Si les portraits, littéraires ou iconographiques, de correcteurs sont rares, les images de leurs locaux de travail le sont plus encore. Aussi suis-je très heureux d’avoir trouvé cette gravure, qui figure l’atelier de correction chez Paul Dupont, à Clichy (Hauts-de-Seine), 12, rue du Bac-d’Asnières, en 1867.
L’imprimerie connaîtra son apogée dans l’entre-deux guerres avec plus de 1 200 employés. Elle fermera ses portes à la fin des années 1980 (différentes dates sont mentionnées).
Paul Dupont écrit :
« […] nous allons pénétrer dans ces cellules silencieuses que l’on a placées aussi loin que possible du bruit des ateliers. Ceux qui les habitent remplissent une fonction bien difficile, bien pénible, et cependant peu appréciée de ceux mêmes à qui leur concours est indispensable ; car les auteurs et les compositeurs ne leur épargnent ni les plaintes ni les reproches, et les rendent trop souvent responsables de leurs propres méfaits. Entrons dans ces chambres de torture qu’on appelle bureaux des correcteurs.
[…] ces retraites studieuses ne vous font-elles pas […] songer à celles où s’écoulait la vie de ces hommes qui, renfermés au fond des cloîtres, étaient seuls, autrefois, en possession de la science et de la littérature ? »
Quelles informations en tirer ?
La scène est éclairée par la droite : on suppose une fenêtre hors champ. Un commis ou un apprenti entre en apportant une épreuve. Les correcteurs travaillent en blouse et portent, pour certains, une calotte.
Au centre, deux auteurs attablés, en redingote, dont l’un discute avec un autre homme en blouse, peut-être le prote (ou chef d’atelier). Tout à droite, près de la pendule, un autre auteur, debout devant la fenêtre, vérifie son texte. Les imposantes bibliothèques de gauche ressemblent à une réserve d’ouvrages imprimés, destinés à la vente ou à l’expédition. Dans celle de droite, je devine plutôt des archives de l’atelier, éventuellement quelques dictionnaires, même si leur présence est alors loin d’être systématique dans les ateliers. Noter enfin que ces messieurs écrivent encore à la plume d’oie trempée dans un encrier (ces outils n’ont disparu qu’à la fin du xixe siècle). Je ne sais pas pourquoi seuls certains correcteurs disposent d’un pupitre incliné.
C’est, à ce jour, mon interprétation de l’image. Je suis ouvert à d’autres suggestions.
Paul Dupont, Une imprimerie en 1867, Paris, Paul Dupont, p. 47, 49 et 58.
☞ Sur des conditions de travail beaucoup moins agréables, lire Témoignage de M. Dutripon, correcteur d’épreuves, 1861.