Un correcteur défend la profession, 1938

Perle relevée dans un journal de Lille. "Le Professionnel du livre", mai 1938. Source : Gallica/BnF.
Le Pro­fes­sion­nel du livre, mai 1938. Source : Gallica/BnF.

Une perle est rele­vée dans les colonnes d’un jour­nal et, comme tou­jours, on en blâme le cor­rec­teur (pho­to ci-des­sus). C’est une fois de trop pour Letel­lier, lui-même cor­rec­teur expé­ri­men­té, en labeur et en presse. Adhé­rent de la fédé­ra­tion qui publie Le Pro­fes­sion­nel du livre, il prend la plume pour rap­pe­ler qu’une cor­rec­tion deman­dée peut être oubliée, mal inter­pré­tée, mal exé­cu­tée, voire refu­sée pour diverses raisons.

Titre "Le correcteur se défend !", dans "Le Professionnel du livre", juillet 1938. Source : Gallica/BnF.

Injus­te­ment tenue pour res­pon­sable des coquilles, bour­dons1 et autres acci­dents qui rendent très sou­vent les meilleurs articles incom­pré­hen­sibles, la cor­po­ra­tion des cor­rec­teurs, par la plume de notre cama­rade Letel­lier, se défend éner­gi­que­ment. À la lec­ture de cette plai­doi­rie, nos cama­rades pour­ront recon­naître au pas­sage cer­taines véri­tés — sévères mais justes — qui dénotent un abais­se­ment du niveau de la conscience pro­fes­sion­nelle chez ceux qui pra­tiquent ou tolèrent, ou encou­ragent des pro­cé­dés tels que ceux qui nous sont signa­lés par notre adhé­rent.
Puissent un jour, nos col­la­bo­ra­teurs — dont plus d’un igno­rant conteste l’érudition par­fois très éten­due — jouir d’une influence suf­fi­sante et… bien­fai­sante, afin de rendre à la cor­po­ra­tion du Livre un lustre qui est bien près de dis­pa­raître.
M. B.2

Dans le der­nier numé­ro du Pro­fes­sion­nel du Livre, je vois un conseil don­né aux cor­rec­teurs : ne pas lais­ser pas­ser de bour­dons comme celui qui s’est pro­duit dans un jour­nal de Lille. Voi­là une excel­lente occa­sion de mon­trer aux dis­ciples de Guten­berg (j’étends le mot dis­ciple à tous les membres de la cor­po­ra­tion de l’imprimerie), l’erreur de ceux qui attri­buent aux cor­rec­teurs toutes les fautes du journal.

Si je prends ici la défense des cor­rec­teurs, c’est parce que moi-même j’en suis un (trente ans de métier dont quatre ans et quelques mois de jour­nal). Je crois être l’interprète de tous mes col­lègues : d’où l’emploi du mot nous et autres formes de la pre­mière per­sonne du plu­riel pour dési­gner l’ensemble des membres de la spécialité.

Des fautes “restées malgré nous”

Il n’entre nul­le­ment dans ma pen­sée de faire déchar­ger les cor­rec­teurs de toute res­pon­sa­bi­li­té en matière de coquilles, mas­tics3, etc., et de nous dire infaillibles : la pra­tique du métier nous a ins­truits et nous ins­truit encore, pour si anciens que nous soyons, et elle fait médi­ter aux orgueilleux — s’il y en a par­mi nous — la mésa­ven­ture de saint Pierre : « Avant que le coq chante… » Il se peut même qu’une mau­vaise écri­ture fasse mal lire nos cor­rec­tions. C’est à cha­cun de cher­cher à écrire lisi­ble­ment (sans tou­te­fois aller jusqu’à faire de l’épreuve une page d’écriture), de pra­ti­quer la retouche, si une infir­mi­té (névrite, goutte, rhu­ma­tisme…) s’oppose à une écri­ture lisible au pre­mier jet et de mettre les noms propres en lettres bâtons (c’est peut-être l’absence de cette pré­cau­tion, soit chez un rédac­teur, soit chez un cor­rec­teur, qui a ame­né un lino4 à com­po­ser MÉTRONG au lieu de MÉ-KONG5. Si, maigre ces pré­cau­tions, il arrive encore quelque mécompte, nous le met­trons dans le domaine de l’imprévisible.

Non moins loin de moi la pen­sée de nous recon­naître cou­pables de toutes les fautes qui passent dans les jour­naux. Il se peut que nous n’y soyons pour rien et même que ces fautes soient res­tées mal­gré nous. Je vais, à l’appui de mon dire, don­ner des exemples ; ne pou­vant pas en emprun­ter à des col­lègues et ne vou­lant pas en inven­ter, je cite­rai des cas per­son­nels, bien que, dit-on, ce soit malséant.

Je serai bref en ce qui tient à la failli­bi­li­té humaine, comme l’in-octavo raison6 (cor­rec­tion non exé­cu­tée) ou les bourses du tra­vail affolées à la C.G.T. (cor­rec­tion à moi­tié mar­quée, d’où affilées, mais non pas affiliées) ; c’était au temps où les jour­naux se com­po­saient encore en mobile7 (1907).

Bien plus récent (de la semaine der­nière) et aus­si en mobile (labeur8) : sur le bon à tirer, les hommes du Palais ; sur la tierce9 : les hommmes du palais. Com­ment s’est fait ce chan­ge­ment ? M’étant infor­mé, j’ai appris qu’entre le tirage des épreuves d’auteur et la mise des paquets dans le rang, il y avait eu une ligne mise en pâte10, l’auteur du dom­mage avait répa­ré celui-ci, d’où le double chan­ge­ment constaté.

Jusqu’ici je n’ai cité que des cas où la volon­té n’a eu aucune part ; elle a eu le prin­ci­pal rôle dans les exemples qui vont suivre.

Mauvaise volonté des typos

Si, à cause des fameuses « néces­si­tés de la mise en pages » ou pour d’autres rai­sons d’ordre maté­riel, il ne pou­vait être rete­nu qu’un seul des exemples ci-après, en voi­ci un auquel je tiens essen­tiel­le­ment, en rai­son du carac­tère odieux qu’il pré­sente ; il est typique et vaut, mora­le­ment, son pesant d’or, que dis-je, son pesant de radium.

Un cor­res­pon­dant de jour­nal raconte l’histoire d’un indi­vi­du qui a volé une jument à sa patronne qu’il mène à la foire. Cor­rec­tion : volé à sa patronne une jument… Le lino se plaint au prote11. Celui-ci dit de ne pas faire la cor­rec­tion, « parce qu’on n’a pas le temps de s’arrêter à des bêtises pareilles ». J’ignore si j’ai eu les hon­neurs du « parc aux huîtres » de Fan­ta­sio12, pour­tant, une « bêtise pareille » en aurait été bien digne.

Manchette (1930) de "Fantasio", périodique satirique (1906-1937, 1948). Son "Parc aux huîtres" recensait des perles parues dans la presse. Source : Gallica/BnF.
Man­chette (1930) de Fan­ta­sio, pério­dique sati­rique (1906-1937, 1948). Son « Parc aux huîtres » recen­sait des perles parues dans la presse. Source : Gallica/BnF.

