J’ai une nouvelle invitée ! Amélie Chastang, biographe et correctrice, m’a écrit à propos du roman Une relation dangereuse, de Douglas Kennedy, qu’elle venait de relire : elle avait redécouvert que l’héroïne y corrigeait des livres de musique, de cinéma et de beaux-arts. Autant qu’elle nous en fasse profiter. Je lui ai donc proposé de prendre la plume.

Auteur qu’on ne présente plus, Douglas Kennedy a écrit plus de trente livres, du roman au récit de voyage et à l’observation de son pays natal, les États-Unis. Je n’en citerai que quelques-uns comme L’Homme qui voulait vivre sa vie, Le Désarroi de Ned Allen ou À la poursuite du bonheur.
J’ai lu nombre de ses ouvrages et, si celui-ci était le deuxième de la liste, c’est qu’il est ancien : Une relation dangereuse. Alors qu’une bonne centaine de livres attendent patiemment dans ma bibliothèque que je les ouvre enfin, j’ai eu une envie irrépressible de le relire, vingt ans après ma découverte.
J’avais le souvenir d’un livre angoissant, poignant, palpitant, mais je n’avais pas tout gardé en mémoire. Aussi, quelle ne fut pas ma surprise de redécouvrir que Sally, la narratrice dont le mari lui a enlevé leur fils alors qu’elle souffrait d’une dépression post-partum aigüe, embrassait une carrière de correctrice pour une maison d’édition spécialisée dans les livres « techniques » de musique, de cinéma et d’autres arts.
Un rythme soutenu
Si je me suis demandé comment elle pouvait tenir un tel rythme, rester concentrée en relisant « trois pages par heure, deux fois quatre heures avec une pause de trente minutes au milieu » – la masse à corriger est exprimée en nombre de pages plutôt qu’en signes espaces comprises, sans doute pour ne pas emmêler le lecteur –, l’évocation du métier m’a semblé très juste.
La question de la cadence à tenir pour respecter des délais courts – Sally doit passer en revue plus de 1 500 pages pour son premier contrat en free-lance – est abordée, tout comme le souci du respect « des particularités de la langue anglaise telle qu’elle est pratiquée en Grande-Bretagne » ainsi que la spécificité technique du guide, qui nécessite une connaissance des codes appliqués dans les catalogues. Bien entendu, en France, nous connaissons les mêmes contraintes de respect de chartes, du langage souhaité par l’auteur, voire des régionalismes.
“J’apprends plein de choses”
Ce que j’ai trouvé amusant – au milieu de la situation ubuesque, effrayante que lui fait subir son mari –, c’est la réflexion de sa sœur, réflexion qui, il faut bien le dire, doit traverser l’esprit de nos proches : « Ça doit te rendre folle de relire mot par mot tout ce fourbi de musicologues […]. » Et elle de répondre : « Non, ça me plaît, je dois dire. Parce que j’apprends plein de choses […]. » De quoi rassasier sa curiosité de journaliste.
Douglas Kennedy glisse ici un précieux rappel : la lecture que nous pratiquons en tant que correcteur est en tout point différente de la lecture de loisir. Mais elle nous permet de renforcer notre culture générale ou de réformer nos idées.
La description du métier pratiqué par Sally, qui a intégré la maison d’édition sur recommandation, n’apparaît qu’en page 464 de ma vieille version France Loisirs, qui en compte 596 ; elle n’est donc pas centrale dans l’intrigue, mais je laisse quelques surprises à celles et ceux qui voudraient entamer la lecture de ce page-turner dont on ne sort pas indemne.
Douglas Kennedy, Une relation dangereuse, trad. par Bernard Cohen, éd. Belfond, 2003, 405 p. ; Pocket, 2005 [plusieurs rééd.], 533 p.