Constructions multiples du verbe “irradier”

Le ciel irradie ou la lumière irradie le ciel.
Le ciel irra­die ou la lumière irra­die le ciel… Image par lin2015 de Pixa­bay.

« De la lampe irra­diait une faible lueur. Le poêle irra­diait une douce cha­leur. L’amour de Paul irra­diait vers Jeanne. Elle irra­diait de bon­heur. Un sou­rire irra­diait son visage. La cha­leur des amants s’ir­ra­diait dans la pièce. Une lumière rose irra­diait le ciel. Bien­tôt, la nuit tout entière irradiait… »

Dans ce — modeste — essai de romance, les phrases sont toutes cor­rectes. En effet, les dif­fé­rents sens du verbe irra­dier rendent ses construc­tions multiples.

En tant que cor­rec­teur, on peut par­fois dou­ter de celle qui convient. Pour y voir plus clair, j’ai réuni ici de nom­breux exemples, tels que je les ai trou­vés dans les dif­fé­rents dictionnaires.

À l’origine, irra­dier est un verbe intran­si­tif signi­fiant « émettre, répandre un rayon­ne­ment à par­tir d’un centre ». Par exten­sion, on peut l’employer pour par­ler du lieu où se pro­page ce rayonnement.

La lumière irra­die.
Le ciel irra­die
(ou s’irradie).
[…] la nuit tout entière irra­diait (Gene­voix).
Cha­leur irra­diant len­te­ment.
Des fibres ner­veuses irra­dient
(ou s’irradient) (sont dis­po­sées comme des rayons par­tant d’un centre).
On sent irra­dier […] / Quelque par­fum har­di […] (Noailles).

Avec un com­plé­ment de lieu :
Les rayons lumi­neux irra­dient (ou s’irradient) de tous côtés.
La lumière irra­die du métal en fusion.
La dou­leur irra­die vers les régions éloi­gnées du point lésé.
La dou­leur irra­die
(ou s’irradie) dans toute la jambe.
La cha­leur irra­die
(ou s’irradie) dans la pièce.
Reli­gion qui a irra­dié en France.
Des pro­grès nou­veaux qui s’irradient peu à peu des foyers où ils sont nés
[…] (Dur­kheim).

Avec un com­plé­ment d’objet direct :
La lampe irra­diait une faible lueur.
La lune irra­die une pâle lumière.
La lumière rose irra­die le ciel cré­pus­cu­laire.

Un phare puis­sant irra­die le ciel.
Le ciel irra­diait une lumière dorée.
Le poêle irra­die une douce cha­leur.
[…] les cen­taines de mille lampes vol­taïques irra­dient des étin­celles mauves ou roses (Morand).
Un sou­rire irra­die sa face.

Per­sonne ou émo­tion qui irra­die :
Irra­dier la bon­té, l’intelligence.
Elle irra­die le bon­heur
.
Il irra­diait la paix autour de lui […] (Huys­mans).
Son enthou­siasme irra­die autour de lui.
La joie irra­diait sur son visage.
Son visage s’irradia de joie.
[… l’amour] irra­die vers la per­sonne aimée (Proust).

Au sens de « sou­mettre à des radia­tions » :
Irra­dier une tumeur can­cé­reuse.
On irra­die des sub­stances pour les conserver.

Sources : Aca­dé­mie, Giro­det, Hanse et Blam­pain, Ency­clo­pé­die du bon fran­çais, Le Grand Robert, TLF (voir La biblio­thèque du cor­rec­teur).

Une découverte : l’“Encyclopédie du bon français” de Paul Dupré

"Encyclopédie du bon français dans l'usage contemporain", P. Dupré [dir.]. Paris, éd. de Trévise, 1972.
Ency­clo­pé­die du bon fran­çais dans l’u­sage contem­po­rain, P. Dupré [dir.]. Paris, éd. de Tré­vise, 1972.

Je viens d’ac­qué­rir, à petit prix, cette Ency­clo­pé­die du bon fran­çais dans l’u­sage contem­po­rain, publiée à Paris en 1972 (P. Dupré [dir.]. comi­té de rédac­tion sous la pré­si­dence de Fer­nand Kel­ler, avec la col­la­bo­ra­tion de Jean Bata­ny, éd. de Tré­vise1, 3 vol., LXIV-2 716 p.). C’est à l’oc­ca­sion de ma recherche pour l’ar­ticle « Depuis quand met-on des traits d’union aux noms de voies ? » que j’ai décou­vert son exis­tence2.

Mécon­nue aujourd’­hui, elle figure pour­tant dans les col­lec­tions de plus de qua­rante biblio­thèques uni­ver­si­taires fran­çaises3 et on la trouve citée par l’A­ca­dé­mie (qui la dit encore, un demi-siècle plus tard, « excel­lente4 » et « riche d’enseignement[s]5 »), par Le Bon Usage6, par le Tré­sor de la langue fran­çaise7 , par Le Grand Robert8 et par le blog Par­ler fran­çais9.

