Nombre de correcteurs et correctrices se voient proposer par des clients potentiels un test gratuit censé valider leurs compétences avant que des missions leur soient confiées. Tester un candidat est admissible, mais pas lui envoyer vingt pages !
La pratique est douteuse et déjà ancienne.
Pour les années 1990, Pierre Lagrue et Silvio Matteucci1 racontaient déjà :
Recruter un pigiste au statut précaire ne nécessitait pas une multiplication d’entretiens et de tests de personnalité : on lui faisait corriger un texte pour vérifier ses compétences. Certaines maisons d’édition vont se servir de ce principe pour économiser honteusement un salaire. La manœuvre est simple : plusieurs candidats reçoivent chacun un fragment d’un livre complet à corriger ; une fois le travail rendu, il ne reste plus au responsable d’édition qu’à collationner les épreuves et signer le bon à tirer ; il indique alors à tous les postulants que leur compétence est insuffisante. Dans la réalité, le gros bouquin est corrigé à la perfection par cette association d’yeux aiguisés. Le tour de passe-passe est joué !
L’an dernier, encore, le syndicat CGT Correcteurs écrivait :
[…] des correcteurs et correctrices nous alertent sur les mauvaises pratiques de certaines maisons d’édition qui, dans le cadre d’un processus de recrutement, exigent des candidats qu’ils corrigent, en guise de test, plus de 100 000 signes de texte, en préparation de copie. Ce qui représente plus de douze heures de travail ! Le tout, non rémunéré.
Attention, donc, aux éditeurs qui abusent de la microentreprise, « ce fameux régime où les correcteurs sont pris pour des bananes » (comme l’ont résumé nos confrères du Monde.fr, en 2015).
- Dans La Corporation des correcteurs et le Livre (un abécédaire inattendu), L’Harmattan, 2017, p. 223. ↩︎