Points de suspension : pourquoi trois seulement ?

Couverture du roman "Aimez-vous Brahms..", de Françoise Sagan, Julliard, 1959.
Cou­ver­ture du roman Aimez-vous Brahms.., de Fran­çoise Sagan, Jul­liard, 1959.

Aujourd’hui, c’est une évi­dence : les points de sus­pen­sion ne vont que par trois. Il s’agit même d’un signe spé­cial, et non de trois points successifs. 

Mais il n’en a pas tou­jours été ainsi. 

« […] le nombre de points for­mant ce signe ne fut pas fixé d’emblée. En ces temps moins stan­dar­di­sés, il variait selon l’inspiration de l’auteur ou du typo­graphe, pou­vant aller jusqu’à six ou sept d’affilée. Il s’est sta­bi­li­sé à quatre, puis à trois au xxe siècle, dans un éla­gage conti­nu. » — Oli­vier Hou­dart et Syl­vie Prioul1

Dans la Marche typo­gra­phique de Jules Pin­sard (1907, p. 6), que j’ai récem­ment consul­tée à la biblio­thèque For­ney, j’ai encore trouvé : 

« Les Points de sus­pen­sion (…), (.….) ne s’emploient jamais qu’en nombre impair, trois ou cinq. »

À l’inverse, Jacques Drillon rap­pelle qu’en 1959 Fran­çoise Sagan avait deman­dé à son édi­teur, Jacques Jul­liard, deux points à son titre, Aimez-vous Brahms.. (pho­to ci-des­sus). « Mais sa consigne n’a pas été long­temps res­pec­tée : son édi­teur avait dû la trou­ver un peu pué­rile2. »

On trouve ce même double point dans la pre­mière édi­tion des Poèmes de Léon-Paul Fargue (1912). « Tout ça c’est des manies », aurait com­men­té André Gide, selon le récit qu’en donne Fargue dans une lettre à Vale­ry Lar­baud, citée par Drillon (p. 406).

"Poèmes" de Léon-Paul Fargue, éd. de la NRF, 1912, p. 23
Extrait des Poèmes de Léon-Paul Fargue, éd. de la NRF, 1912, p. 23.

  1. L’Art de la ponc­tua­tion, Points, 2016, p. 71. ↩︎
  2. Trai­té de la ponc­tua­tion fran­çaise, Gal­li­mard, 1991, p. 137. ↩︎