Pourquoi les enfans étaient-ils obéissans en 18201 ? Pourquoi le Journal des Savans écrivait-il son titre ainsi en 1817 ? Pourquoi les Talens lyriques, ensemble baroque de Christophe Rousset, ont-ils gardé, de nos jours, cette étrange orthographe ?
C’est le résultat d’un choix de l’Académie française. En 1740, elle a décidé de supprimer le t au pluriel des mots finissant par ent ou ant, avant de le rétablir en 1835.
Ainsi, en 1718, elle écrivait scavants, en 1740, savans et, en 1835, savants. De même, tourments (1718), tourmens (1740), tourments (1835)2.
Voici ce qu’en dit Nina Catach, historienne de la langue3 :
« Une autre réforme, qui touchait également un vaste secteur de marques morphologiques, a été en 1835 l’adoption définitive de la même forme au singulier et au pluriel des noms, adjectifs et participes présents en ant, ent (enfants, présents, aimants, au lieu de enfans, présens, aimans). L’Académie avait toujours hésité sur ce point, adoptant ants en 1694, puis ans, ens en 1740, après de nombreuses décisions contradictoires. Cette réforme, comme la précédente, souleva des tollés dans l’opinion conservatrice, et certains écrivains, comme Ch. Nodier, ou Chateaubriand, s’obstinèrent longtemps à écrire sans t les participes présents et mots assimilés (Journal des Savans). »
La réforme de 1835 « donna au français son visage contemporain ».
Avant 1835 : Ma foi, je connois le françois & les savans, les dents de mes parens, &c.
Après 1835 : Ma foi, je connais le français et les savants, les dents de mes parents, etc.
Le linguiste Ferdinand Brunot écrivit, en 1905, qu’« après l’édition de 1835, il ne resta que l’innocente protestation des Débats et de la Revue des Deux-Mondes, obstinés à écrire prenans au lieu de prenants, pour rappeler un temps où chacun écrivait à son gré, sans passer pour un homme dépourvu d’éducation »4.
- Alphabet des enfans obeissans. Ou Tableau des défauts dont les enfans peuvent se corriger par la soumission avec 14 jolis sujets de gravure, 2e éd., Paris, À la librairie d’education d’Alexis Eymery, 1820. ↩︎
- On peut parcourir gratuitement, en ligne, les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie. ↩︎
- L’Orthographe, « Que sais-je ? », PUF, 1978, p. 40–41. ↩︎
- « Réforme de l’orthographe française de 1835 », Wikipédia. Consulté le 1er juillet 2024. ↩︎