Il est pro­bable que Paul Dupré soit le pseu­do­nyme de Paul Wink­ler (1898-1982), qui fon­da les édi­tions de Tré­vise en 1957. À Paris, dans les années vingt, Wink­ler rédi­gea sous le nom de Paul Van­dor des articles des­ti­nés aux émi­grés hon­grois. Et lors de la Seconde Guerre mon­diale, exi­lé aux États-Unis, il cosi­gna avec Bet­ty Wink­ler, sa femme, sous les pseu­do­nymes d’Anne et Paul Dupre, le roman Paris-Under­ground, ins­pi­ré des actes de résis­tance d’Etta Shi­ber dans la France occu­pée10.

Je n’ai, pour l’ins­tant, trou­vé aucune infor­ma­tion sur Fer­nand Kel­ler (un autre pseu­do­nyme de Paul Wink­ler ?). Le duo Dupré-Kel­ler avait pré­cé­dem­ment signé une Ency­clo­pé­die des cita­tions (éd. de Tré­vise, 1959, 704 p.).

Jean Bata­ny (1928-201211), lui, est décrit en page de titre comme « agré­gé des lettres, char­gé d’enseignement de langue fran­çaise à l’université de Tours12 ». Par­mi les huit autres col­la­bo­ra­teurs, je retiens les noms de Jean-Paul Colin, qui avait déjà publié son propre Nou­veau dic­tion­naire des dif­fi­cul­tés du fran­çais13 deux ans plus tôt, et du lin­guiste Michel Arri­vé, dont la Gram­maire d’aujourd’hui14 est réputée.

Une œuvre utile et originale

Quelle est l’o­ri­gi­na­li­té de cette ency­clo­pé­die de langue fran­çaise, regrou­pant près de 10 000 articles clas­sés alpha­bé­ti­que­ment ? Pour cha­cune de ces dif­fi­cul­tés, sub­ti­li­tés, com­plexi­tés, sin­gu­la­ri­tés, elle donne, si néces­saire, l’opinion de cinq dic­tion­naires d’u­sage : celui de l’Académie (8e éd., 1935), le Lit­tré (éd. de 1883), le Dic­tion­naire géné­ral de la langue fran­çaise, de Hatz­feld, Dar­mes­te­ter et Tho­mas (1900, « de nos jours trop oublié15 »), le Grand Robert et le Grand Larousse ency­clo­pé­dique (tous deux de 1964). De plus, elle réunit les avis de « plus de cin­quante gram­mai­riens et lin­guistes, […] du puriste le plus intran­si­geant au laxiste le plus tolérant ».

Je ne cite que des noms qui parlent encore au cor­rec­teur d’aujourd’hui : Mau­rice Gre­visse, Joseph Hanse, Adolphe V. Tho­mas, Albert Dop­pagne, mais aus­si Étiemble, Albert Dau­zat, Robert Le Bidois, Fer­di­nand Bru­not, Antoine Alba­lat, Abel Her­mant, André Thé­rive et beau­coup d’autres. En tout, 76 ouvrages ont été dépouillés systématiquement.

La seconde par­tie de l’ar­ticle, impri­mée dans un carac­tère dif­fé­rent, expose la conclu­sion de l’é­quipe rédac­tion­nelle. Cette « méthode […] per­met de faire le tour de la ques­tion, d’entendre les divers sons de cloche, et se créer une opi­nion personnelle ».

Je note une curio­si­té édi­to­riale : cet ouvrage semble avoir été publié la même année sous des reliures de nom­breuses cou­leurs : crème (la mienne, même si elle semble plu­tôt grise sur l’i­mage), rouge, brun clair, mar­ron, gris, bleu fon­cé, dif­fé­rents tons de vert.

À sa sor­tie, l’Ency­clo­pé­die du bon fran­çais a reçu une bonne cri­tique dans la revue belge de tra­duc­tion Équi­va­lences :

En plus de la masse d’information[s] pré­cieuses qu’[elle] recense et que seule
une fré­quen­ta­tion régu­lière per­met d’ap­pré­cier plei­ne­ment, deux qua­li­tés
essen­tielles nous incitent à recom­man­der tout par­ti­cu­liè­re­ment l’ac­qui­si­tion de
la pré­sente Ency­clo­pé­die : tout d’a­bord la clar­té tant de l’ex­po­sé que de la
pré­sen­ta­tion typo­gra­phique
, clar­té qui rend la consul­ta­tion rapide et agréable ; et ensuite une objec­ti­vi­té mar­quée au coin de la mesure et du bon sens, à égale dis­tance du pédan­tisme des aris­tarques et du laxisme des nova­teurs incon­si­dé­rés16.

