Sous l’influence de l’anglais dedicated, le participe passé dédié à et l’adjectif dédié se sont diffusés chez nous. Un participant à un forum en a réuni quelques exemples dès 2008 :
[…] une entreprise qui se vante d’avoir des employés dédiés et compétents, un personnel dédié à la fabrication et à l’assemblage de pièces, la création d’un fonds dédié à des causes humanitaires, des ressources humaines et financières dédiées à un projet, un salon dédié aux professionnels de la vente, un forum dédié à la politique, un institut dédié à la recherche médicale, un magazine dédié aux adolescents, un hôpital dédié à la pratique exclusive d’un type de chirurgie, une association dédiée à la protection des animaux, un service de transport dédié à une clientèle touristique, un festival dédié à la danse créative, etc.
Le site La Langue française résume bien la situation :
Apparu depuis le début des années 2000, l’usage abusif du participe passé « dédié à » et de « dédié » en tant qu’adjectif s’est progressivement répandu avec une très forte accélération ces dernières années. On le retrouve fréquemment à la radio, dans la presse écrite, ou sur les sites internet des administrations, des entreprises, des associations, etc.
Cela a d’abord concerné l’électronique et l’informatique. Voir l’entrée du Grand Robert :
Anglic. (électron., inform.). Réservé et affecté à un usage particulier. « La plupart des fournisseurs, y compris les prestataires sans abonnement, réservent à leurs abonnés un espace dédié à leurs propres publications » (le Monde, 17 nov. 1999, p. 3). — (Sans compl.). Un équipement dédié, conçu pour un type d’utilisation.
ou celle du Larousse :
En parlant d’un système informatique, être confiné à un ensemble de tâches fixé à l’avance.
La Vitrine linguistique conclut :
[…] ce sens est aujourd’hui enregistré dans les dictionnaires et il semble qu’il soit maintenant trop tard pour éviter l’emprunt dans ce domaine.
Sur son blog, Forator parle de « mutation sémantique ». En effet, rappelons qu’en français, dédier, c’est (selon l’Académie) :
- RELIGION. Consacrer au culte divin. Dédier un autel, une église. Spécialement. Mettre sous l’invocation d’une divinité, d’un saint. Un temple dédié à Apollon. Une chapelle dédiée à la Vierge.
- Mettre une œuvre sous le patronage de quelqu’un par une épître liminaire ou par une inscription. Un ouvrage dédié au roi. Il lui a dédié cette gravure.
- Faire hommage d’une œuvre à quelqu’un en imprimant son nom en tête de l’ouvrage. Dédier son livre à un maître, à un ami.
- Fig. et litt. Consacrer. Dédier sa vie à la poésie, à la science. Dédier ses efforts au relèvement de la patrie.
L’adjectif dédié n’existait pas.
Des solutions
Remplacer dédié à par consacré à et dédié par spécifique — ce sont généralement les premières idées qui me viennent — suffit rarement. Pour les correcteurs en panne d’inspiration (dont je suis souvent), j’ai réuni ici, en vrac, d’autres solutions. Je laisse à chacun le soin de choisir celle qui convient au cas qui l’occupe.
Pour exprimer la spécificité
(entièrement/exclusivement) réservé à / destiné à / affecté à
dévolu à / voué à / spécialisé dans / prévu pour
ad hoc, spécialement adapté/conçu/constitué/créé pour
spécialisé, exclusif
pour, à l’intention de, sur, ayant pour but de
approprié, attitré, personnel
spécialement chargé de, spécial
réservé à un usage particulier / à cet usage / à cet effet
qui sert / peut servir uniquement/exclusivement à
qui ne sert qu’à / qui ne sert à rien d’autre
à usage unique / mono-usage
dont c’est le travail/l’utilité/l’objet/l’objectif… unique/exclusif
(sommes) allouées pour / attribuées pour / accordées pour
Pour un service ou une personne
NB — Dédié appliqué aux personnes est un usage québécois (critiqué aussi là-bas), encore peu répandu en France.
dévoué, zélé, consciencieux, sérieux
enthousiaste, convaincu
chargé uniquement/exclusivement de / qui ne fait que
qui ne fait / ne s’occupe / n’est chargé de rien d’autre
dont c’est l’unique tâche/responsabilité
à plein temps (qui ne fait rien d’autre)
libre de toute autre attribution/fonction/responsabilité
qui se consacre exclusivement à / s’occupe exclusivement de / qui consacre tout son temps à / axé exclusivement sur
qui sert uniquement à / qui a pour unique mission/tâche/utilité/fonction… de
dont les (grandes) valeurs sont
qui a fait le vœu de / a promis / s’est promis de / s’est engagé à / qui se consacre / est voué à
qui s’occupe uniquement de / s’intéresse exclusivement à
consacré/affecté (uniquement/exclusivement) à
qui travaille uniquement/exclusivement pour
dont les activités portent (essentiellement/principalement/exclusivement) sur
décidé/résolu/déterminé à
Enfin, notons que dédié à est parfois tout simplement inutile :
Un espace dédié à l’accueil est un espace d’accueil.
Un espace dédié à l’exposition de toiles de Picasso est un espace où sont exposées des toiles de Picasso.
Sources :
« La mutation sémantique du verbe “dédier” », La Grammaire de Forator, 9 juin 2014. Consulté le 20 mars 2024.
« Le bon usage de “dédié à” et “dédié” en français », La Langue française. Mis à jour le 8 mars 2023. Consulté le 20 mars 2024.
« Emploi déconseillé de l’emprunt dédié », Vitrine linguistique. Consulté le 20 mars 2024.
Message de Denis Normand, 31 août 2008, forum Français notre belle langue. Consulté le 20 mars 2024.
Tesorix. Le sacamalix des traduxeurs et des traductrix (PDF). Sans date. Consulté le 20 mars 2024.