrases lan­guis­santes ». Dans ma longue car­rière, c’est la seule admi­nis­tra­tion où j’aie trou­vé la consi­dé­ra­tion et les égards dont jouis­saient nos pré­dé­ces­seurs des der­niers siècles.

« La crainte des puis­sants de la terre » a-t-elle pour­sui­vi l’au­teur post-mor­tem ? En tout cas, le manus­crit ayant appa­rem­ment dis­pa­ru, il fau­dra se conten­ter de cet extrait.

Collection de fautes d’orthographe d’écrivains

Autre piste ne menant nulle part, de trente ans anté­rieure (L’Aube, 20 février 1867), l’annonce de la vente aux enchères d’un étrange manus­crit, lui aus­si pro­duit par un correcteur :

Une vente d’au­to­graphes d’un genre nou­veau et aus­si curieux que piquant doit avoir lieu, dit-on, ce mois-ci à la salle Syl­vestre [Sil­vestre, alors située 28, rue des Bons-Enfants, à Paris3]. C’est une col­lec­tion… de fautes d’or­tho­graphe. Le tout pro­vient, dit un cor­res­pon­dant pari­sien de l’Indé­pen­dance belge, de la suc­ces­sion d’un M. C…, qui exer­ça pen­dant trente années années la pro­fes­sion de cor­rec­teur d’im­pri­me­rie. Chaque fois que, dans le manus­crit d’une nota­bi­li­té lit­té­raire, M. C… ren­con­trait des fan­tai­sies gram­ma­ti­cales, il conser­vait pré­cieu­se­ment la page, la numé­ro­tait, l’é­ti­que­tait et l’a­jou­tait dans ses car­tons à son sin­gu­lier tré­sor.
La nou­velle est-elle vraie ? Peut-être. Ce qu’il y a de cer­tain, c’est qu’elle n’est pas invraisemblable.

Une œuvre collective de correcteurs de presse

Plus près de nous (en 2010), nos confrères du Monde.fr ont, eux aus­si, annon­cé la paru­tion d’un ouvrage qui n’a jamais vu le jour : 

Il sera épais, avec du sépia, des des­sins, des pho­tos, par­fois même des sché­mas, pas très cher (car impri­mé sur du papier recy­clé), c’est une œuvre col­lec­tive, les auteur(e)s (cor­rec­teurs et cor­rec­trices dans les jour­naux et sites de jour­naux pari­siens) y tra­vaillent depuis bien­tôt un lustre…, et voi­là, c’est fait, il y a de l’action, des (signes de) correction(s), des com­pli­ca­tions, des expli­ca­tions, des sou­ve­nirs, des sou­pirs, des cuirs, il s’intitule Plus de casse dans les cass’tins !, coû­te­ra 12 €, est publié aux toutes nou­velles édi­tions Deux-Cap’-Div’, et sera en librai­rie le 3 avril… et si vous ne vou­lez vrai­ment pas l’acheter… fauchez-le !

Si l’article a été publié un 1er avril, l’information sem­blait bien réelle. Dommage.

[AJOUT, 16 sep­tembre 2025.] Dis­pa­rus éga­le­ment : Le Nez d’un cor­rec­teur d’im­pri­me­rie, de Jules Gras­si, hom­mage de J. Gras­si à Charles Leconte, Gre­noble, 1866, in-8, 6 p., pap. rose (tiré a q. q. exem­pl. seule­ment)4. — Moi, dic­ta­teur, pièce en trois actes de Léo Ber­ryer, créée au théâtre Varia (25, rue Fon­taine, Paris 9e) en novembre 1930, où un cor­rec­teur d’im­pri­me­rie, Oné­sime Tar­tem­pion, se rêve dic­ta­teur5. La cri­tique l’a éreintée.

On pour­ra se conso­ler avec Sou­ve­nirs de la mai­son des mots, paru en 2011 aux édi­tions 13 bis, dont voi­ci le résumé :

Anonyme, "Souvenirs de la maison de mots"

Cet ouvrage est consa­cré à la défense de cer­tains auteurs plu­tôt que d’un cer­tain métier, celui de cor­rec­teur en l’oc­cur­rence, quoique tout soit lié. C’est une pro­me­nade sans autre but que le plai­sir à tra­vers la lit­té­ra­ture mon­diale, au gré du hasard, de Mel­ville à Dos­toïevs­ki, de Dide­rot à Casa­no­va, de Toc­que­ville à Proust, d’Or­well à Céline et à Bern­hard, de Bal­zac à Sten­dhal et à Marx. C’est une dénon­cia­tion des pen­seurs, intel­lec­tuels, lit­té­ra­teurs faus­saires de notre époque. C’est-à-dire de la presque tota­li­té de ce qui est publié en France et ailleurs. 

☞ Lire aus­si Der­lin­din­din ou l’histoire d’un échec.

