À la médiathèque Verlaine de Metz, je suis tombé sur ce cahier spécialisé vendu sous la marque « Grevisse » par De Boeck-Duculot. La curiosité m’a poussé à le parcourir. Le correcteur qui a déjà lu Colignon et Drillon (☞ voir La bibliothèque du correcteur) n’y apprendra rien de fondamental, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage de typographe (il n’est jamais question d’espace forte et fine, par exemple) et qu’il est assez mal relu (appels de note erronés et mal placés, doubles espaces, coquilles diverses), ce qui est toujours un comble pour un ouvrage de ce type, « destiné à tous ceux pour qui le bon usage de la langue française est une nécessité et un plaisir ».
Mais Cécile Narjoux, spécialiste de littérature française contemporaine, et autrice du respectable Grevisse de l’étudiant pour la même maison d’édition, présente quelques exemples intéressants tirés de textes récemment publiés. Exemples parfois audacieux, voire expérimentaux, car la lecture s’y trouve plus entravée que facilitée par la ponctuation. J’en ai retenu un petit nombre, les plus saisissants à mes yeux, que j’ai passés en italique pour plus de lisibilité.
Absence de guillemets :
Il répète, C’était le soir, on avait passé l’après-midi sur la plage. (Annie Saumont, citée p. 75)
Georges s’était dit. Si je trouve sa maison, je chercherai sa boîte. (Christian Gailly, ibid.)
Absence de tirets de dialogue :
Comment t’as payé ?
Elle te plaît ?
C’est pas la question.
C’est quoi la question ? (Laurent Mauvignier, cité p. 94)
À propos des points de suspension, Cécile Narjoux déclare : « Mais aujourd’hui on observe un repli de ce signe, auquel les écrivains contemporains semblent préférer le point final. » N’est-ce pas une généralisation hâtive ? Exemple :
– Attendez, si je confirme. Si je. Que je. Vous voulez que je. Moi, que je dise. Et que je confirme oui, ici, ce qui s’est passé ici. On ne va pas parler de ça, pas ici, c’est pas possible, on ne va pas. (Laurent Mauvignier, cité p. 99)
Elle cite aussi des extraits de Bleu note de Frédéric Léal (P.O.L), où la barre oblique « prend la valeur de divers signes de ponctuation, voire de certains mots. Elle manifeste assurément une activité de l’énonciateur qui perturbe les habitudes de lecture du lecteur en l’obligeant à un important travail d’interprétation du texte. » (p. 102) Deux extraits :
Mais / au lieu de fuir, l’animal, ne se dirige-t-il pas direct sur… !
Il s’est avancé pour tenter de le reconnaître / échec.
Mentionnons, pour finir, au chapitre des « marqueurs expressifs », l’utilisation de l’alinéa « à des fins stylistiques » (p. 113) :
[…] – on voyait les silhouettes, les petits nuages de poussière et la couleur fauve et blanche, et les cornes effilées et puis.
Et puis. Puis rien.
Rien. (Laurent Mauvignier)
À l’inverse, l’écrivain « peut aussi refuser toute structuration du texte par ce procédé visuel, ainsi Claude Simon, Albert Cohen, mais aussi Laurent Mauvignier aujourd’hui » (p. 113).
NB – Mis à part Bleu note, les sources exactes des textes cités ne sont pas fournies dans l’ouvrage.
Cécile Narjoux, La Ponctuation. Règles, exercices et corrigés, coll. « Grevisse langue française », De Boeck-Duculot, 2010, 171 pages. Une deuxième édition (que j’ai retenue en illustration) a paru en 2014.