
J’ai profité du premier confinement pour lire in extenso le Traité de la ponctuation française, de Jacques Drillon (Gallimard, 1991) – un vieux projet. Un ouvrage évidemment passionnant et instructif.
Dans la première partie, outre l’histoire de la ponctuation, on apprend notamment que, même dans les éditions critiques (Pléiade), la ponctuation des auteurs classiques (avant le xixe s.) est modifiée, ce qui n’est pas sans poser problème.
Dans la seconde partie, j’ai constaté avec plaisir que la plupart des nombreuses règles m’étaient acquises par la pratique de la correction et la fréquentation des écrivains.
Une règle, cependant, a retenu mon attention, car je la cherchais inconsciemment. Jamais de virgule entre le sujet et le verbe, dit le code typographique. Il y a tout de même des exceptions, que j’ai souvent rencontrées au cours de mes lectures.
« On met une virgule pour séparer les divers sujets d’un verbe (s’ils ne sont pas reliés, répétons-le, par une conjonction). Le dernier sujet est lui-même séparé du verbe par une virgule […] on peut considérer que la dernière virgule, immédiatement avant le verbe, confère à tous les sujets une valeur égale. »
« La sottise, l’erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps » — Baudelaire
« Les arbres, les eaux, les revers des fossés, les champs mûrissants, flamboient sous le resplendissement mystérieux de l’heure de Saturne » — Claudel
Cela fonctionne aussi après la dernière épithète d’un complément ou d’un sujet :
« Tout un monde lointain, absent, presque défunt, vit dans tes profondeurs, forêt aromatique » — Baudelaire
… ou après plusieurs adverbes :
« L’infirmier leur massait longuement, puissamment, les muscles des jambes […]» — Michel Mouton
Inversement, « dans une laisse de sujets dont les deux derniers sont liés par “et”, on ne met pas de virgule entre le dernier et le verbe » :
« Trop de diamants, d’or et de bonheur rayonnent aujourd’hui sur les verres de ce miroir où Monte-Cristo regarde Dantès » – Dumas
Je n’entre pas plus dans les détails – la virgule occupe plus de cent pages – et vous renvoie aux pages 165 à 176 pour ce point précis. Drillon précise que « le Code typographique » (celui de la Fédération CGC de la communication, 1989) et « certains grammairiens » désapprouvent ces exceptions. Pour ma part, je trouve là la confirmation qui me manquait. Je n’ajouterai que cette citation :
« Il arrive à la virgule d’être “facultative”. C’est alors que l’auteur se montre, et par quoi il se distingue d’un autre » (p. 150).