!["Encyclopédie du bon français dans l'usage contemporain", P. Dupré [dir.]. Paris, éd. de Trévise, 1972.](https://franckantoni.com/wp-content/uploads/2025/03/encyclopedie-du-bon-francais-1024x760.png)
Je viens d’acquérir, à petit prix, cette Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain, publiée à Paris en 1972 (P. Dupré [dir.]. comité de rédaction sous la présidence de Fernand Keller, avec la collaboration de Jean Batany, éd. de Trévise1, 3 vol., LXIV-2 716 p.). C’est à l’occasion de ma recherche pour l’article « Depuis quand met-on des traits d’union aux noms de voies ? » que j’ai découvert son existence2.
Méconnue aujourd’hui, elle figure pourtant dans les collections de plus de quarante bibliothèques universitaires françaises3 et on la trouve citée par l’Académie (qui la dit encore, un demi-siècle plus tard, « excellente4 » et « riche d’enseignement[s]5 »), par Le Bon Usage6, par le Trésor de la langue française7 , par Le Grand Robert8 et par le blog Parler français9.
Étrangement, je ne trouve aucune information sur ce P. Dupré, sinon son prénom (Paul), ni sur Fernand Keller. Dupré et Keller avaient précédemment publié une Encyclopédie des citations (1959, 704 p.) chez le même éditeur.
Jean Batany (1928-201210), lui, est décrit en page de titre comme « agrégé des lettres, chargé d’enseignement de langue française à l’université de Tours ». Parmi les huit autres collaborateurs, je retiens les noms de Jean-Paul Colin, qui avait déjà publié son propre Nouveau dictionnaire des difficultés du français11 deux ans plus tôt, et du linguiste Michel Arrivé, dont la Grammaire d’aujourd’hui12 est réputée.
Une œuvre utile et originale
Quelle est l’originalité de cette encyclopédie de langue française, regroupant près de 10 000 articles classés alphabétiquement ? Pour chacune de ces difficultés, subtilités, complexités, singularités, elle donne, si nécessaire, l’opinion de cinq dictionnaires d’usage : celui de l’Académie (8e éd., 1935), le Littré (éd. de 1883), le Dictionnaire général de la langue française, de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas (1900, « de nos jours trop oublié13 »), le Grand Robert et le Grand Larousse encyclopédique (tous deux de 1964). De plus, elle réunit les avis de « plus de cinquante grammairiens et linguistes, […] du puriste le plus intransigeant au laxiste le plus tolérant ».
Je ne cite que des noms qui parlent encore au correcteur d’aujourd’hui : Maurice Grevisse, Joseph Hanse, Adolphe V. Thomas, Albert Doppagne, mais aussi Étiemble, Albert Dauzat, Robert Le Bidois, Ferdinand Brunot, Antoine Albalat, Abel Hermant, André Thérive et beaucoup d’autres. En tout, 76 ouvrages ont été dépouillés systématiquement.
La seconde partie de l’article, imprimée dans un caractère différent, expose la conclusion de l’équipe rédactionnelle. Cette « méthode […] permet de faire le tour de la question, d’entendre les divers sons de cloche, et se créer une opinion personnelle ».
Je note une curiosité éditoriale : cet ouvrage semble avoir été publié la même année sous des reliures de nombreuses couleurs : crème (la mienne, même si elle semble plutôt grise sur l’image), rouge, brun clair, marron, gris, bleu foncé, différents tons de vert.




À sa sortie, l’Encyclopédie du bon français a reçu une bonne critique dans la revue belge de traduction Équivalences :
En plus de la masse d’information[s] précieuses qu’[elle] recense et que seule
une fréquentation régulière permet d’apprécier pleinement, deux qualités
essentielles nous incitent à recommander tout particulièrement l’acquisition de
la présente Encyclopédie : tout d’abord la clarté tant de l’exposé que de la
présentation typographique, clarté qui rend la consultation rapide et agréable ; et ensuite une objectivité marquée au coin de la mesure et du bon sens, à égale distance du pédantisme des aristarques et du laxisme des novateurs inconsidérés14.
L’auteur de ces lignes (William Pichal) est persuadé que « [c]ette initiative sera accueillie avec faveur tant par [ses] confrères en traduction que par [ses] collègues enseignants ». En fait, malgré son utilité et son originalité, cet ouvrage n’a jamais été réédité. « Nous n’avons pas la prétention […] d’avoir fait une œuvre aere perennius15, comme disait le poète latin », reconnaissait Fernand Keller dans l’introduction. J’ai bien peur que le temps lui en ait donné confirmation.
- Maison, aujourd’hui disparue, qui a publié aussi Anne Golon et la série des Angélique. Information donnée par un site consacré à Juliette Benzoni. Consulté le 13 mars 2025. ↩︎
- Dans l’article « Trait d’union » de Wikipédia. Consulté le 4 mars 2025. ↩︎
- Voir le catalogue Sudoc. Consulté le 12 mars 2025. ↩︎
- Réponse à Mathieu K. (Orléans), le 4 juillet 2024. Consultée le 13 mars 2025. ↩︎
- Réponse à Jean-Loup (Allemagne), le 7 mars 2024. Consultée le 13 mars 2025. ↩︎
- De Maurice Grevisse et André Goosse, De Boeck Duculot, 14e éd., 2007, p. 1537. ↩︎
- Voir « Études fréquemment citées » (PDF). ↩︎
- Voir « Dupré (Paul) » dans la rubrique Auteurs de l’édition numérique. Consultée le 13 mars 2025. ↩︎
- Voir « Sources bibliographiques ». Consulté le 13 mars 2025. ↩︎
- Notice de personne, catalogue général de la BnF. ↩︎
- Voir La bibliothèque du correcteur. ↩︎
- Avec Françoise Gadet et Michel Galmiche, Flammarion, 1986. ↩︎
- « Le Dictionnaire général de la langue française est de nos jours trop oublié, parce qu’il est trop en avant à l’égard de son époque : c’est le Petit Robert de l’aube du XXe siècle », selon Giovanni Dotoli, qui lui a consacré une étude en 2013 (Le Dictionnaire général de la langue française. Une grande révolution, Hermann, 140 p.). ↩︎
- Équivalences, 1973, no 4-1, p. 41. ↩︎
- « Plus durable que l’airain », Horace (Odes, liv. III, ode XXX, v. 1 — v. Nénufar). En 1972, on pouvait encore citer un poète latin sans le traduire. ↩︎