Le correcteur dans “Le Petit Retz de l’expression écrite”

"Le Petit Retz de l’expression écrite", de Michèle Zacharia (Paris, éd. Retz, 1987.
Le Petit Retz de l’expression écrite, de Michèle Zacha­ria (Paris, éd. Retz, 1987).

Ma der­nière trou­vaille d’oc­ca­sion est Le Petit Retz de l’expression écrite, de Michèle Zacha­ria (Paris, éd. Retz, 1987 ; la cou­ver­ture porte en sous-titre : « de la rhé­to­rique à la lisibilité »).

En 200 articles clas­sés par ordre alpha­bé­tique, de abré­via­tion à Zipf (lin­guiste, 1902-1950), ce livre de poche facile d’ac­cès ras­semble ce que — du point de vue de l’agrégée de lettres qui a signé l’ou­vrage1 — tout appren­ti auteur doit savoir, en théo­rie comme en pratique.

On y lit notam­ment, à pro­pos du code typo­gra­phique (p. 26), que son « objet […] est d’unifier les conven­tions de[s] mises au point2, afin, notam­ment, de faci­li­ter la tâche des lecteurs ».

Ces révi­sions se révèlent utiles pour cor­ri­ger l’inexpérience — ou l’étourderie3 de l’auteur — mais néfastes lorsque cer­tains cor­rec­teurs pré­tendent impo­ser leurs règles à des auteurs qui — consciem­ment — en appliquent d’autres. Qu’on pense par exemple à Céline, récrit par le code typo­gra­phique !
Face aux ini­tia­tives des cor­rec­teurs, l’auteur doit donc se com­por­ter avec autant d’humilité et de recon­nais­sance que de fermeté.

À l’en­trée cor­rec­tion (p. 32), il est sur­tout ques­tion de celle effec­tuée par l’au­teur (à qui le livre s’adresse) :

[…] plus le manus­crit […] est soi­gné, […] moins « l’épreuve » reçoit de cor­rec­tions de ceux dont le métier est de cor­ri­ger. Quand son manus­crit revient entre les mains de l’auteur sous forme d’épreuve, il lui faut limi­ter les cor­rec­tions au mini­mum indis­pen­sable (fautes d’orthographe, inexac­ti­tudes…). Il est vrai qu’un texte peut être indé­fi­ni­ment rema­nié, « cor­ri­gé ». Mais il faut, à un moment don­né, accep­ter qu’il se détache de soi. Pour cor­ri­ger, il faut être per­fec­tion­niste avant, mais réa­liste après. [Cela s’ap­plique aus­si au cor­rec­teur : dans un cir­cuit clas­sique, sur épreuve, il aura moins de lati­tude pour inter­ve­nir que lors de la pré­pa­ra­tion de la copie.]

On y trouve encore le mot lamar­ti­nisme (p. 74), pour­tant peu cou­rant. L’ar­ticle explique que 

[c]ertaines […] phrases [de ce cher Alphonse] étaient si longues et si com­plexes dans leurs struc­tures que le verbe — en fin de phrase — ne s’accordait pas avec le sujet, au début de la phrase. Et ni l’auteur, qui — on peut le sup­po­ser — se reli­sait4, ni les met­teurs au point et cor­rec­teurs de la pre­mière édi­tion n’ont déce­lé cette faute. D’où le nom de « lamar­ti­nisme » pour ce type d’incorrection grammaticale.

Un « écran lin­guis­tique » entre le sujet et le verbe fai­sait perdre le fil du dis­cours, pro­vo­quant la double étour­de­rie de l’au­teur et du correcteur.

N.B. — Ce der­nier article, comme l’en­trée cor­rec­tion et d’autres, est signé « F.R. ». On y recon­naît les ini­tiales de Fran­çois Richau­deau (1920-2012), fon­da­teur des édi­tions Retz5 et, en leur sein, de la revue Com­mu­ni­ca­tion et lan­gages. Il mena des recherches sur la lisi­bi­li­té qui lui ins­pi­rèrent des ouvrages sur la lec­ture rapide et la com­mu­ni­ca­tion écrite effi­cace. Sa somme sur La Chose impri­mée (1977) est un clas­sique de l’his­toire tech­nique de l’im­pri­me­rie. J’ai déjà cité sa réédi­tion de 1999 dans « Ce que la PAO a chan­gé au métier de cor­rec­teur ».


  1. Michèle Zacha­ria a ensei­gné l’ex­pres­sion écrite, orale et audio­vi­suelle à l’IUT de Paris, de 1970 à 2003. Voir sa fiche sur le site des édi­tions Retz. ↩︎
  2. Un cor­rec­teur par­le­rait plus cou­ram­ment de pré­pa­ra­tion de la copie. Le terme est men­tion­né dans l’ou­vrage. ↩︎
  3. L’er­reur de pla­ce­ment du tiret fer­mant en consti­tue un bel exemple. ↩︎
  4. N’ou­blions pas Eli­sa de Lamar­tine, qui s’est usé la san­té à cor­ri­ger les épreuves de son mari. Voir mon article. ↩︎
  5. Voir aus­si sa fiche sur le site des édi­tions Retz. ↩︎