“Par fil spécial” : être SR au début du XXe siècle

Décou­verte, chez mon libraire de quar­tier, de cette réédi­tion d’un texte de 1924, que je vais m’empresser de lire et dont voi­ci la pré­sen­ta­tion sur le site Place des libraires. 

Par fil spé­cial, comme l’in­dique son sous-titre, est le « car­net d’un secré­taire de rédac­tion ». Série d’a­nec­dotes mor­dantes et de por­traits acerbes, le livre relate avec cynisme le quo­ti­dien d’un jour­nal, La Der­nière Heure (nom­mé L’U­prême dans le livre), où André Baillon a tra­vaillé pen­dant plus de dix ans (1906 à 1920). En vingt-quatre courts cha­pitres qui sont comme autant de chro­niques, les tra­vers du monde jour­na­lis­tique, les pra­tiques dou­teuses des rédac­teurs et les incon­sé­quences du métier sont nar­rés avec force viva­ci­té et iro­nie. Pour Baillon qui a si mal vécu ses années de jour­na­lisme, c’est aus­si un moyen de mettre en évi­dence l’as­su­jet­tis­se­ment absurde des jour­na­listes à la constante et par­fois irréa­li­sable injonc­tion de la nou­velle « fraîche », à l’ur­gence des hor­loges qui tournent, à la néces­si­té du texte facile à lire, à l’o­bli­ga­tion du fait divers, à la super­fi­cia­li­té d’une écri­ture vouée à être éphé­mère. Au-delà des anec­dotes rela­tées, le livre est aus­si un for­mi­dable témoi­gnage du fonc­tion­ne­ment d’un jour­nal au début du 20e siècle, quand les machines (rota­tives, presses à épreuve, etc.) se trou­vaient à côté des bureaux de rédac­tion et que les articles s’é­cri­vaient à la main. En « écri­vain eth­no­graphe », André Baillon par­vient à dres­ser un por­trait remar­quable du jour­na­lisme, peut-être encore.

André Baillon, Par fil spé­cial. Car­net d’un secré­taire de rédac­tion, coll. « Tuta Blu », Héros-Limite, Genève, 2020, 176 p.