Quel est le lien entre Charles Baudelaire, Albert Camus, René Goscinny, Alexandre Vialatte et Paul Léautaud1 ? Ils ont tous été secrétaires de rédaction.
Mais quelle est cette profession, méconnue du grand public comme des étudiants en journalisme ? Métier de l’ombre comme celui de correcteur, sur lequel je m’exprime si souvent.
« Le terme de “secrétaire” s’emploie ici dans son sens ancien qui désigne une personne employée dans un bureau et chargée de l’organisation. […]
Un ou une secrétaire de rédaction est, dans la presse écrite, un ou une journaliste dont la fonction est de travailler à la lisibilité des textes qui vont être publiés. […]
On a coutume de dire que l’enquêteur rédige l’article brut tandis que le secrétaire de rédaction rédige la page imprimée » — Wikipédia.
La fiche de l’Onisep décrit assez précisément la variété des tâches :
« […] Travaillant surtout en bout de chaîne, il se charge de la vérification et de la mise en forme de l’information. Sous la direction du rédacteur en chef, il veille à la hiérarchisation des infos (articles, photos, etc.). Il presse les rédacteurs retardataires, puis relit attentivement leurs sujets, à l’affût de la moindre erreur : structure de l’article, style, fautes d’orthographe ou de syntaxe. Critique, il veille à la clarté et à la cohérence du propos. Il peut remanier un article mal construit, couper un papier trop long pour tenir dans la page montée ou, au contraire, l’allonger. Il s’occupe aussi des titres, des légendes, plus globalement de tout ce qui peut relancer l’attention du lecteur.
En collaboration avec le graphiste, parfois seul, il veille à la mise en pages et suit la phase de fabrication. Doté d’une parfaite orthographe et d’une solide culture générale, le secrétaire de rédaction maîtrise les logiciels de PAO (publication assistée par ordinateur) type XPress ou InDesign. »
Une fonction souvent externalisée
Mais la fonction évolue, comme partout :
« […] il arrive de plus en plus souvent que ce rôle soit attribué à un prestataire externe, appelé SR freelance (ou […] indépendant). Particulièrement quand les entreprises n’ont pas de besoins suffisants en interne pour une embauche à temps plein, ou qu’elles n’en ont pas les moyens. […]
Son travail est d’autant plus approfondi que son client va lui demander de réaliser toutes les missions qui lui incombent, à l’étape de relecture finale. Il […] travaille souvent sous pression pour rendre son travail dans les délais impartis et garantir la qualité de la publication confiée » — Corévi2.
« Dans leur relecture d’article, les secrétaires de rédaction doivent se poser toutes les questions que se posera le lectorat, et surtout trouver la réponse à toutes celles que le lectorat ne doit pas se poser (imprécisions, incohérences, invraisemblances, etc.). En tant qu’ultimes journalistes à intervenir sur le journal, c’est la responsabilité des secrétaires de rédaction qui est engagée si un titre ou une photo ne correspond pas à un article, ou si une légende photo contient le nom d’une autre personnalité que celle qui est représentée » — Wikipédia.
« Le but de notre métier, explique Camille, c’est de faire en sorte que tous soient satisfaits du résultat final. Il faut se mettre à la place du rédacteur, corriger ses fautes en respectant son style, reprendre sans déformer, apporter des précisions lorsqu’il en manque, et veiller à produire un article clair et lisible pour le lectorat. C’est un ouvrage de dentellière : il faut reprendre, dénouer les nœuds, raccommoder, sans que rien ne puisse se voir » — Est-Actu3.
À lire en complément, une longue enquête, un éloge lyrique et un roman satirique :
- Amel Zaki, « Dans la fabrique de l’information. Les journalistes de l’ombre », EPJT, s.d. [2021 ?].
- « Le secrétaire de rédaction, un tonton flingué ? », Callisens, s.d.
- André Baillon, Par fil spécial. Carnet d’un secrétaire de rédaction, Rieder, 1924 ; Héros-Limite, 2020.
☞ Sur mon blog, lire aussi, notamment, Ce que la PAO a changé au métier de correcteur.
Les articles cités ont été consultés le 29 janvier 2023.
- On peut y ajouter Philippe Gildas, Florence Aubenas et, me souffle-t-on, François Cavanna et Michel Boujut.
- Nellie Tournaud, « Qu’est-ce qu’un secrétaire de rédaction et quelle différence avec un correcteur indépendant ? », Corévi, 27 décembre 2017.
- « Coulisses du Médialibre jour 4 : les secrétaires de rédaction, ces artisans de la perfection », Est-Actu, 17 décembre 2020.