Connais­sez-vous le Lion de Bel­fort ? Si oui, vous com­pren­drez que j’aie pro­tes­té quand j’ai eu sous les yeux, comme copie, une cou­ver­ture de cahier où il était dit que le Lion est taillé dans le rocher qui porte le Châ­teau. Réponse : « Si le Lion est rouge, c’est qu’il n’a pas subi la patine du temps, au contraire du rocher qui est à décou­vert depuis des mil­liers d’années13. » J’apprécie l’humour, mais pas dans des cas sem­blables ; j’en dis autant de ce qu’on appelle la « sou­plesse com­mer­ciale14 » laquelle, me semble-t-il, se cache der­rière la réponse rap­por­tée ci-dessus.

Par­lons main­te­nant un peu de la marine.

« Mou­ve­ment de la flotte. — Ker­saint, par­ti de Nou­méa pour les Hébrides. » Réflé­chis­sez un peu et, comme moi, vous trou­ve­rez invrai­sem­blable que le gou­ver­ne­ment fran­çais fasse venir des anti­podes un navire de guerre pour l’envoyer au nord de l’Écosse, alors qu’il y avait à Brest, par exemple, ce qu’il fal­lait pour cela. Cor­rec­tion : les Nou­velles-Hébrides15. Quelle fatigue, pour le lino, d’avoir à refaire quatre ou cinq lignes ! Et aus­si quelle ruine pour la mai­son ! C’est pour­quoi le Ker­saint conti­nua… dans le jour­nal, d’exécuter cet ordre fantastique.

À qui le tour ? À un autre navire, qui allait sur l’estl — apos­trophe — est — de Bor­deaux au Séné­gal. Cor­rec­tion : non plus l’est, mais lest, les quatre lettres d’un seul tenant. Cette fois, le lino fit ce que n’avaient pas fait ceux dont il a été ques­tion pré­cé­dem­ment. Il me deman­da une expli­ca­tion que je lui don­nai immédiatement.

1o Défi­ni­tion du lest16 (un marin y aurait pro­ba­ble­ment trou­vé à redire) ;

2o Impro­prié­té du terme navi­guer sur tel point du com­pas ;

3o Erreur géo­gra­phique : même si l’expression était marine, elle ne pou­vait pas s’appliquer au navire en ques­tion, qui, une fois sor­ti de la Gironde, avait pris comme point de direc­tion le sud-ouest, jusqu’au tour­nant de la côte d’Espagne (cap Finis­terre), puis le sud.

Mon expli­ca­tion ne ser­vit à rien : la cor­rec­tion me fut refu­sée obs­ti­né­ment. Elle a été faite, mais ce fut par un autre lino.

Reve­nons à ce que, pour la faci­li­té de mon élo­cu­tion17, j’appellerai le cas de Lille. Je suis d’autant plus à mon aise pour en par­ler que je n’ai jamais mis les pieds dans le dépar­te­ment du Nord.

De deux choses l’une : ou Le Pro­fes­sion­nel a repro­duit le texte tron­qué avec sa jus­ti­fi­ca­tion et, sinon dans le même carac­tère, du moins avec la même force de corps, et alors je ne peux rien dire ; ou le texte du jour­nal et celui du Pro­fes­sion­nel ne vont pas ligne pour ligne, alors on peut envi­sa­ger la dis­po­si­tion sui­vante : le mot invi­ta­tion se serait trou­vé à la marge de droite, une ou plu­sieurs des lignes auraient dis­pa­ru et le texte aurait repris avec et aux dra­peaux à la marge de gauche. « Coïn­ci­dence fâcheuse et bien étrange », dira-t-on peut-être. Étrange, soit, mais invrai­sem­blable, non.

“Mettre en pages sans lecture”

Cette expli­ca­tion m’a été ins­pi­rée par le sou­ve­nir de la pre­mière fois où j’ai cor­ri­gé dans un jour­nal de nuit (rem­pla­ce­ment).

L’homme de bois18 m’a enle­vé plus d’une fois des épreuves non encore lues entiè­re­ment et même il en a pris sur la table d’autres qui n’ont ser­vi abso­lu­ment à rien, comme les pre­mières, d’ailleurs. Lui-même m’a don­né, quelques années plus tard l’explication de cette sin­gu­lière manière de tra­vailler : l’équipe des lino­ty­pistes avait, cette nuit-là, comme d’ordinaire, six hommes, mais l’un d’eux était hors d’état de tra­vailler ; pour comble de mal­heur, il sem­blait que tout fût détra­qué à la rédac­tion, la copie n’était pas envoyée dans l’ordre habi­tuel, d’où la néces­si­té de mettre en pages sans lec­ture. Rien ne me per­met de dire qu’il en a été de même dans le cas de Lille, mais le sou­ve­nir énon­cé ci-des­sus m’incite à ne pas juger le col­lègue lillois.

Deuxième hypo­thèse : il y avait un bour­don dans l’alinéa en ques­tion ; ce bour­don pou­vait être long ; pour ne pas gâcher son blanc (enten­dez par là sa marge), blanc qui pou­vait lui être fort utile par la suite pour d’autres cor­rec­tions, le cor­rec­teur aura sui­vi le conseil de la pru­dence : « Remet­tez à plus tard ce dont l’exécution immé­diate pré­sente des incon­vé­nients, des risques », autre­ment dit, il comp­tait copier plus tard sur l’épreuve le texte man­quant ; celle-ci lui a été enle­vée plus tôt qu’il ne l’avait pré­vu et le bour­don a été oublié.

“S’interdire tout jugement”

Je recon­nais bien volon­tiers com­bien est légi­time le mécon­ten­te­ment d’un auteur ou d’un client lorsqu’il voit un nom estro­pié, un faire-part de décès sans la date de l’enterrement ou… une invi­ta­tion muti­lée, comme dans le cas de Lille, mais je n’en tire­rai pas moins ma conclu­sion que voici :

Avant d’accuser qui que ce soit — cor­rec­teur ou non — d’un mas­tic, d’une coquille, d’une omis­sion ou, en géné­ral, d’un acci­dent typo­gra­phique quel­conque, il fau­drait avoir fait une enquête, avoir vu les preuves, c’est-à-dire l’épreuve et même les épreuves, et la copie, avoir inter­ro­gé ceux qui peuvent être mis en cause. Encore faut-il pou­voir le faire. Tant que cela n’a pas été fait, consta­ter, réta­blir le texte, si l’on peut, mais s’interdire tout juge­ment ; en ces matières on risque trop en pareilles cir­cons­tances de com­mettre un juge­ment téméraire.

Je m’excuse d’avoir été si long ; peut-être n’ai-je rien appris à mes col­lègues, puis­sé-je avoir ins­truit et fait réflé­chir ceux qui, ne connais­sant pas les choses de la cor­rec­tion, trouvent tout natu­rel de nous attri­buer toutes les fautes.

