“Comment écrire”, par Pierre Assouline

Pierre Assouline, "Comment écrire", Albin Michel, 2024

Dehors, une cou­ver­ture bronze métal­li­sé, satu­rée de noms d’écrivains ; dedans, une encre brune sur un papier crème, une maquette élé­gante, agré­men­tée de por­traits d’écrivains, de feuillets manus­crits ratu­rés, de cou­ver­tures de livres et de cita­tions en exergue. 

Le livre est joli­ment dédié « à mon ami Pierre Lemaitre, qui n’en aura pas besoin » ain­si qu’à Laurent Greilsamer. 

« Ce livre ne vous ren­dra pas écri­vain », pré­vient l’avant-propos. Il « vous aider[a] seule­ment à écrire si vous avez en vous le désir, la capa­ci­té, la dis­po­si­tion, le coup de men­ton néces­saires. Car on ne naît pas écri­vain ; on le devient. »

L’originalité de ce livre par rap­port à tant d’autres, c’est qu’il « est consti­tué de conseils tirés de cen­taines d’interviews d’écrivains à tra­vers le monde, ou de leurs propres textes, éclai­rant leurs tech­niques, leurs méthodes — ou leur absence de méthode —, leurs échecs, leurs trucs et astuces… »

Se suc­cèdent ain­si la méthode, le plan, le genre, le mode de nar­ra­tion, le style, les per­son­nages, les dia­logues, les des­crip­tions, la révi­sion et la cor­rec­tion, le titre et la fin du texte.

Pierre Assou­line, qui « n’oublie jamais le cor­rec­teur », comme je l’ai déjà écrit, nous men­tionne dans le cha­pitre 9 : 

On dit par­fois que le talent va dans le pre­mier jet et l’art dans les ver­sions ulté­rieures. Que dire alors du stade de la cor­rec­tion ? On dit sou­vent qu’il y a des cor­rec­teurs pour cela. Ce n’est pas une rai­son pour se repo­ser entiè­re­ment sur eux. Plus le manus­crit qui leur est remis est « propre », mieux c’est même s’il est évident qu’ils auront tou­jours à inter­ve­nir, c’est-à-dire à vous sou­mettre leurs rele­vés d’impropriétés, de bar­ba­rismes, de fautes d’accord et d’orthographe, de coquilles, d’inepties, d’incohérences, d’erreurs his­to­riques, d’incompréhensions, de contra­dic­tions, d’oublis… Il y faut non seule­ment une pro­fonde connais­sance de la langue et de la syn­taxe, mais un œil de lynx. Ils pro­posent, l’auteur dispose.

Dans le même cha­pitre, il cite le regret­té Jacques Drillon : « La ponc­tua­tion appar­tient à celui qui se relit. » Il raconte que Sime­non1 impo­sa à son édi­teur de jeter les épreuves des Anneaux de Bicêtre et d’en faire tirer d’autres parce qu’une vir­gule avait été dépla­cée dans la der­nière phrase : « Un jour, il ira voir son père, avec Lina. »

Il jus­ti­fia ain­si sa réac­tion : sans vir­gule avant Lina, ils vont à Fécamp natu­rel­le­ment et l’histoire finit bien ; avec vir­gule, ils y vont éga­le­ment, mais on com­prend qu’il y a un pro­blème et l’histoire finit mal. »

Voi­là de quoi inci­ter un « père la vir­gule » à la modestie ! 

Écri­vain et jour­na­liste, Pierre Assou­line enseigne l’écriture à Sciences Po depuis 1998. 

Pierre Assou­line, Comme écrire, Albin Michel, 2024, 336 pages.


  1. Lire aus­si Georges Sime­non et ses cor­rec­teurs. ↩︎