L’au­teur de ces lignes (William Pichal) est per­sua­dé que « [c]ette ini­tia­tive sera accueillie avec faveur tant par [ses] confrères en tra­duc­tion que par [ses] col­lègues ensei­gnants ». En fait, mal­gré son uti­li­té et son ori­gi­na­li­té, cet ouvrage n’a jamais été réédi­té. « Nous n’a­vons pas la pré­ten­tion […] d’a­voir fait une œuvre aere per­en­nius17, comme disait le poète latin », recon­nais­sait Fer­nand Kel­ler dans l’in­tro­duc­tion. J’ai bien peur que le temps lui en ait don­né confirmation.

Article mis à jour le 19 mars 2025.


  1. Mai­son, aujourd’­hui dis­pa­rue, qui a publié aus­si Anne Golon et la série des Angé­lique. Infor­ma­tion don­née par un site consa­cré à Juliette Ben­zo­ni. Consul­té le 13 mars 2025. ↩︎
  2. Dans l’ar­ticle « Trait d’u­nion » de Wiki­pé­dia. Consul­té le 4 mars 2025. ↩︎
  3. Voir le cata­logue Sudoc. Consul­té le 12 mars 2025. ↩︎
  4. Réponse à Mathieu K. (Orléans), le 4 juillet 2024. Consul­tée le 13 mars 2025. ↩︎
  5. Réponse à Jean-Loup (Alle­magne), le 7 mars 2024. Consul­tée le 13 mars 2025. ↩︎
  6. De Mau­rice Gre­visse et André Goosse, De Boeck Ducu­lot, 14e éd., 2007, p. 1537. ↩︎
  7. Voir « Études fré­quem­ment citées » (PDF). ↩︎
  8. Voir « Dupré (Paul) » dans la rubrique Auteurs de l’é­di­tion numé­rique. Consul­tée le 13 mars 2025. ↩︎
  9. Voir « Sources biblio­gra­phiques ». Consul­té le 13 mars 2025. ↩︎
  10. Je dois cette trou­vaille à mon amie Karine Cha­dey­ron, fine détec­tive, que je remer­cie. Lire l’ar­ticle « Two friends defied the Nazis. Then one woman ‘wrote’ a book that betrayed the other », par Andrew Silow-Car­roll, The Times of Israel, 12 mars 2025. Voir aus­si le por­trait de Paul Wink­ler sur le site Walt Dis­ney Archives et consul­ter The Pro­ject Guten­berg eBook of U.S. Copy­right Rene­wals, 1971 Janua­ry - June, s.v. « Shi­ber, Etta ». ↩︎
  11. Notice de per­sonne, cata­logue géné­ral de la BnF. ↩︎
  12. Il faut aus­si un « médié­viste éclec­tique et fécond ». Voir Pao­la Cifa­rel­li, « Aa. Vv., Remem­brances et Resve­ries. Hom­mage à Jean Bata­ny », Stu­di Fran­ce­si, 154 (LII | I) | 2008, p. 164-165. ↩︎
  13. Voir La biblio­thèque du cor­rec­teur. ↩︎
  14. Avec Fran­çoise Gadet et Michel Gal­miche, Flam­ma­rion, 1986. ↩︎
  15. « Le Dic­tion­naire géné­ral de la langue fran­çaise est de nos jours trop oublié, parce qu’il est trop en avant à l’égard de son époque : c’est le Petit Robert de l’aube du XXe siècle », selon Gio­van­ni Doto­li, qui lui a consa­cré une étude en 2013 (Le Dic­tion­naire géné­ral de la langue fran­çaise. Une grande révo­lu­tion, Her­mann, 140 p.). ↩︎
  16. Équi­va­lences, 1973, no 4-1, p. 41. ↩︎
  17. « Plus durable que l’ai­rain », Horace (Odes, liv. III, ode XXX, v. 1 — v. Nénu­far). En 1972, on pou­vait encore citer un poète latin sans le tra­duire. ↩︎

Comment une enseigne débutant par “chez” s’intègre à une phrase

Restaurant Chez Vincent, rue des Dominicains, Bruxelles, début 20e. Photographie. Archives de la Ville de Bruxelles.
Res­tau­rant Chez Vincent, rue des Domi­ni­cains, à Bruxelles. Pho­to­gra­phie, début xxe. Archives de la Ville de Bruxelles. Source : Ville de Bruxelles (Face­book).

J’ai ter­mi­né l’article pré­cé­dent sur deux exemples où l’enseigne com­men­çait par une pré­po­si­tion : Chez Cha­blin et Au Ren­dez-vous des Che­mi­nots. Le cas est fré­quent. Comme l’écrit Alain Fron­tier1, « la pré­po­si­tion à […] fait [de l’en­seigne] un com­plé­ment cir­cons­tan­ciel de lieu : Au ren­dez-vous des pêcheurs ; le syn­tagme pré­po­si­tion­nel est déjà tout prêt à être inté­gré dans l’é­non­cé que le limo­na­dier sou­haite que pro­duise son des­ti­na­taire (c’est-à-dire l’é­ven­tuel client) : Allons boire un verre au Ren­dez-vous des pêcheurs… ».