Si nos accu­sa­teurs fai­saient l’enquête dont j’ai par­lé, ils auraient peut-être de l’indulgence pour ceux qui ont sui­vi leur copie comme une machine de chair et d’os qui conduit une machine de métal (ceux-ci peuvent être des gens de bonne volon­té), mais ils [les accu­sa­teurs19], après avoir regret­té la « sou­plesse com­mer­ciale » (Lion de Bel­fort), tire­raient, comme je le fais, de sévères conclu­sions contre ceux qui ont fait montre de leur incom­pré­hen­sion (cas des Nou­velles-Hébrides) ou de leur mau­vaise foi (navi­ga­tion sur l’est) ou, comme le prote dans l’histoire de la jument, par­don, de la patronne menée à la foire, nous ont refu­sé l’appui d’une auto­ri­té qu’ils ont fait ser­vir à un acte de sabo­tage, pour une mépri­sable ques­tion d’argent ou de temps.

Letel­lier.

Le Pro­fes­sion­nel du livre (publié par la Fédé­ra­tion des syn­di­cats pro­fes­sion­nels des tra­vailleurs du livre-papier et des indus­tries poly­gra­phiques, CFTC), 11e année, no 65, juillet 1938, p. 4.


  1. Erreur de com­po­si­tion qui se tra­duit par l’o­mis­sion d’un mot ou d’un membre de phrase (TLF). ↩︎
  2. Mau­rice Bou­la­doux, syn­di­ca­liste fran­çais, secré­taire géné­ral de 1948 à 1953, puis pré­sident de 1953 à 1961 de la CFTC (Wiki­pé­dia). ↩︎
  3. Inver­sion de lignes, de mots ou de carac­tères dans une com­po­si­tion typo­gra­phique (TLF). ↩︎
  4. Apo­cope de lino­ty­piste, ouvrier typo­graphe opé­rant sur une machine à com­po­ser Lino­type. ↩︎
  5. Aujourd’­hui, Mékong, fleuve d’A­sie du Sud-Est. ↩︎
  6. Il fal­lait lire l’in-octa­vo rai­sin, deux termes pré­ci­sant le for­mat d’im­pres­sion. ↩︎
  7. En carac­tères mobiles, avant l’ar­ri­vée des machines à com­po­ser. ↩︎
  8. L’im­pri­me­rie de labeur pro­duit des ouvrages (livres, annuaires, etc.) néces­si­tant des moyens de pro­duc­tion impor­tants et s’op­pose à l’im­pri­me­rie de presse. ↩︎
  9. Der­nière épreuve, ser­vant à véri­fier que les der­nières cor­rec­tions deman­dées (sur le bon à tirer) ont bien été appli­quées, sans pro­vo­quer d’er­reur nou­velle. ↩︎
  10. Les carac­tères for­mant la ligne sont tom­bés ; il a fal­lu la com­po­ser de nou­veau. ↩︎
  11. Chef d’a­te­lier. ↩︎
  12. Fan­ta­sio, sous-titré « Maga­zine gai », est un pério­dique sati­rique illus­tré bimen­suel fran­çais publié par Félix Juven, de 1906 à 1937, puis en 1948, en lien avec le jour­nal Le Rire (Wiki­pé­dia). « Parc aux huîtres » était une rubrique rele­vant des perles dans la presse.  ↩︎
  13. Cette sculp­ture « est consti­tuée de blocs de grès rose de Pérouse (type de grès rouge des Vosges […]), sculp­tés indi­vi­duel­le­ment, puis dépla­cés sur une ter­rasse ver­doyante et ados­sée à la paroi cal­caire grise de la falaise sous le châ­teau de Bel­fort, cita­delle édi­fiée par Vau­ban puis rema­niée par le géné­ral Haxo, pour y être assem­blés » (Wiki­pé­dia). ↩︎
  14. Peut-être une allu­sion au fait que, pour l’im­pri­meur, le client est roi. ↩︎
  15. Aujourd’­hui, le Vanua­tu, archi­pel au nord-nord-est de la Nou­velle-Calé­do­nie. ↩︎
  16. Corps pesant char­gé dans la par­tie basse de la cale, ou fixé au plus bas de la quille d’un bâti­ment pour en assu­rer la sta­bi­li­té. Et donc aller sur lest, sans char­ge­ment, à vide (TLF).  ↩︎
  17. Au sens de la rhé­to­rique (elo­cu­tio) : art de trou­ver des mots qui mettent en valeur les argu­ments. ↩︎
  18. Dési­gna­tion iro­nique d’un ouvrier char­gé des fonc­tions (dis­tri­bu­tion, cor­ri­geage) auprès d’un met­teur en pages (d’a­près Bout­my). ↩︎
  19. Inter­ven­tion d’o­ri­gine. ↩︎

Le correcteur, “ennemi du journaliste”, pour Delphine de Girardin

Delphine de Girardin caricaturée par "Le Charivari" en 1848.
Del­phine de Girar­din cari­ca­tu­rée par Le Cha­ri­va­ri en 1848.

Au xixe siècle, si l’on vou­lait écrire et sur­tout être publiée, il valait mieux prendre un nom d’homme, fût-on la femme du patron. Pour signer son « Cour­rier de Paris » dans le quo­ti­dien de son mari, « Mme Émile de Girar­din », pré­nom­mée Del­phine, avait choi­si le pseu­do­nyme du vicomte Charles de Lau­nay. Tant qu’à faire !

Mais fal­lait-il que mon­sieur le vicomte soit si dur avec le pauvre cor­rec­teur ? Après Bar­bey d’Aurevilly qui vou­lait l’abattre comme un chien (voir mon pré­cé­dent article), le voi­là dési­gné comme « enne­mi du jour­na­liste ». Lisez plutôt :

« Chaque ani­mal a son enne­mi natu­rel, savoir : un être plus fort que lui, qui vit à ses dépens, qui le guette, qui le pour­suit, qui le tue et qui le mange ; et man­ger son enne­mi, c’est réel­le­ment vivre à ses dépens. La mouche a pour enne­mie l’araignée ; la colombe a pour enne­mi le vau­tour ; la bre­bis, le loup ; la sou­ris, le chat, et le chat, le mar­chand de peaux de lapin ; puis, au moral, la femme a pour enne­mi l’homme, l’homme a pour enne­mi le démon, le peuple a pour enne­mi le phi­lan­thrope, le gou­ver­ne­ment a le publi­ciste, le poëte a le jour­na­liste, et le jour­na­liste a le correcteur. 

« Or, de tous les enne­mis, le cor­rec­teur est le plus dan­ge­reux, car il n’y a aucun recours contre sa négli­gence ; la veille on ne peut pré­voir ses coups, le len­de­main on ne peut gué­rir ses bles­sures. L’errata est per­mis à l’auteur, l’auteur a un droit de car­ton1 qui le console et le jus­ti­fie ; le feuille­to­niste n’a rien pour se défendre : la bêtise qu’on lui fait dire lui reste, l’intelligence du lec­teur est son unique ressource. 

« Mais encore il est des fautes inex­pli­cables que le lec­teur le plus intel­li­gent ne peut devi­ner ; ain­si l’erreur sui­vante s’étalant dans les graves colonnes du Moni­teur : “Le ministre des affaires étran­gères a obte­nu vingt mille francs pour le cho­co­lat à la vanille.” Quel abus ! vingt mille francs de cho­co­lat pour un seul minis­tère ; il y avait de quoi sou­le­ver le pays, ame­ner une révo­lu­tion ; au lieu de cela, il fal­lait lire : “vingt mille francs pour le consu­lat de Manille !” »

L’erreur paraît certes gros­sière, mais on ignore quel gri­bouillis à la plume a tenu lieu de copie pour notre infor­tu­né confrère.

