Plutôt que d’écrire les dix commandements du correcteur, j’ai préféré brosser son portrait en dix points. Il y a évidemment une part de subjectivité dans l’énoncé de ces critères. Pour la modérer, j’ai demandé à deux confrères de les relire : ils les ont validés en l’état. L’un d’eux m’a suggéré le dernier point.
Un bon correcteur aime lire.
Il a toujours beaucoup lu et continue à le faire. Tout lui est profitable : littérature classique et contemporaine, presse écrite, sites Web, etc. Mais il apprend aussi en écoutant (l’interview d’un écrivain sur France Culture comme une conversation dans le bus). Une langue se parle avant de s’écrire.
Un bon correcteur aime les mots.
Il dispose d’un vaste vocabulaire et l’étend sans cesse. Les mots sont pour lui des trésors ; il les collectionne. Les dictionnaires sont ses fidèles compagnons.
Un bon correcteur aime la grammaire.
Ce que les autres détestent, il adore. La grammaire, ce sont les règles du jeu qu’il pratique chaque jour. Il les connaît — du moins, il sait où les trouver — mais il sait aussi qu’elles ont évolué au fil de l’histoire et que nombre de nos meilleurs auteurs les ont transgressées. L’éditeur doit pouvoir se reposer sur sa compétence en la matière. S’il corrige, il peut expliquer pourquoi.
Un bon correcteur aime sa langue et le langage.
Du français écrit le plus soigné au français oral le plus actuel, toute production linguistique l’intéresse. Même s’il a sa propre vision d’un français idéal, il ne l’impose pas ; il sait que la langue évoluera, avec ou sans lui. Entre les arguments des puristes et ceux des linguistes, il règle sa balance.
Un bon correcteur a un œil de lynx.
Il n’a plus, comme autrefois, à chasser les lettres inversées ou abîmées, mais il fait toujours la différence entre une apostrophe droite et une apostrophe typographique, entre trois points successifs et de vrais points de suspension (signe unique), etc. Un beau gris typographique fait son bonheur.
Un bon correcteur est cultivé et curieux.
Il en sait déjà beaucoup, mais n’en saura jamais assez. Tout l’intéresse. Actualité, histoire, sciences, arts… c’est infini.
Un bon correcteur sait écrire.
Il peut remanier une phrase ou un paragraphe. Syntaxe et rhétorique lui sont familières. Il est sensible au style. Idéalement, il écrit lui-même (journal intime, blog, etc.) et connaît donc intimement l’importance du choix d’un mot ou de la place d’une virgule.
Un bon correcteur reste modeste.
Après son intervention, le texte est discrètement amélioré, mais jamais il n’oublie qu’il n’en est pas l’auteur. Par l’intermédiaire de l’éditeur, il est au service de l’auteur et de son texte.
Un bon correcteur doute beaucoup… mais se soigne.
N’ayant jamais le temps de « tout vérifier » (simplification abusive), il pratique un doute raisonnable. Sa connaissance de la langue et sa culture générale lui permettent de se concentrer sur ce qu’il ne sait pas.
Un bon correcteur connaît la chaîne éditoriale.
Quel que soit son domaine d’intervention (presse, édition, communication), il sait quels métiers sont mis en œuvre avant et après lui, et il peut dialoguer en bonne intelligence avec les autres intervenants.