“Il en est certains qui…”, une forme classique

La construc­tion il en est certain(e)s qui semble, de nos jours, poser pro­blème à cer­tains cor­rec­teurs. Même Anti­dote bloque dessus.

C’est pour­tant une forme sou­te­nue, lit­té­raire, élégante.

Voi­ci ce qu’en dit l’Aca­dé­mie :

« Ser­vant au départ de com­plé­ment par­ti­tif, en est deve­nu un pro­nom d’appui pour les adjec­tifs numé­raux, les adverbes de quan­ti­té, les mots indé­fi­nis, les mots à sens néga­tif, les expres­sions dési­gnant une caté­go­rie pour­vue de telle ou telle qua­li­té. J’en veux un, cent. J’en connais beau­coup, peu. Il en est cer­tains qui… »

Quelques exemples :

« Il en est cer­taines [= des expres­sions], pas habi­tuelles, que tel sujet […], telle cir­cons­tance […] font affluer […] à la mémoire du cau­seur » (PROUST, Rech., t. III, p. 244).

« Tous les sen­ti­ments sont dans l’homme, mais il en est cer­tains pour­tant que l’on appelle exclu­si­ve­ment natu­rels, au lieu de les appe­ler sim­ple­ment plus fré­quents » (GIDE, Le Roi Can­daule, Pré­face, 2e éd.)

« Un essai, par défi­ni­tion, répond à des ques­tions d’actualité. Il en est cer­tains qui res­tent à jamais d’actualité » (En atten­dant Nadeau).

En l’absence d’antécédent, en désigne des personnes :

« […] dans le même temps, à gauche, il en est cer­tains qui espèrent écrire main­te­nant une nou­velle page… » (France Inter).

En peut être rem­pla­cé par un nom :

« Il est cer­tains esprits dont les sombres pen­sées
Sont d’un nuage épais tou­jours embar­ras­sées » (Boi­leau, L’Art poé­tique, chant 1).

« De même que les yeux habi­tués à ne voir que les cou­leurs douces sont bles­sés par le grand jour, de même il est cer­tains esprits aux­quels déplaisent les vio­lents contrastes » (BALZAC, Le Lys dans la val­lée, Pl., t. VIII, p. 942).

« En lit­té­ra­ture, en gas­tro­no­mie, il est cer­tains fruits qu’on mange à pleine bouche dont on a le gosier plein, et si suc­cu­lents que le jus vous entre jus­qu’au cœur » (FLAUBERT, Cor­res­pon­dance, 35, 11 oct. 1839).

« S’il est si dif­fi­cile d’ou­blier une femme auprès de laquelle on a trou­vé le bon­heur, c’est qu’il est cer­tains moments que l’i­ma­gi­na­tion ne peut se las­ser de repré­sen­ter et d’embellir » (STENDHAL, De l’a­mour, XXXIX bis).

« Il sait qu’il est cer­taines âmes qu’il n’emportera pas de vive lutte et qu’il importe de per­sua­der » (GIDE, Feuillets, in Jour­nal 1889-1939, Pl., p. 608).

Dans le même registre, voir l’article sur D’au­cuns dans la Vitrine lin­guis­tique.