Nous avons vu, dans l’ar­ticle pré­cé­dent, que chez Zola l’en­seigne Au Bon­heur des Dames, quand elle est inté­grée à la phrase, passe en romain et perd sa pré­po­si­tion d’o­ri­gine : « le Bon­heur des Dames », « du Bon­heur des Dames », « au Bon­heur des Dames ». C’est ain­si qu’on parle natu­rel­le­ment et donc qu’on écrit. (Les gram­mai­riens ajou­te­raient que, dans dîner chez ou aller à, la pré­po­si­tion est régie par le verbe.)

Sur son blog2, le cor­rec­teur Sté­phane Lamek liste trois enseignes : « Le café Chez Jules, le res­tau­rant À la Table ronde, l’Hôtel de la clé d’or », qu’il glisse ensuite dans une phrase, en sui­vant les règles pres­crites : « Nous avons bu un soda chez Jules, nous avons man­gé à la Table-Ronde, nous avons dor­mi à la Clé-d’Or. »

Chez Jules ? Quel Jules ?

Les deux der­niers exemples, équi­va­lents à celui du Bon­heur des Dames, ne pré­sentent aucune dif­fi­cul­té. Mais l’é­non­cé « Nous avons bu un café chez Jules » n’est-il pas (ou ne risque-t-il pas d’être) ambigu ?

Bien sûr, quand l’en­seigne est, comme ici, com­po­sée de la pré­po­si­tion chez sui­vie d’un pré­nom, le contexte per­met, le plus sou­vent, de déci­der de quel lieu il s’a­git : par exemple, si « dîner chez Colette » signi­fie être invi­té à la table de la célèbre écri­vaine ou se rendre au res­tau­rant Chez Colette.

De même, si un Lyon­nais vous pro­pose de « dîner chez Georges », il y a de fortes chances qu’il pense vous emme­ner à la célèbre Bras­se­rie Georges (ou bras­se­rie Georges)3. Mais il pour­rait éga­le­ment son­ger au Petit Bou­chon « Chez Georges »4. L’am­bi­guï­té fait par­tie de la vie quotidienne.

Les noms de famille, sur­tout pres­ti­gieux (dîner chez Ledoyer, chez Las­serre, chez Drouant…), sont moins sus­cep­tibles d’oc­ca­sion­ner un doute.

L’i­déal est, évi­dem­ment, de pré­ci­ser sa pen­sée, comme le fait Georges Per­ec dans La Vie mode d’emploi (ch. VIII) : « […] même son petit déjeu­ner, il pré­fé­rait aller le prendre chez Riri, le tabac du coin de la rue Jadin et de la rue de Cha­zelles5. »

Des cas plus épineux

Mais des confrères m’ont récem­ment sou­mis des cas plus épi­neux, tirés de romans. Dans le pre­mier cas, l’auteur avait choi­si d’é­crire « dîner Chez Papa » (enseigne de res­tau­rants pari­siens de cui­sine du Sud-Ouest6). On ne peut écrire « dîner chez Papa » sans ris­quer l’am­bi­guï­té. (L’op­tion « dîner chez Papa » me paraît à peine plus com­pré­hen­sible.) Donc soit on sug­gère à l’au­teur de refor­mu­ler par « dîner au res­tau­rant Chez Papa » (mais ce n’est sans doute pas son sou­hait), soit on admet la capi­tale à chez.

Le second roman conte­nait nombre d’occurrences d’un bar nom­mé Chez Char­lie. L’auteur écri­vait de ses per­son­nages : « ils vont chez Char­lie », se donnent ren­dez-vous chez Char­lie », « passent der­rière chez Char­lie », etc. On peut l’admettre aisé­ment si Char­lie est le patron du bar où ils ont leurs habi­tudes. Mais ce n’était pas le cas. J’ai donc recom­man­dé d’écrire « Chez Char­lie ». Ain­si, on sup­prime l’ambiguïté7.

Voi­ci un exemple équi­valent dans un roman récent8 :

Phrase tirée d'un roman de 2023 : "Vendredi soir, il avait invité Claire à dîner Chez Vincent (avec une capitale à "chez"), la pizzeria chic du quartier."

Autre exemple, cette fois signé de Michel Houel­le­becq (et en ita­lique) : « […] ils s’ar­rê­tèrent pour boire quelque chose Chez Claude, rue du Châ­teau-des-Ren­tiers, qui devait plus tard deve­nir leur café habi­tuel […]9 »

L’en­seigne est glis­sée sans chi­chi dans la phrase. On com­prend aus­si­tôt de quoi il s’a­git. Nombre d’auteurs aiment ain­si bous­cu­ler la syn­taxe avec un titre d’œuvre ou un nom d’enseigne.

