Comme nous allons le voir, les ressources à la disposition du correcteur sont contradictoires sur cette question, ainsi qu’au sujet des crochets et des guillemets.
En ce qui concerne le style des parenthèses, la règle que j’ai apprise à mes débuts et que j’ai vu largement pratiquer – notamment dans la presse et dans les pièces de théâtre – est celle donnée par Louis Guéry1 :
Lorsque tous les mots à l’intérieur de la parenthèse sont en italique dans un texte en romain, les parenthèses se composent en italique, l’inverse étant vrai :
➠ Il roula sa busse (sic) jusqu’à l’entrée de la cave.
➠ C’est ce que l’on attend maintenant (à suivre).
Lorsque, à l’intérieur de la parenthèse, des mots sont composés en romain et d’autres en italique, on composera les deux parenthèses dans le caractère dominant :
➠ … (qui deviendra au fil des ans un sacré rififi).
En aucun cas, on ne composera une parenthèse en romain et l’autre en italique.
De même, dans le vieux Code typographique2, on trouvait (§§ 54, 55 et 99) les exemples suivants :
M. Valois — Je suis surpris. (Bruit.)
Il atteignit enfin le troisième étage. (À suivre.)
Nous nous rattrapperons (sic).
Quelle horreur !… (Elle recule épouvantée.)
L’ouvrage expliquait cette apparente incohérence comme suit (§ 99, p. 105) :
Les parenthèses renfermant une phrase ou une partie de phrase entièrement en italique peuvent être en italique ou en romain, mais, si le mot initial ou final est en romain, les deux parenthèses seront obligatoirement en romain3.
L’édition de 1997 ajoute, dans une rédaction modernisée (§ 150, p. 137) : « Cette règle est la même pour tout caractère d’une famille ou d’un style différent de celui du texte. » On peut en déduire que cela est valable pour le gras, usage que j’observe très rarement, mais que recommande le Québécois Guy Connolly sur son site4.
Chez Charles Gouriou, on peut lire pareillement (§ 206, p. 96) :
Les parenthèses qui encadrent un texte en italique ou en caractères gras devraient normalement5 se composer dans le même corps6 :
➠ Parbleu ! (Il sourit.) Regardez.
Il prend la peine de préciser : « Cependant, si cet usage a été régulièrement omis, on ne le rétablira pas à la correction.»
Avis divergents
En effet, certains éditeurs font un autre choix, celui que préconise notamment la Vitrine linguistique (Canada)7 :
[…] les parenthèses sont de préférence dans la même face8 que la phrase principale et non des mots mis entre parenthèses. Ainsi, dans les indications aux lecteurs, les descriptions scénographiques et les jeux de scène, les parenthèses se composent en romain, alors que le reste est en italique. Dans les renvois à d’autres sections d’un ouvrage, seul le titre ou mot faisant l’objet du renvoi est en italique ; le reste est en romain, y compris les parenthèses. Quant aux crochets, ils restent généralement en romain, que le texte soit en romain ou en italique (notons toutefois que les conventions typographiques sur les crochets ne sont pas uniformes d’un ouvrage à l’autre).
Pour Jacques Drillon, c’est le seul choix de bon sens (p. 277, § 28) :
[…] si le début de la parenthèse est en romain, et la fin en italique, il est impossible d’adopter un système cohérent… Tandis que si l’on observe la règle qui veut qu’un signe de parenthèse soit imprimé dans le corps du texte général, la difficulté tombe d’elle-même. C’est l’opinion de Jean-Pierre Colignon9 et de nombreux autres correcteurs […]
Concernant l’usage très répandu dans les journaux de mettre les citations en italique, y compris les guillemets qui les encadrent, Drillon a un avis tout aussi tranché (p. 325, § 25) :
C’est une coutume illogique, puisque les guillemets appartiennent au discours général de l’auteur, non à la partie entre guillemets.
J’ai eu un client qui suivait l’avis de Drillon, mais c’est peu courant.
Quand le correcteur est décisionnaire de ces choix typographiques, il est sans doute plus simple pour lui de laisser tous les signes de ponctuation dans le style principal du texte, qu’il s’agisse des signes isolés comme la virgule ou des signes allant par paire. Cela évite bien des hésitations.
Dans les faits, il doit le plus souvent se conformer à la marche de chaque éditeur.
J’ajouterai, cependant, qu’il est pour moi surprenant qu’aucune des sources que j’ai consultées ne mentionne la difficulté pratique que peut représenter, avec certaines polices, l’association d’un texte en italique et de parenthèses en romain. Le problème est particulièrement apparent avec le Garamond :
Il faut alors « jeter un peu de blanc » avant la parenthèse fermante, comme le recommande Lacroux (s.v. Parenthèses).
Mais, à l’ère de la PAO, rares sont les professionnels de l’édition qui se donnent encore la peine de tels réglages manuels…
☞ Lire aussi La virgule qui suit de l’italique doit-elle être en italique ?
Pour les références qui ne sont pas données dans les notes ci-dessous, voir La bibliothèque du correcteur.