Le Dictionnaire de l’Académie française contient une « erreur » célèbre depuis sa 8e édition (1935) : nénuphar. Le ph ne se justifie pas étymologiquement, le mot venant de l’arabe nînûfar. Les sept éditions précédentes l’écrivaient nénufar – comme l’ont fait Balzac et Proust. Depuis 1990, la graphie nénufar est à nouveau admise par l’Académie.
Faute d’orthographe et dictionnaire sont deux notions qu’il faut absolument discuter en avant-propos.
L’orthographe française n’a été « fixée » qu’au xviie siècle et n’a, malgré tout, jamais cessé d’évoluer. L’agacement devant le non-respect de l’orthographe ne commence vraiment qu’au xixe siècle et il faut attendre 1936 pour que Paul Valéry écrive : « L’orthographe est devenue le critérium de la belle éducation1. »
Dictionnaire, lui, est un mot générique qui recouvre des réalités variées : dictionnaire de langue ou encyclopédique, général ou spécialisé, monolingue ou bilingue, d’apprentissage, etc., le tout avec des qualités variables, car les grandes maisons d’édition comme Le Robert et Larousse ne sont pas seules sur le marché.
Comme toute entreprise humaine, un dictionnaire ne peut être parfait. Même rédigé et corrigé par les maisons d’édition précitées, il contient ici ou là une erreur, au moins une incohérence.
Les incohérences se retrouvent aussi entre les différents dictionnaires, les lexicographes faisant des choix, non seulement de mots, mais aussi d’orthographe. Depuis 1990, notamment, les rectifications orthographiques sont traitées différemment d’une maison à l’autre :
Ainsi quand pour paraître et abîme, les lexicographes du Dictionnaire Hachette proposent la variante sans accent circonflexe, dans le même temps en 2005, il n’en est pas fait mention dans le Petit Robert et le Petit Larousse (Pruvost, 2006, p. 168).
Jean Pruvost rappelle aussi que :
[…] dans le Petit Larousse 2006, on proposait faseyer, fasier ou fasiller « en parlant d’une voile », ou encore fakir ou faquir, autant de variantes qui ont disparu, seule la première forme ayant survécu (p. 167).
« Vicieusement », Pruvost évoque dans un autre ouvrage2 les premiers dictionnaires de référence pour l’orthographe française, celui de Richelet (1680) et celui de Furetière (1690).
Richelet écrit ortographe et ortographïe, tandis que Furetière définit orthographier comme « Escrire correctement, & selon les loix de la Grammaire ».
C’était l’époque où l’orthographe officielle ressemblait à cela :
Pointer telle ou telle faute d’orthographe dans un dictionnaire contemporain n’aurait donc pas beaucoup d’intérêt, « chaque période de l’histoire moderne [ayant] son orthographe » (Pruvost, 2014, p. 354).
- Cité par Jean Pruvost in Les Dictionnaires français, outils d’une langue et d’une culture, 2006, p. 354.
- Le Dico des dictionnaires, 2014, p. 351.