Souci d’exactitude

C’est une pra­tique obser­vable sur­tout dans des textes où le res­pect de l’in­té­gri­té de l’en­seigne est impor­tant : livres d’his­toire, guides tou­ris­tiques, mes­sages publi­ci­taires (ache­ter un bou­quet Au Nom de la Rose10). Ain­si, dans Le Roman de Bruxelles11, on peut lire, à pro­pos de Jacques Brel :

Extrait du "Roman de Bruxelles" de José-Alain Fralon (2008), où il apparaît "il dîne Chez Vincent" (enseigne entièrement en italique) puis "emmener sa tribu Aux Armes de Bruxelles" (enseigne entièrement en italique).

La pré­po­si­tion est inté­grée à l’en­seigne, c’est un fait. Est-ce vrai­ment gênant de l’y lais­ser, quand c’est la meilleure solu­tion ? La capi­tale, asso­ciée ou non à l’i­ta­lique, guide la lec­ture. De même, on dis­tingue sans pro­blème « par­cou­rir le monde » de « par­cou­rir Le Monde » ou « lire sur la route » de « lire Sur la route ». L’enseigne, comme le titre d’œuvre, est à lire d’un bloc.


  1. La Gram­maire du fran­çais, Belin, 1997, p. 345. ↩︎
  2. « Les noms des entre­prises, des admi­nis­tra­tions, etc. », Ortho­ty­po­gra­phie. Règles de typo­gra­phie fran­çaise [en ligne]. Consul­té le 21 février 2025. ↩︎
  3. Ins­ti­tu­tion fon­dée en 1836, située à Per­rache et fami­liè­re­ment appe­lée « la Georges ». Site offi­ciel : Bras­se­rie Georges. ↩︎
  4. « Lyon 1er. Au Petit Bou­chon Chez Georges, un des meilleurs ! », La Tri­bune de Lyon, 30 sep­tembre 2021 [en ligne]. Consul­té le 21 février 2025. ↩︎
  5. Pré­ci­sons tout de même que cet énon­cé laisse dans l’in­cer­ti­tude quant à l’en­seigne réelle : Riri (ou Hen­ri) peut n’être que le pré­nom du patron. ↩︎
  6. Site offi­ciel : Chez Papa. ↩︎
  7. On peut même ima­gi­ner un récit où les per­son­nages iraient tan­tôt chez Char­lie (à son domi­cile), tan­tôt Chez Char­lie (à son bar). ↩︎
  8. Gilles Vincent, Beso de la muerte, Les édi­tions du 38, 2023, ch. 7 [livre numé­rique]. ↩︎
  9. La Carte et le Ter­ri­toire, Flam­ma­rion, 2010, p. 111. Je dois cet exemple et celui de Per­ec à une dis­cus­sion de 2010 sur le forum abclf. ↩︎
  10. Fran­chise de fleu­ristes spé­cia­li­sés dans cette fleur. Site offi­ciel : Au Nom de la Rose. ↩︎
  11. José-Alain Fra­lon, éd. du Rocher, 2008. ↩︎

“Moquer quelqu’un”, retour de l’emploi transitif

Extrait de l’en­tre­tien « Tho­mas Clerc : “Avec ce livre, je fais de la socio­lo­gie tor­due” », Media­part, 7 sep­tembre 2024.

Le retour en grâce de l’emploi tran­si­tif du verbe moquer me sur­pre­nait depuis quelque temps et j’a­vais ten­dance à y voir une influence de l’an­glais1. J’ai enfin pris le temps de l’étudier.

Le Grand Robert fait le même constat :

REM. Cet emploi tran­si­tif n’est pas signa­lé par l’A­ca­dé­mie (8e éd., 1935). Lit­tré notait, au siècle der­nier : « On ne dit pas moquer qqn ; mais on dit être moqué par qqn. L’an­cienne langue employait régu­liè­re­ment l’ac­tif ». De nos jours, on constate, dans la langue lit­té­raire du moins, un retour à l’an­cien usage.

Dans sa 9e édi­tion, le Dic­tion­naire de l’Académie lui redonne toute sa place :

I. Verbe tran­si­tif.
Railler, tour­ner en déri­sion, en ridi­cule, rire de. Moquer un cama­rade. Moquer une ins­ti­tu­tion, une tra­di­tion. Il a été cruel­le­ment moqué. Si vous en usez comme cela, vous vous ferez moquer de vous ou, sim­ple­ment, vous vous ferez moquer.

Choix que valide le Gre­visse (§ 779, c, 1°) :

Moquer « se moquer de », igno­ré par le dict. de l’A­cad. de 1694 à 1935, y a trou­vé légi­ti­me­ment sa place en 2003, car, après une longue éclipse (depuis le début du xviie s.), il est ren­tré en faveur dans la langue écrite : Cette iro­nie de son fils l’ap­pe­lant : Maître, cher maître… pour moquer ce titre (A. Dau­det, Immor­tel, I). — Elle les insul­tait, les moquait comme des démons désar­més (Bar­rès, Col­line insp., VII). — L’ac­tion moque la pen­sée (Gide, Inci­dences, p. 51). — Cette obs­cu­ri­té de sur­face intrigue ; on le moque (Coc­teau, Rap­pel à l’ordre, p. 268). — Il a défié, nar­gué, moqué les polices qui le pour­chas­saient (Raym. Aron, dans l’Ex­press, 18 févr. 1983).
Être moqué avait échap­pé à la désué­tude (§ 772, c, 3°) et a sans doute favo­ri­sé la résurgence. […]

Pour le Larousse comme pour le Wik­tion­naire, il s’a­git aus­si d’un usage littéraire.