La Presse, 27 juillet 1837.


  1. Feuillet impri­mé après coup des­ti­né à rem­pla­cer, dans un volume, un pas­sage à modi­fier ou à cor­ri­ger (TLF). ↩︎

Un auteur en colère (contre le correcteur) peut être dangereux

Jules Bar­bey d’Au­re­vil­ly pho­to­gra­phié par Nadar.

Les cor­rec­teurs sont rare­ment mena­cés de mort dans l’exercice de leur tra­vail, et c’est heu­reux. Cer­tains auteurs, plus sour­cilleux et colé­riques que les autres, laissent cepen­dant explo­ser leur mécontentement. 

Vous connais­sez peut-être la phrase de Mark Twain : « Hier [mon édi­teur] m’a écrit que le cor­rec­teur de l’imprimerie amé­lio­rait ma ponc­tua­tion, et j’ai télé­gra­phié l’ordre qu’on le des­cende sans lui lais­ser le temps de faire sa prière1. »

Eh bien, nous avons le pen­dant par­mi ses contem­po­rains fran­çais : « Je tue­rais un cor­rec­teur d’épreuves qui fait des fautes, comme un chré­tien tue­rait un chien turc », a écrit Jules Bar­bey d’Aurevilly à son ami Guillaume-Sta­nis­las Trébutien. 

Il faut dire que « […] tout en col­la­bo­rant pen­dant de longues années à des jour­naux, [Bar­bey] a infa­ti­ga­ble­ment ins­truit le pro­cès du jour­na­lisme ». Et « [m]aintes lettres […] témoignent de son irri­ta­tion lorsqu’il découvre qu’une main non­cha­lante ou mal­ha­bile a intro­duit des fautes dans son article, lors de l’impression ».

Ain­si, il écrit à Hec­tor de Saint-Maur, à pro­pos des typo­graphes du Consti­tu­tion­nel : « Je viens de me mettre dans une colère de Duc de Bour­gogne en reli­sant mon article de ce matin, ils m’ont éclo­pé une phrase en oubliant un qui, et man­qué une date. »

On peut com­prendre son aga­ce­ment, sou­la­gés tout de même qu’il ait pré­fé­ré la plume au pistolet.

Source : Bar­bey d’Aurevilly jour­na­liste, articles et chro­niques choi­sis et pré­sen­tés par Pierre Glaudes, GF Flam­ma­rion, 2016.


  1. « Yes­ter­day Mr. Hall wrote that the prin­ter’s proof-rea­der was impro­ving my punc­tua­tion for me, & I tele­gra­phed orders to have him shot without giving him time to pray », 1889 — www.twainquotes.com. ↩︎

“Les gens qui écrivent aux journaux”, article satirique de 1860

Titre du journal "Le Charivari", 23 octobre 1860

Les gens qui prennent la plume, ano­ny­me­ment ou non, pour se plaindre de leur jour­nal, en par­ti­cu­lier de ses man­que­ments à telle ou telle règle de gram­maire, ce n’est pas une nou­veau­té. Le Cha­ri­va­ri (1832-1937), jour­nal sati­rique, s’en amuse le 23 octobre 1860, en ima­gi­nant le coup de sang d’un lec­teur, pré­lude à la rédac­tion de sa lettre.

LES GENS QUI ÉCRIVENT AUX JOURNAUX.

Paris est plein d’originaux ; quand je dis Paris, je ne vois pas pour­quoi j’éliminerais au pro­fit de la capi­tale de notre beau pays la pro­vince, cette terre pri­vi­lé­giée des maniaques et des ridicules.

Donc, repre­nons et disons avec plus de véri­té : Paris et la pro­vince sont bour­rés d’excentriques. Par­mi cette grande famille aus­si nom­breuse que celle d’Ismaël, de biblique mémoire, une varié­té assez curieuse à étu­dier, c’est celle des gens qui écrivent aux journaux.

Ces agréables mono­manes passent leur temps à ana­ly­ser lettre par lettre, phrase par phrase, ali­néa par ali­néa les articles de leur feuille ou des feuilles en général.

Et alors, quand le cor­rec­teur a par négli­gence lais­sé pas­ser une vir­gule en plus ou un point en moins, ils s’emparent de la plume et sur le champ [sic] expé­dient une bonne lettre ano­nyme qui a la pré­ten­tion de tan­cer ver­te­ment le jour­na­liste pris en fla­grant délit d’erreur grammaticale.

Pour l’instruction des masses, voi­ci à peu près de quelle façon se passe cette scène dans le café du cor­res­pon­dant puriste :
— Ah ! s’écrie ledit cor­res­pon­dant avec un cri de joie.
— Qu’est-ce ? fait un domi­no­tier inquiet.
— Encore une faute !
— Aux domi­nos ?
— Non, dans le jour­nal. Ces jour­na­listes, ma parole d’honneur, sont des ânes qu’on devrait ren­voyer tous à l’école pour faire un exemple.
— Qu’est-ce qu’ils ont fait ?
— Deman­dez-moi ce que celui-ci ne fait pas plu­tôt. On n’a pas idée de sem­blable igno­rance. Mon fils qui a dix ans, Guguste enfin, est bien jeune, n’est-ce pas ?
— Dame ! à dix ans…
— Eh bien, s’il écri­vait l’orthographe de cette façon, je le ferais par­tir pour les colo­nies.
— Vrai­ment.
— C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire. Un écri­vain, un homme qui est payé des prix fous pour écrire un mau­vais article par jour, un poète man­qué qui s’enrichit à tra­cer des lignes noires sur du papier blanc et ce à nos dépens, ne se donne même pas la peine d’apprendre la gram­maire, c’est révol­tant… et une chose qui m’étonne, c’est que le gou­ver­ne­ment souffre cela.
— Mais qu’a-t-il donc mis ?
— Com­ment écri­vez-vous pain de sucre ?
P, a, i, n, pain.
— Très bien, pain avec un n. Eh bien, regar­dez, il a mis paim.
— Où ça ?
— Ici, à gauche.
— C’est vrai, il a écrit paim.
— Il y a paim, inoui, inoui [sic] !
— Quels ignares que ces journalistes !

Ici le cor­res­pon­dant montre la feuille à tous les habi­tués, et quand tous ces hono­rables mono­manes se sont convain­cus que pain a pris un m sous la plume du mal­heu­reux fol­li­cu­laire, le Chris­tophe Colomb des coquilles demande d’une voix triom­phante une plume et du papier au gar­çon.
— Qu’allez-vous faire ?
— Lui don­ner gra­tis une leçon, il la mérite bien ; au reste il la mérite tous les jours, mais je ne me las­se­rai pas de le lui reprocher.

Auteur, cesse d’errer et je cesse d’écrire.

Le Cha­ri­va­ri, 23 octobre 1860.

