Le verbe “(se) fiche”, un infinitif insolite

Laurent Chabin, auteur. © Sarah Scott
Laurent Cha­bin, auteur. © Sarah Scott.

« J’utilise sou­vent dans mes romans un verbe dont la forme à l’infinitif est tout à fait inha­bi­tuelle : se fiche. “Se fiche de ce qu’on en pense”, par exemple. Chaque fois que j’utilise ce verbe à l’infinitif, les révi­seurs me le cor­rigent en ajou­tant un r à la fin. Cor­rec­tion que je refuse tou­jours, arguant du fait que se fiche est bien un infi­ni­tif. Mais, inva­ria­ble­ment, la cor­rec­tion revient avec opi­niâ­tre­té au fil des révi­sions… et avec une non moindre opi­niâ­tre­té je la refuse.

Pour­tant, repor­tez-vous au Bes­che­relle (et au Robert, d’ailleurs) : se fiche y figure bel et bien, même si la forme se ficher, moins employée, est éga­le­ment donnée. »

— Laurent Cha­bin, auteur, sur le site Bes­che­relle.

L’Aca­dé­mie lui donne rai­son, de même que le Larousse.

Gre­visse explique (§ 835) : « Ficher, quand il sert d’équivalent euphé­mique, dans la langue fami­lière, au verbe tri­vial foutre, prend sou­vent une forme spé­ciale à l’infinitif et au par­ti­cipe pas­sé : fiche, fichu. »

Exemples (§ 806) : « Qu’est-ce que tu viens fiche ici ? (M. de Saint Pierre, Écri­vains, IV.) — Était-ce pour se fiche de moi ? (Mon­therl., Le chaos et la nuit, p. 39.) »

Pen­ser aus­si à envoyer quelqu’un se faire fiche, j’en ai rien à fiche ou encore se fiche dedans (se tromper). 

À rap­pro­cher d’un autre infi­ni­tif inso­lite, bien moins connu : courre, celui qui a don­né chasse à courre.

Source pho­to : Édi­tions Libre Expres­sion.