  1. Je n’é­tais pas le seul. Voir le forum Fran­çais notre belle langue, 30 mars 2020. ↩︎

“Il en est certains qui…”, une forme classique

La construc­tion il en est certain(e)s qui semble, de nos jours, poser pro­blème à cer­tains cor­rec­teurs. Même Anti­dote bloque dessus.

C’est pour­tant une forme sou­te­nue, lit­té­raire, élégante.

Voi­ci ce qu’en dit l’Aca­dé­mie :

« Ser­vant au départ de com­plé­ment par­ti­tif, en est deve­nu un pro­nom d’appui pour les adjec­tifs numé­raux, les adverbes de quan­ti­té, les mots indé­fi­nis, les mots à sens néga­tif, les expres­sions dési­gnant une caté­go­rie pour­vue de telle ou telle qua­li­té. J’en veux un, cent. J’en connais beau­coup, peu. Il en est cer­tains qui… »

Quelques exemples :

« Il en est cer­taines [= des expres­sions], pas habi­tuelles, que tel sujet […], telle cir­cons­tance […] font affluer […] à la mémoire du cau­seur » (PROUST, Rech., t. III, p. 244).

« Tous les sen­ti­ments sont dans l’homme, mais il en est cer­tains pour­tant que l’on appelle exclu­si­ve­ment natu­rels, au lieu de les appe­ler sim­ple­ment plus fré­quents » (GIDE, Le Roi Can­daule, Pré­face, 2e éd.)

« Un essai, par défi­ni­tion, répond à des ques­tions d’actualité. Il en est cer­tains qui res­tent à jamais d’actualité » (En atten­dant Nadeau).

En l’absence d’antécédent, en désigne des personnes :

« […] dans le même temps, à gauche, il en est cer­tains qui espèrent écrire main­te­nant une nou­velle page… » (France Inter).

En peut être rem­pla­cé par un nom :

« Il est cer­tains esprits dont les sombres pen­sées
Sont d’un nuage épais tou­jours embar­ras­sées » (Boi­leau, L’Art poé­tique, chant 1).

« De même que les yeux habi­tués à ne voir que les cou­leurs douces sont bles­sés par le grand jour, de même il est cer­tains esprits aux­quels déplaisent les vio­lents contrastes » (BALZAC, Le Lys dans la val­lée, Pl., t. VIII, p. 942).

« En lit­té­ra­ture, en gas­tro­no­mie, il est cer­tains fruits qu’on mange à pleine bouche dont on a le gosier plein, et si suc­cu­lents que le jus vous entre jus­qu’au cœur » (FLAUBERT, Cor­res­pon­dance, 35, 11 oct. 1839).

« S’il est si dif­fi­cile d’ou­blier une femme auprès de laquelle on a trou­vé le bon­heur, c’est qu’il est cer­tains moments que l’i­ma­gi­na­tion ne peut se las­ser de repré­sen­ter et d’embellir » (STENDHAL, De l’a­mour, XXXIX bis).

« Il sait qu’il est cer­taines âmes qu’il n’emportera pas de vive lutte et qu’il importe de per­sua­der » (GIDE, Feuillets, in Jour­nal 1889-1939, Pl., p. 608).

Dans le même registre, voir l’article sur D’au­cuns dans la Vitrine lin­guis­tique.

Faut-il écrire “films culte” ou “films cultes” ?

Le site La Langue fran­çaise revient sur un cas inté­res­sant où l’usage s’oppose à la logique : celui du mot culte appo­sé à un autre nom — films culte(s), par exemple.

Selon l’Aca­dé­mie, on ne peut accor­der culte en nombre parce qu’« il est évident que les films ne sont pas des cultes, mais qu’ils font l’objet d’un culte ».

« Tou­te­fois, écrit La Langue fran­çaise, on note aujourd’hui que les prin­ci­paux dic­tion­naires acceptent les deux ver­sions avec ou sans accord : “des répliques culte” ou “des répliques cultes”, consi­dé­rant le mot “culte” comme un adjec­tif qua­li­fi­ca­tif (qui s’accorde en genre [sic] et en nombre). »

On pré­ci­se­ra cepen­dant que le Wik­tion­naire, sou­vent cité par La Langue fran­çaise, suit l’a­vis de l’A­ca­dé­mie : « sin­gu­lier et plu­riel iden­tiques ».

« Si on ana­lyse la fré­quence d’usage de l’accord ou non du mot “culte”, on remarque que l’accord au plu­riel (“films cultes”) pré­do­mine, à l’encontre des pré­co­ni­sa­tions de l’Académie », ajoute l’ar­ticle de La Langue fran­çaise, gra­phique à l’ap­pui.