Pierre Vidal-Naquet, correcteur bénévole du “Monde”

Couverture du livre de François Dosse "Pierre Vidal-Naquet, une vie", La Découverte, 2020

Ma consœur Cathe­rine Magnin, pré­si­dente de l’Asso­cia­tion romande des cor­rec­trices et cor­rec­teurs d’im­pri­me­rie (ARCI), m’a gen­ti­ment trans­mis un extrait de la bio­gra­phie de Pierre Vidal-Naquet (1930-2006), his­to­rien spé­cia­liste de la Grèce ancienne et intel­lec­tuel enga­gé. Y est men­tion­né un épi­sode peu connu : il fut « cor­rec­teur à titre béné­vole du Monde ». Fran­çois Dosse raconte :

Lorsque le spé­cia­liste de l’histoire antique Mau­rice Sartre fait son entrée en juin 1996 au Monde des livres, il s’entend dire : « On a un cor­rec­teur béné­vole qui nous télé­phone dès qu’il repère une coquille. » Ce cor­rec­teur n’est autre que Pierre Vidal-Naquet, qui télé­phone en effet régu­liè­re­ment au jour­nal pour signa­ler la moindre erreur. Très récep­tif et réac­tif sur les ques­tions d’actualité, Vidal-Naquet est un dévo­reur de presse. Il lit chaque jour Le Monde dans ses deux édi­tions, mais aus­si Le Figa­ro et France-Soir […].

Deve­nus amis en mai 1960 à l’oc­ca­sion d’un pro­cès en dif­fa­ma­tion inten­té par le comi­té Audin (acteur de la lutte anti­co­lo­niale en métro­pole, auquel appar­tient l’his­to­rien) contre La Voix du Nord, Pierre Vidal-Naquet et Robert Gau­thier, rédac­teur en chef adjoint du jour­nal, par­tagent « une même exi­gence tatillonne, un même sou­ci de la per­fec­tion ».

Robert Gau­thier trouve en effet avec Vidal-Naquet son alter ego qui, mal­gré son ensei­gne­ment uni­ver­si­taire, ses recherches éru­dites et sa mili­tance pen­dant la guerre d’Algérie, trouve encore le temps de dévo­rer dès paru­tion la pre­mière édi­tion du Monde en kiosque en début d’après-midi, vers 14 heures. Dès qu’il pointe une erreur, il appelle la rédac­tion pour qu’elle la cor­rige dans la seconde édi­tion de la fin d’après-midi, pre­nant soin de véri­fier si cela a été fait en ache­tant cette édi­tion : « Robert Gau­thier m’en fut recon­nais­sant jusqu’à sa mort1. » […] Robert Gau­thier est sub­mer­gé de lettres de Vidal-Naquet, sans comp­ter les coups de télé­phone, pour signa­ler telle ou telle sco­rie dans le quo­ti­dien du soir : « Quel lec­teur lucide et vigi­lant vous êtes ! Heu­reu­se­ment que tous ne nous portent pas une ami­tié si atten­tive ! Ou mal­heu­reu­se­ment peut-être, car cela nous inci­te­rait à une plus grande rigueur2. » […]
En guise de remer­cie­ment, Robert Gau­thier consi­dère Vidal-Naquet comme un col­la­bo­ra­teur régu­lier du jour­nal et lui ouvre ses colonnes. C’est dans ce cli­mat de confiance qu’il publie son pre­mier article dans Le Monde du 6 mai 1961.

Fran­çois Dosse, Pierre Vidal-Naquet. Une vie, La Décou­verte, 2020, p. 433-435.


  1. Pierre Vidal-Naquet, Mémoires, t. 2, Le trouble et la lumière (1955‑1998), Seuil/La Décou­verte, Paris, 1998 ; rééd. en poche : Seuil, coll. « Points », Paris, 2007, p. 143. ↩︎
  2. Robert Gau­thier, lettre à Pierre Vidal-Naquet, 26 août 1962 (Archives Vidal-Naquet, EHESS). ↩︎

Visite du marbre de “L’Humanité-Dimanche” en 1954

Couverture du livre "Même si ça dérange", de Roland Passevant, Robert Laffont, 1976

Roland Pas­se­vant (1928-2002) est un jour­na­liste fran­çais, spé­cia­li­sé dans le domaine spor­tif, puis dans l’in­ves­ti­ga­tion poli­tique. […] En 1954, il rejoint L’Hu­ma­ni­té-Dimanche, puis L’Hu­ma­ni­té : il dirige, à par­tir de 1963, le ser­vice des sports de ce quo­ti­dien. (Wiki­pé­dia).

Dans ses Mémoires, inti­tu­lés Même si ça dérange (Paris, Robert Laf­font, 1976, 326 p.), il raconte (p. 28-30) ses débuts à L’Hu­ma­ni­té-Dimanche, où il s’i­ni­tie au secré­ta­riat de rédac­tion sur les pages dépar­te­men­tales : « […] je consacre quelques heures par semaine à mode­ler les pages de la Dor­dogne, de la Drôme et du Gard, mes trois coins de province. »

« Reve­nons au petit jour­na­liste débu­tant. […] Sa pano­plie, hors du sty­lo, com­prend un ligno­mètre et un typo­mètre, d’or­di­naire réser­vés au secré­taire de rédac­tion et au maquet­tiste. Le ligno­mètre per­met d’é­va­luer, sur la maquette, la capa­ci­té de lignage d’un empla­ce­ment, sui­vant les dif­fé­rents calibres de carac­tères. Le typo­mètre, outil pri­vi­lé­gié du typo­graphe, ramène tout au cicé­ro, mesure de base de l’imprimerie.

Détail d'un typomètre en cicéro et en millimètres.
Détail d’un typo­mètre en cicé­ro et en mil­li­mètres. Source : For­nax édi­teur.

Le secrétaire de rédaction crée la page

« Savoir cali­brer un article, com­man­der un titre, un cli­ché, et voi­là le débu­tant presque bon pour le ser­vice. Il connaît le ter­rain, l’u­sage que l’on fait du texte, son trai­te­ment. Le plus dur reste à faire. L’art d’é­crire juste, celui de rédi­ger un titre, de le tra­vailler, d’en extraire l’élé­ment choc, sont des exer­cices de longue haleine.

Titre de "L'Humanité-Dimanche" du 7 novembre 1954.
Titre de L’Hu­ma­ni­té-Dimanche du 7 novembre 1954. Source : librai­rie Gré­goire, Abe­books.

« En 1954, à la rédac­tion de l’Hu­ma­ni­té-Dimanche, ces exer­cices nous sont impo­sés par la fabri­ca­tion, à Paris même, de toutes les pages dépar­te­men­tales qui ont pour mis­sion de régio­na­li­ser le maga­zine, d’y inté­grer la cou­leur locale. Chaque rédac­teur, res­pon­sable de trois à quatre pages dépar­te­men­tales, reçoit la copie de pro­vince, géné­ra­le­ment accom­pa­gnée d’une amorce de maquette. À lui de jouer, d’en­ri­chir le pro­jet de mise en page, d’ins­tal­ler l’é­di­to­rial, d’é­qui­li­brer les élé­ments pho­tos, de choi­sir les carac­tères, de tailler les trop longs articles sans en alté­rer le conte­nu. C’est le tra­vail d’un secré­taire de rédac­tion, pré­cieux pour le jeune jour­na­liste qui s’im­prègne des notions de dis­tance, de pré­sen­ta­tion, qui per­çoit mieux l’as­pect esthé­tique du jour­nal. Son rôle ne se limite pas à manœu­vrer du typo­mètre et du ligno­mètre, mais le conduit à appré­cier textes et titres, à pro­po­ser d’é­ven­tuelles amé­lio­ra­tions à la rédac­tion en chef.

