Je vais pouvoir ajouter un nom à mon petit dico des correcteurs et correctrices : l’ancien ministre de l’Environnement Brice Lalonde. Il raconte cette expérience dans Sur la vague verte, paru en 1981.
Après Mai 68, il quitte la Sorbonne, où il a étudié les lettres classiques, pour entrer dans la vie active. Il est notamment emballeur dans une petite imprimerie, puis monteur de pare-chocs chez Citroën. Ensuite :
« J’ai aussi travaillé dans une grande imprimerie de la région parisienne. J’étais O.S., également à la fin du processus. Il fallait empiler la marchandise sur des palettes, la cercler de fer, prendre le tire-pal et charger des camions sur le quai. Là, on était prêt à m’embaucher définitivement : “Petit gars, si tu veux rester, on t’embauche…” La condition en fait, pour rester à l’imprimerie était d’être syndiqué. Il y avait presque un monopole d’embauche, le syndicat décidait. Le délégué du personnel arrivait à l’heure qui lui plaisait. Le privilège, quoi ! Une grande camaraderie régnait entre nous, du genre équipe de football, avec un zeste de chauvinisme. […] » (P. 134-135.)
« Je me sentais tellement bien que je me suis demandé comment rester dans la même branche. J’ai découvert un métier que j’allais ensuite exercer pendant longtemps. Je suis devenu correcteur, membre de la famille du Livre […]. Je suis toujours membre du Syndicat des correcteurs, syndicat d’ailleurs totalement atypique de la C.G.T., puisqu’il est antinucléaire, plus ou moins libertaire. C’est le milieu de l’imprimerie, le milieu de la presse. Les ouvriers du Livre aiment la belle ouvrage et ne s’en laissent pas conter. Ils ont le sentiment que l’on n’est pas là pour se faire emm…, enfin excusez-moi. Ils font leur boulot professionnellement mais sont là aussi pour… jouir de la vie. Comment tout le monde. » (P. 136.)
« […] j’utilisais là mes études littéraires. Je suis d’ailleurs devenu très vite réviseur, celui qui corrige en dernier, ou préparateur de copie, celui qui corrige non seulement la forme, mais le fond des manuscrits. J’ai beaucoup travaillé dans les encyclopédies et les dictionnaires. Et ce travail de correcteur m’a conduit petit à petit à être journaliste. Lorsque Alain Hervé, le fondateur des Amis de la terre en France, a lancé le journal Le Sauvage [1973], il a très normalement fait appel à moi qu’il connaissait dans l’association pour l’aider à faire de la correction et de la rédaction. » (P. 137-138.)
Brice Lalonde, Sur la vague verte, Robert Laffont, 1981, 268 p.