Article modi­fié le 16 sep­tembre 2025.


  1. « Cha­teau­briand sou­hai­tait que ces mémoires [1849-1850] ne soient publiés qu’a­près sa mort, d’où leur titre. » — Wiki­pé­dia. ↩︎
  2. Cor­né­lius Herz : por­trait d’un lob­byiste fran­co-amé­ri­cain à la Belle Époque, Paris, Édi­tions du Félin, coll. « Bio­gra­phie », 2021, 556 p.  ↩︎
  3. Voir « La Salle Sil­vestre (1797-1939) », blog His­toire de la biblio­phi­lie, 30 avril 2022. Consul­té le 24 avril 2024. ↩︎
  4. Signa­lé dans Le Biblio­phile de Dau­phi­né, jan­vier 1884, et dans Le Dau­phi­né, 17 mai 1885. ↩︎
  5. « 27 novembre. — Théâtre Varia. Pre­mière repré­sen­ta­tion de Moi, dic­ta­teur, pièce en trois actes et [dix] tableaux de M. L[é]o Ber­ryer. Un cor­rec­teur d’im­pri­me­rie ren­tré chez lui, un peu ivre, s’en­dort et rêve qu’il est dic­ta­teur. La pièce est le spec­tacle de son rêve. Elle com­prend tous les pon­cifs du genre : dis­cours, jour­na­listes pour­sui­vis, maî­tresse vedette d’une grande scène, fusillade. Cette fusillade réveille l’en­dor­mi. Le des­sein paro­dique de l’au­teur [éga­le­ment direc­teur du théâtre] est visi­ble­ment man­qué. » Larousse men­suel illus­tré, jan­vier 1931 (période du 15 novembre au 14 décembre 1930). Et aus­si dans Le Jour­nal, 26 décembre 1930, Le Matin, 29 novembre 1930, Paris-Soir, même date, L’Œuvre, même date, Paris-Midi, 30 novembre 1930, Figa­ro, même date, Le Petit Pari­sien, même date, Les Hommes du jour, 1er décembre 1930, et La Semaine à Paris, 5 décembre 1930. D’a­près un pro­gramme du théâtre Fon­taine de 1931, extrait d’un Recueil fac­tice d’ar­ticles et pro­grammes concer­nant les repré­sen­ta­tions don­nées par des acteurs anglais ou des troupes anglaises à Paris (BnF), Léo Ber­ryer dut aban­don­ner la pièce après 50 repré­sen­ta­tions pour rai­sons de san­té et céda son théâtre à Hen­ri Lesieur. ↩︎

Comment améliorer son écriture

On me demande par­fois des conseils pour amé­lio­rer son écri­ture. Je ne suis pas écri­vain, alors je ne vous dirai pas com­ment com­po­ser un roman. Mais, après trente bonnes années de cor­rec­tion, j’ai une cer­taine idée de ce qui rend un texte agréable et facile à lire.

On répète sou­vent qu’on apprend à écrire en lisant. Cela four­nit des modèles, en effet, à condi­tion de bien les choi­sir — la qua­li­té prime la quan­ti­té. Et sur­tout d’y prendre du plai­sir. Quand on aime lire, on ne compte pas ses pages ni le nombre de livres lus par an. On lit.

Mais regar­der des matchs de ten­nis ne fabrique pas des joueurs émé­rites. De même que le manche d’une raquette, il faut un jour empoi­gner un sty­lo (ou se mettre au cla­vier). C’est évi­dem­ment la pra­tique quo­ti­dienne qui est le plus pro­fi­table. Depuis cinq ans, j’écris chaque jour, à la fois sur mon blog et sur les réseaux sociaux — mine de rien, cela repré­sente beau­coup de texte. Et j’estime avoir beau­coup pro­gres­sé, à la fois en aisance rédac­tion­nelle et en cor­rec­tion.

Ne pas attendre, non plus, d’être tou­ché par la grâce. « L’inspiration, c’est une inven­tion des gens qui n’ont jamais rien créé » (Jean Anouilh). On ne le sait pas avant de s’y mettre, mais plus on écrit, plus les idées viennent (et il vaut mieux les noter !). On prend l’habitude de les expri­mer, de les mettre en forme, cela devient un joyeux réflexe.

Enfin, on peut aus­si gagner du temps en étu­diant les outils de l’écrivain. On les appelle les « tech­niques du style ». Je recom­mande le livre de Jean Kokel­berg (voir la fiche de l’é­di­teur). Il existe bien d’autres ouvrages de ce genre, mais, de ceux que j’ai lus, c’est celui qui m’a le plus apporté.

☞ Voir aus­si Com­ment enri­chir son voca­bu­laire et Com­ment trou­ver le mot juste.

"Les techniques du style" de Jean Kokelberg