« Le secré­taire de rédac­tion qua­li­fié, faut-il immé­dia­te­ment pré­ci­ser, n’est pas un simple met­teur en page. Il par­ti­cipe, de manière active, la plus ingé­nieuse pos­sible, à la créa­tion de la page. Res­pon­sable de la “vitrine”, il col­la­bore étroi­te­ment avec le chef de service. […]

“L’air manque et la place aussi”

« […] Lors­qu’on découvre le “marbre”, ate­lier de com­po­si­tion de l’im­pri­me­rie, on y voit de tout, sauf du marbre. Les tables de tra­vail sont en fonte et le plomb est roi.

« Dans l’heure pré­cé­dant l’en­voi de la forme vers la presse, secré­taires de rédac­tion et rédac­teurs col­la­borent là à la phase finale de fabrication.

« La mise en forme ne se fait pas en se gon­flant les pou­mons, ni en se mus­clant le jar­ret — l’air manque et la place aus­si. La forme est un cadre de fonte aux dimen­sions réelles de la page. Le typo tra­vaille côté tête de page, le rédac­teur côté bas de page.

« Les articles, com­po­sés par le lino­ty­piste (un typo assis, qui tire les lettres de son cla­vier, comme une dac­ty­lo), pla­cés dans des “galées”, sou­mis à un encrage et à une pre­mière empreinte par le “plom­bier” (un typo-dis­pat­cher, vers lequel converge tout le plomb à net­toyer et clas­ser), arrivent vers les pages, accom­pa­gnés d’é­preuves qu’u­ti­lisent cor­rec­teur, jour­na­liste et typo­graphe pour contrô­ler et rec­ti­fier le texte.

Dernières corrections sur la morasse

« Le tra­vail touche à sa fin lorsque le typo­graphe, par petits coups ryth­més, avec une brosse spé­ciale munie d’un long manche, imprime l’en­semble de la page. Ain­si née [sic] la “morasse” qui donne la pre­mière vue glo­bale de la page et sert aux der­niers contrôles, aux der­nières cor­rec­tions. Ce rou­le­ment des bat­tages de brosse, c’est le sprint du “typo”.

« Le “marbre”, royaume du plomb, c’est pour chaque édi­tion ce tête-à-tête d’une heure ou deux, per­tur­bé par les exi­gences de l’ac­tua­li­té qui com­mande et impose d’in­ces­santes retouches. C’est une curieuse ambiance de tra­vail, mélange de bonne humeur, d’en­gueu­lades brèves mais explo­sives, de coups de gueule et de coups à boire. On y res­pire l’air vicié par les éma­na­tions de plomb fon­du, mais on y sent bien vivre le jour­nal. On y éprouve les émo­tions res­sen­ties près du chauf­feur de la loco­mo­tive, en tête du train. »

☞ Voir aus­si « L’imprimerie d’un jour­nal pari­sien dans les années 1960 ».

Simon Arbellot, jeune journaliste, descend à l’imprimerie (1919)

"Journaliste !", de Simon Arbellot, La Colombe, 1954

Jour­na­liste et écri­vain, Simon Arbel­lot (1897-1965) raconte sa car­rière dans Jour­na­liste ! (Paris, La Colombe, éd. du Vieux Colom­bier, 1954, 111 p.). Après un « court stage, entre amis » au Monde illus­tré, il débute en 1919 au Petit Jour­nal, pour « une année de sévère appren­tis­sage », puis entre au Figa­ro, « qu’il quitte au début des années 1930 pour le jour­nal Le Temps et la revue Docu­ments. […] Sous l’Occupation, il est nom­mé direc­teur de la presse au minis­tère de l’Information à Vichy de 1940 à 1942, puis consul géné­ral de France à Mala­ga de 1943 à 1944. […] Après la guerre, il contri­bue­ra à divers titres de presse, comme Écrits de Paris, Le Cha­ri­va­ri, ou encore La Revue des Deux Mondes » (Wiki­pé­dia).

Dans un pas­sage où il évoque son arri­vée au Petit Jour­nal (cha­pitre pre­mier), il men­tionne le tra­vail auprès des ouvriers de l’im­pri­me­rie, des secré­taires de rédac­tion et des correcteurs.

“Au fait dès la première ligne”

« […] pour un jeune gar­çon ambi­tieux et pres­sé, l’ap­pren­tis­sage est dur. C’est d’a­bord la perte de la liber­té. Il faut renon­cer à toute obli­ga­tion qui ne soit pas professionnelle […].

« Il y a aus­si les per­ma­nences, les inter­mi­nables per­ma­nences pour le cas où il se pas­se­rait quelque chose. Comme elle est triste, à minuit et demi, cette salle de rédac­tion, main­te­nant déserte, qui sent le vieux papier et le culot de pipe ! Face au télé­phone il faut attendre et, dans les feuilles d’a­gence qui s’a­mon­cellent, décou­vrir le fait nou­veau qu’on réécri­ra d’ur­gence et qu’on enver­ra aux machines. […]

« Tra­vail obs­cur et sans gloire du débu­tant, mais néces­saire étape. Il ne s’a­git plus, ici, de dis­ser­ta­tion phi­lo­so­phique, mais d’in­for­ma­tion. Écou­tons les conseils de ce vieux bar­bu déco­ré [le rédac­teur en chef] :
[…]
— Pas de péri­phrases, entrez dans le vif du sujet. Vous n’êtes pas là pour faire de la lit­té­ra­ture, vous écri­vez pour les lec­teurs, pas pour vous, ni pour votre petite amie. Au fait, au fait dès la pre­mière ligne.

« Et le crayon rouge biffe, sans nulle consi­dé­ra­tion, la belle phrase du début. Quant à la for­mule bien balan­cée de la fin, elle est livrée à la seule déci­sion du secré­taire de rédac­tion qui, au marbre, sui­vant la place, la conser­ve­ra ou la fera sauter.

“Devant les pages de plomb”

« J’é­prou­vais une grande joie lorsque, de temps à autre, en fin de jour­née, l’un des secré­taires de rédac­tion, vieux bon­homme bar­bu, lui aus­si, char­gé des édi­tions de pro­vince, me fai­sait deman­der à la com­po­si­tion. Avec quel empres­se­ment je des­cen­dais alors dans ce sous-sol où vrom­bis­saient les célèbres machines de Mari­no­ni et où des ouvriers, les bras nus, s’af­fai­raient au marbre, devant les pages de plomb du jour­nal en ges­ta­tion. Il s’a­gis­sait géné­ra­le­ment d’un repi­quage d’une infor­ma­tion que j’a­vais don­née une heure avant, mais qu’il conve­nait de modi­fier sui­vant une dépêche de der­nière heure lâchée par la prin­ting d’Ha­vas1. Là, dans le cli­que­tis des cla­viers, sur un coin de table, res­pi­rant avec délices l’o­deur de la morasse2 toute fraîche, je rec­ti­fiais au crayon la nou­velle, rem­pla­çant le point d’in­ter­ro­ga­tion du titre par une affir­ma­tion, sup­pri­mant un mot ici et là et je ten­dais fiè­re­ment mon épreuve cor­ri­gée à un jeune ouvrier en sueur qui la por­tait tout droit à la linotype.

