Vincent Auger, un des derniers typographes français

Vincent et Jean-Claude Auger composant du texte avec des caractères mobiles
Vincent (au second plan) et Jean-Claude Auger com­po­sant du texte avec des carac­tères mobiles (2018, DR, source : Le Petit Solo­gnot).

Vincent Auger1, 50 ans, a créé son ate­lier à Paris en 2004, avant de s’installer en 2017, avec son père, Jean-Claude (79 ans), à Saint-Loup-sur-Cher (Loir-et-Cher), vil­lage d’enfance de ce der­nier. Des­cen­dant d’une lignée de cinq géné­ra­tions qui se sont consa­crées aux diverses tech­niques de l’imprimerie, for­mé à l’école Estienne comme son père, il est aujourd’­hui l’un des rares déten­teurs fran­çais des savoir-faire de la com­po­si­tion au plomb mobile, de la gra­vure sur bois, de l’impression en relief, de la taille-douce (ensemble des pro­cé­dés de gra­vure en creux sur une plaque de métal) et de la lithographie. 

Un des livres de biblio­phi­lie pro­duits par l’a­te­lier. © Vincent Auger. Source : Ate­lier Vincent Auger (Face­book).

Dans son ate­lier, Vincent Auger réa­lise une dou­zaine de livres par an, en ali­gnant manuel­le­ment des carac­tères de plomb sur un com­pos­teur ou en uti­li­sant un cla­vier et une fon­deuse Mono­type2. Ces ouvrages sont pro­duits en petites quan­ti­tés (cent cin­quante exem­plaires au maxi­mum) pour des socié­tés de biblio­philes, des artistes, des édi­teurs spé­cia­li­sés ou des écri­vains. Chaque exem­plaire est signé par l’auteur, et le nom de son des­ti­na­taire y est indi­qué. Le prix de vente d’un ouvrage peut aller de 300 à 2 500 euros.

Vue générale de l'Atelier Vincent Auger
Vue géné­rale de l’a­te­lier. © Vincent Auger. Source : Ate­lier Vincent Auger (Face­book).

L’imposante col­lec­tion de maté­riel de la famille Auger (repré­sen­tant plus de 60 tonnes !) pro­vient d’un pro­ces­sus de récu­pé­ra­tion d’outils et de machines aujourd’hui introu­vables : casses (casiers) du xixe siècle pour ran­ger les carac­tères en plomb, machines typo­gra­phiques et litho­gra­phiques, presses de taille-douce, cla­viers et fon­deuses Mono­type. Père et fils ont depuis long­temps le pro­jet de mon­ter un centre euro­péen des arts du livre et de l’estampe, qui devrait voir le jour pro­chai­ne­ment à Romo­ran­tin-Lan­the­nay, sur 3 000 mètres car­rés. En atten­dant, l’atelier de Saint-Loup-sur-Cher se visite sur rendez-vous.

« Les tech­no­lo­gies contem­po­raines s’apparentent à de l’impression indus­trielle, décla­rait Jean-Claude Auger, en 2020. Cela n’a rien à voir avec notre tra­vail. Nous impri­mons sur du papier rare  : papier japon, papier chif­fon ou papier fabri­qué à la main. C’est une fabri­ca­tion éli­tiste. […] Les gens sont en extase devant ce que nous fai­sons car le métier est deve­nu rare. » 

Jean-Claude Auger devant le clavier de sa Monotype
Jean-Claude Auger devant le cla­vier de sa Mono­type (2019, © NR, source : La Nou­velle Répu­blique).

Artiste peintre depuis 1968, Jean-Claude se consacre aujourd’hui essen­tiel­le­ment à cet art. Un petit cata­logue de ses œuvres est dis­po­nible sur Cala­méo.

Ate­lier Vincent Auger, 9, Grande-Rue, 41320 Saint-Loup-sur-Cher. — Tél. : 07 63 34 94 86. — Mail : ateliervincent.auger@gmail.com. — Face­book : Ate­lier Vincent Auger (où l’on peut voir de nom­breuses pho­tos du matériel).

☞ Voir aus­si Deux typo­graphes parlent des codes typo, où est men­tion­né l’Atelier typo­gra­phique de Saran (Loi­ret), ain­si que le site de l’Ate­lier Mién­née de Lanouée (Mor­bi­han).

On peut par­ta­ger cinq minutes de l’in­ti­mi­té d’un typo­graphe au plomb (Fran­çois da Ros, à Mon­treuil, Seine-Saint-Denis) en vision­nant cette vidéo.


Cet article est une syn­thèse des sources suivantes : 

– Éli­sa­beth Mismes, « L’Atelier Vincent Auger. Un héri­tage rare, un savoir-faire d’élite », Art et métiers du livre,  n° 274, sep­tembre-octobre 2009,  p. 68-77.
– F.T., « Saint-Loup-sur-Cher – Vous avez dit haute cou­ture ?», Le Petit Solo­gnot, 9 novembre 2018.
– Valen­tin Giraud, « À Saint-Loup, ils com­posent des livres au plomb », La Nou­velle Répu­blique, 14 avril 2019.
– Laure Sau­vage, « Jean-Claude Auger », impri­meur tra­di­tion­nel », Hori­zons, 13 octobre 2020.
– « Loir-et-Cher : Un centre euro­péen des arts du livre en pro­jet dans la val­lée du Cher », La Nou­velle Répu­blique, 6 février 2021.
– Alice Enau­deau, « Impri­me­rie d’art », Loir & Cher info, n° 111, avril 2023, p. 29.


  1. Bien qu’il porte le même patro­nyme et ait été pro­fes­seur à l’école Estienne, Daniel Auger, auteur d’un « Que sais-je ? » sur la typo­gra­phie (PUF, 1980) et du manuel Pré­pa­ra­tion de copie et cor­rec­tion des épreuves (INIAG, 1976, 1980), n’est pas de la même famille.
  2. « La frappe de chaque signe sur le cla­vier per­fore des trous, cor­res­pon­dant selon un code aux lettres de l’alphabet, dans une bande de papier qui se déroule d’une bobine. Cette bande per­fo­rée est ensuite enle­vée du cla­vier pour être pla­cée sur la fon­deuse qui com­porte un creu­set où se trouve le plomb en fusion à 380°. Ce plomb est cou­lé dans un moule, lui-même en contact avec un châs­sis com­pre­nant les matrices en creux por­tant l’ensemble de l’alphabet. De ce fait, les lettres sont obte­nus en relief, c’est pour­quoi on parle d’impression en relief. » — Art et métiers du livre, ibid., p. 74.