Dans un article de 2016 paru dans la NRF, Michel Crépu évoque « la Correspondance échangée entre Marcel Proust et Jacques Rivière entre 1914 et 1922 (Gallimard), c’est-à-dire au moment même où la Recherche trouve sa forme définitive ». Il commente :
« On peut dire, sans exagérer, que c’est à la sainte patience de Rivière que l’on doit de lire aujourd’hui la Recherche. Suivre le dédale des recommandations, des repentirs de l’illustre écrivain, c’est un peu comme s’enfoncer dans la jungle de Bornéo sans avoir prévu de boussole. […] Il n’est guère que Joyce pour avoir surpassé Proust dans l’art de rendre cinglé le pauvre correcteur. […]
« Tout cela n’aurait aucun intérêt, ou ne concernerait que les scientifiques de la génétique textuelle si au contraire on ne se trouvait embarqué dans un voyage qui est le voyage même de la littérature. C’est parce que Proust réécrit à Rivière la millième correction d’épreuves (en lui demandant de considérer qu’il ne s’agit là que d’un « manuscrit » – crise cardiaque) que la Recherche devient ce vaisseau inimaginable et propre à enchanter le cœur humain. »
Michel Crépu, « L’irrésistible petite santé du livre », La Nouvelle Revue Française (NRF), 17 mars 2016.
Marcel Proust et Jacques Rivière, Correspondance (1914-1922). Édition de Philip Kolb. Préface de Jean Mouton. Nouv. éd. augm. et corr. Coll. Blanche, Gallimard, 1976.
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