C’est si vrai que culte est même employé comme adjec­tif attri­but : Cer­taines répliques de ce film sont deve­nues cultes, voire C’est culte. Usage que l’Aca­dé­mie qua­li­fie de « bar­ba­risme ».

Quand Hachette écrit « scènes cultes » et les Édi­tions Le Robert, « répliques cultes » (voir pho­tos), il est dif­fi­cile d’imposer l’invariabilité. Je note, d’ailleurs, qu’Antidote vient de me sug­gé­rer d’accorder culte avec répliques.

Pourquoi ? Parce que ! (et non “car”)

Un pas­sage d’un article de Libé­ra­tion, daté d’hier, me donne l’oc­ca­sion d’un point de grammaire.

Alors pour­quoi main­te­nant ? Pour­quoi ici ? Est-ce car le Nou­veau Front popu­laire y orga­ni­sait un apé­ro quelques heures plus tôt ? Est-ce car les artistes du soir ont réuni un public jeune et mar­qué à gauche ? »

Il s’agit là d’une construc­tion abu­sive (Gre­visse et Goosse, § 1090), mais de plus en plus fréquente.

La Vitrine lin­guis­tique explique : 

La plu­part du temps, car et parce que ne sont pas inter­chan­geables. En effet, car a géné­ra­le­ment une valeur plus sub­jec­tive que parce que : elle per­met d’énoncer une jus­ti­fi­ca­tion plu­tôt qu’une cause logique ou réelle.

Suzy est cer­tai­ne­ment bien rému­né­rée, car elle vient de s’acheter une mai­son et une voi­ture neuve. […]

Pierre a sur­vé­cu à l’incendie parce qu’il est sor­ti à temps de l’édifice. […]

Dans le pre­mier exemple, il ne peut s’agir que d’une jus­ti­fi­ca­tion, d’où l’emploi de car ; en effet, le fait de s’acheter une mai­son et une voi­ture neuve n’est pas la cause d’une bonne rému­né­ra­tion, mais bien sa consé­quence. Dans le deuxième exemple, parce que intro­duit bien la cause réelle.

Autre exemple, don­né par Hanse et Blam­pain (car) :

On dis­tingue : Le chat miaule parce qu’il a faim (cause) et Le chat a faim, car il miaule (on dit pour­quoi on est auto­ri­sé à décla­rer que le chat a faim ; on donne la preuve de ce qui est énon­cé, on n’exprime évi­dem­ment pas la cause : Le chat a faim).

Sur cette ques­tion, on peut lire aus­si le long article du blog Par­ler fran­çais.

NB — L’hé­si­ta­tion entre car et parce que n’est par nou­velle : Robert Le Bidois trai­tait déjà de cette ques­tion dans Le Monde en 1966.

Tou­jours dans la Vitrine lin­guis­tique, voir aus­si la dif­fé­rence entre parce que et puisque.

Les réfé­rences des ouvrages de Gre­visse et Goosse et de Hanse et Blam­pain sont don­nées dans La biblio­thèque du cor­rec­teur.

L’amour en majuscule, l’histoire en majuscule…

L’amour en majus­cule (Amour), au sin­gu­lier, ne doit pas être confon­du avec l’amour en majus­cules (AMOUR), au pluriel. 

On met la pre­mière lettre du mot amour en majus­cule, c’est-à-dire en carac­tère majus­cule (en typo­gra­phie) ou en écri­ture majus­cule (quand on écrit à la main). En lan­gage cou­rant, on le dit aus­si d’un mot entier, au sin­gu­lier ou au plu­riel, comme on dit en ita­lique1, même s’il fau­drait dire en (lettres) capi­tales2. (Le terme écri­ture capi­tale existe aus­si, mais est employé plus rare­ment3.) 

L’amour en majus­cule (par­fois écrit l’A­mour en majus­cule) est une expres­sion que l’on ren­contre occa­sion­nel­le­ment. Même Syl­vie Var­tan l’a chanté : 

Pour moi tu es l’a­mour au mas­cu­lin sin­gu­lier 
L’a­mour en majus­cule, au futur, au pas­sé4 

C’est l’é­qui­valent de l’a­mour avec un grand A

Une thèse consa­crée au roman­cier Paul Féval parle du « sceau de l’a­mour en majus­cule qui carac­té­rise ses romans5 ». Un article sur l’a­mour de Dante pour Béa­trice affirme : « Il s’agit de l’Amour en majus­cule, celui qui pousse à la vie6. » Une cri­tique de film relate que « Lub­na Aza­bal […] joue une femme “forte”, un roc qui s’effrite à cause de sa mala­die, mais qui résiste, por­té par un amour en majus­cule7. » 

“L’histoire avec sa grande hache”

On parle aus­si, plus fré­quem­ment, de l’h/Histoire en majus­cule (« l’his­toire avec sa grande hache », comme l’a écrit Georges Per­ec8).