"Paris – Rue La Fayette et le Petit Journal". Carte postale, s.d.
Paris – Rue La Fayette et le Petit Jour­nal. Carte pos­tale, s.d. Source : Car­to­rum.

« Cette col­la­bo­ra­tion du jour­na­liste et du machi­niste est l’une de mes décou­vertes les plus agréables dans les sous-sols de la rue La Fayette. Le typo­graphe est, en effet, l’a­mi du jour­na­liste et je n’ai connu, dans les dif­fé­rentes impri­me­ries que j’ai, par la suite fré­quen­tées3, que de braves et hon­nêtes gens, prêts à rendre ser­vice, inté­res­sés comme nous-mêmes à la per­fec­tion du tra­vail ; patients devant notre fièvre, com­pré­hen­sifs à nos scru­pules d’au­teurs. À côté d’eux les cor­rec­teurs, sou­vent éru­dits, tou­jours let­trés, sont nos plus pré­cieux auxi­liaires. Et je ne parle pas des fautes d’or­tho­graphe et des erreurs de ponc­tua­tion, menue mon­naie, qu’ils relèvent avec indul­gence, même dans les articles des aca­dé­mi­ciens ; mais s’a­git-il d’une cita­tion, d’une date, d’un mot étran­ger, d’un chiffre dont l’au­then­ti­ci­té ou l’emploi leur paraît sus­pect, alors c’est avec infi­ni­ment de tact qu’ils abordent le délin­quant : “Ne croyez-vous pas qu’il convien­drait de rectifier ?”

« Com­bien d’au­teurs célèbres doivent au cor­rec­teur de n’a­voir pas eu à rou­gir le len­de­main matin d’une bourde échap­pée à leur plume trop rapide.

“L’heure de la brisure”

« Quand la chance vou­lait que je me trouve au marbre à l’heure de la “bri­sure”, court repos entre deux ser­vices, c’est bien volon­tiers que j’al­lais avec les ouvriers dans le petit café d’à côté — il y a tou­jours un petit café à côté des impri­me­ries — boire avec eux, cette fois sur le zinc, le verre de rouge de la col­la­bo­ra­tion. Ces gens-là vous feraient, à eux seuls, aimer le métier de jour­na­liste, les anciens parce qu’ils ont beau­coup vu et beau­coup obser­vé, les jeunes parce qu’ils ont le goût de leur tra­vail et le res­pect de ses tra­di­tions. Com­bien de fois, bavar­dant avec eux, ai-je sou­hai­té de deve­nir, moi aus­si, un jour un grand jour­na­liste et de remettre dans leurs mains habiles, non plus quelques lignes de banale infor­ma­tion mais une belle chro­nique dont j’é­tais assu­ré qu’elle serait l’ob­jet de tous leurs soins atten­tifs ! On avait tel­le­ment l’im­pres­sion que le met­teur en page et ses aides étaient aus­si fiers que nous d’une pré­sen­ta­tion réus­sie, d’un jour­nal au point ! Et sou­vent l’a­mi­tié d’un ouvrier de l’im­pri­me­rie nous ven­geait des mes­qui­ne­ries de l’ad­ju­dant de quar­tier, fût-il paré du titre de rédac­teur en chef et déco­ré des palmes académiques. »

☞ Voir aus­si « L’imprimerie d’un jour­nal pari­sien dans les années 1960 ».

Le Petit Jour­nal. Ser­vice de la Cli­che­rie de l’Im­pri­me­rie Mari­no­ni. Carte pos­tale, s.d. Dif­fu­sion sous licence CC BY-NC-SA 2.0.

Plus d’i­mages sur un site Web consa­cré au Petit Jour­nal.


  1. Le télé­scrip­teur de l’a­gence Havas, ancêtre de l’AFP. ↩︎
  2. Épreuve gros­sière, le plus sou­vent réa­li­sée à la brosse. On voit le tirage d’une morasse dans le film L’Homme fra­gile (voir mon article illus­tré). ↩︎
  3. J’ai res­pec­té la ponc­tua­tion d’o­ri­gine. ↩︎

Composer le texte plusieurs fois pour imprimer plus vite (XIXe s.)

« Quand le tirage des jour­naux devint plus impor­tant, pas­sant de quelques cen­taines à quelques mil­liers d’exemplaires, en même temps que le for­mat s’agrandissait et que le nombre de pages aug­men­tait, un pro­blème se posa. L’ingénieur [anglais Charles] Stan­hope avait bien construit en 18071 la pre­mière presse à impri­mer métal­lique : la vitesse de pro­duc­tion était mon­tée à 200 feuilles à l’heure. Mais cela ne sup­pri­mait pas com­plè­te­ment la dif­fi­cul­té. Pre­nons l’exemple d’un jour­nal d’une seule feuille tirant à 12 000 exem­plaires : il aurait fal­lu soixante heures pour l’imprimer en totalité.

Première presse Stanhope, 1780 (?)
Pre­mière presse Stan­hope, 1780 (?). Source : Inva­luable.

« La solu­tion trou­vée fut la sui­vante : le texte d’un même numé­ro était com­po­sé deux, voire trois fois. Un pre­mier typo­graphe com­po­sait d’après le manus­crit. Dès qu’il avait ter­mi­né un para­graphe, on en tirait une épreuve, on la cor­ri­geait si néces­saire et on la confiait à un deuxième typo­graphe qui com­po­sait le même para­graphe ; éven­tuel­le­ment, on renou­ve­lait l’opération avec un troi­sième com­po­si­teur. On obte­nait ain­si deux – ou trois – jeux des pages ; le temps de rou­lage sur deux – ou trois – presses s’en trou­vait réduit d’autant.

« Plus tard, en 1814, la presse à vapeur de l’Allemand [Frie­drich] Koe­nig – la pre­mière fut ins­tal­lée au Times, de Londres – allait faire fran­chir un nou­veau seuil : 1 100 feuilles à l’heure.

« Enfin, en 1865, l’ingénieur fran­çais [Hip­po­lyte] Mari­no­ni inven­tait la presse rota­tive à bobines qui, avec la com­po­si­tion méca­nique, allait per­mettre, à la fin du siècle, la nais­sance et le déve­lop­pe­ment de la presse à grand tirage. »

Presse rotative de Marinoni, 1883
Presse rota­tive de Mari­no­ni, 1883. Source : Wiki­pé­dia.

Je ne connais­sais pas cette his­toire de dupli­ca­tion de la com­po­si­tion typo­gra­phique, même si l’astuce est assez évi­dente. Elle peut expli­quer de petites dif­fé­rences (voire des erreurs) entre deux exem­plaires de la même édi­tion d’un journal.

Source : Louis Gué­ry, Visages de la presse. La pré­sen­ta­tion des jour­naux des ori­gines à nos jours, éd. du CFPJ, 1997, p. 69.


