C’est pour moi une découverte, après trente ans de métier : le premier manuel à l’usage des correcteurs date de 1608 – soit un siècle et demi après l’impression de la Bible à 42 lignes par Gutenberg. Nous le devons à Jérôme Hornschuch (1573-1616), qui pratiqua la correction d’épreuves comme gagne-pain tout en suivant des études de médecine. Son petit ouvrage, Orthotypographia (45 pages in‑8), a été publié à Leipzig en latin, puis traduit en allemand (l’édition allemande peut être feuilletée et téléchargée sur SLUB). « La brochure a été publiée dans de nouvelles éditions légèrement modifiées jusqu’en 1744 environ » (Eberhard Dilba).
« Livre d’érudit sourcilleux : [Hornschuch] évoque, dans un discours savant, l’histoire de l’écriture, l’invention de l’imprimerie ; il vante les qualités du correcteur, définit les dispositifs d’impression correspondant au format, énumère les signes de correction, dénonce les pièges de la composition, de la graphie, vante la bonne ponctuation, cite d’illustres modèles. Un manuel méthodique du savoir corriger » (Jean-Claude Chevalier, CNRS).
On y trouve, pour la première fois représentés, les signes utilisés par les correcteurs : « […] on sait que dès l’époque des incunables, certains signes de correction sont fixés et ont conservé jusqu’à aujourd’hui leur forme initiale (voir par exemple le deleatur) » (Rémi Jimenes, Centre d’études supérieures de la Renaissance).
« L’ouvrage comporte également une gravure, devenue célèbre, de Moses Thym représentant un atelier typographique. On y voit, à l’arrière-plan à droite, trois personnages dont l’un lit attentivement un texte et les deux autres discutent. On s’accorde à penser qu’il s’agit d’un auteur en pleine discussion avec deux correcteurs » (Dominique Varry, ENSSIB) – d’autres auteurs disent que le troisième personnage n’est pas identifié.
« Le correcteur, quand il existe, joue précisément l’interface entre l’imprimeur et l’auteur. Il demeure donc un témoin privilégié. […] Hornschuch dégage sa propre responsabilité, renvoyant dos à dos des “maîtres imprimeurs ignares et grippe-sous, [et] des auteurs négligents” » (Alain Riffaud, Sorbonne, citant J.-F. Gilmont) :
Orthotypographia a été traduit en français par Susan Baddeley, et édité avec une introduction et des notes de Jean-François Gilmont, par les Éditions des Cendres en 1997. Malheureusement, les 499 exemplaires numérotés ont vite été écoulés et il est aujourd’hui introuvable. Il est cependant consultable à la BNF.