De quand date le premier “Code typographique” ?

Le plus ancien manuel du cor­rec­teur, Ortho­ty­po­gra­phia, date de 1608. Je lui ai consa­cré un de mes tout pre­miers articles.

Mais à quand remonte le Code typo­gra­phique — ce « choix de règles » pro­po­sé par l’Amicale des direc­teurs, protes et cor­rec­teurs d’imprimerie de France, dans l’espoir de mettre tout le monde d’accord ?

Tout dépend de qui vous lisez. Sui­vons la chronologie.

1943 — René Billoux écrit qu’il a paru en 1924, après deux ans de tra­vaux (dans son Ency­clo­pé­die chro­no­lo­gique des arts gra­phiques). Ces infor­ma­tions seront reprises en 1993 dans l’encyclopédie Les Sciences de l’écrit (dir. Robert Estivals).

1965 — Pierre Lecerf affirme qu’il a paru en juillet 1926 (aver­tis­se­ment à la 8e édi­tion, repu­blié dans la suivante).

1986 — Serge Asla­noff reprend la date don­née par Pierre Lecerf (Manuel typo­gra­phique du rus­siste). 

1997 — Robert Acker donne, lui, la date de 1946 (pré­face à la « 17e édi­tion » — qui est sans doute la dix-huitième).

1998 — Fran­çois Richau­deau date la pre­mière édi­tion de 1928 (article « Pour un nou­veau code typo­gra­phique simplifié »).

1999 — Cor­ri­geant Richau­deau et Robert Acker, Jean Méron répète la date de 1926, en se réfé­rant à Asla­noff, et donc à Lecerf (article « Le code typo : Pour qui ? Pour quoi faire ? »). 

Les dates de 1924, 1926 et 1946 sont fausses. C’est Richau­deau qui avait raison.

Grâce aux col­lec­tions de la biblio­thèque For­ney, j’ai pu remon­ter aux sources.

Après une pre­mière ten­ta­tive avor­tée en 1908, une nou­velle com­mis­sion de rédac­tion du code typo­gra­phique est consti­tuée en février 1925. En 1926, elle est encore en plein travail.

En juin, Émile Ver­let, qui pré­side la com­mis­sion, déclare en effet : « Il reste […] envi­ron la moi­tié du tra­vail, les trois quarts si l’on consi­dère la mise au point défi­ni­tive après dépouille­ment des réponses par­ve­nues. Encore un peu de patience1… »

En novembre, Eugène Gre­net, pré­sident de l’Amicale, insiste pour que le code soit impri­mé en 1927, avant le congrès de Tou­louse2. Ver­let, son vice-pré­sident, a bon espoir d’y par­ve­nir, mais ce ne sera pas le cas.

Le Code typo­gra­phique ne sera impri­mé qu’en mai 1928, par Gabriel Del­mas, à Bor­deaux. En août, Émile Ver­let fête­ra ses trois années d’ef­forts par un poème.

Je ne m’explique pas que René Billoux, qui repré­sen­tait la sec­tion de Chartres de l’Amicale auprès de la com­mis­sion3, ait pu se trom­per sur la date, sur­tout si près de l’évènement. Pas plus que je ne m’explique les élu­cu­bra­tions de Pierre Lecerf et de Robert Acker. 

Je consacre une par­tie de mes recherches actuelles à l’histoire de ce pre­mier code typo, dans l’espoir de retra­cer bien­tôt les trois décen­nies qui se sont écou­lées depuis la créa­tion de l’Amicale en 1897.


  1. Cir­cu­laire des protes, n° 310, juin 1926, p. 108. ↩︎
  2. Cir­cu­laire des protes, n° 315, novembre 1926, p. 219. ↩︎
  3. Liste des membres de la com­mis­sion dans l’a­ver­tis­se­ment à la pre­mière édi­tion, par Émile Ver­let. ↩︎