Le retour en grâce de l’emploi transitif du verbe moquer me surprenait depuis quelque temps et j’avais tendance à y voir une influence de l’anglais1. J’ai enfin pris le temps de l’étudier.
Le Grand Robert fait le même constat :
REM. Cet emploi transitif n’est pas signalé par l’Académie (8e éd., 1935). Littré notait, au siècle dernier : « On ne dit pas moquer qqn ; mais on dit être moqué par qqn. L’ancienne langue employait régulièrement l’actif ». De nos jours, on constate, dans la langue littéraire du moins, un retour à l’ancien usage.
Dans sa 9e édition, le Dictionnaire de l’Académie lui redonne toute sa place :
I. Verbe transitif.
Railler, tourner en dérision, en ridicule, rire de. Moquer un camarade. Moquer une institution, une tradition. Il a été cruellement moqué. Si vous en usez comme cela, vous vous ferez moquer de vous ou, simplement, vous vous ferez moquer.
Choix que valide le Grevisse (§ 779, c, 1°) :
Moquer « se moquer de », ignoré par le dict. de l’Acad. de 1694 à 1935, y a trouvé légitimement sa place en 2003, car, après une longue éclipse (depuis le début du xviie s.), il est rentré en faveur dans la langue écrite : Cette ironie de son fils l’appelant : Maître, cher maître… pour moquer ce titre (A. Daudet, Immortel, I). — Elle les insultait, les moquait comme des démons désarmés (Barrès, Colline insp., VII). — L’action moque la pensée (Gide, Incidences, p. 51). — Cette obscurité de surface intrigue ; on le moque (Cocteau, Rappel à l’ordre, p. 268). — Il a défié, nargué, moqué les polices qui le pourchassaient (Raym. Aron, dans l’Express, 18 févr. 1983).
Être moqué avait échappé à la désuétude (§ 772, c, 3°) et a sans doute favorisé la résurgence. […]
Pour le Larousse comme pour le Wiktionnaire, il s’agit aussi d’un usage littéraire.
- Je n’étais pas le seul. Voir le forum Français notre belle langue, 30 mars 2020. ↩︎