En Suisse romande, des tarifs de correction étonnants

"Perrette et le pot au lait" par Fragonard, vers 1770, musée Cognacq-Jay, Paris.
Per­rette et le pot au lait par Jean-Hono­ré Fra­go­nard, vers 1770, musée Cognacq-Jay, Paris.

Un article1 lu hier, datant de 2009, évo­quait le tarif des indé­pen­dants publié par l’Arci [Asso­cia­tion romande des cor­rec­trices et cor­rec­teurs d’imprimerie], qui lais­se­rait, disait-il, « les cor­rec­trices et cor­rec­teurs de France métro­po­li­taine […] bien éton­nés ». Après l’avoir décou­vert, je dirais même qu’il les lais­se­rait son­geurs — « Cha­cun songe en veillant, il n’est rien de plus doux ».

Depuis 2009, ce tarif a même lar­ge­ment aug­men­té, alors qu’en France j’entends évo­quer la même four­chette depuis vingt ans. Voi­ci ce que disait l’auteur (j’ai mis à jour les don­nées chiffrées) :

« La cor­rec­tion, en France métro­po­li­taine, relève désor­mais davan­tage du savoir sur­vivre que du savoir-vivre. Ce tarif de l’Arci se fonde […] sur un tarif horaire de [70 à 90] francs suisses pour des textes cor­ri­gibles au rythme de lec­ture angois­sée2 de 15 000 signes par heure. Soit [l’équivalent en euros3 de ou à l’heure. Plus de quatre fois ce que des bac+5 sur­vi­vant de la cor­rec­tion de ce côté du Léman […] fac­turent géné­ra­le­ment, hélas. »

En effet, on peut lire sur le site de l’Arci, frap­pé d’un éton­ne­ment plus raci­nien que moderne :

« Pour un tra­vail de dif­fi­cul­té moyenne, le tarif horaire mini­mum des indé­pen­dants se monte entre CHF 70.–/h à 90.–/h. Pour du texte de maga­zine grand public issu d’un secré­ta­riat de rédac­tion, le rythme de lec­ture est géné­ra­le­ment de 15 000 signes par heure.

« Quant aux tra­vaux plus com­plexes, il est néces­saire de déter­mi­ner le nombre de signes à l’heure. Sur la base du fichier élec­tro­nique ou des sor­ties impri­mante du texte à cor­ri­ger, un devis sera sou­mis au client.

« Le tarif aux mille signes peut faire l’objet d’une “échelle de com­plexi­té”, par exemple :

  • 100 % : tarif de base, pas trop de cor­rec­tions, uni­for­mi­sa­tion usuelle ;
  • 90 % : réim­pres­sion, texte par­ti­cu­liè­re­ment bien écrit ;
  • 110 % : nom­breuses uni­for­mi­sa­tions ou vérifications ;
  • 120 % : termes scien­ti­fiques ou jar­gon tech­nique, beau­coup de notes4. »

À 25 euros l’heure, on rêve beau­coup moins — « adieu veau, vache, cochon, couvée ».

Et ne par­lons pas des tarifs impo­sés par les mai­sons d’édition à leurs cor­rec­teurs sala­riés TAD, car là on pleure (voir le site des cor­rec­teurs du Syn­di­cat géné­ral du Livre et de la com­mu­ni­ca­tion écrite CGT).

PS – Aus­si­tôt publié, fini de rêver ! Une consœur m’in­forme en ces termes : « Ces tarifs sont dits indi­ca­tifs. Bien rares à ma connais­sance sont celles et ceux qui par­viennent à les faire appli­quer, ou même à s’en appro­cher. Le métier, de ce point de vue, n’est guère mieux consi­dé­ré en Suisse qu’en France. La com­pa­rai­son avec les tarifs fran­çais pousse à la baisse (même si ce n’est pas un cor­rec­teur fran­çais qui est fina­le­ment choi­si, la com­pa­rai­son suf­fit à faire accep­ter des tarifs – bien – plus bas que ceux pré­co­ni­sés par l’Ar­ci, laquelle n’a guère de poids dans cette affaire).
Et n’ou­blions pas un coût de la vie très dif­fé­rent5… »


  1. Jef Tom­beur, « Savoir vivre… la cor­rec­tion ortho­ty­po­gra­phique », blog Come4News, 8 novembre 2009.
  2. Allu­sion à l’ar­ticle de Sophie Bris­saud « La lec­ture angois­sée ou la mort du cor­rec­teur », Cahiers GUTen­berg, no 31, 1998, p. 38-44.
  3. Le franc suisse et l’eu­ro sont actuel­le­ment à la pari­té. Voir le site Capi­tal.
  4. Il y est aus­si ques­tion de « tra­vaux comp­tés sépa­ré­ment », de « tarif dégres­sif » et de « suppléments ».
  5. « Coût de la vie en Suisse », site Travailler-en-Suisse.ch.