  1. Plus pro­ba­ble­ment, quelques années aupa­ra­vant. La date est incer­taine. ↩︎

“Distractions de correcteur”, une rubrique des années 1850

Titre du journal français "Le Tintamarre" dans les années 1850.
Extrait des "Distractions de correcteur" du journal "Le Tintamarre", années 1850

Dans les années 1850, Le Tin­ta­marre, heb­do­ma­daire sati­rique, rele­vait les fautes typo­gra­phiques parues dans la presse, dans une rubrique inti­tu­lée, le plus sou­vent, « Typo­gra­phie fran­çaise » et sous-titrée « Dis­trac­tions de cor­rec­teur ». Voi­ci un échan­tillon des perles publiées :

  1. « Quand votre beurre est fon­du, met­tez votre oreille dans la casserole. »
  2. « Ce mon­sieur Bas­set était un enra­gé. Le doc­teur l’avait tou­jours regar­dé comme le plus redou­table de ses chiens. »
  3. « Cette femme avait eu quatre maris et était encore neuve. »
  4. « La jolie voya­geuse vou­lait abso­lu­ment mon­ter sur le cocher. »
  5. « On ne put retrou­ver Alfred. La cui­si­nière l’avait haché dans un énorme pot à beurre. »
  6. « À peine Lucile lui eut-elle fait le singe dont ils étaient conve­nus, qu’il se hâta d’accourir. »
  7. « Alors, en enne­mis géné­reux, ils lui crièrent : Pen­dez-vous, et il ne vous sera fait aucun mal. »
  8. « Les lièvres le prirent pen­dant qu’il était à la chasse, et le menèrent si bon train qu’il en mourut. »
  9. « Cette pom­made est incom­pa­rable pour les riens. »
  10. « Le mar­quis fit entrer son plus jeune fils dans la narine. »
  11. « Il fut un des ter­ribles conqué­rants de la Pas­tille. »
  12. « Alors pas­sant ses beaux bras autour du cou son amant qui vou­lait par­tir, elle lui dit dou­ce­ment : Peste. »

Trou­vez-vous ce qu’il fal­lait lire ? Sinon, les solu­tions se trouvent plus bas.

Je publie une dizaine d’autres extraits en images.

Je ne peux garan­tir l’authenticité de chaque coquille. Les jour­naux d’alors inven­taient aisé­ment ce qui man­quait pour com­bler une colonne. Cela ne nous empêche pas d’en rire.


SOLUTIONS :

1. Oseille. — 2. Cliens (ortho­graphe d’époque). — 3. Veuve. — 4. Rocher. — 5. Caché. — 6. Signe. — 7. Ren­dez-vous. — 8. Fièvres. — 9. Reins. — 10. Marine. — 11. Bas­tille. — 12. Reste.

Expli­ca­tion de l’ex­trait publié en haut de l’article : 

« Le prote rédo­wait au Châ­teau-Rouge » : le chef d’a­te­lier dan­sait la redo­wa (danse lente à trois temps, parente de la mazur­ka) au caba­ret Au Châ­teau Rouge (situé 57, rue Galande, dans le quar­tier Mau­bert, Paris 5e). Pure calom­nie, bien sûr !

En 1954, Cavanna, jeune journaliste, découvre la correction d’épreuves

La com­mé­mo­ra­tion, dix ans après, de l’atten­tat contre Char­lie Heb­do vient de me rap­pe­ler que Fran­çois Cavan­na (1923-2014), cofon­da­teur du jour­nal (avec Georges Ber­nier, alias le pro­fes­seur Cho­ron), parle de la cor­rec­tion dans un de ses récits auto­bio­gra­phiques. En jan­vier 1954, alors qu’il est venu pro­po­ser des des­sins au maga­zine Zéro, tout juste créé par Jean Novi, il en devient rédac­teur. Le patron lui com­mande un pre­mier article, puis lui pro­pose d’en cor­ri­ger les épreuves lui-même à l’imprimerie. 

Sur place (8, rue Vicq-d’Azir, Paris 10e), « curieux comme un chiot », Cavan­na découvre le fonc­tion­ne­ment d’une lino­type (machine à com­po­ser), dont il voit sor­tir les lignes de plomb repré­sen­tant son article. Une épreuve en pla­card (sur une seule longue colonne) en est tirée. Cavan­na doit affron­ter un exer­cice nou­veau pour lui…

« Pour cor­ri­ger de l’imprimé, une bonne ortho­graphe ne suf­fit pas. Il y faut encore un œil infaillible. Sur­tout quand on cor­rige son propre texte. L’œil dis­trait voit la faute, mais le cer­veau cor­rige avant qu’elle n’arrive à la conscience parce qu’instinctivement nous sup­pri­mons ce qui nous déplaît1. Enfin, moi, ça me fait ça. Je croyais avoir été impla­cable, je m’aperçois à ma honte que j’ai lais­sé pas­ser une foule d’énormités. Mau­rice, le gars de la lino­type, m’explique :

« — Il faut que tu apprennes à oublier la phrase, juste te concen­trer sur le mot. Tu suis de la pointe du crayon, tu t’obliges à ne pen­ser à rien d’autre qu’au mot. Sur­tout, ne t’intéresse pas à ce qui est raconté !

« Pas facile. Je me gar­ga­rise de mes belles phrases, moi. J’en déguste l’enchaînement rigou­reux, l’harmonieuse envo­lée… Se voir impri­mé, ça fait quelque chose, tiens. Tant que j’y suis, je per­fec­tionne. Je m’aperçois que j’ai une ten­dance à for­cer sur l’adjectif, à enfi­ler les épi­thètes à la queue­leu­leu, comme des perles. Je biffe. Et puis, il me vient des expres­sions plus heu­reuses. Je change. Je tends les épreuves à Mau­rice, qui saute en l’air. 

« — Eh ben, dis donc, t’es pas vache avec l’ouvrier, toi. Tu te rends compte : t’as pas lais­sé dix lignes sans retouches ! Autant tout refondre, ça ira plus vite.

« Il regarde de plus près. 

« — Et presque tout en cor­rec­tions d’auteur2 ! Ah, non, là, ça ne va pas, mon petit père ! Faut que j’en parle à Gui­chard [l’un des trois asso­ciés de l’imprimerie]. Je veux bien cor­ri­ger mes coquilles, c’est réglo, rien à dire, mais si tu te mets à récrire entiè­re­ment ton pape­lard, c’est plus pos­sible, la mai­son en serait de sa poche. Et de toute façon, moi, à sept heures, je me tire.

« Tout penaud, je dis : 

« — Bon, je savais pas, moi. Laisse tom­ber les cor­rec­tions d’auteur, comme tu dis.

« — Un peu, que je les laisse tomber ! 

« Il se penche vers moi. 

« — Et ce litron, tu le paies ? 

« J’aurais pu y pen­ser tout seul. Déci­dé­ment, je n’en loupe pas une. »

Cavan­na, Bête et méchant, Bel­fond, 1981, p. 124-125.


  1. C’est pour­quoi il est pré­fé­rable de faire appel à un cor­rec­teur pro­fes­sion­nel. ↩︎
  2. C’est-à-dire des modi­fi­ca­tions par rap­port à la copie d’origine. ↩︎