Vincent Auger1, 50 ans, a créé son atelier à Paris en 2004, avant de s’installer en 2017, avec son père, Jean-Claude (79 ans), à Saint-Loup-sur-Cher (Loir-et-Cher), village d’enfance de ce dernier. Descendant d’une lignée de cinq générations qui se sont consacrées aux diverses techniques de l’imprimerie, formé à l’école Estienne comme son père, il est aujourd’hui l’un des rares détenteurs français des savoir-faire de la composition au plomb mobile, de la gravure sur bois, de l’impression en relief, de la taille-douce (ensemble des procédés de gravure en creux sur une plaque de métal) et de la lithographie.
Dans son atelier, Vincent Auger réalise une douzaine de livres par an, en alignant manuellement des caractères de plomb sur un composteur ou en utilisant un clavier et une fondeuse Monotype2. Ces ouvrages sont produits en petites quantités (cent cinquante exemplaires au maximum) pour des sociétés de bibliophiles, des artistes, des éditeurs spécialisés ou des écrivains. Chaque exemplaire est signé par l’auteur, et le nom de son destinataire y est indiqué. Le prix de vente d’un ouvrage peut aller de 300 à 2 500 euros.
L’imposante collection de matériel de la famille Auger (représentant plus de 60 tonnes !) provient d’un processus de récupération d’outils et de machines aujourd’hui introuvables : casses (casiers) du xixe siècle pour ranger les caractères en plomb, machines typographiques et lithographiques, presses de taille-douce, claviers et fondeuses Monotype. Père et fils ont depuis longtemps le projet de monter un centre européen des arts du livre et de l’estampe, qui devrait voir le jour prochainement à Romorantin-Lanthenay, sur 3 000 mètres carrés. En attendant, l’atelier de Saint-Loup-sur-Cher se visite sur rendez-vous.
« Les technologies contemporaines s’apparentent à de l’impression industrielle, déclarait Jean-Claude Auger, en 2020. Cela n’a rien à voir avec notre travail. Nous imprimons sur du papier rare : papier japon, papier chiffon ou papier fabriqué à la main. C’est une fabrication élitiste. […] Les gens sont en extase devant ce que nous faisons car le métier est devenu rare. »
Artiste peintre depuis 1968, Jean-Claude se consacre aujourd’hui essentiellement à cet art. Un petit catalogue de ses œuvres est disponible sur Calaméo.
Atelier Vincent Auger, 9, Grande-Rue, 41320 Saint-Loup-sur-Cher. — Tél. : 07 63 34 94 86. — Mail : ateliervincent.auger@gmail.com. — Facebook : Atelier Vincent Auger (où l’on peut voir de nombreuses photos du matériel).
☞ Voir aussi Deux typographes parlent des codes typo, où est mentionné l’Atelier typographique de Saran (Loiret), ainsi que le site de l’Atelier Miénnée de Lanouée (Morbihan).
On peut partager cinq minutes de l’intimité d’un typographe au plomb (François da Ros, à Montreuil, Seine-Saint-Denis) en visionnant cette vidéo.
Cet article est une synthèse des sources suivantes :
– Élisabeth Mismes, « L’Atelier Vincent Auger. Un héritage rare, un savoir-faire d’élite », Art et métiers du livre, n° 274, septembre-octobre 2009, p. 68-77.
– F.T., « Saint-Loup-sur-Cher – Vous avez dit haute couture ?», Le Petit Solognot, 9 novembre 2018.
– Valentin Giraud, « À Saint-Loup, ils composent des livres au plomb », La Nouvelle République, 14 avril 2019.
– Laure Sauvage, « Jean-Claude Auger », imprimeur traditionnel », Horizons, 13 octobre 2020.
– « Loir-et-Cher : Un centre européen des arts du livre en projet dans la vallée du Cher », La Nouvelle République, 6 février 2021.
– Alice Enaudeau, « Imprimerie d’art », Loir & Cher info, n° 111, avril 2023, p. 29.
- Bien qu’il porte le même patronyme et ait été professeur à l’école Estienne, Daniel Auger, auteur d’un « Que sais-je ? » sur la typographie (PUF, 1980) et du manuel Préparation de copie et correction des épreuves (INIAG, 1976, 1980), n’est pas de la même famille.
- « La frappe de chaque signe sur le clavier perfore des trous, correspondant selon un code aux lettres de l’alphabet, dans une bande de papier qui se déroule d’une bobine. Cette bande perforée est ensuite enlevée du clavier pour être placée sur la fondeuse qui comporte un creuset où se trouve le plomb en fusion à 380°. Ce plomb est coulé dans un moule, lui-même en contact avec un châssis comprenant les matrices en creux portant l’ensemble de l’alphabet. De ce fait, les lettres sont obtenus en relief, c’est pourquoi on parle d’impression en relief. » — Art et métiers du livre, ibid., p. 74.