Il n’y a pas que l’His­toire en majus­cule qui se répète, cela arrive aus­si dans l’his­toire des familles. Dans les deux cas, la répé­ti­tion se pimente de nuances, de menues modi­fi­ca­tions, ain­si tem­père-t-elle l’ef­fet de rabâ­chage. ― Syl­vie Ger­main9.

NB — Majus­cule est aus­si employé au figu­ré comme adjec­tif, au sens de « grand, impor­tant, consi­dé­rable, majeur » : Une colère majus­cule10. Un enjeu majus­cule11.


  1. « Nature et fonc­tion de l’i­ta­lique », Vitrine lin­guis­tique (OQLF). S.d. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  2. Voir l’ar­ticle « La dif­fé­rence entre capi­tales et majus­cules » de ma consœur Sophie Viguier. S.d. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  3. Voir « Écri­ture capi­tale », blog Les Essen­tiels de la BnF. ↩︎
  4. Chan­son « Mas­cu­lin sin­gu­lier », album Ta sor­cière bien-aimée, 1976. ↩︎
  5. Carole Ntsame Mve, L’art du feuille­ton dans les Habits Noirs de Paul Féval. Lit­té­ra­tures. Uni­ver­si­té Charles de Gaulle - Lille III, 2012. Fran­çais. NNT : 2012LIL30057. tel-01124081. ↩︎
  6. María Lucía Homen, « Dante et l’é­cri­ture de Béa­trice : Jouis­sance et lan­gage dans La Divine Comé­die », Ache­ron­ta, n° 10, décembre 1999 [en ligne]. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  7. « Le bleu du caf­tan », blog Coque­ci­grues et ima-nu-ages, 31 mars 2023. Consul­té le 5 juin 2024. ↩︎
  8. Dans W ou le sou­ve­nir d’en­fance, 1975. ↩︎
  9. Dans Magnus, frag­ment 15, 2005. ↩︎
  10. Voir le TLF. ↩︎
  11. Voir le Larousse. ↩︎

“Participer à” et “participer de”, quelle différence ?

Si vous êtes sen­sible à la gram­maire — je sup­pose que la plu­part de mes lec­teurs le sont —, sans doute avez-vous remar­qué, dans les jour­naux, à la radio ou à la télé­vi­sion, que cer­tains locu­teurs ou auteurs emploient sys­té­ma­ti­que­ment par­ti­ci­per de.

Ils semblent voir cette asso­cia­tion verbe + pré­po­si­tion comme l’é­qui­valent for­mel de par­ti­ci­per à. Or, c’est inexact : si par­ti­ci­per de relève bien de la langue soi­gnée ou lit­té­raire, les deux formes n’ont pas le même sens. L’Aca­dé­mie est formelle :

Le sens du verbe varie­ra […] selon qu’il sera sui­vi de la pré­po­si­tion à ou de la pré­po­si­tion de. Par­ti­ci­per à signi­fie « prendre part à une acti­vi­té don­née », alors que par­ti­ci­per de signi­fie « avoir une simi­li­tude de nature avec, rele­ver de ». On se gar­de­ra bien de confondre ces dif­fé­rents sens.

Voir aus­si l’article de la Vitrine lin­guis­tique.

Gens de théâtre et vraies gens

Pho­to 1, écran vu, hier soir à Metz, dans le spec­tacle Authen­tique de David Cas­tel­lo-Lopes (que je n’ai pas aimé, mais c’est un autre sujet). Dom­mage. Il y a pour­tant des humo­ristes qui connaissent la règle (ou qui ont un bon cor­rec­teur), comme Guillaume Meu­rice (pho­to 2).

La règle est la sui­vante (Dic­tion­naire de l’A­ca­dé­mie fran­çaise, s.v. gens) :

« […] lorsque gens est immé­dia­te­ment pré­cé­dé d’un adjec­tif pos­sé­dant une forme fémi­nine dis­tincte de celle du mas­cu­lin, cet adjec­tif s’accorde au fémi­nin ; cepen­dant, cet accord n’est pas éten­du aux autres élé­ments de la phrase, sauf pour les adjec­tifs tout et quel. Ins­truits par l’expérience, les vieilles gens sont soup­çon­neux. Toutes les vieilles gens ; tous les habiles gens. Quelles sottes gens ! »

DONC : De vraies gens.

MAIS :

« La règle ne s’applique pas lorsque gens est sui­vi d’un com­plé­ment intro­duit par de et dési­gnant une qua­li­té, une pro­fes­sion, un état ; dans ce cas, l’accord se fait tou­jours au mas­cu­lin. Les vrais gens de cœur. De nom­breux gens de lettres. »

Ain­si, on peut com­po­ser cette phrase mné­mo­tech­nique : Toutes les vraies gens ne sont pas bons. Seuls les vrais gens de cœur le sont tous.

J’ad­mets que c’est une dis­tinc­tion sub­tile (et appe­lée à disparaître).